Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2014
(n° 2014- , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/16865
Sur renvoi après arrêt de la Cour de Cassation en date du 24 mai 2012 (Pourvoi n° R 11-19-171), emportant cassation d'un arrêt de la Cour d'Appel de PARIS en date du 5 avril 2011 (RG 08/24607) sur appel d'un jugement du Tribunal d'Instance de NOGENT SUR MARNE en date du 4 mai 2004 (RG : 1103000495)
DEMANDEURS A LA SAISINE
Monsieur [N] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Assisté de Me Maxime TONDI, avocat au barreau de CRETEIL
Madame [Z] [I] née [H]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Assistée de Me Maxime TONDI, avocat au barreau de CRETEIL
DÉFENDERESSES A LA SAISINE
BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Stéphane GAUTIER de l'Association GAUTIER VALCIN GAFFINEL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R233
Assistée de Me Vanessa HANIA, avocat au barreau de PARIS, toque R233
CARDIF ASSURANCES RISQUES DIVERS prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Assistée de Me Bertrand BESNARD, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère, ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Anne VIDAL, présidente de chambre
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère
Madame Isabelle CHESNOT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER
ARRET :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne VIDAL, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
Suivant offre préalable en date du 26 septembre 2001, Madame et Monsieur [I] ont contracté auprès de la société CETELEM aux droits de laquelle vient la BNP PARIBAS un prêt de 150 000 F pour un taux annuel effectif global de 8,49 % et pour une durée de 72 mois et ont adhéré à l'assurance Décès, Invalidité Permanente et Totale Maladie Accidents, comprenant l'option Garantie Perte d'Emploi suite à Licenciement.
Le 20 mars 2002, Monsieur [I] a effectué une déclaration de sinistre en avisant tant la société CETELEM que la société CARDIF ASSURANCES de son invalidité pour cause de maladie. Le 10 février 2003 la société CARDIF refusait d'octroyer sa garantie au double motif que Monsieur [N] [I] n'avait pas déclaré suivre de traitement médical régulier et que l'affection ayant provoqué son incapacité totale de travail était une suite de maladie antérieure à la demande d'adhésion à l'assurance.
Monsieur [I] faisait parallèlement l'objet d'un licenciement le 30 juin 2002 et la société CARDIF tout en reconnaissant que le traitement médical suivi avant l'adhésion n'avait aucun rapport avec la pathologie ayant entraîné l'arrêt de travail du 20 mars 2002 maintenait son refus de garantie pour fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré.
Le Tribunal d'instance de Nogent sur Marne, par jugement du 4 mai 2004 a débouté la société CARDIF de sa demande reconventionnelle de nullité du contrat d'assurance au motif que le caractère intentionnel de la déclaration erronée de M. [I] n'était pas démontré, condamnant l'assureur à indemniser celui- ci des conséquences de sa perte d'emploi à hauteur de 4 860 €, représentant les échéances mensuelles du prêt entre le 1er octobre 2002 et le 30 septembre 2003, une somme de 500 € étant par ailleurs allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour d'appel de Paris dans un arrêt du 6 octobre 2005 a prononcé l'annulation du contrat d'assurance souscrit le 26 septembre 2001 par les époux [I] en retenant qu'en apposant sa signature sous la mention suivante « Je déclare... ne pas avoir subi plus de 30 jours consécutifs ou non d'arrêt de travail pour maladie ou accident dans les 12 mois précédents », Monsieur [I] avait fait une fausse déclaration intentionnelle et que celle-ci avait changé l'objet du risque ou en avait diminué l'opinion pour l'assureur pour tous les risques couverts, et qu'il importait peu que la maladie qui avait affecté M. [I] en 2002 eut été différente de celle qui l'avait amené à solliciter la garantie de la CARDIF au titre du contrat du 26 septembre 2001.
Par arrêt du 21 décembre 2006 la cour de cassation a censuré cette décision au motif que la cour d'appel n'avait pu, sans violer l'article L. 113-8 du Code des assurances, prononcer la nullité du contrat d'assurance en retenant que cette fausse déclaration avait changé l'objet du risque ou diminué l'opinion de l'assureur pour tous les risques couverts alors qu'en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle faite par l'assuré à l'occasion d'une police garantissant plusieurs risques distincts, l'appréciation de la portée de cette réticence ou fausse déclaration sur l'opinion du risque pour l'assureur doit se faire par rapport à chaque risque en litige, mais indépendamment des circonstances du sinistre.
La cour de renvoi par arrêt du 5 avril 2011 a déclaré nulle uniquement la clause de garantie du risque maladie du contrat d'assurance auquel M et Mme [I] ont adhéré, et a constaté par ailleurs que les conditions de garantie du risque perte d'emploi n'étaient pas réunies.
Par arrêt en date du 24 mai 2012 la cour de cassation a cassé cette décision uniquement en ce qu'elle avait dit que les conditions de garantie du risque perte d'emploi n'étaient pas réunies:
-sans rechercher si la CPAM qui versait des indemnités aux lieu et place des ASSEDIC en raison de l'arrêt maladie en période de perte d'emploi était un organisme assimilé au sens de la police d'assurance,
- et alors qu'elle relevait que M [I] avait versé les certificats de travail établissant qu'à compter du 30 août 2002 et à tout le moins du 30 janvier 2003 il avait été en interruption totale et continue de travail et remplissait les conditions pour pouvoir bénéficier de la garantie perte d'emploi.
La cour de renvoi a été saisie par déclaration du 17 août 2012.
Dans leurs conclusions signifiées le 24 septembre 2014 M et Mme [I] demandent à la cour de :
DIRE ET JUGER que la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, débitrice des indemnités journalières au lieu et place des ASSEDIC, doit être considérée comme organisme assimilé à ces dernières, au sens du contrat d'assurance litigieux ;
DÉCLARER en conséquence la société CARDIF ASSURANCES Risques Divers tenue à garantir Monsieur et Madame [I] sur le fondement de la garantie Perte d'emploi suite à licenciement ;
CONFIRMER le jugement du 4 mai 2004 en ce qu'il a condamné à ce titre la société CARDIF ASSURANCES Risques Divers à payer à Monsieur [N] [I] et à Mme [Z] [H] épouse [I] la somme de 4 860 € avec intérêts de droit à compter du 20 mars 2002, date de la déclaration de sinistre ;
CONDAMNER conjointement la société CARDIF ASSURANCES Risques Divers à payer à Monsieur et Madame [I] la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et l'appel.
Ils soutiennent que comme l'a reconnu le premier juge, la garantie perte d'emploi ne saurait être sujette à annulation, aucune omission ou déclaration inexacte ne pouvant être imputée à Monsieur [I] de ce chef ; que le contrat d'assurance litigieux prévoit que l'assureur prend en charge les mensualités prévues au contrat de crédit venant à échéance à partir du 91ème jour après la fin du préavis, effectué ou non, à la condition que l'assuré perçoive une indemnisation de la part des ASSEDIC ou d'organismes assimilés ; que la Caisse primaire d'assurance-maladie du Val-de-Marne, organisme qui versait à M. [I] des indemnités au lieu et place des ASSEDIC, en raison de son arrêt maladie en période de perte d'emploi, était un « organisme assimilé » au sens de la police d'assurance ;
qu'en effet par le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil, en date du 10 janvier 2003 qui a requalifié le contrat à durée déterminée dont bénéficiait M. [I] en contrat à durée indéterminée et sa rupture en licenciement abusif, sa perte d'emploi doit être considérée comme effective à compter du 1er juillet 2002 et la non perception des indemnités ASSEDIC à partir de cette date ne résulte pas de la nature de la rupture de son contrat de travail mais uniquement de la perception des indemnités journalières en raison de son état de santé ; que M. [I] aurait dû normalement percevoir les indemnités ASSEDIC s'il n'avait pas été pris en charge par la CPAM et, inversement, dès lors qu'il percevait des indemnités journalières, il ne pouvait prétendre au revenu de remplacement versé par l'assurance-chômage de sorte que la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, débitrice des indemnités journalières au lieu et place des ASSEDIC, doit être considérée comme organisme assimilé à ces dernières, au sens du contrat d'assurance litigieux ; que Monsieur [I] ayant déclaré le sinistre le 20 mars 2002 et réitéré cette demande de prise en charge par lettre du 3 février 2003, puis par les assignations introductives d'instance il convient de confirmer le jugement du 4 mai 2004 en ce qu'il a condamné la société CARDIF ASSURANCES Risques Divers à l'indemniser sur le fondement de sa perte d'emploi à hauteur de 4 860 € avec les intérêts des droits à compter du 20 mars 2002, date de la déclaration de sinistre.
Dans ses conclusions signifiées le 4 décembre 2013 la société CARDIF ASSURANCES RISQUES DIVERS demande à la cour de:
Dire et juger opposables à Monsieur [N] [I] et son épouse, Madame [Z] [I], les conditions générales régissant l'assurance,
Dire et juger que Monsieur [N] [I] n'établit pas de période d'indemnisation par les ASSEDIC, justifiant la garantie qu'il poursuit,
Dire et juger que la CPAM et les ASSEDIC ne sauraient être considérées comme des organismes assimilés,
Constater qu'accorder à Monsieur [I] le bénéfice d'une garantie perte d'emploi
sur la base d'indemnités journalières équivaudrait à contester les précédentes décisions lui
ayant refusé une garantie maladie en raison d'une fausse déclaration intentionnelle relative
à son état de santé,
Débouter en conséquence Monsieur [N] [I] et son épouse, Madame [Z] [I] de l'intégralité de leurs prétentions et réformer le jugement du Tribunal d'instance de Nogent sur Marne du 4 mai 2004 dans toutes ses dispositions,
Condamner Monsieur [N] [I] et son épouse, Madame [Z] [I] à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle soutient que POLE EMPLOI et la CPAM ne sont pas des organismes assimilés et que pendant une indemnisation par la CPAM, les indemnités ASSEDIC sont suspendues, que Monsieur [I] ne justifie nullement avoir bénéficié ultérieurement d'une indemnisation par les ASSEDIC et qu'admettre que POLE EMPLOI et la CPAM sont des organismes assimilés au sens du contrat d'assurance équivaudrait en outre à une dénaturation du contrat ; que si Monsieur [I] avait sollicité tant la garantie perte d'emploi que la garantie maladie il a été définitivement jugé qu'il ne pouvait pas bénéficier de la garantie maladie au motif d'une fausse déclaration intentionnelle ; que considérer aujourd'hui que la CPAM est un organisme assimilé à POLE EMPLOI et octroyer corrélativement à Monsieur [I] une garantie perte d'emploi sur la base d'indemnités journalières équivaudrait à contourner la fausse déclaration reconnue à l'encontre de son état de santé et qui lui a fait perdre le bénéfice de la garantie maladie.
La société BNP PARIBAS s'en rapporte à justice dans ses conclusions signifiées le 13 novembre 2013.
MOTIFS DE LA DECISION:
Considérant que la cour n'est saisie sur renvoi que de la question de la mise en jeu de la garantie « perte d'emploi », dont il convient de rechercher si les conditions d'application sont réunies sans que la nullité de cette garantie pour fausse déclaration puisse à nouveau être invoquée ;
qu'il est constant que la garantie contractuelle de perte d'emploi à la suite d'un licenciement permet la prise en charge de l'interruption totale et continue de travail consécutive au licenciement à l'issue d'un délai de franchise de 90 jours suivant la fin du préavis effectué et ce pendant un an et que par jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 10 janvier 2003 le contrat à durée déterminée liant M [I] à son employeur et non renouvelé au 30 juin 2002 a été requalifié en contrat de travail à durée indéterminée dont la rupture a été considérée comme un licenciement abusif ; que M [I] ne conteste pas ne pas avoir perçu de prestations versées par les ASSEDIC pendant la période ouvrant droit à la garantie perte d'emploi puisqu'il fait valoir que les indemnités journalières reçues de la CPAM pendant cette période faisaient obstacle à une telle indemnisation ;
que la cour relève que M [I] qui a produit les certificats d'arrêt de travail attestant de son interruption totale et continue de travail à la suite de la cessation de son contrat de travail intervenue le 30 juin 2002 remplissait bien la condition tenant à l'interruption totale et continue de travail consécutive à licenciement exigée par son contrat d'assurance ;
qu'en revanche il n'a pu justifier des prestations servies par les ASSEDIC comme l'exige son contrat d'assurance puisqu'il a perçu pendant cette période des indemnités journalières versées par la CPAM dont il soutient que, se substituant aux allocations-chômage, elles doivent être considérées comme versées par un organisme assimilé au sens du dit contrat ;
que cependant, si les indemnités journalières versées par la CPAM et les allocations chômage versées par les ASSEDIC constituent toutes deux des substituts de salaire et que le cumul de ces indemnités est de ce fait impossible, force est de constater qu'en l'espèce la CPAM qui a versé des indemnités journalières à M [I] en raison des arrêts de travail qu'il a présentés pour maladie à compter du mois de mars 2002 ne peut être considérée comme un organisme assimilé aux ASSEDIC au sens du contrat d'assurance ;
que la cour relève en effet que M [I], qui avait perdu son emploi depuis le 30 juin 2002, a bénéficié des indemnités journalières versées par la CPAM sur la foi de certificats d'arrêts de travail de prolongation ne mentionnant pas sa cessation d'activité professionnelle, délivrés à compter du 30 août 2002 dans le cadre de la prise en charge de sa maladie et qu'il ne démontre pas que la CPAM s'est alors substituée aux ASSEDIC dans le versement d'un revenu de remplacement consécutif à la perte d'emploi puisqu'il ne justifie pas avoir effectué à cette date une demande de prise en charge par cet organisme, qu'ainsi la CPAM dont il n'est pas établi qu'elle a versé des indemnités journalières en lieu et place des allocations chômage qu'aurait dû verser les ASSEDIC ne peut être considérée comme un organisme assimilé au sens du contrat d'assurance ;
qu'en conséquence M [I] qui ne justifie pas avoir perçu une indemnisation de la part d'un organisme assimilé aux ASSEDIC ne remplit ainsi pas la seconde des conditions cumulatives exigées par le contrat d'assurance pour bénéficier de la garantie 'perte d'emploi' et le jugement qui a condamné la société CARDIF ASSURANCES à payer à M et Mme [I] la somme de 4 860 euros correspondant aux échéances mensuelles entre le 1er octobre 2002 et le 30 septembre 2003 du contrat de prêt souscrit le 26 septembre 2001 sera infirmé de ce chef ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement, par décision contradictoire et dans les limites de la cassation intervenue:
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société CARDIF ASSURANCES à payer à M et Mme [I] la somme de 4 860 euros correspondant aux échéances mensuelles entre le 1er octobre 2002 et le 30 septembre 2003 du contrat de prêt souscrit le 26 septembre 2001 ;
Statuant à nouveau,
-Déboute M et Mme [I] de leur demande en paiement de la somme de 4 860 euros au titre de la garantie 'perte d'emploi' souscrite auprès de la société CARDIF ASSURANCES ;
-Condamne M et Mme [I] à payer à la société CARDIF ASSURANCES la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
-Condamne M et Mme [I] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT