Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 14 JANVIER 2015
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/01262
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de CRÉTEIL - RG n° 12/02905
APPELANTE
Madame [J] Marie [O]
née le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 8] 14ème
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée et assistée de Me Nicolas GARDERES, avocat au barreau de PARIS,
toque : L0293
INTIMÉS
1°) Monsieur [E] [W] [I]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 6] (44)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Bernard CAHEN de la SELAS CAYOL CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R109, postulant
assisté de Me Isabelle FLEURET de la CMS Bureau Francis LEFEBVRE, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, plaidant
2°) Monsieur [P] [I]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 6] (44)
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté et assisté de Me Jérôme CAYOL de la SELAS CAYOL CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R109
3°) Monsieur [T] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Guillaume AKSIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0293
4°) Madame [A] [O]
[Adresse 4]
[Adresse 5]
5°) Madame [N] [O]
[Adresse 4]
[Adresse 5]
défaillantes
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 05 novembre 2014, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Evelyne DELBÈS, président,
Madame Monique MAUMUS, conseiller
Madame Nicolette GUILLAUME, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN
ARRÊT :
- par défaut
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Evelyne DELBÈS, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
[E] [I] est décédé le [Date décès 1] 2006, en laissant pour recueillir sa succession :
- son épouse, [L] [O], avec laquelle il s'était marié le [Date mariage 1] 1989 sous le régime de séparation de biens, une ordonnance de non- conciliation ayant été prononcée le 30 juin 2005 à la suite de l'introduction d'une procédure de divorce par [E] [I],
et ses trois enfants :
- M. [E] [W] [I], M. [P] [I], ses deux fils issus d'une première union,
- M. [T] [I], né le [Date naissance 3] 1992, son fils issu de son union avec Mme [O].
Mme [O] a également deux filles de deux unions précédentes, [N] et [A].
[E] [I] a rédigé un testament olographe daté du 20 septembre 2004, ainsi que deux codicilles, qui ont été déposés au rang des minutes de Me [M], qui a engagé les opérations de comptes, liquidation de la succession du défunt et de l'indivision.
Aux termes de son testament, le défunt a prévu la répartition de son patrimoine de la manière suivante :
à son fils [E] :
- 1/3 de la propriété dite « de Lezvellec » située à [Localité 9] (Côtes
d'Armor),
- les titres et le compte courant de la société MPCAR,
- 48% des comptes titres et des liquidités dans les banques Société Générale, BNP et Crédit Lyonnais,
à son fils [P] :
- 1/3 de la propriété dite « de Lezvellec »,
- la propriété de [Localité 7],
- 26% des comptes titres et des liquidités détenus au sein des banques Société Générale, BNP et Crédit Lyonnais,
à son fils [T] :
- 1/3 de la propriété dite « de Lezvellec »,
- la propriété de [Localité 4],
- 26% des comptes titres et des liquidités détenus au sein des banques Société
Générale, BNP et Crédit Lyonnais,
à Mme [O] :
- ses parts dans les deux "Aubergeries",
- l'ensemble des bijoux qu'il lui a offerts.
Les biens immobiliers sis à [Localité 9] et à [Localité 4] étaient indivis entre le défunt et Mme [O], [E] [I] étant propriétaire de 50 % du premier bien et de 85 % du second.
Les parties n'ont pu s'entendre sur la vente amiable de la propriété de [Localité 9], estimée à 2 500 000 € par le notaire désigné par l'ordonnance de non-conciliation , de sorte que les fils du défunt ont saisi le tribunal de grande instance de Créteil aux fins de voir ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [E] [I].
Par jugement du 8 décembre 2009, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2011, sur appel de Mme [O], le tribunal a pour l'essentiel :
- ordonné qu'il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision ayant existé entre les époux [I]/[O], et de la succession de [E] [I],
- et préalablement au partage et pour y parvenir, ordonné qu'aux mêmes requête , poursuite et diligences, il soit procédé en l'audience des criées du tribunal de grande instance de Créteil (...) à la vente par licitation aux enchères publiques en deux lots, des biens et droits indivis situés à :
- [Localité 4],
- Lezvellec,
- débouté Mme [O] de sa demande de sursis à statuer,
- ordonné l'exécution provisoire.
Les biens immobiliers ont alors été mis en vente et adjugés le 31 mai 2012 pour un prix de à 961 000 € pour le bien de [Localité 9], et de 1 380 000 € pour le bien de [Localité 4].
Par acte du 28 octobre 2011, Mme [O] a saisi le tribunal de grande instance de Créteil aux fins notamment de voir statuer sur ses droits indivis, sur le caractère rémunératoire d'une donation de 1 000 000 francs et sur l'inexistence d'une donation de 200 000 francs et aux fins de voir prononcer la nullité du testament de [E] [I].
Par jugement du 17 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Créteil, a notamment :
- dit et jugé le testament du 20 septembre 2004 valide,
- constaté que Mme [O] ne bénéficie pas de droit dans la succession de [E] [I], à l'exception de deux legs particuliers,
- constaté la révocation de la donation de 1 million de francs, soit 152 449 €,
- dit que Mme [O] est redevable envers la succession d'une créance d'un montant de 191 544 €,
- dit que Mme [O] est redevable envers l'indivision d'une indemnité de 640 000 € au titre des dépenses d'amélioration de la propriété de Lezvellec,
- dit que Mme [O] est redevable envers l'indivision d'une indemnité de 79 936,67 € au titre des dépenses de conservation des biens indivis,
- rappelle que le paiement de ces créances et indemnités s'effectuera en moins prenant sur l'actif indivis,
- condamné Mme [O] à payer à M. [E] [I] et à M. [P] [I] la somme de 173 000 € chacun à titre de dommages et intérêts,
- renvoyé les parties devant Me [U], notaire chargé du règlement,
- rejeté les autres demandes,
- condamné Mme [O] aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à M. [E] [I] et à M. [P] [I] la somme de 2 000 € à chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Mme [O] a interjeté appel de ce jugement par acte du 18 janvier 2014.
Dans ses dernières conclusions du 20 octobre 2014, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement, sauf en ce qu'il a constaté que le prétendu don manuel de 200 000 francs ne saurait être révoqué,
- constater qu'elle est propriétaire indivis de 15 % des biens sis à [Localité 4] et de 50 % du bien sis à [Localité 5] (sous la réserve d'une donation faite à ses filles),
- dire et juger en conséquence que toutes les dispositions du testament de [E] [I] portant sur les propriétés de [Localité 4] et de Lezvellec sont nulles et de nul effet,
- dire qu'elle est successible pour un quart en toute propriété dans la succession de [E] [I],
- dire et juger que ses droits successoraux s'exerceront pleinement sur les biens précités,
- dire et juger que le prétendu don manuel de 200 000 francs n'est pas établi et en conséquence ne peut être révoqué,
- dire et juger que la donation de 1 000 000 francs présente un caractère rémunératoire et en conséquence que sa révocation est nulle et de nul effet,
- dire et juger qu'elle n'a aucune dette sur le fondement des travaux réalisés sur la maison de [Localité 5],
- dire et juger qu'elle n'a aucune dette fondée sur les dépenses générées par l'indivision,
- dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil à l'encontre de MM. [E] [W] et [P] [I],
- lui donner acte qu'elle formule toutes réserves sur la valeur retenue dans le testament de l'ensemble des biens légués,
- condamner solidairement MM. [E] [W] et [P] [I] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile et à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du même code.
Dans leurs conclusions du 19 mai 2014, Messieurs [E] [W] et [P] [I] demandent à la cour de :
Vu l'acte authentique du 21 novembre 1989 portant donation,
Vu le testament et les deux codicilles tous en date du 20 septembre 2004,
Vu les articles 721, 1099-1, 815-13, 815-10 du code civil,
- les dire recevables et bien fondés en leurs demandes et conclusions,
- en conséquence,
- confirmer le jugement du 17 décembre 2013 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il n'a pas constaté la révocation du don manuel fait à Mme [O] de 200 000 francs, soit 30 490 €,
- dire et juger que Mme [O] doit rembourser à la succession la somme de 19 437 € correspondant aux droits de donation versés à l'administration fiscale,
- la condamner en cause d'appel à leur verser une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure avec application des dispositions de l'article 699 du même code.
Dans ses conclusions du 13 mai 2014, M. [T] [I] demande à la cour de lui donner acte qu'il s'en remet à la décision de la cour et de condamner la partie succombante aux dépens.
SUR CE, LA COUR,
sur la validité du testament
Considérant que Mme [O] soutient en se fondant sur les dispositions de l'article 1021 du code civil que le testament olographe daté du 20 septembre 2004 est nul dès lors que [E] [I] a légué les biens de [Localité 9] et de [Localité 4], alors qu'elle en est propriétaire indivis à concurrence de 50 % pour le premier bien et de 15 % pour le second et qu'il a donc outrepassé ses droits ;
Considérant que selon l'article précité, 'lorsque le testateur aura légué la chose d'autrui, le legs sera nul, soit que le testateur ait connu ou non qu'elle ne lui appartenait pas';
Considérant, en l'espèce, que [E] [I] ayant un droit de propriété indivis de moitié pour le bien de [Localité 9] et de 85 % pour celui de [Localité 4], n'a pas légué la chose d'autrui, mais bien seulement la quote-part qu'il détenait dans chacun de ces immeubles ;
Considérant, en conséquence, que le testament est valable et que le jugement doit être confirmé de ce chef ;
sur les droits du conjoint survivant
Considérant que Mme [O] soutient que le testament, à le supposer valide, ne contient strictement aucune formule d'aucune sorte visant à l'exclure de la succession et qu'à aucun moment [E] [I] n'écrit qu'il souhaite priver son épouse des droits qui découlent pour elle de la loi, de sorte qu'elle a droit au quart des biens dépendant de la succession de celui-ci ;
Considérant que selon l'article 721 du code civil, 'les successions sont dévolues selon la loi lorsque le défunt n'a pas disposé de ses biens par des libéralités' ;
Considérant que selon les dispositions de l'article 757 du code civil, 'si l'époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux';
Considérant que selon l'article 914-1 du code civil, 'les libéralités, par actes entre vifs ou par testament, ne pourront excéder les trois quarts des biens si, à défaut de descendant, le défunt laisse un conjoint survivant, non divorcé';
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le conjoint survivant n'est pas héritier réservataire en présence d'enfants du défunt, et qu'il peut donc voir ses droits légaux réduits ou annulés par les dispositions prises par celui-ci ;
Considérant que [E] [I], dans son testament, après avoir déclaré qu'il révoquait toutes dispositions antérieures, écrit qu'il confirmait tout d'abord la résiliation des deux donations faites à [J] pour l'acquisition de la maison de [Localité 4] en date du 13 septembre 2004, l'une de 1 000 000 francs faite chez Me [H] et l'autre en don manuel de 200 000 francs ;
Qu'il poursuit en indiquant ce qu'il lègue à chacun de ses fils, tout d'abord à [E], puis à [P] et enfin à [T] ;
Qu'il conclut ses dispositions par celles destinées à son épouse en écrivant :
'je lègue à [J]
- mes parts dans les deux "Aubergeries",
- l'ensemble des bijoux que je lui ai offerts' ;
Considérant qu'il convient de préciser que les legs faits à ses enfants portaient sur l'intégralité de ses biens immobiliers ou de ses droits dans ceux-ci ([Localité 9], [Localité 7], [Localité 4]), [E] [I] léguant par ailleurs à chacun d'eux une quotité de ses comptes titres et de ses liquidités, l'ensemble de ses legs (48 %, 26 %, 26 % ) étant égal à 100 % de ses avoirs ;
Qu'il s'infert de l'ensemble de ses dispositions que [E] [I] a entendu que son épouse, à l'égard de laquelle il avait engagé une procédure de divorce, soit privée de toute part dans sa succession, l'exhérédation du conjoint ne requérant aucune forme, ni formule spécifique dès lors qu'elle découle clairement des dispositions prises par le défunt ;
sur les donations
Considérant qu'aux termes de son testament, [E] [I] a déclaré révoquer les deux donations faites à [J] pour l'acquisition de la maison de [Localité 4], l'une de 1 000 000 francs faite chez Me [H] et l'autre en don manuel de 200 000 francs ;
Qu'ainsi [E] [I] mentionne dans ses dispositions testamentaires que les deux donations qu'il entend révoquer avaient toutes deux la même finalité, l'acquisition de la maison de [Localité 4] ;
Considérant que Mme [O] soutient que la donation de 1 000 000 francs était une donation rémunératoire et donc non révocable et conteste l'existence du don manuel de 200 000 francs ;
Considérant que par acte notarié du 21 novembre 1989, [E] [I] a fait donation à son épouse, Mme [O] d'une somme de un million de francs 'aux fins d'effectuer à due concurrence le financement de l'acquisition d'une maison qu'envisage de faire la donataire', et qu'il a réglé les droits correspondant à cette donation, soit 127 500 francs ;
Considérant que le 19 mars 1990, Mme [O] a acquis 15 % du bien situé à [Localité 4] ;
Considérant que le prix d'acquisition était de 7 000 000 francs, outre 200 000 francs de frais d'agence, hors frais de notaire ;
Considérant, ainsi que pour acquérir 15 % du bien, Mme [O] devait donc verser la somme de 1 080 000 francs et en outre acquitter les frais de notaire, à due concurrence de sa part, de sorte que la donation de 1 000 000 francs était insuffisante pour financer son acquisition ;
Considérant qu'au vu de la mention du don manuel qui figure dans le testament, ce don étant nécessaire au financement des frais accessoires (commission d'agence et frais de notaire), Mme [O] ne justifiant pas de sa capacité de financement de sa quote-part de ces frais, il convient de dire que la preuve est rapportée de l'existence de ce don manuel, le jugement étant infirmé de ce chef ;
Considérant que Mme [O] soutient que la donation de un million de francs correspondait à la rémunération de l'importante charge de travail que représentait pour elle, l'organisation de la vie sociale et domestique du couple ;
Considérant, outre le fait que cette donation a été consentie moins de trois mois après le mariage, ce qui est incompatible avec la rémunération d'un travail pour cette courte période, il y a lieu de dire que le travail que décrit l'appelante, à savoir la gestion d'une maison bourgeoise, ne dépasse pas les obligations qui incombent aux époux dans l'organisation de la vie de la famille, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [O] de sa demande de voir qualifier cette donation de donation rémunératoire ;
Considérant qu'il convient donc de dire que par son testament, [E] [I] a révoqué les deux donations, tant celle de de 1 000 000 francs faite chez Me [H], que le don manuel de 200 000 francs ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1099-1 du code civil, 'quand un époux acquiert un bien avec des deniers qui lui ont été donnés par l'autre à cette fin, la donation n'est que des deniers et non du bien auquel ils sont employés.
En ce cas, les droits du donateur ou de ses héritiers n'ont pour objet qu'une somme d'argent suivant la valeur actuelle du bien. Si le bien a été aliéné, on considère la valeur qu'il avait au jour de l'aliénation, et si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, la valeur de ce nouveau bien';
Considérant que le bien de [Localité 4] a été vendu aux enchères au prix de 1 380 000 €, de sorte que Mme [O] est redevable envers la succession d'une créance d'un montant de 207 000 € (1 380 000 € X 15 %) et non de 191 544 € comme retenu par le tribunal ;
Qu'il convient également de faire droit à la demande au titre des droits versés à l'administration fiscale lors de cette donation d'un montant de 127 500 francs, soit 19 437 € ;
sur les travaux réalisés dans le bien sis à [Adresse 6]
Considérant que selon l'article 815-13 du code civil, 'lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés';
Considérant qu'aux termes de son testament [E] [I] mentionne qu'il a dépensé 16 268 000 francs, soit 2 480 040 €, en travaux et embellissements dans le bien sis à [Adresse 6] ;
Considérant que par lettre du 24 janvier 1994, Mme [O] écrivait à son époux,' je reconnais expressément que les travaux effectués dans cette propriété, depuis cette acquisition, ont été entièrement financés par vous;
la présente lettre devra être remise à Me [Z] [D], notaire à [Localité 6]';
Considérant que Mme [O] s'oppose à toute demande de ce chef en soutenant que les travaux réalisés sur ce bien étaient somptuaires ;
Considérant toutefois, comme il résulte du rapport de Me [F], notaire désigné par l'ordonnance de non-conciliation, que ce bien était à l'origine constitué d'une ferme et de granges ou bâtiments de fermes en mauvais état, de sorte que des travaux de transformation s'imposaient, le fait que les prestations aient été de haut niveau étant parfaitement en adéquation avec le niveau de vie des époux qui en étaient propriétaires et dont ils ont tous deux profité ;
Considérant que le prix d'acquisition de ce bien n'a pas été indiqué par les parties et que Me [F] a estimé la propriété à 2 500 000 € en mars 2007, le bien ayant été vendu aux enchères le 31 mai 2012 pour un prix de 961 000 € ;
Considérant que Messieurs [E] [W] et [P] [I] exposent que le 31 août 2007, ils ont reçu une offre d'achat de M. et Mme [K] pour un prix net vendeur de 2 000 000 € et que l'appelante, co-indivisaire pour moitié a refusé toute vente amiable ;
Considérant que les intimés qui sollicitent la confirmation du jugement, ne réclament pas la prise en compte des dépenses effectuées par leur père sur ce bien mais, soutenant que Me [F] avait estimé la propriété à 2 500 000 € et indiqué que la valeur réactualisé du bien sans les travaux était de 900 000 €, de sorte qu'il pouvait en être déduit que la plus-value apportée par les travaux était de 64 % de la valeur du bien (2 500 000 - 900 000 ) / 2 500 000), sollicitent une indemnité calculée sur une plus value de 64 % du prix de 2 000 000 € de l'offre d'achat faite par les époux [K], soit 2 000 000 € X 64% : 2 = 640 000 € ;
Considérant toutefois que l'article 815-13 du code civil ne permet pas de prendre pour base de calcul une offre d'achat qui n'a pu aboutir et que c'est le prix de l'aliénation qui doit être retenu, de sorte que l'indemnité due par Mme [O] est de 307 520 € (961 000 x 64 % : 2), le jugement étant infirmé sur le montant de l'indemnité allouée ;
sur les dépenses
Considérant que Mme [O] conteste devoir prendre en charge sa quote-part des dépenses relatives aux biens indivis au motif que le refus de vente amiable ne saurait lui être reproché et que la somme astronomique de 79 936,67 € au titre des dépenses de conservation des biens indivis n'est pas justifiée ;
Considérant toutefois que Mme [O], titulaire de la moitié des droits sur le bien sis à [Adresse 6] et de 15 % des droits sur celui situé à [Localité 4], est redevable des frais supportés par l'indivision à concurrence de sa quote-part jusqu'à la vente de ces biens qui a fait cesser l'indivision, aucun fondement juridique ne pouvant la dispenser de cette contribution, de sorte que le jugement doit être confirmé de ce chef ;
sur les dommages-intérêts
Considérant que Messieurs [E] [W] et [P] [I] sollicitent la confirmation du jugement qui a condamné Mme [O] à leur payer la somme de 173 000 € à titre de dommages intérêts, exposant qu'elle a refusé de vendre à l'amiable les propriétés de [Localité 9] et de [Localité 4] et a préféré qu'il s'écoule presque six ans jusqu'à l'adjudication de ces deux biens ce qui a entraîné des frais considérables de conservation ; que sa volonté de nuire à la succession est manifeste;
Considérant que Mme [O] réplique que sa prétendue opposition systématique est un mythe et qu'elle a simplement fait ce qui lui semblait le mieux pour son fils mineur et la préservation des intérêts de celui-ci, soulignant que le comportement des frères [I] a toujours été particulièrement malveillant à son encontre ;
Considérant que Messieurs [E] [W] et [P] [I] produisent une offre d'achat formulée par M. et Mme [K] pour un montant de 2 000 000 € le 31 août 2007 ;
Considérant que Mme [O] ne justifie nullement de raisons légitimes qui l'auraient conduite à ne pas favoriser cette solution qui s'imposait au contraire pour protéger les intérêts de son fils mineur ;
Considérant que sa volonté de nuire à la succession se révèle également au travers du sort du bien de [Localité 4] alors que son fils en était le seul légataire, Mme [O] ne s'étant pas impliquée, au mépris des intérêts de celui-ci et au préjudice de Messieurs [E] [W] et [P] [I] qui ont dû accepter que les frais portant sur cet immeuble soient imputés sur les fonds successoraux, dans la recherche d'une autre solution que celle de la vente aux enchères qui a du être ordonnée ;
Considérant que cette attitude fautive est à l'origine de préjudices importants pour les intimés qui ont obtenu un prix pour la vente du bien de [Localité 9] bien inférieur à l'offre qu'ils avaient présentée cinq ans plus tôt, ont vu les charges courir sur les biens indivis pendant de nombreuses années et se sont heurtés au refus de Mme [O] que leur soit attribuée une part sur les fonds disponibles à la suite de la vente de la propriété de [Localité 9] ;
Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de condamner Mme [O] à payer à Messieurs [E] [W] et [P] [I], la somme de 100 000 € à chacun à titre de dommages intérêts, le jugement étant infirmé en ce qui concerne la somme allouée ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que Mme [O] est redevable envers la succession d'une créance d'un montant de 191 544 €, qu'elle est redevable envers l'indivision d'une indemnité de 640 000 € au titre des dépenses d'amélioration de la propriété de Lezvellec, et en ce qu'il a condamné Mme [O] à payer à M. [E] [I] et à M. [P] [I] la somme de 173 000 € chacun à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,
Dit que Mme [O] est redevable envers la succession de créances d'un montant de 207 000 € et de 19 437 €,
Dit que Mme [O] est redevable d'une indemnité de 307 520 € au titre des dépenses d'amélioration de la propriété de Lezvellec,
Condamne Mme [O] à payer à M. [E] [I] et à M. [P] [I] la somme de 100 000 € à chacun à titre de dommages et intérêts,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,
Condamne Mme [O] aux dépens,
Accorde à l'avocat de Messieurs [E] [W] et [P] [I] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,