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11/02/2015 | FRANCE | N°14/01541

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 11 février 2015, 14/01541


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2015



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/01541



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/12258





APPELANTE



Madame [L] [U] veuve [B]

née le [Date naissance 1] 1920 à [Localité 4]

[Ad

resse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, postulant

assistée de Me Marie-Marthe JESSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0067, pla...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2015

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/01541

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/12258

APPELANTE

Madame [L] [U] veuve [B]

née le [Date naissance 1] 1920 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, postulant

assistée de Me Marie-Marthe JESSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0067, plaidant

INTIMÉ

Monsieur [O] [D]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté et assisté de Me Muriel AMSELLEM, avocat au barreau de PARIS, toque : P0123

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 02 décembre 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Evelyne DELBÈS, président,

Madame Monique MAUMUS, conseiller

Madame Nicolette GUILLAUME, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBÈS, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Par acte authentique du 30 mai 2001, Mme [B] a consenti à M. [D] la donation de la nue-propriété de l'appartement qu'elle occupe, dans l'immeuble [Adresse 3].

Par jugement du 12 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par Mme [B] par acte du 5 août 2011, a :

- dit Mme [B] irrecevable et mal fondée en sa demande tendant à la révocation de la donation d'un appartement [Adresse 3] consentie par acte du 30 mai 2001,

- dit en conséquence n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de Mme [B] en remboursement et en dommages et intérêts,

- débouté M. [D] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Mme [B] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- accordé le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile aux avocats qui en ont fait la demande.

Mme [B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 22 janvier 2014.

Dans ses dernières conclusions du 17 novembre 2014, elle demande à la cour de :

Vu les articles 955 et 957 du code civil,

Vu la donation du 30 mai 2001,

Vu le jugement en date du 12 novembre 2013,

Vu la mise en mouvement de l'action publique par soit-transmis du 2 janvier 2007,

- la déclarer recevable et fondée en son appel,

- rejeter toutes les fins et conclusions de M. [O] [D],

- le débouter des demandes formées à son encontre,

- infirmer le jugement,

- dire et juger sa demande en révocation de la donation en date du 30 mai 2001 recevable,

- dire et juger sa demande fondée sur des faits d'ingratitude bien fondée,

- constater que les faits d'ingratitude se poursuivent et persistent,

- en conséquence, ordonner la révocation de la donation du 30 mai 2001 faite par elle au profit de M. [D],

- la recevoir en sa demande de dommages intérêts,

- condamner M. [D] au paiement des sommes de 202 645,80 € et de 196 039 € à titre de dommages intérêts en réparation des préjudices subis,

- le condamner aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et au paiement de la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du même code.

Dans ses dernières conclusions du 17 juin 2014, M. [D] demande à la cour de :

Vu les articles 957 et 2224 du code civil,

Vu l'article 3 du code de procédure pénale,

Vu l'article 480 du code de procédure civile,

in limine litis,

- dire et juger que la demande de Mme [B] concernant la révocation de la donation est tardive,

- en conséquence,

- dire et juger que la demande de révocation de la donation par Mme [B] est irrecevable,

- en outre,

- dire et juger que les demandes de Mme [B] concernant la réparation de ses prétendus préjudices ont déjà été jugées par le tribunal correctionnel puis par la cour d'appel de Paris,

- en conséquence,

- dire et juger que l'action de Mme [B] en réparation de ses prétendus préjudices est irrecevable,

- enfin,

- dire et juger que la demande de Mme [B] concernant la réparation de ses préjudices est en tout état de cause prescrite,

- en conséquence,

- dire et juger que les demandes de Mme [B] au titre de la réparation de ses prétendus préjudices sont irrecevables,

- au fond,

- à titre principal,

- dire et juger que Mme [B] ne rapporte par la preuve de son ingratitude,

- en conséquence,

- la débouter de la totalité de ses demandes,

- subsidiairement,

- dire et Juger que Mme [B] ne rapporte pas la preuve de sa responsabilité,

- en conséquence,

- la débouter de la totalité de ses demandes,

- en tout état de cause,

- la condamner aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du même code.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que Mme [B] et M. [D], médecin radiologue, se sont rencontrés en août 1996 et ont noué des relations d'amitié pendant plusieurs années ;

Que par acte du 30 mai 2001, Mme [B] a consenti à M. [D] la donation de la nue-propriété de l'appartement qu'elle occupe dans l'immeuble [Adresse 3] ;

Qu'à la suite d'une détérioration de leurs relations, elle a saisi le Conseil Départemental de l'Ordre des Médecins de [Localité 5] d'une plainte déposée le 28 février 2006 ;

Que la chambre disciplinaire de première instance a infligé à M. [D] une sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant un an ;

Que sur recours de M. [D], la Chambre Nationale a annulé, le 24 septembre 2008, la décision de première instance ;

Que parallèlement à cette procédure, Mme [B] a déposé plainte entre les mains du procureur de la république le 11 décembre 2006, plainte qui a fait l'objet d'un classement sans suite, de sorte que le 11 février 2008, elle a déposé plainte avec constitution de partie-civile ;

Que sur ordonnance de renvoi du juge d'instruction, le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 28 avril 2011, a déclaré M. [D] coupable d'abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable pour la conduire à un acte ou à une abstention préjudiciable, faits commis du 1er août 1996 au 4 février 2005, et l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ;

Que sur appel de M. [D], la cour d'appel de Paris, par arrêt du 17 septembre 2012, a infirmé la décision et a renvoyé M. [D] des fins de la poursuite ;

Que par décision du 15 octobre 2013, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Mme [B] ;

Considérant que Mme [B] avait, parallèlement à ces instances, diligenté par assignation du 5 août 2011, une action aux fins de révocation de la donation consentie le 30 mai 2001 ;

Considérant que selon l'article 955 du code civil, 'la donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d'ingratitude que dans les cas suivants :

1°) Si le donataire a attenté à la vie du donateur ;

2°) S'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ;

3°) S'il lui refuse des aliments';

Qu'en outre, selon l'article 957 du même code, 'la demande en révocation pour cause d'ingratitude devra être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur';

Considérant que Mme [B], à l'appui de sa demande de révocation, invoque :

- que l'ingratitude résulte des circonstances et des manipulations de M. [D] aux fins de bénéficier de ses nombreuses largesses,

- que le lien de parenté invoqué par lui est mensonger, ce qui a été établi et confirmé par l'enquête pénale,

- que l'incident de juillet 2004, et le refus d'accès au coffre, est constitutif d'une ingratitude parmi tant d'autres,

- que M. [D] s'est désintéressé d'elle lorsqu'il a constaté que sa fortune se tarissait,

- qu'il a tenu des propos injurieux à son encontre,

- qu'il lui refuse des aliments ;

Qu'en réponse à la fin de non-recevoir opposée par M. [D], elle soutient que c'est la prolongation des faits d'ingratitude et leur caractère indivisible qui justifient la recevabilité de son action ; que lors de la mise en mouvement de l'action publique par le soit-transmis du procureur de la République du 2 janvier 2007, à la suite de sa plainte du 11 décembre 2006, le délai d'un an n'était pas expiré en raison des propos injurieux contenus dans la lettre du 29 septembre 2006 de M. [D] adressée à l'Ordre des médecins et que l'ingratitude pour refus d'aliments persiste encore aujourd'hui ;

Considérant, qu'en ce qui concerne les circonstances et les manipulations de M. [D] alléguées par Mme [B], et ce, selon elle, aux fins de bénéficier de ses largesses, il convient de dire que la révocation d'un acte de donation pour ingratitude ne peut être prononcée que pour des faits commis par le donataire postérieurement à sa réalisation, de sorte que le comportement de M. [D], antérieurement à la donation ne peut constituer une cause de révocation de la libéralité ;

Que la même observation doit être faite en ce qui concerne la fausse qualité de cousin invoquée selon Mme [B] par M. [D] qui aurait pu la conduire à cette donation, étant souligné au surplus qu'il résulte d'une lettre de Mme [B] du 4 avril 2005, qu'elle encourageait M. [D] à se présenter comme son cousin puisqu'elle lui écrivait : 'ne racontez pas partout que je ne suis pas votre cousine-cela pourrait se retourner méchamment contre vous';

Considérant qu'en ce qui concerne le refus d'accès au coffre dont Mme [B] s'est plaint en juillet 2004 et dont les circonstances ne sont pas parfaitement claires, force est de constater que l'appelante n'a pas engagé d'initiative procédurale d'aucune sorte dans le délai d'un an de cet événement, de sorte que son action sur ce fondement est prescrite ;

Considérant qu'en ce qui concerne le grief portant sur le fait que M. [D] se serait désintéressé d'elle lorsqu'il a constaté que sa fortune se tarissait, il convient de dire, outre le caractère général et imprécis de cette allégation, que le désintérêt ne figure pas parmi les termes de l'article 255 du code civil qui impose pour justifier la révocation d'une donation l'existence 'de sévices, délits ou injures graves';

Considérant que Mme [B] expose que dans le cadre de la procédure introduite par elle devant le Conseil de l'Ordre des médecins, M. [D] a écrit le 29 septembre 2006, une lettre destinée au secrétaire général, dans laquelle il tient des propos graves, injurieux à son égard ;

Qu'il a écrit que 'Mme [B], femme de tête, femme d'affaires, d'une lucidité effrayante et pourvue d'une fortune considérable, qui lui permet d'assouvir son désir, a voulu en quelque sorte m'acheter pour sa propre satisfaction, son service, ses exigences de jour, de nuit, de week-end, dépassant ce qu'un homme normalement constitué peut tolérer';

Considérant que Mme [B] soutient que si l'article 957 du code civil fixe le point de départ du délai d'exercice de l'action en révocation pour cause d'ingratitude au jour du délit civil imputé au donataire, ou au jour où ce délit aurait pu être connu du donateur, il n'est pas exclu que ce point de départ soit retardé au jour de la clôture de l'information judiciaire ou au jour de la décision rendue en matière pénale ; que le délai d'un an n'était pas expiré lorsque le soit-transmis du procureur de la République du 2 janvier 2007 a mis en mouvement l'action publique ;

Considérant, toutefois, qu'à la suite de l'enquête ordonnée par le ministère public, la plainte a fait l'objet d'un classement sans suite et que ce n'est que le 11 février 2008, que Mme [B] a déposé plainte avec constitution partie-civile ;

Considérant, en conséquence, que le délai d'un an était expiré au jour de la mise en mouvement de l'action publique par l'appelante et qu'elle est donc irrecevable à former une demande de révocation de la donation pour les propos précités ;

Considérant, en ce qui concerne le refus d'aliments, qu'il convient de constater d'une part, que Mme [B] n'a pas adressé de demande en ce sens à M. [D], l'existence d'une dette pour des charges de copropriété ne pouvant s'interpréter comme une demande d'aliments, et d'autre part, que Mme [B] n'établit pas être dans le besoin, condition requise pour imposer une dette d'aliments au donataire ;

Considérant, en effet, que Mme [B] ne fournit pas de déclaration sur les revenus, ni aucun autre document attestant de son état de besoin, le fait qu'elle ait ponctuellement un compte débiteur dans un établissement bancaire, la banque HSBC, étant sans portée pour établir la réalité de ses ressources ;

Qu'en outre, elle déclare percevoir une pension de retraite mensuelle de 4 800 €, ce qui l'éloigne de l'état de besoin, étant souligné qu'elle est usufruitière de son appartement ;

Considérant, enfin qu'elle a décrit sa fortune initiale comme étant composée d'un appartement à [Localité 3], de la pharmacie cédée à son assistant, de places de stationnement, de contrats d'assurance vie, de deux véhicules, de comptes bancaires, de bijoux de valeur, d''uvres d'art, peintures, sculptures ;

Considérant qu'outre la donation litigieuse, elle indique avoir réglé pour M. [D], de 1999 à 2004, 85 billets d'avion, représentant une valeur de 24 039,09 €, des échéances de remboursement de prêt qu'il avait contracté pour l'acquisition de son appartement, ce pendant 34 mois pour une somme de 114 031 €, une voiture neuve Peugeot 206, et des contraventions et impôts sur les revenus ;

Que même si l'on retient les affirmations de Mme [B] selon lesquelles, il déjeunait et dînait chez elle une dizaine de fois par semaine, s'invitant avec ses amis, ses compagnes et futures épouses, des confrères, sa fille et les amis de celle-ci, se faisait offrir des vêtements et des chaussures de marque, et des cadeaux divers, appareils ménagers, appareils multimédias, financer la décoration et les travaux d'aménagement de son appartement de la rue de la Tour et régler ses cotisations au Racing Club, il n'est pas établi, eu égard à la fortune initiale de l'appelante, qu'elle soit aujourd'hui dans l'état de besoin qu'elle allègue mais ne prouve pas ;

Considérant, en conséquence que sa demande de révocation de la donation pour refus d'aliments doit être rejetée ;

Considérant que les demandes accessoires de dommages intérêts doivent également être rejetées ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

Rejette la demande de révocation de la donation pour refus d'aliments,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,

Condamne Mme [B] aux dépens,

Accorde à l'avocat de M. [D] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code civil.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/01541
Date de la décision : 11/02/2015

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°14/01541 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-11;14.01541 ?
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