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18/02/2015 | FRANCE | N°13/05088

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1, 18 février 2015, 13/05088


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1



ARRÊT DU 18 FÉVRIER 2015

(n° 54 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05088



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 11/17524



APPELANTE



Madame [T] [P] épouse [J]

[Adresse 2]

[Localité 2]



représentée par Me Jérôme WATRELOT, av

ocat au barreau de PARIS, toque : K0100, substitué par Me Jean GERARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K 100



INTIMÉE



Madame [Q] [W]

[Adresse 1]

[Localité 1]



comparante en perso...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1

ARRÊT DU 18 FÉVRIER 2015

(n° 54 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05088

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 11/17524

APPELANTE

Madame [T] [P] épouse [J]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Jérôme WATRELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100, substitué par Me Jean GERARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K 100

INTIMÉE

Madame [Q] [W]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Stéphane BEURTHERET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0088

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Irène CARBONNIER, Présidente

Madame Véronique SLOVE, Conseillère

Madame Isabelle DELAQUYS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laetitia LE COQ, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, conformément à l'avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme CARBONNIER, Présidente, et par Mme Ingrid JOHANSSON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu le 25 février 2013 par le conseil de prud'hommes de Paris qui a débouté Mme [T] [J] de sa demande tendant à voir juger que sa prise d'acte de rupture du contrat de travail qui la liait à [Q] [W], doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et a rejeté l'ensemble de ses demandes indemnitaires y compris celles en rappels de salaires et congés payés ;

Vu l'appel interjeté par Mme [J] et ses conclusions développées à l'audience par lesquelles, elle réitère sa demande de voir dire que sa prise d'acte s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de voir condamner Mme [Q] [W] à lui verser diverses sommes au titre de :

- rappel de congés payés : 1 915,46 euros brut outre 191,54 euros bruts de congés payés afférents

- rappel de salaires au titre de l'arrêt maladie de février 2011 : 288 euros outre 28,80 euros bruts de congés payés afférents

- heures supplémentaires sur les années 2009, 2010 et 2011: 6 565.90 euros et 656.59 euros brut congés payés afférents

- repos compensateur légal liés à ces heures supplémentaires : 672,88 euros, outre 67,28 euros de congés payés afférents,

- indemnité pour travail dissimulé en raison des heures supplémentaires effectuées : 24 900 euros net

- indemnité compensatrice de préavis : 12 450 euros et 1.245 euros de congés payés afférents

- indemnité de licenciement : 1.798,33 euros

- dommages et intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse : 35 523 euros net ;

- dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de harcèlement : 8 000 euros net ;

- dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de visite médicale d'embauche

et périodique : 1 000 euros net ;

- article 700 code de procédure civile : 6 000 euros.

Vu les conclusions de Mme [Q] [W] aux fins de voir confirmer le jugement entrepris, débouter la salariée de toutes ses demandes et d'obtenir sa condamnation à titre reconventionnel à lui payer la somme 12.450 euros à titre d'indemnité correspondant au préavis non exécuté et celle de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, mais lui donner acte qu'elle reconnaît devoir à [T] [J] la somme de 319,23 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés ;

Considérant que, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 5 janvier 2009, Melle [T] [P], devenue depuis lors Mme [J], a été engagée au sein du cabinet d'expertise -comptable et commissariat aux comptes de Mme [Q] [W], en qualité de chef de mission, personnel itinérant autonome, statut cadre, position N3, coefficient 330 pour une rémunération annuelle forfaitaire brute de 45.000 euros ; que par document parallèle, Mme [W] s'est engagée en qualité de maître de stage, à respecter les obligations liées au stage d'expertise comptable de Mme [J], sur trois années, le stage ayant débouté le 1er septembre 2008 ; que la convention collective applicable était celle des experts comptables ;

Considérant que, par courrier en date du 11 mars 2011, [T] [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, aux motifs :

- de la démission des fonctions de maître de stage de Mme [W] lui interdisant de poursuivre sa formation et de valider son stage d'expertise comptable d'une durée de trois ans

- du changement d'attitude de cette dernière à la suite de l'annonce de sa grossesse, avec notamment une multiplication des mesures de pression et d'intimidation,

- des modifications apportées dans l'exercice de ses fonctions ;

Considérant que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail à durée indéterminée pour des faits qu'il reproche à son employeur, il lui appartient de rapporter la preuve de ses allégations, à défaut de quoi la rupture produit les effets d'une démission ; qu' il incombe au juge de vérifier si les faits invoqués par ce salarié sont ou non constitutifs d'une faute grave qui seule permet de rompre le contrat avant l'échéance de son terme ;

Considérant s'agissant du premier grief lié à l'arrêt du stage de formation aux fonctions d'expert comptable, qu'il est établi par le courrier envoyé le 15 février 2011 par Mme [W] à l'ordre des experts comptables de la région Paris Ile de France, que celle ci a indiqué souhaiter 'mettre fin à (ses) fonctions de maître de stage de Mme [T] [J] ', après avoir été ' informée le 7 février dernier de sa grossesse et de sa date d'accouchement prévue le 24 septembre prochain' ; qu'au motif de 'la réorganisation de son planning au mieux, pour tenir compte des absences programmées de sa salariée', et souhaitant 'disposer de toutes les ressources de travail pour respecter les engagements vis à vis des clients', elle a informé l'ordre que ses fonctions de maître de stage avaient cessé au 18 décembre 2010, date du départ en congés de sa salariée pour trois semaines ;

Considérant que, contrairement à ce que tente de démontrer Mme [W], les termes de ce courrier établissent que celle-ci a, de manière unilatérale, mis un terme au stage de 3 ans de Mme [J] ; que ce désengagement brutal, sans concertation préalable, était de nature à faire grief à sa salariée, celui-ci intervenant à quelque mois du terme du stage obligatoire pour permettre de passer l'examen d'aptitude aux fonctions d'expert comptable; qu'elle plaçait ainsi cette salariée stagiaire dans une situation de risque d'échec à l'examen, faute de lui permettre de valider son stage et l'installer dans une situation professionnelle délicate, ce stage étant en liaison étroite avec le contrat de travail ; qu'en outre, le seul motif tiré de l'état de grossesse de la salariée comme justification de cet arrêt de formation, en raison de futures absences, longues ou brèves, prévues ou imprévues, était sans fondement, le congé maternité devant intervenir après la fin du stage et Mme [W] n'ayant pas justifié qu'au moment de son désengagement, les rares absences de Mme [J] pour effectuer divers examens médicaux avaient revêtu un caractère excessif, ou exorbitant des droits accordés aux femmes enceintes qui rendait impossible la continuation de sa formation ;

Considérant que ces seuls faits, sans qu'il soit besoin d'analyser les autres motifs, établissent des manquements graves de la part de l'employeur qui ont empêché la poursuite du contrat de travail, lesquels ont justifié la prise d'acte de rupture par Mme [J] ; qu'il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que cette prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse;

Considérant qu'au regard du montant du dernier salaire brut de Mme [J] qui s'élevait à 4.150 euros bruts, de la durée du préavis de trois mois et de l'indemnité de licenciement telle que prévue par le contrat de travail et la convention collective applicable, des dispositions des articles 1235- 3 et 1235-5 du code du travail applicables aux entreprise de moins de onze salariés comme en l'espèce ; il est donc du à la salariée:

- 12.450 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis eu égard au délai de préavis outre 1245 euros au titre des congés payés afférents,

- 1245 euros au titre d'indemnité conventionnelle pour licenciement,

qu'en raison du caractère dépourvu de cause réelle ni sérieuse du licenciement, de l'ancienneté de Mme [J] dans le cabinet d'expertise comptable, des circonstances de la rupture et de sa reprise d'un emploi dès le 15 mars 2011, c'est une somme de 24.900 euros qui lui sera accordée à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que la demande reconventionnelle de Mme [W] pour 'brusque rupture' du contrat de travail par sa salariée doit être en conséquence rejetée ;

Considérant que s'agissant du préjudice moral dont Mme [J] affirme avoir souffert en raison du harcèlement dont elle aurait été victime de la part de son employeur et des mesures discriminatoires prises à son égard en raison de son état de grossesse, la Cour ne trouve pas dans le dossier les éléments suffisants pour établir la réalité des griefs avancés à l'encontre de l'employeur ; qu'en effet l'appelante n'apporte aucun élément probant sur des actes répétés qu'aurait commis Mme [W], ayant pour effet de porter atteinte à sa santé ; qu'aucun témoignage n'est produit, qu'aucun élément médical n'est versé en ce sens ; que le seul fait de son désengagement de ses responsabilités de maître de stage au prétexte de la grossesse annoncée par sa stagiaire ne constitue pas un élément pouvant caractériser le harcèlement ou la discrimination reprochée ; qu'à l'inverse la lecture des mails échangés entre Mme [J] et Mme [W] illustre, au moins jusqu'à la date de la rupture de la période de stage, la volonté de celle-ci d'aménager au mieux le temps de travail de sa salariée et d'apaiser même les difficultés qu'elle disait rencontrer dans ses relations avec les autres collaborateurs du cabinet ; que la demande d'indemnité à ce titre doit donc être rejetée ;

Considérant qu'indépendamment des indemnités liées à la rupture, Mme [J] réclame des rappels de congés payés depuis l'année 2009, affirmant que Mme [W] a procédé à un décompte en jours ouvrés alors qu'elle aurait dû le faire en jours ouvrables ; qu'elle affirme ainsi avoir acquis 65,68 jours ouvrables de congés payés mais n'avoir pris que 56 jours sur la période considérée, de sorte qu'il lui resterait dû 10 jours ;

Considérant que si le principe du calcul de la durée des congés au regard des jours ouvrables doit être effectivement réaffirmé, Mme [J] ne justifie, au regard des pièces communiquées et des dates avancées, que de seulement 2 jours non accordés, qui représente sur la base d'un salaire brut de 4150 euros un rappel de 383,09 euros de rappels de salaires outre 38,30 euros de congés payés ; qu'il sera donc fait droit à sa demande dans la limite de ces sommes ;

Considérant en revanche que sa demande en rappel de salaires au titre de la retenue effectuée sur son bulletin de salaire de février 2011 en raison d'un arrêt maladie doit être écartée ; qu'en effet la retenue effectuée, n'a porté que sur les jours de carence tels que prévus par les dispositions de l'article R 323-1 du code de la sécurité sociale, qui, s'agissant de la période d'arrêt maladie à indemniser pour les salariés privés, fixe le départ pour l'octroi d'indemnité journalière seulement au 4éme jour de l'incapacité de travail ; que par conséquent la demande de Mme [J] sera écartée celle-ci n'ayant été en arrêt que trois jours ;

Considérant que Mme [J] réclame un rappel d'heures supplémentaires sur trois années; qu'aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou, au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles

Qu'en l'espèce le contrat de travail en date du 5 janvier 2009 prévoyait une rémunération annuelle brute de 45.000 euros versée en douze mensualités de 3750 euros bruts pour une durée annuelle de travail établie sur la base d'une convention individuelle de forfait en heures sur l'année, assortie d'une modulation du temps de travail en fonction du niveau d'activité ; qu'il précisait que la salariée effectuerait son travail dans le cadre des jours ouvrés du cabinet, la durée quotidienne du travail pouvant varier, sans excéder cependant 10 heures ;

Considérant que Mme [J] indique que ses heures travaillées au delà des 35 heures légales ont été converties en repos compensateurs (jours non travaillés), mais qu'elle soutient qu'un certain nombre de ces jours (JNT) sont en excédents et doivent lui être payés, soit 6 jours en 2009, 29 en 2010 et 2 en 2011 ; que pour étayer ses demandes elle produit divers tableaux de relevés quotidiens d'horaires ; que cependant ces relevés ne revêtent un caractère ni probant ni déterminant pour parvenir au décompte d'heures supplémentaires réclamées ; qu'en effet ces feuilles de temps ont été établies par Mme [J], sans contre signature de son employeur ; qu'elles sont bimensuelles ou bien détaillent jour par jour les heures effectuées et non par semaine ainsi que l'exige l'article L 3121-20 du code du travail ; que ces mêmes feuilles comptabilisent en heures travaillées les journées non travaillées accordées en compensation d'heures supplémentaires, Mme [J] entendant faire valoir les dispositions de l'article L 3121-28 du code du travail qui prévoyait effectivement que ' Le repos compensateur obligatoire peut être pris par journée entière ou par demi-journée, à la convenance du salarié, en dehors d'une période définie par décret ; ce repos étant assimilé à une période de travail effectif pour le calcul des droits du salarié' ; que cependant cet article a été abrogé depuis le 22 août 2008 et ne peut donc trouver application en l'espèce ; que par suite au vu des éléments produits de part et d'autre, Mme [J] ne justifie pas avoir effectué les heures supplémentaires alléguées; que sa demande relative aux heures supplémentaires, repos compensateurs et congés payés afférents et indemnité pour travail dissimulé en raison d'heures supplémentaires non réglées doit par conséquent être rejetée ;

Considérant que s'agissant de l'indemnité réclamée par Mme [J] pour non respect de l'obligation de visite médicale telle que prévue par les dispositions de l'article R 4624-16 du code du travail celle-ci doit être rejetée ; qu'en effet Mme [W] justifie avoir satisfait à cette exigence de suivi médical en ayant informé la médecine du travail le 5 janvier 2009 lors de l'embauche de sa salariée puis en n'ayant fait aucun obstacle à la convocation de la salariée par le médecin du travail pour l'année 2011, sauf à constater que celle-ci avait un rendez vous fixé le 25 mars 2011 mais qu'à cette date elle avait déjà pris acte de la rupture du contrat de travail ; que dans ces circonstances le préjudice qu'elle allègue et pour lequel elle sollicite une réparation n'est pas établi ;

Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [J] et de condamner Mme [Q] [W] à lui verser la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 25 février 2013 sur la prise d'acte, les conséquences de la rupture du contrat et les demandes de rappels de congés payés,

Statuant à nouveau,

Dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail le 11 mars 2011 par Mme [T] [J] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne Mme [Q] [W] à payer à Mme [T] [J] les sommes suivantes:

- 12.450 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 1245 euros au titre des congés payés afférents

- 1245 euros au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 24.900 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 383,09 euros de rappels de salaires outre 38,30 euros de congés payés,

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de Mme [Q] [W],

Condamne Mme [Q] [W] à verser à Mme [T] [J] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [W] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 13/05088
Date de la décision : 18/02/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K1, arrêt n°13/05088 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-18;13.05088 ?
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