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25/11/2014 | FRANCE | N°13/19832

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 25 novembre 2014, 13/19832


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 25 NOVEMBRE 2014

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/19832



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2013 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009025469





APPELANTE :



Sarl CAFI prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

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Représentée par Me Chantal-Rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Ayant pour avocat plaidant Me Philippe LHUMEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0483



INTIMEE :...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 25 NOVEMBRE 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/19832

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2013 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009025469

APPELANTE :

Sarl CAFI prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Chantal-Rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Ayant pour avocat plaidant Me Philippe LHUMEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0483

INTIMEE :

Société SVGM BV prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Sarra JOUGLA YGOUF, avocat au barreau de PARIS, toque : C0875

Ayant pour avocat plaidant Me Alain LANIECE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1327

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidentede chambre, présidente

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC

MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Mme Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.

MM [M] et [C], le premier oncle du second, ont créé un groupe de

sociétés qu'ils détenaient au travers de leurs holdings familiales respectives.

Les Sas Svgm et Cafi, sous le contrôle, la première, du groupe familial [M], la seconde, du groupe familial Jerôme, étaient associées à parité dans leurs filiales communes, implantées en Guyane, les Sas Soprim, propriétaires d'actifs immobiliers à [Localité 2], [Localité 1] et [Localité 3], Sefitec, entreprise de travaux publics, et Sefibat, constructeur de maisons individuelles ;

Svgm assurait la direction stratégique du groupe.

Après le décès, survenu le 8 novembre 2005, de M. [M] qui sera remplacé à la présidence de Svgm par son épouse, elle-même démissionnaire en 2011, les intérêts des deux holdings ont été scindés suivant protocole du 16 novembre 2007 aux termes duquel la propriété des filiales Sefitec et Sefibat a été transférée à la société Cafi, laquelle en échange a transféré 220 actions de la société Soprim (sur les 535 actions qu'elle détenait) à Svgm.

La participation de Svgm dans Soprim est ainsi passée de 50 à 70 %, celle de Cafi étant ramenée de 50 à 29,44%.

A l'époque de la cession, Cafi assurait la gestion des sociétés de Guyane dont Soprim sur les plans administratif, comptable et fiscal et M. [C] en était le président. Le 17 novembre 2007, M. [C] a démissionné de son mandat de président et Mme [M] est devenue présidente de Soprim.

Dans le cadre de la cession, les actions Soprim ont été évaluées d'un commun accord sur une base de valorisation de 6 687 500 euros. Les actifs immobiliers avaient été évalués par M. [D], expert, dans un rapport du 22 avril 2002 à une valeur de patrimoine comprise entre 8,842 et 9,146 millions d'euros.

Soutenant avoir été contrainte de constituer dans les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2008 une provision de 2 104 290 euros pour grosses réparations des immeubles qu'elle détenait et ne pas avoir été informée de la conclusion de baux d'une durée de 20 ans avec les sociétés Prosol 1, 2 et 3 portant sur les toitures de certains bâtiments du site de [Localité 2] afin d'y installer des panneaux photovoltaïques, par acte du 12 mars 2009, Svgm a assigné M. [C] et la société Cafi, au visa des articles 1108, 1116, 1134 du code civil, en réparation du préjudice subi du fait de la surévaluation des actions de Soprim et de la dissimulation des engagements pris par Soprim avant la signature du protocole à raison de ces baux, demandant la condamnation des défendeurs au paiement des sommes suivantes:

- 432 598,13 euros à titre de dommages-intérêts, montant correspondant à la valeur de la provision inscrite par Soprim dans ses comptes 2008 rapportée à la fraction de capital cédée (220/1070),

- 100 000 euros en application de la clause pénale prévue au protocole du 16 novembre 2007 pour la fourniture d'informations comptables inexactes et incomplètes,

- 30 000 euros en réparation du préjudice général causé par la mauvaise foi caractérisée des parties adverses outre 15 000 euros de frais irrépétibles.

Auparavant, par acte du 19 novembre 2008, la société Soprim avait assigné les sociétés Prosol 1, 2 et 3 devant le tribunal mixte de Cayenne aux fins d'annulation des baux portant sur les toitures faisant valoir que ceux-ci avaient été conclus à une date à laquelle les sociétés Prosol étaient dépourvues de personnalité juridique car non immatriculées au registre du commerce. Le jugement rendu le 20 octobre 2010 ayant déclaré nuls les contrats et ordonné l'arrêt des travaux entrepris sur les ouvrages a été infirmé par arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France chambre détachée de Cayenne en date du 12 septembre 2011 qui a déclaré les conventions valides et a débouté les parties de toutes autres demandes. L'arrêt d'appel a été cassé par arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013.

Le 29 décembre 2010, la Sas Svgm a été dissoute sans liquidation et absorbée par la Svgm Bv, société de droit néerlandais. S'opposant à cette dissolution et à la transmission universelle du patrimoine de Svgm à Svgm Bv, la société Cafi a assigné Svgm, Svgm Bv et Mme [M]. Par jugement du 28 décembre 2012, devenu définitif, le tribunal de commerce de Paris l'a jugée irrecevable en son opposition.

Lors de l'audience du 2 mai 2013, la société Svgm Bv s'est constituée en lieu et place de sa filiale dissoute Svgm et a régularisé des écritures dans l'instance dirigée contre M. [C] et [W].

Par jugement du 23 septembre 2013, le tribunal de commerce de Paris a donné acte à la société Svgm Bv de son intervention volontaire en lieu et place de la Sas Svgm, a condamné la société Cafi à payer à Svgm Bv la somme de 432 598,13 euros à titre de dommages et intérêts, a débouté la société Svgm Bv de sa demande de 100 000 euros au titre de la clause pénale prévue au protocole du 16 novembre 2007, a dit la société Cafi et M. [C] mal fondés en leurs demandes reconventionnelles et les en a déboutés, a condamné la société Cafi à payer à la société Svgm Bv la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire du jugement, a débouté les parties de leurs autres demandes et condamné la société Cafi aux dépens.

Appel a été interjeté par la société Cafi selon déclaration en date du 15 octobre 2013, à l'encontre de Svgm Bv.

Par conclusions signifiées le 19 août 2014, la société Cafi demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Svgm Bv la somme de 432 598 euros, outre 7 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, statuant à nouveau, de débouter Svgm Bv de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre et de la condamner au paiement de la somme de 100 000 euros à raison des préjudices causés par le caractère particulièrement abusif de la procédure introduite, conformément à l'article 1382 du code civil, outre 40 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 18 juillet 2014, la société Svgm Bv demande à la cour de confirmer le jugement en ses dispositions portant condamnation de la société Cafi à son profit et la déboutant de l'ensemble de ses demandes, de le réformer en ce qu'il a rejeté l'application de la clause pénale, statuant à nouveau de ce chef, de condamner Cafi à lui payer la somme de 100 000 euros, subsidiairement, de condamner la société Cafi au paiement de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement aux obligations contractuelles d'information de l'acquéreur et, en tout état de cause, de condamner la société Cafi à lui payer 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

- Sur la demande de diminution du prix de cession des actions formée par la société Svgm Bv

Svgm Bv, aux droits de Svgm, cessionnaire des actions de Soprim, agissant sur le fondement de la garantie contractuelle d'actif et de passif et subsidiairement sur le fondement du dol, et reprochant au cédant le défaut de provision suffisante pour travaux d'entretien et grosses réparations à l'origine, selon elle, d' une surévaluation du prix des actions, le tribunal a retenu que Cafi et M. [C] s'étaient rendus coupables d'agissements malhonnêtes en ne donnant pas à Svgm les informations nécessaires minimales sur l'état du patrimoine immobilier de Soprim ce dont il résultait pour le cessionnaire un préjudice correspondant à l'excédent de prix supporté par Svgm du fait de cette carence fautive, calculé sur la base des provisions pour entretien et grosses réparations qui auraient dû être passées précédemment, connues lors de la cession et admises fiscalement pour 2 104 000 euros soit, une fois cette somme rapportée à la participation acquise, la somme de 435,598,13 euros.

Au soutien de son appel, la société Cafi fait plaider que la société Svgm qui assurait, aux termes du contrat de management du 28 décembre 2000, la direction des questions juridiques, comptables, financières et fiscales des sociétés du groupe dont faisait partie Soprim, et qui était actionnaire de cette société à hauteur de 50 %, était informée de l'état du patrimoine de Soprim, que l'état des immeubles ne justifiait pas une inscription supérieure à celle de 120 000 euros, inscrite au bilan, ce qui explique que les commissaires aux comptes successifs aient refusé de certifier les comptes incluant la provision complémentaire, que la nécessité de provisionner une somme de 2 104 000 euros n'est fondée sur aucun avis professionnel, que cette provision résulte de la seule volonté du cessionnaire, que les seuls travaux réalisés par la cessionnaire ont été payés le double de leur valeur réelle, que la plupart des travaux qui ont servi à justifier la provision de 2 104 000 euros correspondent en réalité à des investissements, que ces circonstances excluent la garantie contractuelle mais encore le dol et le préjudice allégués.

Elle critique le jugement pour avoir déduit de l'absence de redressement fiscal sur la provision inscrite à l'initiative de Svgm dans les comptes de Soprim que les travaux auraient dû être engagés ou provisionnés en 2006, conteste toute manoeuvre dolosive et souligne que les premiers juges ont considéré à tort que le prix de cession avait été fixé sur la base de l'actif net comptable alors que celui-ci ressortait à la somme de 382 000 euros et que la valorisation de Soprim était arrêtée d'un commun accord à partir de la valorisation de son patrimoine immobilier.

Tandis que Sgvm Bv, aux droits du cessionnaire, maintient, en se prévalant notamment de la validation par l'administration fiscale de la nécessité d'inscrire une provision pour travaux du montant de 2 104 000 euros et en faisant valoir que lors de la cession des actions Soprim à Sgvm, Cafi prise en sa double qualité de cédant et de manager de Soprim a non seulement délibérément fourni des élements tronqués sur la situation comptable de Soprim mais encore a dissimulé les engagements avec les sociétés Prosol, qu'une information incomplète est susceptible de constituer une réticence dolosive, que Cafi s'est livrée à des manoeuvres dolosives dans la fixation du prix de vente des actions, que le mensonge est aujourd'hui établi puisque le commissaire aux comptes [Q] qui a certifié les derniers comptes avant la cession écrira: 'Il est prévu depuis plusieurs années de constater des provisions pour grosses réparations', qu'ainsi ce qui a été caché est que de telles provisions sont prévues depuis plusieurs années par le dirigeant en place (Cafi) mais n'ont pas été inscrites.

- Sur la garantie contractuelle

Aux termes de l'article 18 du protocole d'accord du 16 novembre 2007, paragraphe 3, 'En qualité de président de Soprim, M. [H] [C] déclare, garantit et certifie que l'actif net comptable de la société Soprim est de 382 086 euros au 31 décembre 2006 et qu'aucun événement significatif intervenu depuis la clôture de l'exercice au 31 décembre 2006 n'a eu pour conséquence de ramener le niveau des capitaux propres de la socété à un montant inférieur à 382 086 euros'.

La garantie est sollicitée à raison de la surévaluation de l'actif net du fait d'une constitution insuffisante de provisions pour charges (grosses réparations) liées aux immeubles que Soprim donne en location.

Il est constant que des provisions pour grosses réparations ont été incrites dans les comptes de Soprim qui atteignaient en 2006 le montant de 120 000 euros.

Il ressort des pièces produites que lors de la cession des actions Soprim, en novembre 2007, les parties disposaient d'un rapport de M. [D], expert, daté du 22 avril 2002, fixant à une valeur comprise entre 8,842 et 9,146 millions d'euros l'actif immobilier de la Soprim .Il n'est pas contesté qu'entre 2006 et 2007, Soprim avait vendu pour 1,3 millions d'euros de terres et que le produit des ventes était resté en trésorerie.

Un deuxième rapport a été établi par M. [D] en août 2008 qui valorise les seuls biens situés à [Localité 2] à 7 247 640 euros et qui comporte des appréciations sur l'état des bâtiments. L'expert préconise des travaux de remise en état de 2 millions environ à prévoir afin d'assurer la pérennité des ouvrages et ce, pour les bâtiments A, B et E, mais sans évoquer de grosses réparations à court terme sinon pour le bâtiment E, sa description étant la suivante:

' Bâtiment A: construction d'aspect architectural sobre avec toutefois des prestations d'aménagement intérieur et de second oeuvre de bonne qualité... des travaux de remise en état sont à prévoir à moyen terme afin d'assurer la pérennité de l'ouvrage,

Bâtiment B: contruction globalement en bon état ; toutefosi des mesures d'entretien et de vérification de certains postes doivent être envisagés à court terme,

Bâtiment E: ouvrage nécessitant des travaux de remise en état et d'entretien afin d'assurer leur pérennité'

Il ressort des pièces au débat que la provision complémentaire litigieuse, a été inscrite à l'initiative de Mme [M], présidente, contre l'avis de M. [Q], commissaire aux comptes, lequel a établi un rapport d'alerte, conformément à l'article L. 234-1 du code de commerce où l'on peut lire que l'enregistrement d'une provision pour 'gros entretien' est de nature à compromettre la continuité de l'exploitation en ce que le résultat corrigé de cette provision est structurellement déficitaire de 172 513 euros au 31 décembre 2008 alors que les devis transmis ne justifient pas une telle provision, que dans son rapport sur la procédure d'alerte, en date du 7 mai 2009, Mme [M], relatant la gestion durant l'exercice clos le 31 décembre 2008 et s'appuyant sur le bilan dressé sur place par le nouveau directeur général délégué, nommé à compter de mars 2008, en lieu et place de Cafi, jusqu'alors manager, faisait état de la vétusté et de la dégradation du patrimoine immobilier de Soprim 'd'une ampleur insoupçonnée' et mettait en cause 'les carences antérieures qui obligeaient à engager une campagne de travaux importants de remise en état propre à assurer la continuité de l'exploitation locative d'un montant de 2 104 290 euros', que M.[Q] a refusé de certifier les comptes, qu'il a fait l'objet de la part de Soprim d'une procédure de relèvement, que par jugement du 11 mai 2009, le tribunal de commerce de Paris a débouté Soprim de sa demande, relevant notamment que la faute imputée au commissaire aux comptes consistant à ne pas avoir alerté les actionnaires sur le niveau prétendument insuffisant des provisions pour grosses réparations n'était pas démontrée et que la non révélation alléguée par M. [Q] de conditions anormales d'exploitation locative du parc immobilier de la Soprim n'était pas davantage établie, que le successeur de M. [Q] indiquait dans son rapport annuel sur les comptes 2009 qu'un certain nombre de travaux prévisibles étaient constitutifs d'une augmentation des valeurs d'actif et ne pouvaient être regardés comptablement comme des provisions fiscalement déductibles, citant les devis Cegelec (1 008 200 euros) et Artec ( 511 405 euros).

Par ailleurs, M. [J], expert désigné par le tribunal mixte de commerce de Cayenne avec mission d'examiner les travaux entrepris par Soprim sur les biens situés à [Localité 2], a conclu dans son rapport en date du 14 octobre 2010 qu'à part la modification du réseau électrique, la jonction des descentes d'eau et l'achat des ponts roulants, qui semblent tenir de l'amélioration, il n'a pas relevé de travaux ou de prévision de travaux nécessaires à l'entretien ou à la conservation des ouvrages. L'expert précise que les seuls travaux alors en cours sont réalisés par l'entreprise Artec sur la base d'un devis de 517 405 euros lequel aurait dû être évalué même en conservant le mode de calcul et les prix unitaires, sauf pour les couvertures largement surévaluées, à la somme de 219 759 euros.

Il n'est pas contesté que le montant inscrit dans les comptes de l'exercice 2008 de 2 104 000 euros, a été ramené à 1 658 457 euros dans les comptes 2009 et à 652 479, 479 euros pour les exercices 2010 et 2011.

Il apparaît ainsi que la nécessité de provisionner la somme de 2 104 000 euros pour grosses réparations dans les comptes 2008 de la Soprim ne résulte d'aucun rapport d'expertise, le rapport [D] ne confirmant pas l'état d'abandon général allégué par la dirigeante de Soprim, ni des devis invoqués, la seule somme admise sans contestation possible par l'expert [J] ressortant à un total de 219 759 euros proche de celui provisionné avant la cession.

La validation par l'administration fiscale de la soumission de la provision litigieuse au régime des grosses réparations déductibles à l'issue de la vérification de comptabilité qui suivait la procédure d'alerte, notifiée par lettre en date du 7 juillet 2011, ne saurait a posteriori établir une carence quelconque de la part de Cafi au regard de l'autonomie du droit fiscal et alors que des avis des experts et commissaires aux comptes, il s'évince que la provision complémentaire n'était pas nécessaire en 2006 ni ultérieurement.

La société Sgvm Bv échoue donc à faire la preuve de la fausseté des déclarations sur l'actif net comptable souscrites à l'article 18 du protocole relatif à la garantie contractuelle.

Il sera observé que la société Sgvm Bv ne fait pas davantage la preuve de l'excédent de prix en quoi consiste, selon elle, son préjudice dès lors qu'il ressort des éléments au débat que le prix de cession des actions Soprim ne reposait pas sur la valeur comptable de la société mais sur la valorisation de l'actif immobilier.

La demande en réduction de prix au titre de la garantie contractuelle est donc mal fondée.

- Sur le dol

Il résulte de l'article 1116 du code civil que le dol suppose la preuve de manoeuvres frauduleuses pratiquées par l'une des parties telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

La preuve n'est pas rapportée en l'espèce de manoeuvres frauduleuses de la partie cédante étant souligné que de telles manoeuvres ne peuvent résulter de l'omission d'une provision dont il n'est pas démontré qu'elle était nécessaire en 2006.

La société Sgvm BV évoque, dans le cadre de son argumentaire sur le dol, la dissimulation par Cafi des baux consentis à Prosol qui fonde également sa demande au titre de la clause pénale inscrite dans la garantie d'actif et de passif.

Dans un courrier transmis à M. [C] le 14 avril 2009, Mme [M] relatait les différentes difficultés apparues à la suite du protocole de cession et indiquait ne pas avoir été informée de l'existence d'engagements portant sur la location de 10 000 m2 de toitures, signés par M. [C] six jours auparavant, le 6 novembre 2007, ce que Cafi conteste en arguant d'une information donnée verbalement fin novembre 2007 au domicile de Mme [M] puis par envoi des documents courant 2008 à son expert-comptable, soit en toute hypothèse, après la cession.

Mais le manquement aux exigences d'information ne suffit pas à caractériser le dol par réticence si ne s'y ajoute le caractère intentionnel lequel n'est, en l'espèce, d'aucune façon prouvé.

La demande fondée sur le dol ne peut prospérer.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a accueilli la demande de Sgvm Bv laquelle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts correspondant à une réduction de prix.

- Sur la demande relative à la clause pénale objet de l'appel incident.

Le protocole d'accord conclu entre, d'une part, Svgm, d'autre part, Cafi et M. [C] agissant en qualité de président des sociétés Sefibat, Sefitec et Soprim, énonce en son article 18 relatif à la garantie d'actif et de passif au profit de Sgvm,

- au paragraphe 1:

'En qualité de président de Soprim, M. [H] [C] garantit et certifie au profit de Svgm que la consistance de l'actif, notamment immobilier, de la société Soprim à la date des présentes est conforme au document figuranr en annexe IX'

- au paragraphe 5:

'En qualité de président de Soprim, M. [H] [C] déclare, garantit et certifie qu'au jour de la signature du présent protocole, aucun engagement, négociation, pourparlers, contrat ou acte de quelque nature que ce soit dont Svgm n'a pas connaissance, n'a pu ou pourrait avoir pour effet de porter atteinte à la consistance du patrimoine de Soprim tel que figurant en annexe IX,

Aucun contrat significatif n'a été conclu ou rompu depuis la clôture de l'exercice et n'est susceptible de porter atteinte à l'activité, à la bonne marche et à la trésorerie de Soprim à l'exception du bail précaire consenti à la société BCL qui a été résilié au cours de l'exercice 2007"

Selon l'article 20 du protocole, 'Toute méconnaissance par l'une des parties de l'une quelconque des obligations souscrites en vertu des présentes donnera lieu au versement à la ou les parties créancières de l'obligation méconnue de la somme de 100 000 euros à titre de clause pénale conventionnellement irréductible sans préjudice de tous autres dommages et intérêts qui pourraient lui être réclamés judiciairement en réparation du préjudice causé'.

La société Svgm qui poursuit la condamnation de Cafi au paiement de la somme de 100 000 euros au titre de cette clause pénale pour avoir fourni des informations comptables inexactes et incomplètes et omis de l'informer de la conclusion des baux avec les sociétés Prosol critique le jugement pour l'avoir déboutée de sa demande au motif que cette clause ne serait pas applicable dans la mesure où les déclarations de M. [C] ont été souscrites en qualité de président de Soprim et ne pourraient engager Cafi alors, selon Svgm, que M. [C] est intervenu au protocole en qualité de représentant de Cafi, de Soprim et des autres sociétés, et pour l'avoir déboutée de sa demande en condamnation de M. [C] au paiement de la clause pénale pour violation de ses obligations, retenant qu'il n'était pas prouvé qu'il avait commis une faute séparable de ses fonctions de président de Soprim.

Il est constant que les trois contrats de location de toitures d'une durée de vingt ans conclus avec les sociétés Prosol par M. [C], agissant comme président de Soprim, le 6 novembre 2007, ne sont pas mentionnés au protocole d'accord signé le lendemain alors même que par leur nature et leur durée, il s'agit de contrats significatifs au moins autant que le bail précaire consenti à la société BCL qui a été résilié au cours de l'exercice 2007 et qui lui est mentionné.

Cafi prétend avoir fourni l'information relative à ces baux verbalement fin novembre 2007 à Mme [M] ce qu'elle ne démontre pas en se référant à un courrier de M. [C] à l'expert-comptable en date du 4 juin 2008 et à des envois transmis en janvier 2008 soit postérieurement à la cession.

C'est bien M. [C], en qualité de président de Soprim, qui a souscrit la déclaration par laquelle il garantit et certifie au profit de Svgm la consistance de l'actif notamment immobilier de Soprim et l'absence d'engagements significatifs autres que le bail précaire consenti à la société BCL. Mais Cafi qui est partie au protocole et cédante des actions Soprim à Svgm doit, conformément aux termes de la clause pénale qui vise la méconnaissance par l'une des parties de l'une quelconque des obligations souscrites, répondre envers Sgvm du défaut de mention des baux Prosol pour autant que ceux-ci portent atteinte à la consistance de l'actif immobilier ou à l'activité, à la bonne marche et à la trésorerie de Soprim conformément à l'article18 paragraphe 5 précité.

Or, à cet égard, Svgm se borne à indiquer que la découverte ou l'existence de ces contrats a empêché Soprim de conclure des contrats de location ou directement un programme de mise en place de panneaux photovoltaïques 'dans des conditions négociées nomalement', à une époque où les incitations fiscales étaient importantes, mais ne produit aucune étude ni élément comparatif objectif permettant d'accréditer sa thèse d'une opération économiquement désavantageuse de sorte qu'elle ne démontre pas une situation susceptible de caractériser une atteinte aux intérêts de Soprim au sens des dispositions conventionnelles précitées, étant observé qu'il n'est pas contesté que Soprim n'a pas usé de la faculté de reprendre les installations au terme de la 6ème année de location.

Il s'ensuit que Svgm Bv ne peut prétendre à l'application de la clause pénale ce qui conduit à confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ce chef.

- Sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts pour défaut d'information

Faute de démontrer, comme il vient d'être dit, un préjudice résultant du défaut d'information quant aux contrats Prosol, la société Svgm ne peut qu'être déboutée de cette demande subsidiaire.

- Sur la demande de la société Cafi de dommages et intérêts pour procédure abusive

La société Cafi ne rapporte pas la preuve d'un abus de la société Svgm de son droit d'ester en justice qui ne peut se déduire de l'issue du présent litige ni de la multiplicité des contentieux consécutifs à la réorganisation des intérêts des groupes [M] et [C].

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande d'indemniser la société Cafi de ses frais dans la limite de 10 000 euros.

Partie perdante, la société Svgm Bv supportera les dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en ses dispositions portant condamnation de la société Cafi à des dommages et intérêts au profit de la société Svgm Bv et en celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau de ces chefs

Déboute la société Svgm de sa demande de réduction du prix de cession des actions Soprim et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant

Condamne la société Svgm Bv à payer à la société Cafi la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Condamne la société Svgm Bv aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers pourront être recouvrés dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/19832
Date de la décision : 25/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°13/19832 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-25;13.19832 ?
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