Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2014
(no, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02473
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2012- Tribunal de Commerce de de PARIS 1ère chambre-RG no 2011055409
APPELANTE
SNC YACK ENERGIE agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité. No Siret : B 513 533 042
Ayant son siège au 314 chemin des Pradeaux-ZAC des Pradeaux-83270 SAINT CYR SUR MER
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Assistée sur l'audience par Me Christian BREUIL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0075
INTIMÉS
Maître Jean-François X... es qualités de d'administrateur judiciaire de la SARL AIR
demeurant...
Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assisté sur l'audience par Me Yvan MONELLI de la SELARL MBIA, avocat au barreau de MONTPELLIER
SARL AIR agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège no Siret : 438 349 748
ayant son siège au 266, rue de la Gariguette ZAC SAINT ANTOINE-34130 SAINT AUNES
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assisté sur l'audience par Me Yvan MONELLI de la SELARL MBIA, avocat au barreau de MONTPELLIER
PARTIE INTERVENANTE :
Maître Christine Y...es qualités de mandataire liquidateur de la SARL AIR
demeurant ...
Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assisté sur l'audience par Me Yvan MONELLI de la SELARL MBIA, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Chantal SARDA, Présidente de chambre
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
Monsieur Fabrice VERT, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Chantal SARDA, Présidente, et par Monsieur Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision à été remise par le magistrat signataire.
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Par acte sous seing privé du 3 décembre 2009, la SNC YACK énergie a confié à la SARL air énergie réalisation (AIR) la construction de l'extension d'un bâtiment existant et de quatre nouveaux bâtiments sur un terrain sis à Signes (83), pour un prix de 10 176 000 ¿ HT, sous diverses conditions suspensives. Cette construction avait pour objet l'exploitation d'une installation photovoltaïque avec revente de l'électricité à EDF. Ce projet n'ayant pas abouti, par acte du 22 juillet 2011, la société AIR a assigné la société YACK énergie en résiliation du contrat aux torts de celle-ci et en condamnation à lui payer la somme de 1 374 994 ¿ avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 31 janvier 2012, le Tribunal de commerce de Paris a :
- retenu sa compétence territoriale,
- débouté la société AIR de sa demande principale en paiement de la somme de 1 374 994 ¿ en raison du non-respect de la condition suspensive relative au financement,
- débouté la société AIR de sa demande subsidiaire en paiement de la somme de 1 374 994 ¿ en raison du non-respect de la condition suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire,
- condamné la société YACK énergie à payer à la société AIR la somme de 350 000 ¿ au titre de la clause pénale prévue à l'article 5 des clauses diverses du contrat avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2009, date de l'assignation et celle de 10 000 ¿ en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société YACK énergie aux dépens.
Par dernières conclusions du 6 septembre 2012, la société YACK énergie, appelante, demande à la Cour de :
- vu les articles 42 du Code de Procédure Civile, 1152 et 1178 du Code Civil,
- réformer le jugement entrepris et se déclarer incompétente au profit de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
A titre principal :
- infirmer le jugement entrepris et dire que la modification rétroactive des tarifs d'EDF est constitutive d'un cas de force majeure,
- débouter la société AIR de sa demande principale de versement de la somme de 1 374 994 ¿ et confirmer le jugement entrepris sur ce point,
- débouter la société AIR de sa demande subsidiaire en paiement de cette somme et confirmer le jugement entrepris sur ce point,
- débouter la société AIR de sa demande en paiement de la somme de 202 583, 54 ¿ au titre de l'article 5 du contrat et infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 350 000 ¿ à ce titre.
A titre subsidiaire,
- constater que la somme de 1 374 994 ¿ exigée au titre de la clause 7. 2 est manifestement excessive et ainsi la réduire à un montant de 1 000 ¿,
- constater que la somme de 202 583, 54 ¿ exigée au titre de la clause 5 est excessive et la réduire à un montant de 1 000 ¿.
En tout état de cause,
- débouter la société AIR et M X... de leur appel incident,
- condamner la société AIR à lui payer la somme de 8 138, 16 ¿ au titre de la responsabilité contractuelle,
- condamner la société AIR à lui payer la somme de 10 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 6 juillet 2012, la société AIR et M. Jean-François X..., en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de cette société, prie la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu sa compétence,
- vu les articles 1148, 1134, 1147 et 1184 du Code Civil,
- prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société YACK énergie,
- condamner la société YACK énergie à lui payer la somme de 1 374 994 ¿ avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- vu les articles L. 622-24 et L. 622-26 du Code de commerce,
- dire irrecevable la demande reconventionnelle de la société YACK énergie.
A titre subsidiaire,
- vu l'article 5 des conditions particulières du contrat et 1134 du Code Civil,
- condamner la société YACK énergie à lui payer les sommes de 1 374 994 ¿ et de 150 000 ¿ de dommages-intérêts complémentaires en raison des manquements de cette société à son obligation de loyauté,
- condamner la société YACK énergie à lui payer la somme de15 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 19 février 2014, Mme Christine Y..., ès qualités de mandatAIRe liquidateur à la liquidation judiciAIRe de la société AIR, demande à la Cour de :
- lui donner acte de son intervention,
- lui adjuger le bénéfice des conclusions précédemment signifiées au nom de son administrée.
SUR CE
LA COUR
Considérant, sur l'incompétence territoriale invoquée par la société YACK énergie, que, si les conditions générales du contrat du 3 décembre 2009 indiquent qu'en cas de contestation sur l'exécution de ce dernier, il était fait attribution de juridiction aux tribunaux de Montpellier, cependant, par les conditions particulières de ce même contrat, les parties ont spécifiquement stipulé : " attribution de juridiction, en cas de désaccord, les 2 parties conviennent de se présenter devant le Tribunal de Commerce de la ville de Paris " ;
Qu'il se déduit de ces stipulations spéciales, qui dérogent aux stipulations générales, que les parties au contrat ont exprimé expressément leur intention de porter tout différent devant le Tribunal de commerce de Paris ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu sa compétence territoriale ;
Considérant que le changement de tarif du rachat de l'électricité par un arrêté dont l'effet immédiat a été tempéré par des dispositions transitoires applicables en la cause comme il sera dit ci-après, qui n'est pas un événement imprévisible, n'est pas un cas de force majeure ;
Considérant que, selon la clause 7. 1 des conditions générales du contrat, " le contrat est résolu de plein droit, et sans versement d'indemnité de part et d'autre, lorsque l'une des conditions résolutoires suivantes n'est pas levée à savoir :
- Non-obtention du permis de construire ou non-obtention d'une autorisation administrative nécessaire pour effectuer la réalisation prévue. Si la responsabilité en incombe au client, le constructeur conservera à titre d'indemnité forfaitaire le paiement du premier et deuxième appel de fonds soit 8 % conformément à l'article 5.,
- Non-obtention de l'accord définitif des organismes de financement, mais dans ce cas, si le permis de construire a été obtenu, le constructeur conservera à titre d'indemnité le paiement du premier et deuxième appel de fonds soit 8 % conformément à l'article 5. et recevra en complément une indemnité de 2 % du montant TTC du contrat " ;
Que, selon l'article 7. 2 des conditions générales du contrat réglant les " Résiliation du fait du client et indemnités ", si le client dénonçait le contrat en dehors des dispositions prévues par
l'article 7. 1, il devait, notamment, " payer une indemnité forfaitAIRe de 10 % (...) du solde du prix du marché majorée du montant des avenants éventuels " ;
Que, selon ses conditions particulières, le contrat était soumis aux conditions suspensives suivantes :
1. Obtention d'un permis de construire pour une SHON de 29 942 m2 environ,
2. Obtention d'un accord de financement d'un montant de 23 000 000 ¿ HT pour une durée de 15 ans,
3. Obtention de l'accord du financement de la TVA récupérable sur le prix du contrat HT ;
Que selon les " clauses diverses " des conditions particulières : " 5. Par dérogation à l'article 7. 1, si le client n'est pas en mesure de réaliser la clause suspensive no 2 des présentes, le constructeur conservera à titre de dédommagement de études et frais engagés, 2. 0 % du montant hors taxe du contrat. Les autres clauses de ce paragraphe restent inchangées " ;
Considérant, sur la condition suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire et l'application de l'article 7. 2 des conditions générales du contrat, que les parties ont stipulé cette condition en faveur de la société YACK énergie ; que celle-ci ne se prévaut pas de la non-obtention du permis de construire, de sorte qu'est inopérant le moyen de la société AIR relatif à la défaillance de cette condition du fait du client ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société AIR de sa demande en paiement de la somme de 1 374 994 ¿ en raison du non-respect de la condition suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire ;
Considérant, sur la condition suspensive relative au financement, qu'il ressort des lettres adressées par les banques à la société YACK énergie que celle-ci a sollicité le financement et que ce dernier a été refusé ; que la société YACK énergie énonce que ce refus est essentiellement fondé sur la baisse du prix d'achat de l'électricité résultant de l'arrêté du 12 janvier 2010 (de 60 centimes d'euro le kW/ h à 41 centimes d'euro le kW/ h), le tarif antérieur, résultant de l'arrêté du 10 juillet 2006, conditionnant la viabilité de son projet ;
Que, cependant, il ressort de la lettre adressée le 8 avril 2010 par EDF à la société YACK énergie à la suite de la demande de contrat de cette dernière du 30 décembre 2009 que, compte tenu des dispositions transitoires de l'arrêté du 15 mars 2010, l'installation était susceptible de bénéficier des conditions d'achat résultant de l'arrêté du 10 juillet 2006 à la condition de l'accord sur la proposition technique et financière (PTF) et du versement du premier acompte avant le 11 janvier 2010 ; que la société YACK énergie n'a répondu à cette lettre que le 30 juin 2010 par une mise en demeure réclamant le bénéfice de l'arrêté du 10 juillet 2006 en vertu du statut des projets dits " avancés ", annonçant qu'à défaut, elle attaquerait la légalité de l'arrêté du 16 mars 2010 ; qu'en réponse, par lettre du 5 juillet 2010, EDF a rappelé à la société YACK énergie qu'elle lui avait indiqué, par lettre du 8 avril 2010, les conditions à remplir et les démarches à entreprendre pour bénéficier de l'arrêté du 10 juillet 2006, qu'elle n'avait pas répondu à cette lettre et qu'elle (EDF) était dans l'attente des éléments indispensables pour donner une suite favorable au projet ;
Qu'il s'en déduit qu'EDF n'avait pas fait de la date du 11 janvier 2010 pour le versement du premier acompte une condition de validité à l'admission au bénéfice des dispositions transitoires, de sorte qu'en ne répondant pas aux demandes d'EDF, et, notamment, en ne versant pas le premier acompte dès après la réception de la lettre du 8 avril 2010 d'EDF, la société YACK énergie, qui avait antérieurement sollicité le retrait du permis de construire, a fait échouer le projet et défaillir la condition du financement ;
Considérant qu'il convient donc de prononcer la résiliation du contrat aux torts de la société YACK énergie et de faire application de la clause 7. 2 des conditions générales du contrat relative à la résiliation du fait du client, l'article 5 des conditions particulières ne s'appliquant que par dérogation à l'article 7. 1 des conditions générales ;
Considérant, sur le montant de l'indemnité, que si, comme l'a relevé le Tribunal, pendant plusieurs mois, la société YACK énergie a réclamé diverses études à la société AIR alors qu'elle avait renoncé au projet, ainsi que le prouve sa demande de rétractation du permis de construire, sans pour autant résilier le contrat de construction, cependant, la société AIR n'a pas été totalement laissée dans l'ignorance de la situation par son client, lui ayant le 28 mai 2010 fait une proposition de travaux " en diminution " et étant informée par lettre du 2 février 2010 de ce que le financement n'avait pas été obtenu, de sorte qu'elle ne peut prétendre avoir travaillé pendant plus de deux ans pour la société YACK énergie en exécution du contrat litigieux ; qu'eu égard au travail réalisé par la société AIR pendant quelques mois en exécution du contrat, le montant de la clause pénale prévue par l'article 7. 2 des conditions générales est manifestement excessif, celui-ci devant être ramené à la somme de 350 000 ¿ au paiement de laquelle il convient de condamner la société YACK énergie avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Considérant que la société AIR ne justifie pas d'un préjudice distinct qui n'aurait pas été réparé par l'allocation de la somme de 350 000 ¿, de sorte que sa demande de dommages-intérêts complémentaire doit être rejetée ;
Considérant, sur la demande de dommages-intérêts de la société YACK énergie qui allègue de fautes commises par la société AIR dans l'exécution du contrat litigieux, que l'appelante n'établit pas avoir déclaré sa créance à la procédure collective de la société AIR ; qu'ainsi cette demande est irrecevable ;
Considérant que la solution donnée au litige emporte le rejet de la demande sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile de la société YACK énergie ;
Considérant que l'équité commande qu'il soit fait droit à la demande de la société AIR sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a :
- débouté la société AIR de sa demande principale en paiement de la somme de 1 374 994 ¿ en raison du non-respect de la condition suspensive relative au financement,
- condamné la société YACK énergie à payer à la société AIR la somme de 350 000 ¿ au titre de la clause pénale prévue à l'article 5 des clauses diverses du contrat avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2009 ;
Statuant à nouveau :
Prononce la résiliation du contrat aux torts de la société YACK énergie ;
Condamne la société YACK énergie à payer à Mme Christine Y..., ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société AIR, la somme de 350 000 ¿ au titre de la clause pénale prévue à l'article 7. 2 des conditions générales du contrat avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2009 ;
Rejette les autres demandes ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Y ajoutant :
Déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par la société YACK énergie contre la société AIR en liquidation judiciaire ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société YACK énergie aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
Condamne la société YACK énergie à payer à Mme Christine Y..., ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société AIR, la somme de 10 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.
Le Greffier, La Présidente,