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21/11/2014 | FRANCE | N°13/23874

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 21 novembre 2014, 13/23874


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 21 NOVEMBRE 2014



(n°232, 12 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23874





Décision déférée à la Cour : jugement du 11 octobre 2013 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 3ème section - RG n°11/14587







APPELANT

E AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE





S.A.R.L. MATERIEL SANTE ENVIRONNEMENT, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par M...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 21 NOVEMBRE 2014

(n°232, 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23874

Décision déférée à la Cour : jugement du 11 octobre 2013 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 3ème section - RG n°11/14587

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.A.R.L. MATERIEL SANTE ENVIRONNEMENT, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque D 2090

Assistée de Me Arnaud CASALONGA, avocat au barreau de PARIS, toque K 177

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

S.A.S. SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque B 515

Assistée de Me Thomas DESCHRYVER plaidant pour la SELARL CORNET - VINCENT - SEGUREL, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 15 octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente

Mme Sylvie NEROT, Conseillère

Mme Véronique RENARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

La société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT, ci-après la société SDENV, créée en 2004, appartient à un groupe de sociétés spécialisées dans le traitement des eaux. Elle conçoit et commercialise des équipements dédiés notamment aux pré-traitement, traitement, stockage et épuration des eaux pluviales, des eaux usées domestiques, des eaux usées industrielles et des hydrauliques.

Elle est titulaire d'un brevet français déposé le 12 octobre 1993 et délivré le 26 janvier 1996, enregistré sous le n°9312400 et portant sur 'un procédé et séparateur horizontal de traitement des eaux pluviales'.

Ce brevet est maintenu en vigueur par le paiement régulier des annuités.

Les sociétés parties au litige ont répondu au même appel d'offres lancé par la société SOURCES le 7 juin 2010 en vue de la fourniture d'une unité de traitement lamellaire pour un bassin d'orage situé à [Localité 3] et la société SDENV n'a pas été retenue.

La société SDENV indique avoir découvert sur le site internet 'www.mse-cme.com' exploité par la société MATERIEL SANTE ENVIRONNEMENT, ci-après la société MSE, que celle-ci proposait à ses clients un produit nommé 'Unité de traitement des eaux pluviales avec compartiment d'épaississement et de stockage des boues' présenté sous la dénomination 'UTEP-ES ' contrefaisant selon elle le brevet dont elle est titulaire. Ce site internet mentionnait également la société Construction Matériel Environnement, ci- après la société CME, société 's'ur ' de la société MSE spécialisée dans la fabrication de matériels pour le traitement des eaux pluviales.

Dûment autorisée par ordonnance du président du Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 15 juillet 2011, la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT a fait réaliser une saisie-contrefaçon le 1er septembre 2011 au sein des sociétés MSE et CME.

Par acte d'huissier en date du 30 septembre 2011, la société SDENV a fait assigner les sociétés MSE et CME devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS en contrefaçon de brevet.

Par acte du 3 octobre 2011, elle a fait assigner les sociétés MSE et CME en référé devant le président du Tribunal de Grande Instance de PARIS.

Par ordonnance du 17 janvier 2012, le juge des référés a :

- rejeté les moyens de nullité du brevet FR n° 93 12 400 de la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT opposés par les sociétés MSE et CME comme mal fondés,

- constaté la vraisemblance de la contrefaçon des caractéristiques du brevet FR n°93 12 400 de la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT par les brochures de la société MSE et de la société CME par la cuve livrée le 18 novembre 2011 à la société SOURCE (sic),

- interdit à la société MSE et à la société CME la poursuite de toute utilisation des documents/informations concernant ledit produit et le procédé(UTEP ES) contrefaisants, la construction et la commercialisation de toute cuve reproduisant les caractéristiques du brevet FR n°93 12 400, sous astreinte provisoire de 10.000 euros par infraction constatée, ladite astreinte courant jusqu'à ce qu'une décision au fond soit rendue ou un accord intervienne entre les parties,

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- condamné solidairement la société MSE et la société CME à payer à la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT la somme de 50.000 euros à titre de provision,

- autorisé la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT à signifier la décision à la société SOURCE pour permettre sa parfaite mise en connaissance du litige,

- rejeté la demande de séquestre de la cuve livrée le 18.11.2011 à la société SOURCE à [Localité 3],

- rejeté la demande de garantie formée par la société MSE et CME,

- condamné solidairement les sociétés MSE et CME à payer à la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant sur appel des sociétés MSE et CME, la Cour d'appel de PARIS a, par arrêt du 15 novembre 2012, confirmé l'ordonnance de référé du 17 janvier 2012.

Parallèlement à ces procédures, la société SDENV a été autorisée par ordonnance sur requête du président du Tribunal de Commerce d'ARRAS en date du 8 novembre 2011 à se rendre au siège des sociétés MSE et CME et les opérations de constat se sont déroulées le 31 janvier 2012.

Par acte du 2 février 2012, ces dernières ont fait assigner la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT en référé rétractation de l'ordonnance sur requête délivrée par le président du Tribunal de Commerce d'ARRAS.

Ce dernier a rendu le 20 mars 2012 une ordonnance confirmant sa compétence matérielle et territoriale et rejetant la demande de rétractation formée par les sociétés MSE et CME.

Par jugement en date du 11 octobre 2013 le Tribunal de Grande Instance de PARIS, assortissant sa décision de l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne la mesure de publication judiciaire, a :

- débouté les sociétés MSE et CME de leur demande en nullité du brevet français n°9312400,

- dit que la brochure commerciale éditée par les sociétés MSE et CME sur leur site internet 'mse-cme.com' qui a fait l'objet d'un constat d'huissier le 18 mars 2011constitue une contrefaçon des revendications 1, 3 et 5 du brevet français n° 9312400 dont la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT est titulaire,

- dit que l'unité de traitement des eaux fabriquée par la société CME et vendue par la société MSE à la société SOURCES constitue une contrefaçon des revendications 1,3 et 5 du brevet français n°9312400 dont la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT est titulaire,

En conséquence,

- ordonné aux sociétés MSE et CME de communiquer à la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT tous les documents ou informations certifiés par leur expert-comptable ou commissaire aux comptes portant sur le nombre de cuves d'unité de traitement des eaux pluviales avec compartiment d'épaississement et de stockage des boues et notamment de cuves 'UTEP-01'commercialisées, le chiffre d'affaires et le bénéfice résultant de ces ventes, tels que des devis, factures, livres de vente entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2012 et tout autre document utile, dans les 60 jours suivant la signification de la présente décision, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai,

- dit qu'en l'absence d'exécution de cette production ou en cas de difficulté, il conviendra de saisir à nouveau le tribunal en vue de la liquidation de l'astreinte,

- condamné in solidum les sociétés MSE et CME à verser la somme de 50.000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation des conséquences économiques négatives résultant des actes contrefaisants, et de 15.000 euros à titre définitif en réparation du préjudice moral consécutif aux actes contrefaisants,

- dit que cette condamnation est prononcée en deniers ou quittances,

- dit que cette somme portera intérêts au taux légal en vigueur à compter de la décision,

- ordonné en tant que de besoin la cessation immédiate des agissements contrefaisants du brevet français n°9312400,

- débouté la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT de ses demandes de destruction,

- ordonné la publication du dispositif du jugement dans trois revues et/ou journaux au choix de la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT, les sociétés MSE et CME en assumant in solidum les frais sans que le coût de chaque publication puisse excéder 5.000 euros HT,

- débouté la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT de sa demande de publication sur le site internet 'www.mse-cme.com',

- s'est réservé la liquidation des astreintes prononcées,

- condamné in solidum les sociétés MSE et CME aux dépens de l'instance,

- condamne in solidum les sociétés MSE et CME à verser la somme de 12.000 euros à la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré sans objet la demande de la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT tendant à la mise à la charge des sociétés MSE et CME des frais relatifs à l'exécution forcée des condamnations prononcées.

La société MSE a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 12 décembre 2013.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 7 octobre 2014, auxquelles il est expressément renvoyé, la société MSE demande à la cour de :

- débouter la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT de toutes ses demandes,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel et y faisant droit :

- infirmer le jugement rendu le 11 octobre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de Paris, en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT au titre de la contrefaçon des revendications 2, 4, 6 à 9 du brevet français n°93 12400 ainsi que les mesures de destruction et de publication de la décision sur son site internet,

- prononcer la nullité de la totalité des revendications du brevet français n°93 12400 pour défaut d'activité inventive,

- dire et juger en tout état de cause que la brochure MSE et l'unité de traitement livrée à la société SOURCES ne constituent pas une contrefaçon des revendications du brevet précité,

- dire en conséquence n'y avoir lieu au paiement de dommages et intérêts,

A titre infiniment subsidiaire :

- dire et juger que le préjudice au titre de la mise en ligne de la brochure ne saurait excéder la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts,

- dire et juger que le préjudice au titre de l'installation de la cuve chez la société SOURCES ne saurait excéder la somme de 3.930 euros à titre de dommages et intérêts,

- dire et juger non constitué le préjudice invoqué par la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT au titre du droit moral,

- condamner la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 30 septembre 2014, auxquelles il est expressément renvoyé, la société SDENV entend voir :

- confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 11 octobre 2013 en ce qu'il a débouté la société MSE de sa demande de nullité du brevet français n°9312400, jugé que la cuve présentée sur la brochure de MSE et constatée sur le site internet de MSE le 18 mars 2011 constitue une contrefaçon du brevet français n°9312400 et que l'unité de traitement des eaux pluviales livrée à la société SOURCE par la société CME (devenue MSE) constitue une contrefaçon du brevet n° 9312400, ordonner la communication par MARCHANDISE de tous les documents ou informations certifiés par leur expert-comptable ou commissaire aux comptes dans les 60 jours suivant la signification de la décision, et sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai, condamner MSE à réparer son préjudice au titre de la contrefaçon et du préjudice moral, dit que les condamnations de MSE portent intérêt au taux légal en vigueur à compter du jugement, ordonner la cessation immédiatement des actes de contrefaçon et la publication du jugement, condamner MSE aux entiers frais et dépens de la première instance ainsi qu'au paiement d'une somme de 12. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ordonner l'exécution provisoire (sic),

- réformer le jugement en ce qu'il a limité le montant de la réparation de son préjudice, rejeter les demandes destruction et de publication,

En conséquence,

- condamner la société MSE à lui payer les sommes de 37.987 euros au titre des bénéfices résultant des actes de contrefaçon et de 185.000 euros au titre de la perte subie en suite des actes de contrefaçon,

- condamner MSE au paiement de 50.000 euros au titre de son préjudice moral,

- ordonner la destruction de la cuve contrefaisante fabriquée, mise sur le marché et livrée par MSE, à charge pour elles de dédommager le cas échéant leur client (la société SOURCE) en ce qu'elles lui ont vendu un article contrefaisant - ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans les conditions suivantes : publication en haut de la page d'accueil du site internet http://www.mse-cme.com/, de manière aisément lisible et visible, affichage de manière intégrale et en continue, affichage pendant une durée consécutive de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard,

Ajoutant au jugement ,

- acter l'abandon par MSE de sa demande de nullité du brevet n°9312400 en raison de l'insuffisance de description,

- (dire) que la cuve fabriquée et livrée et celle présentée sur la brochure constitue également des contrefaçons des revendications 1-3 et 6 à 9 du brevet n°9312400,

- rejeter toutes les demandes de la société MSE,

- dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal en vigueur à compter de l'arrêt à intervenir,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- dire que la cour se réservera la liquidation des astreintes,

- condamner la société MSE au paiement de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner MSE au paiement des entiers frais et dépens d'appel en ce compris les frais de constat et de saisie contrefaçon,

- dire et juger que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par l'arrêt à intervenir, une exécution forcée serait nécessaire, le montant des sommes retenues par l'huissier par application des articles 10 et 12 du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080 dans sa rédaction actuelle et relatif au tarif des Huissiers devra être supporté par la société MSE

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 octobre 2014.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la portée du brevet français n°9312400

Considérant que le brevet porte sur un procédé de traitement des eaux pluviales et un séparateur-décanteur permettant sa mise en oeuvre ;

Que selon la description, les séparateurs utilisés pour le traitement des eaux sont constitués d'une cuve, généralement cylindrique, comportant un orifice d'admission des eaux usées et un orifice d'évacuation des eaux traitées, comprenant un premier compartiment, dit de débourbage et de dégrillage, relié à l'orifice d'admission, un second compartiment renfermant au moins une cellule lamellaire assurant la décantation des micro-particules au fond de la cuve et la flottaison des hydrocarbures et autres éléments flottants, la cellule lamellaire conduisant à un dépôt progressif de micro-particules au fond de la cuve, et un troisième compartiment de collecte et d'évacuation des eaux ainsi traitées, mis en communication avec l'extérieur de la cuve par l'orifice d'évacuation ;

Qu'il est indiqué qu'une telle conception exige cependant qu'une aspiration des boues soit effectuée périodiquement dans chacun des compartiments, ce qui entraîne des contraintes ;

Que la solution proposée par l'art antérieur pour faciliter l'extraction des boues consiste à intégrer au séparateur-décanteur un dispositif de soutirage tel que celui décrit par le brevet français CHAUDROFRANCE n°2 536 739, à savoir une tuyauterie rigide coudée à 90° placée horizontalement dans le fond de la cuve et remontant verticalement vers la partie supérieure de la cuve, par laquelle les boues sont évacuées par des moyens connus de soutirage ;

Que la description indique néanmoins qu'avec ce système, le lit de boues formé dans chacun des compartiments finit par offrir une consistance semi-pâteuse accompagnée d'une certaine adhérence qui s'oppose à l'écoulement transversal de l'eau et ne permet pas des opérations de débourbages complètes, sauf à homogénéiser et fluidifier préalablement le lit de boues, ce qui complique les opérations d'entretien et nécessite à terme une vidange totale de la cuve et le recours à des hydrocureuses ;

Qu'il est précisé que ce procédé de vidange totale impose des contraintes fortes dans la mesure où elle suppose un volume soutiré, transporté et incinéré important ;

Considérant que l'invention a pour but de remédier à ces inconvénients en créant une cuve de traitement des eaux permettant in situ l'extraction des boues du 2ème compartiment puis le stockage et l'épaississement de celle-ci dans un 4ème compartiment ;

Que la description précise que les avantages obtenus grâce à cette invention consistent essentiellement en ceci que les sédiments retenus sont transférables en totalité et sans difficultés vers un compartiment de stockage qui permet d'obtenir une décantation plus poussée, se traduisant par un rendement beaucoup plus élevé, tout en réduisant les contraintes d'exploitation ;

Considérant que le brevet se compose à cette fin de 9 revendications qui, aux termes des dernières écritures de la société intimée, sont toutes invoquées, et dont la teneur suit :

1. Procédé de traitement des eaux pluviales, assurant la retenue des matières en suspension et des hydrocarbures libres, consistant à provoquer, tout d'abord, une précipitation par gravité des éléments lourds, dans un premier compartiment dit de dessablage puis une séparation des hydrocarbures, accompagnée de la décantation des éléments légers en suspension, en créant un flux laminaire à la partie supérieure d'un second compartiment dit de séparation et de décantation communiquant en partie haute avec le premier ; l'eau ainsi prétraitée étant dirigée vers un troisième compartiment dit de collecte communiquant en partie basse avec le second ; les hydrocarbures étant retenus entre les cloisons délimitant les compartiments et les sédiments étant retenus dans une alvéole située sous le flux laminaire caractérisé en ce qu'il comporte les étapes suivantes :

a) transfert des sédiments retenus dans l'alvéole du second compartiment dans un quatrième compartiment dit de stockage.

b) mise en communication de ce quatrième compartiment dit de stockage avec le séparateur pour évacuer le liquide résultant de la décantation prolongée des sédiments dans ledit compartiment de stockage.

c) extraction du quatrième compartiment dit de stockage des boues résultant de la décantation prolongée des sédiments avant que le niveau de celles-ci n'atteigne le niveau du conduit d'évacuation de l'eau traitée.

2. Procédé selon la revendication 1 caractérisé en ce que la mise en communication du quatrième compartiment dit de stockage avec le séparateur-décanteur s'effectue au niveau de la canalisation d'évacuation de l'eau traitée.

3. Procédé selon la revendication 1 caractérisé en ce que la mise en communication du quatrième compartiment dit de stockage avec le séparateur-décanteur s'effectue au niveau du premier compartiment dit de dessablage.

4. Dispositif de mise en 'uvre de procédé selon les revendications 1 et 2 prises dans leur ensemble, constitué d'une cuve horizontale communiquant avec l'extérieur par des canalisations d'alimentation et d'évacuation situées chacune à l'une des extrémités de ladite cuve laquelle comprend un compartiment de dessablage communiquant par déversement avec le second compartiment dit de séparation et de décantation, contenant au moins une cellule lamellaire, créant un flux laminaire assurant la décantation et la séparation, surplombant une alvéole de rétention des sédiments vers l'extérieur, et un troisième compartiment dit de collecte, communiquant par le bas avec le second et avec l'extérieur par une canalisation d'évacuation, caractérisé en ce que le transfert des sédiments retenus dans l'alvéole située sous la cellule lamellaire vers le quatrième compartiment dit de stockage est obtenu par l'intermédiaire d'une pompe refoulant dans le quatrième compartiment par l'intermédiaire d'une conduite débouchant en partie haute dudit compartiment et en ce que le transfert de l'eau du quatrième compartiment dit de stockage dans la canalisation d'évacuation de l'eau traitée s'effectue par gravité.

5. Dispositif de mise en 'uvre du procédé selon les revendications 1 et 3 prises dans leur ensemble constitué d'une cuve horizontale communiquant avec l'extérieur par des canalisations d'alimentation et d'évacuation situées chacune à l'une des extrémités de ladite cuve laquelle comprend un compartiment de dessablage communiquant par déversement avec le second compartiment dit de séparation et de décantation, contenant au moins une cellule lamellaire, créant un flux laminaire assurant la décantation et la séparation, surplombant une alvéole de rétention des sédiments vers l'extérieur, et un troisième compartiment, dit de collecte, communiquant par le bas avec le second et avec l'extérieur par une canalisation d'évacuation, caractérisé en ce que le transfert des sédiments retenus dans l'alvéole située sous la cellule lamellaire vers le quatrième compartiment par l'intermédiaire d'une conduite débouchant en partie haute dudit compartiment et en ce que le transfert de l'eau du quatrième compartiment dit de stockage dans le compartiment dit de dessablage s'effectue par gravité.

6. Dispositif selon l'une des revendications 4 et 5 caractérisé en ce que l'alvéole de rétention des sédiments est constituée d'une trémie convergente, reposant sur le fond de la cuve, dans la base de laquelle pénètre l'extrémité d'une tuyauterie d'aspiration et de transfert vers le compartiment de stockage.

7. Dispositif selon l'une des revendications 4 et 5 caractérisé en ce que la trémie convergente contribue à séparer le premier compartiment, dit de dessablage, avec le second dit de séparation et de décantation, en assurant la prolongation, vers le bas, de l'élément de cloison assurant la séparation des deux susdits compartiments en partie haute.

8. Dispositif selon la revendication 4 caractérisé en ce que le transfert de l'eau du quatrième compartiment dit de stockage dans la canalisation d'évacuation de l'eau traitée est contrôlée par une vanne normalement ouverte.

9. Dispositif selon la revendication 5 caractérisé en ce que le transfert de l'eau du quatrième compartiment dit de stockage dans le premier compartiment dit de dessablage est contrôlée par une vanne normalement ouverte.

Sur la validité du brevet

Considérant que la société appelante fait grief au jugement d'avoir rejeté sa demande en nullité du brevet français n°9312400 et entend voir prononcer, sur le fondement des dispositions des articles L.611-10 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, la nullité des revendications dudit brevet pour défaut d'activité inventive ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.611-14 du Code de la Propriété Intellectuelle, 'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique' ;

Considérant que la société MSE conteste en premier lieu l'activité inventive de la revendication 1 du brevet français 9312400 au regard du document CHAUDROFRANCE FR 2 536 739 cité dans la description du brevet SDENV, ainsi que des documents SEDIF FR 2 627 704, DEGREMONT FR 2 132 954 et DEGREMONT FR 2 345 396 ;

Considérant qu'il est admis dans la description du brevet SAINT DIZIER que le document CHAUDROFRANCE FR 2 536 739 du 26 novembre 1982 porte sur un séparateur horizontal d'eaux usées et révèle l'existence dans l'art antérieur de séparateurs de traitement des eaux pluviales constitués d'une cuve cylindrique constituée d'un orifice d'admission et d'un orifice d'évacuation comprenant trois compartiments, un premier compartiment d'évacuation, dit de débourbage et de dégrillage, relié à l'orifice d'admission, dans lequel les éléments lourds restent au fond de la cuve, un second compartiment renfermant au moins une cellule lamellaire assurant la décantation des micro-particules et la flottaison des hydrocarbures, la cellule lamellaire conduisant à un dépôt progressif de micro-particules au fond de la cuve, et un troisième compartiment d'évacuation des eaux pré-traitées, relié à l'orifice d'évacuation ;

Qu'ainsi, le tribunal a pu justement relever que l'invention objet du litige, se proposant de remédier aux inconvénients de l'art antérieur, propose la mise en place d'un quatrième compartiment de stockage des boues prélevées dans le deuxième compartiment in situ, qui permet leur décantation prolongée et l'évacuation du liquide résultant de celle-ci, et qui réduit la contrainte liée à l'extraction des boues sur le fonctionnement des trois autres compartiments ;

Considérant que le document DEGREMONT FR 2 345 396 du 24 mars 1976 concerne un appareil de traitement des eaux par recirculation, précipitation et séparation des boues formées s'appliquant en particulier aux traitements des eaux chargées en sels minéraux précipitables ; que si dans cet appareil les boues résultant de la décantation des sédiments dans la cellule lamellaire sont transférées vers la fosse de décantation pour être périodiquement évacuées et si la fosse de concentration communique avec le reste du séparateur pour évacuer l'eau recyclée, celle-ci n'est cependant pas séparée du compartiment composant la zone de réaction dans lequel s'opère en continu une réaction chimique liée à la présence combinée de l'eau, des réactifs et des boues et ne permet pas le stockage et la décantation prolongée in situ des boues issues de la zone de décantation ;

Que ce document n'est donc pas destructeur d'activité inventive de la revendication 1 du brevet SAINT DIZIER, l'homme du métier n'étant pas naturellement amené à créer, à partir de ses enseignements et de ceux du brevet CHAUDROFRANCE, le moyen particulier divulgué par la revendication 1 du brevet opposé, à savoir un quatrième compartiment de stockage et de décantation des boues in situ ;

Considérant que le document SEDIF FR 2 627 704 du 25 février 1988 divulgue un procédé et une installation de traitement d'eau par décantation faisant intervenir du sable fin et comporte un premier compartiment d'agrégation, un compartiment de décantation comprenant un ensemble de blocs lamellaires, un compartiment de récupération de boues et un compartiment séparateur boues/sable ; des moyens d'évacuation assurent le transfert des boues décantées recueillies par les trémies vers le compartiment de récupération de boues, et en aval, une conduite munie de moyens de pompage amène les boues chargées en sable fin provenant du compartiment de récupération vers le compartiment séparateur boues/sable ; dans le mode de réalisation de la figure 1, le compartiment C de récupération de boues est séparé de la cuve et dans le mode de réalisation de la figure 2, les boues issues des blocs lamellaires sont transférées dans un compartiment de récupération situé dans le fond de la cuve ;

Que dans ce document, les sédiments issus des blocs lamellaires collectés par les trémies placées sous ces blocs lamellaires sont donc transférés vers un compartiment de récupération de boues ;

Que par ailleurs le document DEGREMONT FR 2 132 954 du 2 avril 1971 décrit un procédé pour le traitement de liquides, en particulier pour le traitement des eaux, et un appareil mettant en oeuvre ce procédé ; qu'il divulgue un bassin unique à la base duquel est introduite l'eau à traiter au moyen d'organes de distribution et de répartition, agencés et disposés de façon à provoquer une alimentation homogène du liquide sur toute la surface du bassin ; ce bassin comporte une zone A de traitement occupée par le lit de boue, une zone B de séparation liquide/boues et une zone de décantation C dotée d'un organe dit de finition composé de tubes, plaques ou toiles inclinées de 30 à 70° par rapport à la surface du bassin et maintenus par des câbles d'acier ; le bassin communique avec un compartiment séparateur liquide-boues vers lequel sont transférées les boues floculées résultant du traitement mis en 'uvre dans le bassin, et ce compartiment séparateur est équipé d'un extracteur puisant les boues résultant de la séparation effectuée par le séparateur liquide-boues ; en fonctionnement, le liquide à traiter s'écoule de bas en haut dans le bassin, tout d'abord à travers une couche de boue formée antérieurement puis à travers la zone de décantation, avant d'être extrait du bassin par les organes; les boues floculées issues de la zone de traitement sont transférées dans le compartiment de séparation liquide-boues et la fraction décantée dans le fond de ce compartiment est prélevée par l'extracteur ;

Qu'ainsi il résulte des enseignements contenus dans ces deux documents FR 2 627 704 et FR 2 132 954 , que l'homme du métier, défini en l'espèce comme un fabricant d'unité de traitement d'eaux pluviales par la société SDENV qui n'est pas contredite sur ce point par l'intimée, et qui se propose de résoudre le problème du stockage et de l'épaississement de boues in situ après extraction de celles-ci du compartiment de décantation et de séparation, tout en facilitant leur aspiration totale, était naturellement amené à appliquer le moyen particulier divulgué par la revendication 1 du brevet SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT à savoir doter le séparateur-décanteur décrit dans le brevet CHAUDROFRANCE sus-visé d'un quatrième compartiment de stockage de sédiments, et à le mettre en 'uvre selon les caractéristiques revendiquées ;

Que la revendication 1 du brevet 93 12400 est dès lors dépourvue d'activité inventive et doit donc être annulée ;

Considérant que les revendications 2 et 3 du brevet SAINT DIZIER indiquent que la mise en communication du quatrième compartiment dit de stockage avec le séparateur-décanteur s'effectue au niveau de la canalisation d'évacuation de l'eau traitée et au niveau du premier compartiment dit de dessablage ;

Qu'il s'agit là de mesures d'exécution, au demeurant non décrite dans la description s'agissant de la revendication 3, auxquelles aboutirait sans faire preuve d'activité inventive l'homme du métier qui chercherait à évacuer l'eau résultant de la décantation des boues dans le quatrième compartiment ;

Que les revendications 4 et 5 reprennent, en termes structurels, les caractéristiques de la revendication 1 et 3 dont elles dépendent ; qu'en outre, le document CHAUDROFRANCE précité révélait des moyens de soutirage assurant également l'aspiration des sédiments et le transfert de l'eau contenue dans le quatrième compartiment vers le premier compartiment de dessablage, par gravité, au demeurant non décrit dans la description du brevet SAINT DIZIER, est aussi une mesure d'exécution ;

Que les revendications 6 et 7 concernent l'alvéole de rétention des sédiments qui est constituée d'une trémie convergente à laquelle est associée une tuyauterie d'aspiration et de transfert, et qui sert de séparation entre le premier compartiment et le deuxième ;

Or, ces caractéristiques sont divulguées par le document SETIF FR 2 627 704 précité et ne sont dès lors pas porteuses d'activité inventive ;

Qu'il en est de même des revendications 8 et 9 qui indiquent que les transferts de l'eau du quatrième compartiment dit de stockage dans la canalisation d'évacuation de l'eau traitée et dans le premier compartiment dit de dessablage sont contrôlés par une vanne normalement ouverte ;

Considérant dès lors que les revendications 2 à 9 du brevet 93 12400 doivent donc également être annulées pour défaut d'activité inventive ;

Que le jugement sera donc infirmé de ce chef ;

Sur la contrefaçon

Considérant que le brevet étant annulé, l'action en contrefaçon ne peut prospérer ;

Que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu la contrefaçon des revendications 1, 3 et 5 et la société intimée sera déboutée de l'ensemble de ses demandes;

Sur la demande de dommages intérêts pour procédure abusive

Considérant que la société appelante poursuit la condamnation de la société SDENV à lui verser la somme de 50.000 euros venant sanctionner une procédure qu'elle qualifie d'abusive;

Mais considérant que bien qu'ayant poursuivi plusieurs procédures, la société SDENV a pu, sans faute, se méprendre sur l'étendue de ses droits de sorte que la demande de dommages intérêts pour procédure abusive doit être rejetée ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'il y a lieu de condamner la société SDENV, partie perdante, en tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Qu'en outre, elle doit être condamnée à verser à la société CME, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 25.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu le 11 octobre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de Paris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT au titre de la contrefaçon des revendications 2, 4, 6 à 9 du brevet français n°93 12400 ainsi que les mesures de destruction et de publication de la décision sur internet.

Prononce la nullité des revendications 1 à 9 du brevet français n°93 12400 pour défaut d'activité inventive.

Déboute la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT de l'ensemble de ses demandes.

Condamne la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT à payer à la société MATERIEL SANTE ENVIRONNEMENT la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Condamne la société SAINT DIZIER ENVIRONNEMENT en tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/23874
Date de la décision : 21/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°13/23874 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-21;13.23874 ?
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