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14/01/2015 | FRANCE | N°13/14312

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 14 janvier 2015, 13/14312


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 14 JANVIER 2015



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14312



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juin 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/10520





APPELANT





Monsieur [G] [P]

né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 7] (CAMEROUN)
r>[Adresse 1]

[Localité 1]



Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, postulant

assisté de Me Caroline LOUP, avocat au barreau de...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 14 JANVIER 2015

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14312

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juin 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/10520

APPELANT

Monsieur [G] [P]

né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 7] (CAMEROUN)

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, postulant

assisté de Me Caroline LOUP, avocat au barreau de PARIS, toque : C2148, plaidant

INTIMÉS

1°) Monsieur [B] [P]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 5] (TOGO)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté et assisté de Me Jérôme CASEY de la SELARL CASEY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R100

2°) Mademoiselle [W] [P]

née le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 6] (COTE D'IVOIRE)

[Adresse 5]

[Localité 2]

3°) Monsieur [Z] [S]

es qualité de curateur de Mademoiselle [W] [P]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentés par Me Jacques MONTACIE de la SCP HUVELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R285, postulant

assistés de Me Delphine MONTBOBIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1600, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 05 novembre 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Evelyne DELBÈS, président,

Madame Monique MAUMUS, conseiller

Madame Nicolette GUILLAUME, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBÈS, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Selon acte authentique du 28 décembre 1979, les époux Yves [P] et [E] [U] ont consenti une donation-partage à leurs trois enfants ainsi allotis :

1°) à M. [B] [P], le lot n° 1 comprenant la nue-propriété :

- de parts de la SCI Baalbek propriétaire, dans un ensemble immobilier sis au [Adresse 12], de deux appartements, lots n° 15 et 16, deux caves et un garage,

- d'un appartement lot n° 26 d'un immeuble sis à [Adresse 8],

- 2°) à Mme [W] [P], le lot n° 2 comprenant la nue-propriété :

- d'un appartement, lot n° 19 d'un immeuble sis à [Adresse 10],

- d'un appartement, lot n° 179 d'un immeuble sis à [Adresse 11],

3°) à M. [G] [P], le lot n° 3 comprenant la nue-propriété :

- des lots n° 247 et 283 dans un immeuble sis à [Adresse 2],

- des lots de copropriété n° 238 et 272 dans le même immeuble,

- du lot n° 23 dans la copropriété sise à [Adresse 9],

- d'un bien à usage commercial, [Adresse 6],

et 'la somme de cent mille Francs payable au plus tard au décès du survivant des donateurs'.

L'acte de donation-partage comporte les clauses suivantes :

- en page 16 sous le titre 'Paiement de la somme de cent mille Francs' :

'Ainsi qu'il est dit ci-dessus, cette somme sera payable au plus tard au décès du survivant des donateurs.

Pour conserver l'égalité en valeur des lots constitués, il est formellement convenu qu'au moment où cette somme de cent mille Francs sera versée, elle devra représenter une somme égale à dix cent-cinquièmes de la moyenne arithmétique de la valeur à l'époque du paiement des biens constituant les premier et deuxième lots, si les biens constituant ces lots se retrouvent, ou de la valeur de ceux qui en seront la représentation.

Pour le cas où tous les biens ou certains d'entre eux auraient été aliénés et le prix des aliénations non remployé il sera pris en considération pour déterminer la réévaluation de cette somme de cent mille francs, les prix des aliénations si tous les biens ont été aliénés ou la moyenne des prix des aliénations et de la valeur des biens subsistants ou remployés,

- page 24, sous le titre 'Sur le règlement au décès des donateurs' :

Conformément à l'article 860 du code civil, les donateurs fixent le montant du rapport à leur succession par les donataires à la valeur au jour du partage mais compte tenu de l'état à ce jour',

- en page 25, sous le titre 'Donation d'excédent de lots' :

'Les lots tels qu'ils ont été composés ci-dessus sont considérés comme égaux en valeurs ; mais pour le cas où un excédent de valeur d'un lot sur l'autre serait constaté, Monsieur et Madame [P], donateurs, déclarent chacun en ce qui le concerne faire une donation de cet excédent à titre de préciput et hors part à celui des donataires dans le lot duquel il pourra exister, ce qui est accepté par chacun des donataires'.

Par actes des 30 décembre 1981 et 15 septembre 1988, les donateurs ont renoncé à l'usufruit sur les différents biens objets des donations.

Yves [P] est décédé le [Date décès 2] 1988 et son épouse, [E] [U], le [Date décès 1] 2008.

Le 18 juin 2008, M. [G] [P] a entrepris des démarches auprès de Maître [A], notaire chargé de la succession, aux fins de réévaluation et de paiement de la soulte dont il estimait être créancier à l'égard de ses frère et soeur en application de l'acte de donation-partage.

Se prévalant du refus de son frère de communiquer au notaire les éléments nécessaires à l'évaluation de la soulte ainsi réclamée, M. [G] [P] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir ordonner diverses mesures d'instruction. Par ordonnance du 17 décembre 2009, confirmé sur ce point par un arrêt du 21 mai 2010, rectifié 10 septembre 2010, le juge des référés a ordonné une expertise à l'effet d'évaluer les biens immobiliers sis [Adresse 3] et a rejeté les demandes d'expertise concernant d'autres biens.

Les conditions de la donation-partage ont donné lieu à un différend entre les cohéritiers.

Par actes d'huissier des 1er et 7 juillet 2011, M. [B] [P] a assigné son frère, [G], et sa soeur, [W], ainsi que M. [Z] [S] en qualité de curateur de cette dernière, devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession d'[E] [P], de rapport à la succession de l'ensemble des biens objets de la donation réévalués et d'expertise de la valeur des biens attribués à M. [G] [P].

Par jugement du 11 juin 2013, le tribunal de grande instance de Paris a :

- ordonné le partage judiciaire de la succession d'[E] [P],

- désigné pour procéder à ces opérations, le président de la Chambre interdépartementale des notaires de Paris, avec faculté de déléguer tout membre de sa compagnie,

- dit que les parties devront communiquer au greffe du tribunal (2ème chambre) le nom du notaire commis par la Chambre des notaires,

- commis tout juge de la 2ème chambre (1ère section) du tribunal de grande instance de Paris pour veiller à ces opérations,

- rappelé que le notaire commis devra dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de sa désignation, tenant compte des modalités suivantes :

- les donations consenties par acte du 28 décembre 1979 devront être rapportées à la succession et évaluées à la date du partage,

- le lot attribué à M. [G] [P] est également astreint au rapport et à l'évaluation,

- la comparaison de la valeur des trois lots déterminera s'il y a lieu à réévaluation de la soulte, à défaut fixée à son montant en euros correspondant à la somme de 100 000 francs,

- mais il ne devra pas être tenu compte de différences de valeur modiques qui seront considérées comme donations préciputaires,

- préalablement à ces opérations et pour y parvenir,

- commis en qualité d'expert, M. [J] [C], avec mission de se rendre sur les lieux situés :

1°) à [Adresse 2], consistant en deux studios et deux parkings, lots n° 247, 283, 238 et 272 de l'état descriptif de division,

à [Adresse 9], consistant en un appartement, lot n° 23 de la copropriété,

2°) à [Adresse 6], constitués de locaux à usage commercial et d'habitation,

les visiter, les décrire et en déterminer la valeur à la date du partage, d'après leur état à la date de la donation, 28 décembre 1979,

- rappelé que le délai imparti au notaire pour établir l'état liquidatif est suspendu jusqu'à remise du rapport de l'expert,

- rappelé qu'à défaut pour les parties de signer cet état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe de la 2ème chambre un procès-verbal de dires et son projet,

- rejeté toute autre demande,

- rappelé que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l'amiable,

- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage qui comprendront le coût de la mesure d'expertise ordonnée en référé,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 12 juillet 2013, M. [G] [P] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures du 23 janvier 2014, il demande à la cour de :

- vu l'ordonnance de référé du 17 décembre 2009,

- vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 mai 2010 et l'arrêt rectificatif du 10 septembre 2010,

- vu le jugement dont appel,

- vu l'acte de donation-partage du 28 décembre 1979,

- vu les articles 1134, 1147 et 1153 du code civil,

- vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- à titre principal,

- dire que l'acte de donation-partage signé le 28 décembre 1979 entre les époux [P] et leurs trois enfants n'est pas rapportable à la succession d'[E] [P] ouverte le [Date décès 1] 2008,

- dire que la soulte qui lui est due par M. [B] [P] s'élève à la somme de 32 076,97 euros,

- condamner l'intéressé à lui payer cette soulte de 32 076,97 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2009, date de la mise en demeure de payer,

- condamner M. [B] [P] à lui payer des dommages et intérêts provisoirement arrêtés à 6 949,57 euros,

- dire que la soulte que lui doit Mme [W] [P] s'élève à la somme de 40 412,48 euros,

- condamner l'intéressée à lui payer cette soulte de 40 412,48 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2012, date de la signification au RPVA de ses conclusions de première instance en demandant le paiement,

- condamner Mme [W] [P] à lui payer des dommages et intérêts provisoirement arrêtés à la somme de 8 755,49 euros,

- à titre subsidiaire,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a limité aux différences de valeur modiques entre les lots, le champ d'application de la donation d'excédent de lots,

- dire que la clause de donation d'excédent de lots s'applique pleinement dans la limite de la quotité disponible,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il énonce que la soulte doit être réévaluée en fonction de la valeur des trois lots issus de l'acte de donation-partage du 28 décembre 1979,

- dire que la soulte sera réévaluée sur la seule revalorisation des lots de M. [B] [P] et de Mme [W] [P],

- en toute hypothèse,

- débouter M. [B] [P] et Mme [W] [P] de toutes leurs demandes,

- condamner M. [B] [P] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, en ce notamment compris la somme de 3 085,49 euros correspondant aux frais d'expertise qu'il a dû avancer pour faire valoir ses droits, lesquels seront recouvrés par Maître Loup, avocat au Barreau de Paris, selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner Mme [W] [P] à lui payer la somme de 5 000 euros en remboursement de ses frais non taxables.

Dans ses dernières conclusions du 17 octobre 2014, M. [B] [P] demande à la cour de :

- vu les articles 1134, 860, 815 et 1382 du code civil,

- juger l'appel formé par M. [G] [P] tant irrecevable que mal fondé,

- en conséquence,

- confirmer le jugement entrepris,

- ordonner l'extension de la mission d'expertise confiée à M. [C] à tous biens subrogés à ceux qui ont été attribués à M. [G] [P] par l'acte du 28 décembre 1979, et notamment aux biens subrogés suite aux ventes des deux studios (lots n° 247 et 283) situés dans l'ensemble immobilier sis [Adresse 9],

- dire que toutes les provisions complémentaires à valoir sur la rémunération de l'expert se feront aux frais avancés de M. [G] [P] et que ce dernier y sera condamné en tant que de besoin,

- condamner M. [G] [P] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter Mme [W] [P] de sa demande de condamnation solidaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile en ce qu'elle est formulée à son encontre,

- condamner M. [G] [P] à lui payer, pour la procédure de première instance, d'une part, pour la procédure d'appel, d'autre part, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la Selarl Mulon & Casey Associés.

Dans leurs dernières conclusions du 6 mai 2014, Mme [W] [P] et M. [S], son curateur, demandent à la cour de :

- vu les articles 815, 828, 860, 1075-4 et 1134 du code civil,

- confirmer le jugement dont appel,

- y ajoutant,

- dire et juger irrecevables les demandes formées pour la première fois en cause d'appel par M. [G] [P] à l'encontre de Mme [W] [P], savoir sa demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts et d'intérêts de retard à faire courir sur la somme prétendument due de 40 412,48 euros,

- débouter M. [G] [P] de toutes ses demandes dirigées contre Mme [W] [P],

- condamner solidairement MM. [G] et [B] [P] à payer à Mme [W] [P] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur le rapport des donations

Considérant que M. [G] [P] soutient que la donation-partage du 28 décembre 1979 n'est pas rapportable de sorte que son lot n'a pas à être réévalué pour un quelconque rapport ni pour le calcul de la soulte de 100 000 francs stipulée à son bénéfice et que son frère et sa soeur doivent lui verser en fonction de la valeur de leurs seuls lots au jour de son paiement ; qu'il fait plaider que les donateurs ont souhaité que l'égalité entre leurs héritiers soit appréhendée à la date de la donation-partage et non pas à celle du paiement de la soulte et que les lots soient de même valeur, non pas au jour du paiement de la soulte, mais en 1979, date à laquelle chacun d'eux a été évalué à 1 050 000 francs ; qu'il fait valoir qu'il n'est nullement avantagé du fait du mode de calcul de la soulte de 100 000 francs qui a seulement été prévu à l'effet de compenser la disparité par lui subie du fait du retard à percevoir cette somme qui lui était imposé et en contrepartie du délai de paiement accordé à ses débiteurs ;

Considérant que M. [G] [P] estime que la clause de rapport incluse dans l'acte en cause, qui s'intitule 'Donation-partage', doit être réputée non écrite et faire l'objet d'un retranchement ; qu'il ajoute que son interprétation de l'acte de donation- partage est confirmée par :

- des éléments intrinsèques à celui-ci, à savoir :

+ l'insertion d'une clause dite 'Donation d'excédent de lots' incompatible avec toute idée de rapport,

+ le fait que la soulte ait été stipulée payable 'au plus tard au décès du survivant des donateurs', lesquels ne peuvent avoir prévu le paiement de la soulte au décès et son rapport, à peine reçue, avec le reste de son lot,

+ la typographie de la clause de rapport, différente de celle des autres clauses de l'acte et qui procède du recours du notaire, par erreur, à un copié-collé d'autres actes,

- des éléments extrinsèques, à savoir :

+ la renonciation par les donateurs à l'usufruit des biens partagés qui confirme a posteriori leur volonté d'exclure tout rapport,

+ l'absence de rapport lors du décès de leur père, alors que la donation portait principalement sur des biens communs des époux [P],

+ la reconnaissance par ses cohéritiers eux-mêmes du caractère non rapportable des donations par eux reçues qu'ils n'ont déclarées ni dans l'actif successoral de leur père ni dans celui de leur mère,

+ le fait que l'étude notariale, rédactrice de l'acte en cause et des déclarations de succession, a elle-même toujours compris la volonté des donateurs comme exclusive d'un rapport à la succession de la donation-partage,

+ la prise de position initiale du curateur de [W] [P] en faveur d'une absence de rapport ;

Considérant que les intimés protestent du caractère rapportable afin de réévaluation de toutes les donations procédant de l'acte de donation-partage du 28 décembre 1979 ;

Considérant que contrairement à ce que soutient l'appelant, cet acte commande, malgré son intitulé de 'Donation-partage', le rapport et la réévaluation de tous les lots ; que de la combinaison de ses différentes clauses, il ressort que les donateurs qui avaient, en 1979, constitué et attribué des lots d'égales valeurs à leurs trois héritiers réservataires, avaient aussi la volonté de ' conserver l'égalité en valeur des lots constitués' et ont envisagé une possible variation de cette valeur d'ici leur décès et la nécessité d'une réévaluation, notamment quant à la soulte intégrée dans le lot de M. [G] [P] qui n'était pas payable immédiatement ; qu'ils n'ont pas entendu écarter le rapport des donations, prévoyant au contraire celui-ci par l'insertion d'une clause à cet effet, et sa date, soit la 'date du partage' ; que s'ils avaient souhaité, comme le prétend l'appelant, compenser le délai de paiement de la soulte qui lui était imposé, une réévaluation de la somme de 100 000 francs en fonction de l'évolution monétaire ou la stipulation d'un taux d'intérêt auraient suffi ; qu'ils ont prévu un autre mode de calcul de la soulte, en fonction de la valeur des biens donnés, et ont envisagé l'existence d'éventuelles différences de valeur entre les lots (la clause de 'Donation d'excédent de lots') qu'ils ont traité alors, non pas comme des donations rapportables, mais comme des donations préciputaires, stipulation de nature à exclure la volonté de figer l'égalité des lots au jour de la donation-partage qui les aurait animés, selon l'appelant ; que dans ces conditions, l'évaluation de la soulte ne peut intervenir que dans le cadre d'un rapport et d'un rapport concernant les trois lots, sauf à compromettre l'égalité voulue par les donateurs ; que l'existence de la clause de rapport n'est incompatible ni avec les termes de la formule de calcul de la soulte ni avec ceux de la clause de donation d'excédent de lots ; que M. [G] [P] ne peut soutenir que les biens qui lui ont été attribués doivent lui rester acquis pour leur valeur en 1979 alors que ceux attribués à ses frère et soeur devraient être évalués à la date du partage dans le seul but de majorer la soulte lui revenant ; que cette interprétation de l'acte conduirait à lui octroyer un avantage certain, alors que ledit acte ne comporte aucune clause manifestant la volonté des donateurs de le favoriser ; que le calcul de la soulte lui revenant ne peut donc résulter que de la comparaison de la valeur au jour du partage des trois lots institués par l'acte du 28 décembre 1979 ;

Considérant que la clause de rapport insérée page 24 de cet acte, sous le titre 'Sur le règlement au décès des donateurs', dont la typographie est exactement la même que celle de la clause 'Paiement de la somme de cent mille Francs', rédigée en ces termes : 'Conformément à l'article 860 du code civil, les donateurs fixent le montant du rapport à leur succession par les donataires à la valeur au jour du partage mais compte tenu de l'état à ce jour', exclut, de convention expresse, les dispositions de l'article 1078 du code civil ancien applicable au jour de la donation-partage pour déroger à la règle d'évaluation des biens donnés au jour de l'acte ;

Considérant que l'acte de donation-partage forme un tout dont les clauses cohérentes ne s'excluent nullement entre elles et doivent être appliquées ensemble en ce qu'elles traduisent la volonté des donateurs à savoir, consentir à leurs trois enfants des donations de droit commun ;

Considérant que les prétendus changements de position sur l'interprétation des clauses de l'acte du 28 décembre 1979 prêtés par l'appelant au notaire qui a rédigé celui-ci et au curateur de Mme [W] [P] sont dépourvus de toute portée juridique ;

Considérant que les déclarations de succession, simples formalités fiscales dont les héritiers prennent la responsabilité et qui peuvent faire l'objet de rectifications, n'a aucun effet sur le règlement de la succession elle-même et ne préjuge en rien de celui-ci ; que le tribunal a justement retenu qu'il ne pouvait être tiré aucune conséquence du défaut de mention des biens inclus dans la donation-partage à la déclaration de succession déposée à la suite du décès d'[E] [P], ces biens ayant donné lieu au paiement de droits de mutation lors de la donation et n'ayant plus à supporter de frais d'enregistrement alors que leur statut juridique n'a pas été modifié;

Considérant que le Cridon, interrogé par Maître [R], indique qu'une donation-partage est par essence non rapportable, qu'en cas de stipulation d'un rapport, l'alternative est la suivante, soit faire prévaloir la clause de rapport mais disqualifier la donation-partage en une donation ordinaire, soit réputer la clause de rapport non écrite, et que lorsque les parties dérogent à la règle d'évaluation des biens donnés au jour de la donation-partage pour revenir au droit commun, l'évaluation de tous les biens en vue du calcul de la quotité disponible se fait à l'époque du décès de l'ascendant donateur, ce qui a été le cas dans l'acte signé le 28 décembre 1979 entre les époux [P] et leurs trois enfants ;

Considérant que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'en vue de la détermination de la soulte prévue au bénéfice de M. [G] [P], il a ordonné le rapport de toutes les donations mais aussi en ce qu'il a ordonné une expertise à l'effet d'évaluer les biens objets de celles-ci en ce compris ceux donnés à M. [G] [P] ;

Considérant que la recevabilité et le bien fondé des demandes en paiement de soulte et de dommages et intérêts pour non paiement de celle-ci formées par M. [G] [P] ne peuvent être examinées en l'état de l'expertise ;

Sur la clause de donation d'excédent de lots

Considérant qu'en limitant son champ d'application aux différences de valeur 'modiques', les premiers juges ont ajouté à cette clause qui ne fait pas état d'une telle limitation ;

Considérant que le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef et la cour dira que la clause dont s'agit s'applique pleinement dans la seule limite de la quotité disponible ;

Sur la demande d'extension de la mission de l'expert

Considérant que les opérations d'expertise ont révélé que l'appelant avait procédé, en 1994 et 2003, à la vente des studios situés [Adresse 2] et de l'appartement sis [Adresse 9] ;

Considérant que l'article 860 du code civil dispose :

'Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation.

Si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation, et si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, de la valeur de ce nouveau bien à l'époque du partage.

Le tout sauf stipulation contraire dans l'acte de donation.

S'il résulte d'une telle stipulation que la valeur sujette à rapport est inférieure à la valeur du bien déterminé selon les règles d'évaluation prévues par l'article 922 ci-dessous, cette différence forme un avantage indirect acquis au donataire hors part successorale' ;

Considérant qu'il convient, dans ces conditions de faire doit à la demande des intimés tendant à voir étendre la mission de l'expert, M. [C], à l'ensemble des biens immobiliers composant le lot de M. [G] [P] par l'acte du 28 décembre 1979 ou tous biens subrogés à ceux-ci ;

Considérant que toute demande éventuelle de provision complémentaire est du ressort du juge chargé par le tribunal du contrôle des opérations d'expertise ;

Considérant que le jugement entrepris n'étant pas critiqué en ses autres chefs sera confirmé en ceux-ci ;

Sur les autres demandes

Considérant que M. [B] [P] qui ne démontrent pas que M. [G] [P], qui a pu légitiment faire erreur sur l'étendue de ses droits, a engagé la présente instance et fait obstacle à la mesure d'expertise dans la seule intention de nuire et de mauvaise foi, doit être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts;

Considérant que l'équité commande de ne pas faire application, en l'espèce, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que les dépens d'appel seront employés en frais de partage ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit qu'il ne devra pas être tenu compte de différences de valeur modiques qui seront considérées comme donations préciputaires,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Dit que la clause de donation d'excédant de lots s'applique dans la seule limite de la quotité disponible,

Ordonne l'extension de la mission d'expertise confiée à M. [C] à tous biens subrogés à ceux qui ont été attribués à M. [G] [P] par l'acte du 28 décembre 1979, et notamment aux biens subrogés à la suite de la vente des deux studios (lots n° 247 et 283) situés dans l'ensemble immobilier sis [Adresse 9] et de l'appartement (lot n° 23) situé dans l'ensemble immobilier sis [Adresse 9],

Rejette toute autre demande,

Ordonne l'emploi des dépens en frais de partage,

Rappelle que cet emploi ne peut donner lieu à application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 13/14312
Date de la décision : 14/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°13/14312 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-14;13.14312 ?
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