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30/01/2015 | FRANCE | N°13/24509

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 30 janvier 2015, 13/24509


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 30 JANVIER 2015



(n°13, 10 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 13/24509



Décision déférée à la Cour : jugement du 28 novembre 2013 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 4ème section - RG n°12/11623







APPELANTE AU PRINCIPAL e

t INTIMEE INCIDENTE





S.A. BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL (BPI), agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Philippe BE...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 30 JANVIER 2015

(n°13, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/24509

Décision déférée à la Cour : jugement du 28 novembre 2013 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 4ème section - RG n°12/11623

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.A. BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL (BPI), agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS, toque E 804

INTERVENANTE VOLONTAIRE et comme telle APPELANTE

S.A.S NOMS DE CODE, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS, toque E 804

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

S.A.R.L. ATTRACTIVE FRAGRANCES & COSMETICS, prise en la personne de son gérant et/ou de tous représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque J 125

Assistée de Me Ignacio DIEZ, avocat au barreau de PARIS, toque L 207

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente

Mme Sylvie NEROT, Conseillère

Mme Véronique RENARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Revendiquant la titularité de droits d'auteur sur le flacon bleuté de lotion après rasage [O] [R] représentant un tronc masculin à la musculature marquée et dénommé « Le Mâle » mais aussi la titularité de droits sur :

un modèle enregistré n° 942417 déposé à l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) le 25 avril 1994 représentant un buste masculin,

la marque figurative française n° 95 587 225 déposée en couleur le 07 septembre 1995 et renouvelée le 03 août 2005 pour désigner notamment des produits et services en classe 3,

la société anonyme Beauté Prestige International [ci-après : BPI], licenciée exclusive pour le monde de la société [O] [R] SA pour la fabrication et la commercialisation d'articles de parfumerie et cosmétiques sous la marque « [O] [R] », à la suite d'une retenue douanière effectuée à [Localité 3] dont elle a été informée le 12 juillet 2012 et après avoir fait procéder à une saisie-contrefaçon, le 25 juillet 2012, dans les locaux de la société Attractive Fragrances & Cosmetics (société commercialisant en France des parfums et eaux de toilette désignée par le service des douanes comme étant l'expéditeur de la marchandise constituée de flacons de parfum « Kindlooks »), a, conjointement avec sa filiale, la SAS Noms de Code (titulaire de la marque tridimensionnelle n° 3 467 921 déposée le 07 décembre 2006), assigné en contrefaçon des divers droits qu'elles revendiquent et, subsidiairement, en concurrence déloyale la société Attractive Fragrances & Cosmetics [ci-après : Attractive F&C] selon exploit du 03 août 2012.

Par jugement contradictoire rendu le 28 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance et sans prononcer l'exécution provisoire :

rejeté la demande de nullité des opérations de saisie-contrefaçon,

dit que le flacon « Le Mâle » est une oeuvre originale protégeable au titre du droit d'auteur,

débouté la société BCI de ses demandes à l'encontre de la société Attractives F&C en contrefaçon de droits d'auteur, du modèle déposé précité et de la marque n° 9 5587 225 ainsi qu'en sa demande au titre de la concurrence déloyale,

débouté la société Noms de Code de sa demande à l'encontre de la société Attractive F&C en contrefaçon de la marque n° 3 467 921,

débouté la société Attractive F&C de sa demande indemnitaire reconventionnelle pour procédure abusive,

dit n'y voir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile mais condamné les requérantes aux dépens.

La société Beauté Prestige International a relevé appel de cette décision le 20 décembre 2013.

Par dernières conclusions notifiées le 26 novembre 2014, la société anonyme Beauté Prestige International (BPI) et la société par actions simplifiée Noms de Code prient, pour l'essentiel, la cour, au visa des articles L 332-1 et suivants, L 511-3, L 521-1 et suivants, L 713-3, L 716-1 du code de la propriété intellectuelle :

de déclarer la société BPI recevable et fondée en l'appel qu'elle est seule à maintenir et de donner acte à la société Noms de Code de son désistement d'appel,

de confirmer le jugement en ses dispositions qui lui sont favorables (sur la validité de la saisie-contrefaçon, sur l'originalité du flacon, sur le rejet de la demande indemnitaire reconventionnelle), de l'infirmer pour le surplus et :

principalement de considérer que la société Attractive F&C s'est rendue coupable de contrefaçon de droits d'auteur, de droit de dessins et modèles et de la marque n° 95 587 225 et, en conséquence

de prononcer les mesures d'interdiction (sous astreinte), de confiscation, de destruction d'usage ainsi que de publication (par voie de presse) et de la condamner à lui verser la somme indemnitaire de 100.000 euros en réparation de l'ensemble de ces faits de contrefaçon,

subsidiairement, si la cour ne devait pas reconnaître les actes de contrefaçon de les considérer comme des actes de concurrence déloyale par application des articles 1382 et suivants du code civil, compte tenu du risque de confusion existant et/ou des actes de parasitisme et de prononcer les mêmes mesures et condamnations que précédemment,

de débouter l'intimée de toutes ses demandes en la condamnant à lui verser la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter tous les dépens comprenant les frais de saisie et d'huissier.

Par dernières conclusions notifiées le 19 novembre 2014, la société à responsabilité limitée Attractive Fragrances & Cosmetics demande en substance à la cour de confirmer le jugement en ses dispositions qui lui sont favorables mais, l'infirmant partiellement :

de prononcer la nullité du modèle n° 94217-001/002 déposé le 24 mars 1995 et d'ordonner sa radiation des registres de l'INPI,

de considérer que n'est pas original le modèle de flacon après rasage correspondant au modèle industriel n° 942417-001/002 et qu'il n'est pas éligible à la protection des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle,

reconventionnellement, de condamner l'appelante à lui payer la somme indemnitaire de 50.000 euros pour procédure abusive outre celle de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

SUR CE,

Sur le désistement d'appel de la société Noms de Code

Considérant que cette société, exposant qu'elle dispose de droits identiques mais postérieurs à ceux de la société BPI, déclare se désister de sa demande ;

Que la société Attractive F&C se contente de souligner que cette attitude est révélatrice des atermoiements des sociétés adverses et de leur incertitude ;

Qu'étant relevé que ce désistement ne contient pas de réserves et que la société Attractive F&C ne forme aucune demande à l'encontre de la société Noms de Code, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 401 du code de procédure civile selon lequel « le désistement de l'appel n'a besoin d'être accepté que s'il contient des réserves ou si la partie à l'égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande », et de considérer que ce désistement emporte extinction de l'instance et dessaisissement de la cour pour ce qui concerne la société Noms de Code, la cour restant saisie du litige opposant la société BCI à la société Attractive F&C ;

Sur la validité des opérations de saisie-contrefaçon

Considérant que c'est en vain que la société BPI, afin de voir confirmer le jugement qui a rejeté la demande de nullité de ces opérations présentée par la défenderesse à l'action, reprend son argumentation dans ce sens dès lors que la société Attractive F&C intimée ne forme pas appel incident en poursuivant l'infirmation du jugement sur ce point ;

Sur la demande au titre de la protection du droit d'auteur

Considérant que l'intimée, formant appel incident, conteste la décision du tribunal en ce qu'il a retenu que le flacon en cause, dénommé « Le Mâle », était protégeable par le droit d'auteur et fait valoir que ni la forme, ni le matériau, ni les éléments décoratifs en leur disposition ne sont protégeables en eux-mêmes, qu'au surplus il ne saurait être soutenu que la réunion d'éléments en eux-mêmes non originaux donnerait naissance à une oeuvre originale et qu'en raison d'un défaut patent d'effort créatif (en référence à des représentations de statues gréco-romaines) conjugué à l'existence de modèles de flacons similaires et antérieurs à la date supposée de création de ce modèle, la société BPI n 'a pas fait oeuvre de création ;

Que, de son côté, l'appelante reproche au tribunal d'avoir conclu que « le flacon Kindlooks » litigieux ne reprend pas les caractéristiques originales du flacon « Le mâle » et qu'il n'y a pas de contrefaçon, alors que celle-ci s'apprécie selon les ressemblances et non selon les dissemblances, que les ressemblances sont, à son sens, manifestes, qu'il est inexact d'opposer un buste à un tronc ou bien le caractère réaliste de l'un, abstrait de l'autre ou encore de s'attacher à leurs caractères longiligne ou pas et au blanc translucide du flacon Kindlooks qui renferme un liquide bleu ciel ;

Sur l'éligibilité du flacon dénommé « Le mâle » à la protection du droit d'auteur

Considérant que la société BPI revendique comme suit les caractéristiques de ce flacon commercialisé depuis 1995 au fondement de son originalité :

un flacon en forme de tronc masculin,

à la musculature saillante,

sans bras,

de couleur foncée bleutée,

surmonté d'un bouchon cylindrique en métal ;

Que l'argumentation de l'intimée tenant au caractère fonctionnel de l'une des caractéristiques (le bouchon), au caractère banal de l'emploi du verre (matériau non revendiqué) et, plus généralement, à l'absence d'originalité de chacune de ces caractéristiques, prise isolément, est sans pertinence dès lors que l'empreinte de la personnalité de l'auteur d'une oeuvre se manifeste dans le choix de les combiner ;

Que la société Attractive F&C ne peut non plus valablement opposer la statuaire antique dans sa généralité, laquelle se caractérise au demeurant par sa diversité de formes, en indiquant entre parenthèses : « voir statuaire » et en reproduisant la photographie de deux statues antiques qu'elle s'abstient de décrire mais dont la cour constate, à l'instar du tribunal qui en explicite pertinemment les caractéristiques, qu'elles ne reprennent pas la combinaison revendiquée ;

Qu'elle ne peut davantage tirer argument de la reprise d'un genre ou encore d'oeuvres préexistantes commercialisées par des entreprises du même secteur d'activité, qu'il s'agisse du flacon « Shocking » représentant un buste de mannequin de couturière de la société Schiaparelli qui ne permet pas de considérer, en contemplation de la combinaison des caractéristiques individualisant le flacon « Le Mâle » telle que revendiquée, que la société BPI s'est contentée de réaliser un flacon représentant la forme d'un buste qui relèverait d'une idée non susceptible de protection ou qu'il s'agisse du modèle de buste de [G] [K] déposé à l'INPI le 06 avril 1994 et du buste « Heros », propriété de la société Coscentra BV qui fabrique le produit « Kindlooks » ayant notamment pour composantes une amorce tronquée d'avant-bras et de cuisses outre la forme d'un sexe et celle d'un fessier qui ne sont pas revendiquées par la société BPI ;

Qu'il convient, en revanche, de considérer qu'en faisant choix d'associer, pour donner forme à un flacon de parfum et sans que rien n'impose une telle combinaison, la forme d'un buste masculin, une musculature accentuée, la couleur bleutée, un bouchon cylindrique tenant lieu de tête, et d'ôter de ce buste toute amorce de bras ou de jambes, l'auteur de cette oeuvre procédant d'un parti-pris esthétique, l'a marquée de son empreinte personnelle ;

Que la société Attractive F&C échoue, par conséquent, en sa contestation de l'originalité de cette oeuvre si bien que le jugement mérite confirmation ;

Sur la contrefaçon

Considérant que la société BPI fait valoir, sans être contestée par l'intimée et comme cela résulte de l'examen auquel a procédé la cour, que le flacon « Kindlooks » se caractérise ainsi :

un flacon en forme de tronc d'homme,

sans bras,

de couleur bleue,

avec un buste particulièrement musclé,

et un bouchon de forme cylindrique de couleur métallique argentée ;

Qu'il est indifférent que la couleur bleue du flacon incriminé provienne de la couleur du jus qu'il contient et non du flacon lui-même, que, par ailleurs, le buste de ce flacon n'ait ni bassin ni fessier (non revendiqués par l'appelante), ou encore que la musculature et les épaules du buste incriminé apparaissent à l'intimée comme appartenant à un culturiste alors que le buste du flacon revendiqué, plus élancé, répondrait, toujours selon l'intimée, aux canons esthétiques d'un athlète proportionné et longiligne aux épaules étroites (appréciation contestée par l'appelante qui souligne la même importance des pectoraux, de la cambrure dorsale et d'un trait longitudinal dans les deux cas) dès lors que les différences mineures ainsi mises en avant procèdent d'une analyse de détail, que la contrefaçon s'apprécie par les ressemblances et que force est de considérer que le flacon litigieux reprend, dans la même combinaison, les caractéristiques du flacon « La Mâle » au fondement de son originalité ;

Qu'il s'en déduit que le flacon incriminé contrefait le flacon « Le Mâle » revendiqué et que le tribunal qui en a jugé autrement doit être infirmé de ce chef ;

Sur la demande au titre de la protection du droit des modèles déposés

Sur la nullité des enregistrements n° 942417 - 001 et 002

Considérant que la société Attractive F&C demande à la cour d'infirmer le jugement et de prononcer la nullité de ces deux modèles ;

Que son argumentation tient pour l'essentiel en la reproduction in extenso de la motivation de l'arrêt rendu le 10 mai 2012 par la cour d'appel de Lyon ; que si elle ajoute, entre parenthèses, que cette décision a été « réformée par la Cour de cassation », elle ne précise ni la date de cet arrêt ni les chefs de réformation ; qu'elle oppose un modèle de « buste homme vu de face destiné à constituer un flacon de parfum qui a été déposé à l'INPI par [G] [K] le 06 avril 1994 (pièce 11) et motive sa demande d'annulation par la seule affirmation que ce flacon est la propriété de la société Coscentra, fabricant du produit « Kindlooks » et qu'il « antériorise l'ensemble des droits de la société BPI » ;

Mais considérant qu'outre le fait qu'une telle présentation est quelque peu critiquable dans la mesure où la chambre commerciale de la Cour de cassation, par arrêt rendu le 10 septembre 2013, a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Lyon en énonçant, au visa de l'article L 511-3 du code de la propriété intellectuelle en sa rédaction applicable en la cause :

« qu'en se déterminant par de tels motifs, sans justifier en quoi le choix de combiner la forme d'un buste masculin à la musculature très marquée et la couleur bleutée ne serait pas de nature à conférer à ce modèle de flacon de parfum une physionomie propre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale »,

la présente cour ne saurait, comme il lui est demandé, infirmer le jugement de ce chef dès lors que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen nouveau, la lecture du jugement révélant qu'il n'a pas été soumis à son appréciation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de se prononcer sur cette demande ;

Sur la contrefaçon de modèle

Considérant que l'appelante reproche au tribunal de s'être contenté d'une motivation « laconique » en se référant aux mêmes motifs que ceux développés au titre du droit d'auteur, à savoir l'absence de reprise des éléments caractéristiques du modèle ;

Considérant, ceci rappelé, que ce modèle, déposé le 25 avril 1994 et par conséquent régi par la loi ancienne, fait l'objet de deux reproductions photographiques (de face et de trois-quart) assortie, à des fins documentaires, d'une brève description (« flacon de tronc masculin, de couleur bleutée ») ; que, publié le 02 mai 1997, (pièce 54 de l'appelante), soit antérieurement aux faits incriminés, l'action en contrefaçon à l'encontre de la société Attractive F&C doit être considérée comme recevable ;

Que, sur le fond, étant relevé que l'intimée n'excipe pas de sa bonne foi ainsi que le lui permettait le dernier alinéa de l'article L 521-2 applicable afin de s'exonérer de sa responsabilité, il y a lieu de considérer que les caractéristiques de ce modèle, explicitées ci-avant sur le terrain du droit d'auteur, lui donnent une physionomie propre et nouvelle, au sens de l'article L 511-3 applicable ;

Qu'est ainsi conféré à son titulaire, selon l'article L 511-1 ancien, le droit exclusif de l'exploiter et la faculté de s'opposer à l'exploitation d'un produit l'incorporant qui, comme en l'espèce, se retrouve dans le flacon argué de contrefaçon reproduisant les caractéristiques essentielles du modèle déposé au point de susciter chez l'observateur averti une même impression visuelle d'ensemble ;

Que la société BCI est, par conséquent, recevable et fondée en son action en contrefaçon de modèle déposé et que, sur cet autre point, le jugement doit être infirmé ;

Sur la contrefaçon de la marque figurative n° 95587225 déposée le 07 septembre 1995

Considérant que la marque revendiquée, opposée au flacon destiné à commercialiser du parfum de la société Attractive F&C tel que décrit en amont, porte sur un signe figuratif donnant à voir, surmonté d'un bouchon métallique de forme cylindrique, un flacon présentant la forme d'un buste masculin musclé et sans bras, de forme trapézoïdale, de couleur bleutée, revêtu de bandes blanches, comportant un bassin et un fessier ; que cette marque désigne notamment les produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ;

Considérant que la société BCI appelante reproche au tribunal, concluant à l'absence de risque de confusion, de l'avoir déboutée de son action en contrefaçon de marque en énonçant que la forme, la taille, la couleur et le sujet des deux flacons sont différents de sorte que visuellement il n'existe aucune similitude, qu'en outre la marinière sur le flacon « Le Mâle » est particulièrement caractéristique et ne se retrouve pas sur le flacon incriminé, que, de plus, le premier renvoie à l'univers de l'élégance masculine tandis que le second fait référence au monde du culturisme et, ce faisant, de n'avoir pas pris en considération les facteurs pertinents dont elle se prévaut ;

Qu'elle tire, à cet égard, argument de la connaissance de la marque sur le marché, de l'identité des produits en cause, de l'accentuation du risque de confusion entre ces produits résultant d'une senteur olfactive très proche attestée par diverses analyses (chromatographiques, organoleptiques, chimiques, physico-chimiques) et du caractère mineur des différences tenant au matériau, à la couleur du flacon, à la coupe et à la taille des flacons litigieux qui n'affectent pas leur ressemblance visuelle, de l'identité de la couleur bleue totalement arbitraire résultant de celle du jus contenu dans le flacon argué de contrefaçon ;

Qu'elle réfute, enfin, l'argumentation adverse tenant à son incapacité à revendiquer un monopole « sur une forme classique de buste » ou « un buste de marin » du fait de son absence de portée puisqu'est revendiqué un signe particulier, ou tenant à l'existence d'autres flacons de parfums, différents et au demeurant de création postérieure, qui ne permettent pas de conclure, selon l'appelante, à la revendication d'un genre, ou au prononcé de décisions de justice dont les dispositions ne peuvent lui être opposés, ou à une prétendue absence de similitude « auditive », s'agissant d'une marque figurative et non point de la marque « Le Mâle » qui n'est pas en cause, ou à une absence de similitude visuelle qui n'est, elle aussi, que prétendue à la faveur d'un raisonnement prenant en compte un emballage non revendiqué ou bien leurs seules différences alors que le flacon incriminé paraît être une déclinaison du signe revendiqué, ou encore à l'absence de similitude conceptuelle résultant de l'évocation d'univers différents alors que les produits en cause sont identiques, ou enfin à « l'absence de confusion possible » telle qu'invoquée alors que le risque de confusion est d'autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s'avère important et que le public pourra croire, du fait de l'impression globale produite et quels que soient les prix, circuits de distribution ou clientèle, que le flacon incriminé est une déclinaison du produit couvert par la marque opposée ;

Considérant, ceci rappelé, que le flacon incriminé ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque qui lui est opposée, il convient de rechercher s'il n'existe pas, entre eux, un risque de confusion (lequel comprend le risque d'association) qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ;

Que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle du signe et de la forme du flacon en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; qu'à cet égard, il est constant que le risque de confusion est d'autant plus élevé que la marque revendiquée possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits en cause ; qu'il convient d'ajouter qu'un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre le signe et la forme en cause et inversement ;

Que, s'agissant d'abord des produits de parfumerie en cause, désignés à l'enregistrement de la marque revendiquée, d'une part, et commercialisés au moyen du flacon en forme de buste masculin incriminé, d'autre part, leur similitude ne saurait être contestée et ne l'est, d'ailleurs, pas en tant que telle par l'intimée ;

Que l'argumentation de cette dernière tirant de la différence de conditionnement des produits et de leurs conditions de vente à la clientèle une absence de risque de confusion est inopérante dès lors que l'étendue de la protection conférée par la marque est déterminée par son seul enregistrement et qu'il s'agit là d'éléments extérieurs tant aux produits de parfumerie visés à l'enregistrement qu'à ceux commercialisés par l'intimée dans le flacon litigieux proprement dit ;

Que, s'agissant de la comparaison du signe figuratif et de la forme du produit incriminé, la marque figurative revendiquée dont le caractère distinctif est accentué par la connaissance qu'en a le public - élément factuel non contesté par l'intimée qui ne peut valablement évoquer l'appartenance à un genre de ce signe précis - et le flacon incriminé présentent certes, visuellement, des différences tenant à la présence, dans cette marque, de bandes blanches, d'un bassin et d'un fessier non repris dans le flacon incriminé ;

Que ces différences doivent cependant être considérées comme mineures dès lors qu'elles ne sont pas aptes à modifier l'impression visuelle produite par les formes en conflit sur le consommateur, qui n'aura pas simultanément sous les yeux le signe et le flacon, et qui, sans s'attacher aux éléments de détail invoqués, retiendra qu'il se trouve en présence de la représentation de troncs masculins dont la musculature est mise en valeur, d'une même couleur bleutée dont le mode d'obtention est indifférent, à la physionomie similaire du fait de leur commune absence de bras et d'un identique resserrement en partie basse du buste ainsi que de la semblable présence, aux lieu et place de la tête, d'un bouchon cylindrique de même aspect, peu important qu'occasionnellement, soit adjoint au bouchon du flacon incriminé un élément décoratif évoquant un éperon ;

Que l'invocation de l'absence de similitude auditive dont se prévaut l'intimée est sans pertinence compte tenu des termes précis du conflit qui exclut la prise en considération d'éléments verbaux ;

Que, conceptuellement, est dénué de portée l'argument selon lequel, faisant appel à des « canons » différents, le signe protégé évoquerait l'élégance tandis que le flacon incriminé suggérerait des pratiques de culturisme qu'illustreraient les acteurs de cinéma [V] [N] ou [F] [W] dès lors que la forte distinctivité de la marque figurative conduira le consommateur à lui associer, du fait de sa physionomie générale, le flacon incriminé qu'il percevra comme une déclinaison de la marque revendiquée ;

Qu'il suit que l'impression d'ensemble qui se dégage de la comparaison globale ainsi menée du signe figuratif revendiqué et du flacon incriminé est propre à générer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur qui sera conduit, en raison de leur proximité visuelle et des facteurs d'association relevés, ceci combiné à l'identité ou à la similarité des produits en cause, à confondre ou, à tout le moins, à associer la marque enregistrée et le flacon incriminé et à leur attribuer une origine commune en forme de déclinaison ;

Que la société BCI est, par voie de conséquence, fondée à se prévaloir de la contrefaçon de sa marque et que doit être infirmé le jugement qui en dispose autrement ;

Que les faits de concurrence déloyale et de parasitisme n'étant invoqués que de manière subsidiaire, il s'évince de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces autres chefs de demande ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que pour évaluer à 100.000 euros le montant de la réparation du préjudice résultant de la contrefaçon, la société BCI fait état, en en justifiant, de la marge qu'elle dégage en commercialisant le produit dénommé « Le Mâle » (soit 27,06 euros), de l'importance de ses investissements publicitaires et promotionnels, de sa notoriété, d'une masse contrefaisante déclarée de 1.871 produits vendus et de 321 en stock (soit un total de 2.192 produits), de la copie de la fragrance, de la vulgarisation de son produit par un produit de basse qualité vendu en gros au prix unitaire d'un euro, et, pour conclure, d'un manque à gagner évalué à 60.000 euros auquel s'ajoutent les bénéfices du contrefacteur et son préjudice moral notamment caractérisé par des ventes sur internet qui mettent en avant les ressemblances avec son propre produit ;

Considérant, ceci exposé et étant relevé que dans ses « conclusions responsives » l'intimée ne formule aucun élément de réponse sur ce point, qu'eu égard aux différentes atteintes retenues qui n'ont pas manqué de contribuer à la dilution de l'oeuvre, du modèle déposé et de la marque enregistrée alors que l'appelante peut prétendre à une image positive conquise au prix d'efforts humains et financiers déployés de longue date, à la masse contrefaisante constatée, mais aussi à la circonstance qu'il n'est pas démontré, du fait de l'écart de prix constaté, que la société BCI aurait subi un déficit de ventes à hauteur de cette masse contrefaisante, il y a lieu de condamner la société Attractive F&C à verser à la société BPI la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ces différents actes de contrefaçon ;

Qu'il échet, également, de faire droit aux mesures sollicitées d'interdiction, ceci sous astreinte dont il n'y a pas lieu de se réserver la liquidation, de confiscation et de destruction, dont les modalités seront explicitées au dispositif afin de mettre un terme à ces agissements ;

Que ces différentes sanctions réparant à suffisance le préjudice subi et les faits remontant à près de trois années, la demande de publication sera en revanche rejetée ;

Sur les autres demandes

Considérant que la teneur du présent arrêt conduit à débouter l'intimée de sa demande indemnitaire fondée sur l'abus de procédure ;

Que, sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande d'allouer à la société BCI la somme de 8.000 euros ;

Qu'il convient d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et de faire supporter la charge de ceux exposés en première instance puis en cause d'appel à la société Attractive F&C ; que ceux-ci ne comprendront, toutefois, pas les frais de la saisie-contrefaçon que la demanderesse à l'action a choisi de faire diligenter et qui ne sont pas compris dans la liste des dépens figurant à l'article 695 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Constate le désistement d'appel de la société Noms de Code SAS et dit qu'il emporte extinction de l'instance et dessaisissement de la cour à son égard, la cour restant saisie du litige opposant la société Beauté Prestige International SA et la société Attractive Fragrances & Cosmetics SARL ;

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a considéré que le flacon dénommé « Le Mâle » était éligible à la protection conférée par le droit d'auteur et, statuant à nouveau ;

Dit qu'en commercialisant un flacon translucide contenant un jus de couleur bleutée représentant un buste masculin à la musculature proéminente et non doté de bras destiné à contenir un produit de parfumerie, la société Attractive Fragrances & Cosmétics SARL a commis, au préjudice de la société Beauté Prestige International SA, des actes de contrefaçon de droits d'auteur, du modèle enregistré n° 942417 déposé le 25 avril 1994 à l'INPI et de la marque figurative n° 95 587 225 enregistrée le 07 septembre 1995 puis renouvelée ;

Fait, en conséquence, interdiction à la société Attractive Fragrances & Cosmetics de détenir, d'offrir à la vente et/ou de vendre un produit contrefaisant les droits d'auteur, de modèle déposé et de marque dont est titulaire la société Beauté Prestige International SA, ceci à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée ;

Ordonne la confiscation des produits contrefaisants dans leur intégralité et leur destruction aux frais de la société intimée, ceci dans les quinze jours de la signification du présent arrêt ;

Condamne la société Attractive Fragrances & Cosmetics SARL à verser à la société Beauté Prestige International SA la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice résultant de ces différents actes de contrefaçon ;

Condamne la société Attractive Fragrances & Cosmetics SARL à verser à la société Beauté Prestige International SA la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel (en ce non compris les frais de saisie-contrefaçon) avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/24509
Date de la décision : 30/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°13/24509 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-30;13.24509 ?
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