Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 10 FÉVRIER 2015
(n° 2015/ , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/07220
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Décembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 10/05618
APPELANTE
Société CARDIF LUX VIE agissant en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Richard ESQUIER de l'Association Laude Esquier Champey, avocat au barreau de PARIS, toque : R144
INTIME
Monsieur [K] [T]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106
Assisté de Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente de chambre entendue en son rapport et Monsieur Christian BYK, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente
Monsieur Christian BYK, conseiller
Madame Patricia LEFEVRE, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente et par Madame Aouali BENNABI, greffier présente lors de la mise à disposition.
Monsieur [K] [T] a adhéré le 26 septembre 2007 à deux contrats d'assurance-vie LIBERTY 2 INVEST auprès de la société FORTIS LUXEMBOURG VIE:
- n°100023764 sur lequel il a investi un capital initial de 15.000 euros ;
- n°100023765 sur lequel il a investi un capital initial de 15.000 euros.
Monsieur [T] a ensuite effectué des versements complémentaires sur ces deux contrats à hauteur de 2.515.000 euros sur le contrat n°100023764 et de 6.624.000 euros sur le contrat n°100023765. Il a procédé à des rachats partiels pour des montants de 304.000 euros sur le premier contrat et de 4.976.000 euros sur le second contrat.
Estimant ne pas avoir reçu une information précontractuelle conforme aux exigences légales, Monsieur [T] a exercé la faculté de renonciation par lettres recommandées avec avis de réception du 19 janvier 2010, réceptionnées le 22 janvier 2010. La société FORTIS LUXEMBOURG VIE n'a pas fait droit à sa demande.
Par acte du 7 avril 2010, Monsieur [T] a assigné la société FORTIS LUXEMBOURG VIE devant le Tribunal de grande instance de Paris, qui, par jugement du 6 décembre 2012, a dit que Monsieur [T] a valablement renoncé par courrier recommandé en date du 19 janvier 2001, réceptionné le 22 janvier suivant au contrat d'assurance-vie souscrit, a condamné, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la société FORTIS LUXEMBOURG VIEà restituer à monsieur [T] la somme principale de 3.859.000 euros avec intérêts au taux de l'intérêt légal majoré de moitié du 21 février au 21 avril 2010 et au double du taux légal à compter du 21 avril 2010 jusqu'au paiement, a ordonné la capitalisation des intérêts, a rejeté toute autre demande et a condamné la société FORTIS LUXEMBOURG VIE au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 10 avril 2012, la société CARDIF LUX VIE, venant aux droits de la société FORTIS LUXEMBOURG VIE, a interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 28 novembre 2014, elle demande à la cour :
- A titre principal de :
- Juger que la société Cardif Lux Vie, venant aux droits de la société Fortis Luxembourg VIE S.A, a respecté l'obligation d'information précontractuelle mise à sa charge ;
- en conséquence, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux demandes de Monsieur [K] [T] et ordonner en conséquence la restitution à la société Cardif Lux Vie par Monsieur [K] [T] de l'intégralité des sommes qu'il a perçues au titre de l'exécution provisoire de ce jugement, avec intérêt au taux légal à compter du versement de ces sommes à la Carpa par la société Cardif Lux Vie ;
A titre subsidiaire, de :
- Solliciter l'interprétation de la CJUE à titre préjudiciel sur la conformité entre, d'une part, le principe de LPS, les objectifs et le texte de la Directive Vie, et, d'autre part, les termes de la loi française, notamment les textes règlementaires pris en application de la loi du 15 décembre 2005 ;
A titre plus subsidiaire, de :
- Juger que Monsieur [T], en poursuivant l'exécution du contrat n°100023764, ne pouvait plus se prévaloir de la faculté de renonciation à ce contrat antérieurement exercée ;
- en conséquence infirmer le jugement entrepris avec les mêmes conséquences que ci-dessus ;
A titre encore plus subsidiaire, :
- de juger que Monsieur [K] [T] a abusé de sa faculté de renonciation ;
- en conséquence, infirmer le jugement entrepris avec les mêmes conséquences que ci-dessus ;
A titre infiniment subsidiaire, de :
- juger que la société Cardif Lux Vie est bien fondée à exécuter son obligation de restitution en transférant à Monsieur [T] les titres figurant dans le fonds dédié au jour de l'exercice de la faculté de renonciation ;
- Ordonner, d'une part, la restitution par Monsieur [T] à la société Cardif Lux Vie des sommes qu'il a perçues au titre de l'exécution provisoire du jugement, et, d'autre part, la restitution par la société Cardif Lux Vie à Monsieur [T], à leur valeur d'apport, des titres figurant au contrat au jour de l'exercice de la faculté de renonciation, outre les liquidités disponibles sur le contrat au jour de la décision à intervenir ;
A titre plus infiniment subsidiaire :
- Dire et juger que le montant de la somme dont la restitution a été ordonnée est erroné en ce qu'il ne tient pas compte du rachat partiel effectué par Monsieur [T] le 13 juillet 2012 pour un montant de 150.000 euros ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Cardif Lux Vie à verser à Monsieur [K] [T] la somme principale de 38 59 000 euros ;
-Juger qu'il appartenait à la société Cardif Lux Vie de restituer à Monsieur [K] [T] la somme de 3 709 000 euros ;
En conséquence, débouter Monsieur [T] de ses moyens, fins et conclusions ;
En tout état de cause, de condamner Monsieur [K] [T] à verser à la société Fortis Luxembourg VIE S.A. la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Par ses dernières conclusions signifiées le 6 novembre 2013, Monsieur [T] demande, confirmant le jugement, de dire que l'appel de la société FORTIS LUXEMBOURG VIE est non-fondé, de la débouter de ses demandes, de prendre acte de ce qu'il accepte que la somme en principal au titre de la restitution soit fixée à la somme de 3 709 000 euros au regard du dernier rachat partiel effectué le 13 juillet 2012, condamner la société FORTIS LUXEMBOURG VIE à restituer la somme principale de 3.709.000 euros avec intérêts au taux légal majoré de moitié du 21 février 2010 au 21 avril 2010 et au double du taux légal à compter du 21 avril 2010 jusqu'au paiement , à titre subsidiaire de constater que la société Fortis Luxembourg Vie a commis une faute en proposant des unités de compte constituées de valeur mobilières n'offrant pas une protection suffisante de l'épargne, de condamner la société FORTIS à lui payer la somme de 887.000 euros au titre de son préjudice matériel et celle de 10.000 euros au titre de son préjudice moral. En tout état de cause, Monsieur [T] demande la capitalisation des intérêts et la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er décembre 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la conformité de la réglementation française au regard du droit de l'Union européenne
Considérant que la société CARDIF LUX VIE fait valoir que l'article 36 de la Directive 2002/83/CE du 5 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie, dite Directive Vie, impose aux assureurs de communiquer au preneur, a minima, les informations énumérées à l'annexe III de ladite Directive, et leur permet de communiquer d'autres informations, à condition qu'elles soient nécessaires à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de son engagement ; qu'elle soutient que l'objectif de protection du consommateur ne peut en soi justifier une restriction à la Libre Prestation de Service et que le droit français ne peut interdire à une entreprise d'assurance de communiquer des informations supplémentaires à celles visées par la directive vie ; qu'elle précise que les dispositions des articles L132-5-2 et A 132-8 du code des assurances qui prévoient que le contenu de l'encadré en tête de la proposition d'assurance est fixé de 'façon limitative' et qui interdisent aux entreprise d'assurance y compris celle qui exercent leur activité en LPS, d'ajouter des informations autre que celles prévues par ces dispositions, sont manifestement contraires à la Directive Vie ;
Considérant qu'elle ajoute que les exigences de forme et d'informations supplémentaires contenues dans la réglementation française constituent une entrave à la libre prestation de service, qui lui permet de commercialiser ses produits dans toute la Communauté européenne, que la mesure soit discriminatoire ou non , que ces exigences ne sont ni nécessaires à l'information du preneur, ni proportionnées à sa protection, et qu'elles ne sont pas justifiées par la comparabilité entre les produits ; qu'elle précise que les exigences relatives à l'information devant figurer dans l'encadré, selon l'article A 132-8 du code des assurances, ne sont pas nécessaires à la compréhension effective par le preneurs des éléments essentiels de l'engagement et ne sont pas justifiées par la comparabilité des produits ; qu'elle affirme que l'information relative aux valeurs de rachat, prévue par les dispositions des articles L132-5-2 et A 132-4-1 du code des assurances, constitue une information supplémentaire au sens de la Directive Vie, qui n'est pas nécessaire à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement, qu'il convient de laisser ces dispositions inappliquées ; qu'à titre subsidiaire, si la cour devait s'interroger sur la contrariété entre, d'une part, le principe de libre prestation de services, les objectifs et le texte de la Directive 2002/83/CE et, d'autre part, les termes de la loi française, elle l'invite à solliciter l'interprétation de la CJUE à titre préjudiciel dans les termes précisés au dispositif de ses écritures ;
Considérant que Monsieur [T] répond que les dispositions du code des assurances ne font que préciser le contenu des informations devant être communiquées au preneur avant la conclusion du contrat et figurant dans l'annexe III de la Directive Vie, et répondent à l'intérêt général de protection du consommateur ; qu'il ajoute que les informations supplémentaires exigées par le droit français sont nécessaires à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement, qu'elles ne sont pas en contradiction avec le texte et les objectifs de la directive et ne font pas naître une discrimination à l'égard des entreprises d'assurances non françaises ; qu'il conclut que les dispositions nationales sont conformes à la Directives 2002/83/CE et que le renvoi préjudiciel sollicité est injustifié ;
Considérant que les dispositions de l'article 36 de la Directive Vie laissent le soin aux Etats membres de définir et fixer tant la forme dans laquelle l'information précontractuelle doit être communiquée au preneur d'assurance que son contenu, et ce dans le cadre et les limites fixées aux paragraphes 1 et 3 dudit article ;
Considérant que contrairement à ce que soutient la société CARDIF, la législation française ne lui interdit pas de communiquer au preneur d'autres informations que celles visées à l'annexe III, qu'en effet, si le contenu de l'encadré est limitativement fixé par l'article A 132-8 du code des assurances, l'assureur conserve le droit d'ajouter toute information complémentaire qu'il estime utile dans une autre partie de la proposition d'assurance ou du projet de contrat ou encore dans les conditions générales ;
Considérant que la seule information prétendument supplémentaire invoquée par la société CARDIF est celle concernant les valeurs de rachat prévue par l'article L.132-5-2 du code des assurances, dont le contenu est défini à l'article A.132-4-1 du même code, et qui relève des modalités d'application de l'article a.9 de l'annexe III de la Directive ;
Considérant que l'article A.132-4-1 prévoit notamment, lorsque les valeurs de rachat ou de transfert ne peuvent être établies en euros ou devises lors de la remise du projet de contrat, l'indication au travers d'un tableau des valeurs de rachat à partir d'un nombre générique initial de cent unités de compte et, au cas particulier des contrats comprenant des garanties en unités de compte, à titre d'exemple, trois simulations intégrant les frais prélevés pratiqués à partir de trois hypothèses explicites, dont le cas de la stabilité de la valeur des unités de compte, ceux d'une hausse, et symétriquement d'une baisse de même amplitude ;
Considérant qu'à supposer même qu'il puisse être considéré que l'information requise excède ce qu'exige a minima la Directive, cette information apparaît néanmoins nécessaire à la compréhension effective par le preneur d'assurance d'un élément essentiel de son engagement, eu égard à la complexité du mode de calcul des valeurs de rachat lorsqu'elles ne peuvent être établies en euros ou devises au stade précontractuel, les simulations des hypothèses de stabilité, de hausse et de baisse étant de nature à attirer concrètement son attention sur l'aléa de l'investissement et les risques de perte encourus;
Considérant, par ailleurs, que les exigences relatives à la forme et aux informations supplémentaires imposés par le code des assurances ne présentent aucun caractère discriminatoire, puisqu'en vertu de l'article L.363-3 du code des assurances, toutes les entreprises d'assurance communautaires opérant en France, que ce soit en régime d'établissement ou en libre prestation de services, doivent respecter les obligations qui s'imposent à elles en application du code des assurances ;
Que ces exigences ne font pas davantage obstacle à la commercialisation en France des produits d'assurance-vie proposés par la société CARDIF, celle-ci devant simplement adapter l'information précontractuelle due au preneur à la réglementation française ;
Que leur finalité étant de faciliter la compréhension par le preneur des caractéristiques essentielles du contrat proposé, mais également la comparaison avec les contrats proposés par les assureurs concurrents, l'objectif rappelé au considérant n° 52 du préambule de la Directive, à savoir de faire profiter le consommateur de la diversité des contrats et d'une concurrence accrue, est pleinement atteint par la législation française ;
Considérant que le droit national étant conforme au droit communautaire, il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel aux fins d'interprétation devant la Cour de Justice de l'Union européenne ;
Sur la régularité des documents et informations remis à l'assuré
Considérant que la société CARDIF soutient que la proposition d'assurance, qui contenait l'encadré exigé par l'article L.132-5-2 du code des assurances, était conforme aux prescriptions de la réglementation française, qu'elle contenait l'information sur le point de départ du droit à renonciation, à savoir le jour où le preneur est informé que le contrat est conclu ;
Considérant que Monsieur [T] affirme que l'assureur lui a remis plusieurs documents non prévus par l'article L 132-5-2 du code des assurances, que l'encadré figurant au début des propositions d'assurance n'indiquait pas, en termes très apparents, la nature du contrat, que les frais du contrat n'étaient pas mentionnés conformément aux exigences de l'article A.132-8 du code des assurances, que l'encadré ne respectait pas les exigences de ce texte relatives aux garanties offertes et à la disponibilité des sommes en cas de rachat, à la participation aux bénéfices, à la durée du contrat, ni aux modalités de désignation des bénéficiaires ; qu'il en déduit que l'assureur devait lui remettre une note d'information distincte des conditions générales, ce qui n'a pas été le cas, et excipe de plus de manquements concernant la proposition d'assurance ou le projet de contrat quant aux mentions relatives à la faculté de renonciation et aux valeurs de rachat ;
Considérant que, selon l'article L.132-5-1 du code des assurances, 'Toute personne physique qui a signé une proposition ou un contrat d'assurance sur la vie.....a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pendant le délai de trente jours calendaires révolus à compter du moment où elle est informée que le contrat est conclu.....La renonciation entraîne la restitution par l'entreprise d'assurance.....de l'intégralité des sommes versées par le contractant, dans le délai maximal de trente jours calendaires à compter de la réception de la lettre recommandée. Au-delà de ce délai, les sommes non restituées produisent de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois, puis, à l'expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal....';
Considérant que l'article L. 132-5-2 du même code prévoit notamment que 'Avant la conclusion d'un contrat d'assurance sur la vie.....par une personne physique, l'assureur remet à celle-ci, contre récépissé, une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation et sur les dispositions essentielles du contrat. Un arrêté fixe les informations qui doivent figurer dans cette note, notamment en ce qui concerne les garanties exprimées en unités de compte. Toutefois, la proposition d'assurance ou le projet de contrat vaut note d'information, pour les contrats d'assurance comportant une valeur de rachat ou de transfert, lorsqu'un encadré, inséré en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat, indique en caractères très apparents la nature du contrat. L'encadré comporte en particulier le regroupement des frais dans une même rubrique, les garanties offertes et la disponibilité des sommes en cas de rachat, la participation aux bénéfices, ainsi que les modalités de désignation des bénéficiaires. Un arrêté......fixe le format de cet encadré ainsi que, de façon limitative, son contenu......La proposition ou le contrat d'assurance......comprend.....un modèle de lettre destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation' et 'une mention dont les termes sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'économie, précisant les modalités de renonciation.....Le défaut de remise des documents et informations prévus au présent article entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu à l'article L. 132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu......' ;
Considérant que l'article A.132-8 du même code fixe le format de cet encadré et son contenu, en énumérant de façon limitative les informations à fournir, dans l'ordre précisé ;
Considérant que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que l'encadré figurant au début de chacune des deux propositions d'assurance n'indiquait pas, en violation de l'article L132-5-1 du code des assurances, en caractère très apparents la nature du contrat puisque la typographie de cette information ne se distingue pas de celle utilisée pour la majorités des autres mentions alors que le paragraphe suivant est en revanche en caractère gras ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 132-5-2 du code des assurances, les frais du contrat doivent être regroupés dans une même rubrique, que l'article A132-8 du même code précise que la répartition des frais doit se faire suivant le plan et le libellé suivant, de façon limitative et dans l'ordre précis : frais à l'entrée et sur versements, frais en cours de vie du contrat, frais de sortie, autres frais ;
Considérant que force est de constater que les mentions relatives aux frais, figurant dans l'encadré figurant au début de chacune des deux propositions d'assurance, ne respectent pas ces dispositions puisqu'elles figurent dans cinq sous-encadrés distincts, numérotés de six à neuf, qui constituent des rubriques différentes, qu'il n'est fait aucune mention des frais de sortie, et que le montant ou pourcentage maximum des 'autres frais' n'est pas mentionné ;
Considérant dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres manquements invoqués, il apparaît que c'est à juste titre que le premier juge a retenu que l'encadré figurant en tête des propositions d'assurance remises à Monsieur [T] ne respectait pas, tant en la forme que dans son contenu, les dispositions légales et réglementaires susvisées ;
Considérant que l'assureur n'était dès lors pas dispensé de remettre à ce dernier la note d'information prévue à l'article L.132-5-2, laquelle est destinée à l'information précontractuelle du preneur d'assurance et ne doit contenir que les dispositions essentielles du contrat, sur lesquelles il convient d'attirer particulièrement son attention ;
Considérant que cette note d'information ne peut donc pas être confondue avec 'les conditions générales, fiches fiscales et dispositions spécifiques' remises à Monsieur [T], lesquelles contiennent, sur vingt quatre pages, l'ensemble des éléments d'information contractuelle , qu'il s'en suit que la société CARDIF n'a pas non plus remis de note d'information conforme à Monsieur [T] ;
Considérant, enfin, que la société CARDIF a violé les dispositions des articles L.132-5-2 et A.132-4-1 du code des assurances en ne donnant pas, dans la proposition d'assurance ou les conditions générales valant projet de contrat, les informations relatives à la valeur de rachat du contrat, exprimée en unités de compte, au motif inopérant que cette information ne serait pas claire, précise et nécessaire à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement, ce qu'il ne lui appartient pas d'apprécier;
-Sur la renonciation de Monsieur [T] à sa faculté de renonciation
Considérant que la société CARDIF soutient que la poursuite de l'exécution du contrat n° 100023764, par le versement d'un nouvel apport de 60 000 euros le 3 mars 2011, après avoir exercé sa faculté de renonciation et assigné l'assureur le 7 avril 2010, prive d'effet la renonciation antérieurement exercée et que Monsieur [T] ne peut plus se prévaloir d'un droit auquel il a valablement renoncé, par la poursuite de l'exécution du contrat ;
Considérant que Monsieur [T] répond qu'il est impossible de renoncer à la faculté de renonciation, qu'il ne pouvait renoncer à sa faculté de renonciation puisque la société CARDIF ne lui a pas remis les documents et informations visés à l'article L132-5-2 du code des assurances et que le versement complémentaire fait sur le contrat, qui n'a été fait qu'à la demande de l'assureur et pour respecter l'avenant produit aux débats par l'assureur n'établit pas qu'il aurait renoncé de manière non équivoque au bénéfice de la renonciation antérieurement exercée ;
Considérant qu'aux termes d'une lettre avenant du 13 décembre 2007, Monsieur [T] avait autorisé la société FORTIS LUXEMBOURG VIE et le gestionnaire financier du fonds dédié adossé à son contrat à souscrire des parts A et B du FCPR 'allocation PE Europe II, A', que cette lettre avenant signée par Monsieur [T] contenait la formule suivante : 'Je suis conscient que la souscription par FLV aux parts du FCPR reste en toute hypothèse subordonnée à l'existence du maintien sur mon contrat d'assurance vie d'actifs liquides à hauteur de EUR 1 200 000 de façon à permettre à la compagnie d'assurance de donner suite aux appels de fonds de la société de gestion. Je m'engage par ailleurs à laisser sur mon contrat -ou à alimenter mon contrat par- les sommes nécessaires pour faire face aux frais de gestion , ainsi que le cas échéant, au prélèvement fiscal de 20% prévu en cas de dénouement du contrat par décès en application de l'article 990 I du CGI';
Considérant que par mail du 17 février 2011, Madame [M] de la société AFORGE FINANCE lui a indiqué, sous l'intitulé « Contrat FORTIS et engagement dans le Private Equity » 'le FCP APEE vient d'émettre un nouvel appel de fonds (3% soit 60KF) auquel vous êtes engagé à répondre via votre contrat FORTIS ; Nous vous demandons donc l'autorisation de créer les liquidités pour éviter que vous soyez à découvert dans le contrat FORTIS suite au prélèvement de l'appel de fonds ' ;
Considérant qu'alors que le versement complémentaire a été fait pour répondre à un appel de fonds de l'assureur, que l'assuré s'était engagé à honorer, aux termes de la lettre avenant produite et qu'il est certain que l'absence de versement au mépris de son engagement créait une situation péjorative à un moment où l'assuré avait intenté la présente action judiciaire, il apparaît que, dans ce contexte particulier, le versement complémentaire de 60 000 euros effectué le 3 mars 2011 ne peut être analysé comme une manifestation non équivoque de l'assuré de renoncer à l'exercice de sa faculté de renonciation ;
Sur le caractère abusif de l'exercice de la faculté de renonciation
Considérant que l'appelante affirme que Monsieur [T] a entendu renoncer à son contrat, non pas du fait d'un défaut quelconque d'information, mais en raison de la dépréciation de son épargne et qu'ainsi l'exercice de son droit a dégénéré en abus ;
Considérant que l'intimé fait valoir que l'exercice de la faculté de renoncer au contrat est un droit discrétionnaire, ce qui exclut la notion d'abus de droit ;
Considérant que la faculté de renonciation prévue à l'article L.132-5-1 du code des assurances est un droit discrétionnaire pour l'assuré dont la bonne foi n'est pas requise, qu'il soit averti ou profane, et ne peut donc dégénérer en abus ;
Considérant qu'en tout état de cause, l'appelante ne démontre pas que l'usage par l'intimé de la faculté de renonciation qui lui est ouverte du fait même des manquements de l'assureur, qui ne lui a pas remis les documents et informations prévus par les dispositions d'ordre public, constitue un détournement de la finalité de la règle de droit issue du code des assurances, même s'il peut ainsi échapper aux conséquences des fluctuations du marché financier ;
Sur les modalités de la restitution.
Considérant que la société CARDIF soutient que la restitution doit être opérée en titres dans la mesure où lors de la souscription du contrat n°100023764, Monsieur [T] a apporté des titres qu'il détenait en portefeuille ;
Considérant que l'intimé soutient qu'en application de l'article L132-5-1 qui sont d'ordre public, la restitution doit se faire en numéraire ;
Considérant que l'article L.132-5-1 du code des assurances, d'ordre public, énonce que la renonciation au contrat entraîne la restitution par l'assureur 'de l'intégralité des sommes versées par le contractant' et que les 'sommes non restituées' dans le délai légal 'produisent de plein droit intérêt...', ce dont il se déduit nécessairement que la restitution ne peut être effectuée qu'en numéraire ;
Considérant que la loi française étant seule applicable aux contrats souscrits par l'intimé, nonobstant les dispositions de l'article 5.2 des conditions générales qui stipulent que, si le preneur a versé une prime qui était partiellement ou totalement composée de titres, l'assureur 'remboursera partiellement ou totalement la prime par restitution des titres apportés', la société CARDIF n'est pas en droit d'exécuter son obligation de restitution en nature et la contraindre à verser ces sommes en numéraires ne crée pas une entrave à la libre prestation de service puisqu'elle peut commercialiser ses produits en France en respectant les dispositions de la législation française ;
Sur le montant de la restitution
Considérant que les parties s'accordent sur le fait que le montant à restituer ne s'élève en réalité qu'à la somme de 3 709 000 euros, à la suite d'un rachat partiel d'un montant de 150 000 euros effectué le 13 juillet 2012 sur le contrat n° 100023765 ;
Sur les frais irrépétibles
Considérant qu'alors que Monsieur [T] avait accepté de limiter l'exécution de la décision à la somme de 3 709 000 euros, il paraît équitable de lui allouer la somme de 8000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Condamne la société CARDIF LUX VIE à restituer à Monsieur [K] [T] la somme de 3 709 000 euros avec intérêts au taux de l'intérêt légal majoré de moitié du 21 février au 21 avril 2010 puis au double du taux légal à compter du 21 avril 2010 jusqu'au paiement et capitalisation des intérêts à compter du jugement ;
Et y ajoutant, dit n'y avoir lieu à poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union européenne ;
Condamne la société CARDIF LUX VIE à payer à Monsieur [K] [T] la somme complémentaire totale de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la société CARDIF LUX VIE aux dépens de la procédure d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE