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12/11/2014 | FRANCE | N°13/08606

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 12 novembre 2014, 13/08606


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2014



(n°2014/ , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/08606



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/14826



APPELANTE



SA ALLIANZ

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Philippe MARINO, avocat au

barreau de PARIS, toque : P0143



INTIMES



Monsieur [Q] [C]

[Adresse 2]

[Localité 2]



et



Madame [G] [R] épouse [C]

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représentés par Me Edmond FROMANTIN, ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2014

(n°2014/ , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/08606

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/14826

APPELANTE

SA ALLIANZ

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippe MARINO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0143

INTIMES

Monsieur [Q] [C]

[Adresse 2]

[Localité 2]

et

Madame [G] [R] épouse [C]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentés par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistés par Me Nathalie CLEMENT-BERNARD, association GUEDJ-CLEMENT-BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L25

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère, entendue en son rapport

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Aouali BENNABI

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente et par Madame Aouali BENNABI, greffier présente lors du prononcé.

En vertu d'un acte notarié du 8 août 2008, M. [Q] [C] et son épouse [G] [R] ont acquis des consorts [T], une maison d'habitation située [Adresse 1]. L'acte contient la mention suivante :

'Les huisseries sont en mauvais état et, notamment, la fenêtre du salon, côté Nord-Ouest ne s'ouvre plus à raison d'un déplacement du gros-oeuvre.

Un affaissement important s'est produit récemment à l'angle Ouest de la maison entraînant descente de la dalle et jour important sous la baie vitrée du salon qui ne fonctionne pas.

Un incident de ce type moins conséquent avait amené le vendeur à réaliser, il y a environ dix ans, des travaux de reprise en sous-oeuvre, lesquels, à l'évidence, n'ont pas eu la pérennité souhaitée.

L'acquéreur déclare avoir été averti de cette situation dès la première visite, avoir pu faire examiner la construction par tous experts de son choix et avoir fixé le prix en conséquence en renonçant à tous recours contre le vendeur à raison de l'état de l'immeuble.

Ces désordres et le risque inhérent à cette habitation ont fait que le vendeur a consenti aux défendeurs une minoration du prix de vente' (celui-ci étant de 300000€).

M. et Mme [C] ont souscrit, à effet du 5 septembre 2008, un contrat multirisque habitation auprès de la compagnie AGF IARD devenue ALLIANZ IARD, par l'intermédiaire de Monsieur [T], agent général de cet assureur.

Le lundi 30 novembre 2009, M. et Mme [C] ont déclaré un sinistre survenu durant le week-end précédent : un affaissement avec destruction du pignon droit de leur maison suite à un glissement de terrain. L'assureur a désigné un technicien puis a conseillé à M. et Mme [C] (qui mettaient alors en cause des travaux réalisés par leur voisin dans le déclenchement du glissement de terrain) d'engager un référé expertise. La mesure ordonnée le 10 février 2010 par le président du tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer est devenue caduque, faute de consignation.

L'état de catastrophe naturelle a été reconnu sur la commune d'Ambleteuse, par arrêté du 10 mai 2010, pour 'inondations et coulées de boue du 26 novembre au 28 novembre 2009" et par arrêté du 14 septembre 2010, pour des 'mouvements de terrains du 25 au 27 novembre 2009".

Par courrier du 27 septembre 2010, M. et Mme [C] qui s'étaient vus opposer dans un premier temps l'absence de garantie mobilisable au titre du sinistre puis que le libellé de l'arrêté de mai 2010 'n'était pas en adéquation avec le sinistre', ont tenté, à nouveau, de mobiliser les garanties souscrites.

Par acte extra-judiciaire du 15 octobre 2010, la SA ALLIANZ IARD les a fait assigner en nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration du risque et en remboursement de la somme de 4.841,99€ correspondant aux frais de la procédure de référé-expertise.

Par jugement du 12 mars 2013, le tribunal de grande instance de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, débouté la SA ALLIANZ IARD de sa demande en nullité de la police d'assurance, a dit que la garantie catastrophe naturelle devait recevoir application, a condamné la SA ALLIANZ IARD à réparer l'entier préjudice M. et Mme [C] et à leur verser une provision de 50000€ , celle de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, et, avant dire droit, a ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur [E] afin de déterminer si une solution de consolidation est envisageable et à défaut d'évaluer le coût des travaux de démolition et de reconstruction, de stabilisation et de drainage du terrain et de reconstruction.

Par déclaration du 26 avril 2013, la SA ALLIANZ IARD a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 11 avril 2013, la SA ALLIANZ IARD demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de prononcer la nullité du contrat d'assurance au visa de l'article L113-8 du code des assurances et en tout état de cause, de dire que les garanties souscrites ne peuvent être mobilisées et de condamner M. et Mme [C] au paiement de la somme de 4.841,99€, d'une indemnité de procédure de 3.000€ et aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2013, M. et Mme [C] demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la SA ALLIANZ IARD au paiement d'une indemnité de procédure de 20 000€ et aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 septembre 2014.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Considérant que la SA ALLIANZ IARD soutient à titre principal, que M. et Mme [C] ont sciemment omis de lui déclarer les vices de l'immeuble dont ils avaient connaissance, cette omission ayant modifié son appréciation du risque en voulant pour preuve le montant de la prime (168€) ; qu'elle affirme le caractère intentionnel de cette fausse déclaration, M. [C] qui est juriste ne pouvant qu'avoir conscience de l'importance de ses déclarations au moment de la souscription ; qu'elle conteste l'interprétation que font M. et Mme [C] de la loi du 31 décembre 1989, affirmant que l'obligation de déclaration du risque n'est pas strictement limitée au questionnaire et relevant qu'en l'espèce, il a été procédé à 'une étude personnalisée après que M. et Mme [C] aient précisé les caractéristiques de leur habitation' ; qu'elle conteste également la connaissance, par son ancien agent général, de l'état de la maison, disant que son attestation a été établie pour les besoins de la cause et n'évoque d'ailleurs que des 'fissures en façade' loin de la réalité de l'état de l'immeuble ;

Que M. et Mme [C] contestent toute intention de tromper l'assureur sur la nature du risque, précisant sur ce point que monsieur est juriste d'entreprise, sans connaissance particulière du droit des assurances et que l'immeuble était avant leur acquisition, normalement assuré, ajoutant que la fraude était d'autant moins possible que l'agent général est le neveu des vendeurs et un proche parent du notaire qui a réalisé la vente et connaissait parfaitement l'immeuble, ce dont il a d'ailleurs attesté ;

Considérant que l'article L113-2-2 du code des assurances dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1989 énonce 'l'assuré est obligé (...) de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assuré l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge', la violation de cette obligation étant sanctionnée notamment par l'article L113-8 du même code qui dispose que 'le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré' ;

Qu'il s'en évince que la seule contrainte qui pèse sur le candidat à l'assurance est de répondre exactement et sans réticence aux questions qui lui sont posées, notamment dans le formulaire de déclaration du risque ou par tout autre moyen, la charge de la preuve d'un manquement de l'assuré à cette obligation reposant sur l'assureur ;

Or, en l'espèce, la SA ALLIANZ IARD allègue de l'établissement d'une 'étude personnalisée après que M. et Mme [C] aient précisé les caractéristiques de leur habitation' et en déduit que des 'questions leur ont donc nécessairement été posées sur les circonstances du risque et, au visa de l'article 1134 alinéa 3 du code civil, ils étaient tenus à une obligation de loyauté qui consistait à informer l'assureur de l'état réel du bien à assurer' faisant ainsi peser sur M. et Mme [C] l'obligation de déclarer spontanément les circonstances pouvant avoir une incidence sur son appréciation du risque écartée depuis la loi du 31 décembre 1989 et, dès lors qu'aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que les dites questions portaient sur l'état de l'immeuble, au-delà des éléments rapportés à l'étude (soit l'usage du bien à titre de résidence principale ou secondaire, sa surface, l'absence de grand risque déterminé contractuellement en fonction de la surface, de la nature de l'immeuble - manoir ou château et son éventuelle inscription comme monument historique... ), elle ne peut qu'être déboutée de sa demande en nullité du contrat d'assurance et de sa demande en remboursement des frais de procédure engagée en exécution d'une des garanties offertes par cette police ;

Considérant que la SA ALLIANZ IARD affirme également que la garantie catastrophe naturelle ne peut être mobilisée dans la mesure où l'article L125-1 du code des assurances dispose que seuls sont pris en compte les dommages directs et que ceux dont se prévalent M. et Mme [C] étaient d'ores et déjà réalisés avant la survenance du sinistre ;

Considérant que le texte précité énonce que 'sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles (...) les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises' ;

Que M. et Mme [C] tentent de mobiliser cette garantie au titre d'un glissement de terrain survenu dans la nuit du 28 au 29 novembre 2009 (ainsi qu'il ressort de leur courrier du 1er décembre 2009 et de l'assignation en référé) et d'un arrêté de catastrophe naturelle du 14 septembre 2010 pour des mouvements de terrains sur la commune d'[Localité 3], du 25 au 27 novembre 2009 ;

Considérant que contrairement aux affirmations péremptoires de M. et Mme [C] sur ce point, leur immeuble n'était nullement avant ce sinistre, affecté que par 'un léger tassement de remblais' mais, ainsi qu'il ressort de leur titre de propriété par 'un déplacement du gros-oeuvre' au droit de la fenêtre du salon et par un 'affaissement important (...) à l'angle Ouest de la maison entraînant descente de la dalle et jour important sous la baie vitrée du salon', ce dernier désordre ayant révélé que les travaux de reprise en sous-oeuvre entrepris environ dix ans avant, à la suite d'un premier affaissement 'n'ont pas eu la pérennité souhaitée' ;

Qu'il s'ensuit que le pavillon de M. et Mme [C] présentait de graves désordres, puisque, ses fondations demeuraient, malgré une reprise en sous-oeuvre, inadaptées et impropres à assurer la stabilité de l'ouvrage et qu'il avait de ce fait subi des dommages (déplacement du gros oeuvre et un affaissement du terrain et de la dalle) ; que tant les premiers dommages au voisinage de la fenêtre du salon que les seconds constatés peu de temps avant la vente, affectaient l'angle ouest nord-ouest de l'immeuble (bordé à droite par une fenêtre et à gauche par la baie vitrée) soit la partie du séjour qui s'est partiellement effondrée dans la nuit du 28 au 29 novembre 2009, les photographies prises après ce sinistre faisant apparaître un affaissement du sol à l'angle et sous la baie vitrée et la désolidarisation de la maçonnerie à l'angle de la pièce tant du côté de la baie vitrée que vers et sous la fenêtre, soit à l'endroit des dommages décrits à l'acte de vente ;

Que l'immeuble qui était mal fondé présentait donc, avant les intempéries et fortes pluies de novembre 2009, des dommages conséquents au siège des désordres dénoncés à l'assureur, le 1er décembre 2009 ;

Que le technicien qui a examiné l'immeuble à la demande de l'assureur a établi un rapport de reconnaissance, le 8 décembre 2009 puis une 'note en expertise', le 2 juin 2009 (soit avant l'arrêté de catastrophe naturelle invoqué) ; qu'il décrit un terrain présentant une pente importante et une très nette 'loupe de glissement dont la frange haute se situe sous les fondations du bâtiment de l'assuré', précisant : 'ce type de glissement apparaît certes de manière brutale mais il découle d'un phénomène de cisaillement qui est très long dans le temps. Ce sont les cycles d'hydratation et de déshydratation des sols qui créent un plan de glissement, lequel se produit alors dans une période humide' ; qu'il évoque ensuite l'état de l'immeuble, fissuré selon le voisinage et ajoute que 'il est certain que la construction d'un immeuble en tête de talus de forte pente présente un risque important de glissement et que les fondations de l'immeuble doivent alors être conçues en conséquence ; le poids apporté par l'immeuble ne doit pas s'appliquer en haut du talus mais être descendu à une profondeur plus importante pour assurer la stabilité de ce dernier, notamment en cas de glissement de terrain. Dans le cas présent, les fondations sont superficielles, à une profondeur d'environ 1,20 m côté talus et sont positionnées juste en haut du talus' concluant que la construction présentait 'un risque vis à vis de ce phénomène de glissement' ;

Qu'il en résulte que les désordres qui affectaient les fondations et le gros-oeuvre de l'angle ouest du bâtiment sont apparus à la fin des années quatre-vingt dix et qu'ils évoluent depuis ; que même si le glissement de terrain du 28 novembre a joué un rôle dans la survenance du sinistre, il était prévisible et il n'a pas été la cause déterminante de dommages qui, au surplus, préexistaient ;

Que, par conséquent, M. et Mme [C] ne peuvent mobiliser la garantie catastrophe naturelle, le jugement déféré devant être infirmé sur ce point ;

Considérant que M. et Mme [C], qui succombent partiellement, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel et, en équité, devront rembourser les frais exposés par la SA ALLIANZ IARD pour assurer sa défense ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 12 mars 2013 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a débouté la SA ALLIANZ IARD de sa demande en nullité du contrat d'assurance multirisque habitation souscrit par M. et Mme [C] et l'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant ;

Déboute la SA ALLIANZ IARD de sa demande en remboursement de la somme de 4.841,99€ ;

Dit que la garantie catastrophe naturelle ne peut pas être mobilisée par M et Mme [C] au titre du sinistre survenu dans la nuit du 28 au 29 novembre 2009 ;

Condamne M. et Mme [C] à payer à la SA ALLIANZ IARD la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/08606
Date de la décision : 12/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°13/08606 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-12;13.08606 ?
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