Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRET DU 18 NOVEMBRE 2014
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14642
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2013 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 09/07643
APPELANTE :
SAS DE LAGE LANDEN LEASING
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073
Ayant pour avocat plaidant Me Julie MALLET, de la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHEL avocat au barreau de PARIS, toque : P0073
INTIMES :
Monsieur [O] [U] pris en sa qualité d'ancien secrétaire du Comité d'Entreprise de la Société La Brenne
[Adresse 2]
[Localité 5]
N'ayant pas constitué avocat
Comité d'entreprise DE LA SOCIETE LA BRENNE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND - VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
SARL PRINT PLATINIUM, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Laurent CAUWEL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0078
Syndicat REGIONAL ET SALARIES DES ENTREPRISES CONNEXES CFDT SUD EST
[Adresse 4]
[Localité 1]
N'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Marie HIRIGOYEN, Présidente, et Monsieur Joël BOYER, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente de chambre, présidente
Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre
Monsieur Joël BOYER, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC assistée de Mme [J] [L]
Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRÊT :
- par défaut
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Mme Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.
M. [O] [U], secrétaire du comité d'entreprise de la société La Brenne, a conclu ès qualité, le 29 janvier 2008, un contrat de crédit-bail avec la société De Lage Landen Leasing, portant sur une imprimante laser et sur une carte imprimante réseau, commandées auprès de la société Print Platinium, pour une durée de 63 mois, moyennant des loyers trimestriels de 1 280 euros HT.
Le matériel objet du contrat de crédit-bail a été réceptionné par M.[U] en personne en qualité de « secrétaire CE », suivant procès-verbal du 14 mars 2008.
Le contrat de maintenance portait en outre mention de la remise, à la livraison du matériel, d'un chèque d'un montant de 10 500 euros HT soit 12 558 euros TTC, libellé à l'ordre du syndicat CFDT-Cheminots Paris Sud- Est 'à la demande de M. [U]'.
A la suite de suspicions de malversations imputées par le comité d'entreprise à M.[U], un protocole d'accord a été régularisé le 8 mars 2008 par lequel ce dernier reconnaissait avoir prélevé sur le compte du comité d'entreprise la somme de 48 811, 63 euros qu'il s'engageait à rembourser.
Lors d'une réunion du 9 avril 2008, le comité d'entreprise a pris acte de la démission de M. [U] de ses mandats en son sein et a désigné une nouvelle secrétaire. A cette occasion, le comité d'entreprise s'est interrogé sur le sort des contrats de fourniture de matériel financés par crédit-bail.
C'est dans ces circonstances que, par acte en date des 11 juin et 1er octobre 2009, le comité d'entreprise de la société La Brenne (le comité d'entreprise dans la suite de la décision) a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bobigny M. [U] et la société Print Platinium en nullité des contrats conclus le 29 janvier 2008 et
dommages- intérêts.
La société De Lage Landen Leasing a été assignée en intervention forcée, d'une part par la société Print Platinium par acte du 24 août 2010, et d'autre part par le comité d'entreprise par acte du 6 mai 2011.
Ces assignations ont été jointes et par jugement du 24 juin 2013, le tribunal, retenant que M. [U] était dépourvu de pouvoir pour engager le comité d'entreprise et que les sociétés De Lage Landen Leasing et Print Platinium ne pouvaient se prévaloir du mandat apparent, a prononcé la nullité des deux contrats du 29 janvier 2008 pour défaut de consentement du comité d'entreprise, a ordonné aux société De Lage Landen Leasing et Print Platinium de restituer au comité d'entreprise toutes sommes réglées par ce dernier en exécution, la première, du contrat de crédit-bail, la seconde, du contrat de maintenance, a condamné le Syndicat régional des cheminots et salariés des entreprises connexes CFDT Sud-Est à payer à la société Print Platinium la somme de 12 558 euros au titre de la restitution de l'indu, a condamné M. [U] à payer au comité d'entreprise la somme de 55 833, 05 euros à titre de dommages-intérêts, a débouté les parties de leurs autres demandes, a condamné solidairement la société Print Platinium et M. [U] à payer au comité d'entreprise la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
La société De Lage Landen Leasing a relevé appel de cette décision selon déclaration en date du 17 juillet 2013.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 14 octobre 2013, elle demande à la cour d'annuler le jugement déféré pour non-respect du principe du contradictoire, à titre subsidiaire, de l'infirmer, de dire que le contrat de crédit-bail du 29 janvier 2008 est parfaitement valable, de dire qu'aucune somme n'est due par elle envers le comité d'entreprise, à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société Print Platinium à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, de condamner la société Print Platinium à lui payer la somme de 21 731, 75 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, en tout état de cause, de condamner la partie succombante à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 8 septembre 2014, la société Print Platinium demande à la cour de constater que M. [U] disposait du pouvoir d'engager le comité d'entreprise, de débouter ce dernier de ses demandes, subsidiairement dans l'hypothèse où la cour prononcerait la nullité des contrats, de rejeter la demande en paiement de la somme de 38 549,17 euros, de condamner le comité d'entreprise à lui payer la somme de 9 7723,43 euros, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné le Syndicat des cheminots CFDT Paris-Sud-Est à lui payer la somme de 12 558 euros sur le fondement de la répétition de l'indu, de condamner le comité d'entreprise et le Syndicat des cheminots CFDT à lui payer, chacun, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, de débouter les autres parties de leurs demandes, de condamner le Syndicat des cheminots CFDT et le comité d'entreprise aux dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 décembre 2013, le comité d'entreprise de la société La Brenne demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, en conséquence, d'ordonner aux sociétés Print Platanium et De Lage Landen Leasing la restitution des sommes versées, soit la somme de 38 549,17 euros chacune, de condamner solidairement M. [U] et la société Print Platinium à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [U] et le Syndicat des cheminots CFDT France Sud-Est, régulièrement assignés par actes des 28 et 29 octobre 2013, n'ont pas constitué avocat.
SUR CE
Sur la nullité du jugement déféré
La société De Lage Landen Leasing poursuit la nullité du jugement déféré au motif que les premiers juges en prononçant la nullité du contrat de crédit-bail, demande dont ils n'étaient pas saisis, ont statué ultra petita et en méconnaissance du principe de la contradiction.
Mais il résulte des pièces de la procédure que dès l'assignation initiale le comité d'entreprise de la société La Brenne poursuivait la nullité 'des contrats' qui ne pouvaient s'entendre que des deux contrats, contrat de fourniture conclu avec la société Print Platinium, d'une part, et crédit-bail conclu avec la société De Lage Landen Leasing, d'autre part, de sorte que régulièrement saisis de la demande de nullité du contrat de crédit-bail les premiers juges n'ont pas statué ultra petita, étant en outre relevé que régulièrement assignée en intervention forcée par la société Print Platinium puis par le comité d'entreprise, la société de crédit-bail a été mise en mesure de répliquer à cette demande.
Aussi le moyen de nullité sera-t-il écarté.
Sur les questions en litige
Le jugement déféré n'est pas critiqué en ce qu'il porte condamnation de M. [U] à payer la somme de 55 833, 05 euros à titre de dommages-intérêts au comité d'entreprise ni en ce qu'il a condamné le Syndicat des cheminots CFDT à restituer à la société Print Platinium la somme de 12 558 euros au titre de la répétition de l'indu. Il sera donc confirmé de ces chefs, la cour n'ayant à trancher que le sort des contrats de fourniture et de crédit-bail conclus par M. [U] en sa qualité de secrétaire du comité d'entreprise et celui, subséquent, des demandes de restitution de sommes et de dommages-intérêts de ce chef.
Sur la nullité des contrats souscrits par un secrétaire de comité d'entreprise
Les premiers juges ont retenu que M. [U] était sans pouvoir, en sa qualité de secrétaire du comité d'entreprise, pour engager ce dernier et que la société Print Platinium ne pouvait se prévaloir du mandat apparent dès lors qu'elle avait, s'agissant du geste commercial à la livraison du matériel, établi le chèque correspondant à l'ordre du Syndicat des Cheminots CFDT et non à celui du comité d'entreprise.
Mais si, en principe, le mandant n'est pas obligé envers les tiers pour ce que le mandataire a fait au-delà du pouvoir qui lui a été donné, il en est autrement lorsqu'il résulte des circonstances que le tiers a pu légitimement croire que le mandataire agissait en vertu d'un mandat ou dans les limites de ce mandat.
Or, la société Print Platinium fait valoir sans être contredite que M. [U] a signé non seulement les deux contrats litigieux en sa qualité de secrétaire du comité d'entreprise mais également l'autorisation de prélèvement automatique des loyers au bénéfice du crédit-bailleur, qu'il disposait de la signature sur les comptes du comité d'entreprise, comme en témoigne au demeurant le fait qu'il a reconnu en avoir abusé, de sorte qu'il se comportait en tout comme ayant le pouvoir d'engager ledit comité, ce que sa qualité, non contestée, de secrétaire à la date de signature des contrats comme d'ailleurs à la livraison, faute de démonstration d'une démission intervenue et opposable aux tiers antérieurement à cette date, pouvait légitimement conforter.
En cet état, le versement entre ses mains d'une somme destinée à un syndicat n'est pas de nature à affecter la réalité du mandat qu'il paraissait légitimement tenir du comité d'entreprise pour conclure pour le compte et au nom de ce dernier un contrat de fourniture financé par crédit-bail.
Le jugement sera par conséquent infirmé sur ce point et le moyen tiré de l'absence de consentement du comité d'entreprise rejeté.
Ce dernier invoque par ailleurs le dol en cause d'appel au motif d'une collusion entre le fournisseur et M.[U]. Mais dès lors que la croyance de la société Print Platinium en l'étendue des pouvoirs de M.[U] était légitime et aucune manoeuvre personnelle ne lui étant reprochée, le montant des loyers fixés par le crédit-bailleur ne lui étant pas imputable et n'étant pas exorbitant au regard de l'économie de ce mode de financement, le moyen tiré du dol sera également rejeté.
Le comité d'entreprise invoque enfin la violation par le fournisseur de son obligation de délivrance au motif que l'imprimante est restée emballée et n'a pas été testée, mais ce moyen sera encore écarté en l'état du procès-verbal de réception sans réserve signé par M. [U] le 14 mars 2008, le comité d'entreprise ne justifiant de surcroît d'aucune démarche auprès du fournisseur à ce propos et n'alléguant d'aucune défectuosité ni dysfonctionnement du matériel livré.
En définitive, le comité d'entreprise sera débouté de ses demandes de nullité du contrat de fourniture et du contrat de crédit-bail et de ses demandes subséquentes de restitution de sommes ou de dommages-intérêts, ce qui rend sans objet la demande de garantie formée par la société De Lage Landen Leasing à l'égard de la société Print Platinium.
Le jugement sera encore infirmé, compte tenu de l'issue de la présente instance, en ce qu'il a condamné la société Print Platinium à payer au comité d'entreprise une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, texte dont il n'y a pas lieu, en équité, de faire application au profit de quiconque en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a annulé les contrats de fourniture et de crédit-bail signés par M. [U], ordonné aux sociétés Print Platinium et De Lage Landen Leasing la restitution des sommes réglées à ces deux titres par le comité d'entreprise de la société La Brenne et en ce qu'il a condamné la société Print Platinium à régler au comité d'entreprise la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Déboute le comité d'entreprise de la société La Brenne de ses demandes à l'encontre des sociétés Print Platinium et De Lage Landen Leasing,
Dit sans objet l'appel en garantie de la société De Lage Landen Leasing à l'encontre de la société Print Platinium,
Déboute le comité d'entreprise de la société La Brenne de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Confirme le jugement pour le surplus,
Déboute les parties de toute autre demande,
Condamne le comité d'entreprise aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,