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06/11/2014 | FRANCE | N°12/08387

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 06 novembre 2014, 12/08387


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 06 Novembre 2014

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08387 et 12/10865 - MEO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 09/06020



APPELANT

Monsieur [G] [L]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne assisté de Me Arn

aud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476, substitué par Me Cécile ARVUN-BEROD, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE

SARL VIVREA

[Adresse 1]

[Localité 1]

r...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 06 Novembre 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08387 et 12/10865 - MEO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 09/06020

APPELANT

Monsieur [G] [L]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne assisté de Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476, substitué par Me Cécile ARVUN-BEROD, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SARL VIVREA

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Gilles BONLARRON, avocat au barreau de PARIS, toque : L0303

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [G] [L] a été engagé le 30 mars 2004 par la Sa Vivrea, société d'ingéniérie en bâtiment selon un contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de chargé d'affaires pour une rémunération brute mensuelle de 4 446,33 €. Le contrat de travail a prévu une période d'essai de 3 mois, laquelle renouvelée le 23 juin 2004, devait expirée le 30 septembre suivant.

Le 28 septembre 2004, la Sa Vivrea a notifié la rupture de la période d'essai au salarié.

M.[L] a été victime d'un accident cardio-vasculaire cérébral le 12 décembre 2004, reconnu comme étant une 'rechute d'un infarctus du myocarde transmural de 1995", infarctus consécutif à un accident du travail indemnisé comme tel et qui a justifié une IPP de 15% . Il a été consolidé le 9 décembre 2008.

La rechute a également été reconnue comme maladie professionnelle emportant un taux d'IPP de 67% selon une décision de la CPAM de Versailles du 11 mai 2009. Une rente mensuelle de 2 017,22 € est versée à M. [L] depuis cette décision.

L'entreprise compte plus de 11 salariés.

La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective Syntec.

Contestant la rupture, M .[L] a saisi le conseil des Prud'Hommes de Paris en 2009 d'une demande tendant en dernier lieu à obtenir la nullité du licenciement, subsidiairement son caractère abusif, sa réintégration sous astreinte, le paiement des indemnités de rupture, d'une indemnité pour nullité ou subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre le paiement de divers rappels, d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Compte-tenu du caractère professionnel reconnu à sa rechute et le rattachement de celle-ci à l'accident du travail de 1995, M. [L] a demandé au conseil de sommer la Sa Vivrea de verser aux débats la notice d'information, conforme à la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989, afférente aux garanties de prévoyance souscrites par l'employeur en application de l'article 8 de la convention collective applicable. L'employeur a demandé qu'il lui soit donné acte de ce qu'il offrait pour règlement la somme de 13 338,99 € au titre des congés payés et la même somme de 13 338,99 € au titre des préjudices matériels et professionnels.

Par décision en date du 6 juillet 2012, le conseil des Prud'Hommes a requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la Sa Vivrea à payer à M. [L] les sommes suivantes :

- 13 338,99 € au titre du préavis

- 1 333,90 € au titre des congés payés afférents

- 13 338,99 € à titre de dommages et intérêts

- 600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Le conseil des Prud'Hommes a, en outre, ordonné la remise des documents sociaux conformes, l'exécution provisoire de droit. Il a débouté M. [L] pour le surplus et condamné la Sa Vivrea aux dépens.

M. [L] a fait appel de cette décision. Il sollicite de la cour qu'elle juge son licenciement nul et à tout le moins abusif, qu'elle ordonne la réintégration de M. [L] dans l'entreprise et lui payer une indemnité mensuelle de 4 446,33 € pour chaque mois écoulé depuis son éviction de l'entreprise le 5 novembre 2004, le tout sous astreinte de 1 000 € par jour de retard.

Il demande la condamnation de la Sa Vivrea à lui payer les sommes suivantes :

- 565 005,39 € au titre des garanties dues par le régime de prévoyance

A titre subsidiaire :

- 600 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

A titre infiniment subsidiaire :

- 600 000 € à titre de dommages et intérêts pour la violation de l'article 12 de la loi 89-1009

- 13 338,99 € au titre du préavis

- 1 333,90 € au titre des congés payés afférents

- 4 446,33 € à titre de rappel de prime de vacances

- 444,63 € au titre des congés payés afférents

- 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur a conclu à la confirmation du jugement déféré et, en conséquence, au débouté de M. [L] pour le surplus de ses demandes.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 7 octobre 2014, reprises et complétées à l'audience.

MOTIVATION

Il convient pour une bonne administration de la justice de prononcer la jonction des procédures inscrites sous les numéros RG 12/08387 et 12/10865.

Sur la rupture de la relation de travail :

Rappelant son état de santé précarisé par un infarctus subi en 1995, M. [L] prétend que la rupture est fondée sur son état de santé et qu'elle est en conséquence nulle. L'employeur conteste avoir connu l'état de santé réel de M. [L] en affirmant que celui-ci le lui a soigneusement caché.

En premier lieu, la cour relève que le contrat de travail de M. [L] prévoit une période d'essai de 3 mois et autorise son renouvellement pour une même période, sous la condition que les deux parties en conviennent ainsi.

Or il résulte des débats et il n'est pas contesté que c'est unilatéralement par un courrier en date du 23 juin 2004 que la Sa Vivrea a renouvelé la période d'essai.

Dès lors que ce renouvellement n'est pas valable, la période d'essai a, en réalité pris fin le 1er juillet 2004, soit trois mois après l'embauche.

Il s'ensuit qu'à la date de la rupture de la relation contractuelle le 28 septembre 2004, M. [L] n'était plus en période d'essai de sorte que l'employeur ne pouvait s'affranchir des règles du licenciement et notamment de la motivation écrite exigée par les articles L 1232-1 et suivants du code du travail.

M. [L] qui fait état de son état de santé fragile qui serait à l'origine de la rupture selon lui.

Cependant tous les éléments produits aux débats démontrent non seulement que l'employeur pouvait ignorer cet état de santé, mais encore que le salarié a bien pris soin de le lui cacher lors de l'embauche : ainsi son curriculum vitae ne porte aucune mention relativement à l'infarctus de 1995, la lettre de candidature au poste proposé par la Sa Vivrea tait également ce point en soulignant au contraire la vigueur de M. [L] qui se présente comme un 'homme de terrain, pragmatique et polyvalent, rodé à l'encadrement d'équipes pluridisciplinaires et aux opérations'....

Il apparaît, au surplus, que la visite médicale d'embauche de M.[L] a abouti à un avis d'aptitude sans réserve du médecin du travail. Cette fiche qui ne signale pas de maladie antérieure tend à démontrer, qu'en concordance avec les éléments qui précèdent, M. [L] a tu son état de santé au médecin du travail lors de son embauche.

Enfin, ainsi que le relève l'employeur, selon les termes mêmes du rapport médical de l'ELSM des Yvelines, M. [L] a subi 'une aggravation et décompensation brutale de l'état cardio-vasculaire' qu'en conséquence, l'employeur ne pouvait prévoir, ce d'autant moins que n'ont pas été portés à sa connaissance les éléments qui précèdent sur l'état de santé de M. [L].

Il résulte donc de tout ce qui précède que la rupture de la relation de travail n'est pas liée à l'état de santé du salarié, au sens des dispositions sur la discrimination.

M. [L] ne peut qu'être débouté de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes corrélatives de réintégration et de paiement d'indemnités mensuelles depuis le 4 novembre 2004.

La rupture abusive de la relation de travail donne droit à M. [L] à percevoir une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de congés payés afférents, ainsi qu'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que les premiers juges, compte-tenu des éléments produits aux débats, notamment sur l'ancienneté du salarié, ont exactement évaluées. Il convient donc de les confirmer sur ces chefs, y compris sur la remise des documents sociaux conformes.

Sur la demande au titre de la prévoyance

Il est constant que la relation de travail a été rompue le 28 septembre 2004, que le dernier jour travaillé de M. [L] est le 4 novembre 2004 et que c'est le 12 décembre suivant qu'il a subi un accident vasculaire cérébral grave constituant une rechute du précédent.

Alors qu'il apparaît que M. [L] a soigneusement caché à son employeur son état de santé, ce dans le but de parvenir à être embauché, il est aujourd'hui malvenu de le lui opposer et de s'en prévaloir pour, en alléguant des conditions stressantes de travail, dont il ne démontre pas la réalité, justifier d'un lien de causalité entre ses fonctions au sein de la Sa Vivrea et l'accident survenu le 12 décembre 2004. Il ne saurait pas davantage se prévaloir de ce que le préavis, s'il avait respecté les règles du licenciement, aurait dû s'achever le 31 décembre 2004, et l'accident survenir pendant cette période.

A la date de l'accident, il n'existe plus de relation de travail entre les parties et contrairement à ce que soutient le salarié, il ne fait plus partie des effectifs de l'entreprise. En application de l'article L 1226-6 du code du travail, M. [L] ne saurait donc faire supporter à la Sa Vivrea les conséquences de l'accident survenu en décembre 2004, qui constitue une rechute d'un accident du travail survenu chez un précédent employeur.

En revanche, selon les termes de l'annexe 8 et de ses annexes 8-1, 8-2 et 8-3, les salariés inscrits à l'effectif de l'entreprise, les anciens salariés inscrits comme demandeurs d'emploi s'ils souscrivent dans les 6 mois qui suivent la rupture du contrat de travail peuvent bénéficier du régime de prévoyance établi par les accords des 27 mars 1997, de son avenant du 25 juin 1998, tous deux étendus par arrêté du 31 mars 1999, et auquel les entreprises, comme la Sa Vivrea, relevant de la convention Syntec sont obligées d'adhérer.

L'annexe 8 prévoit notamment, en cas d'IPP égal ou supérieur à 66%, le versement au salarié d'une rente complémentaire à celle versée par la Sécurité sociale à hauteur de 80% du salaire brut sans que cela puisse excéder le salaire net qu'aurait perçu le salarié en activité, ainsi que la possibilité pour lui de percevoir par anticipation du capital décès.

Compte-tenu de ce que l'employeur n'a pas informé le salarié quittant l'entreprise de la possibilité d'adhérer au régime de prévoyance de l'entreprise, celui-ci n'a pu bénéficier de ces prestations.

Relevant que le maintien de son adhésion à un régime de prévoyance dépendait 'in fine' d'une souscription du salarié, la cour en conclut que le défaut d'information a occasionné au salarié non informé une perte de chance de percevoir le bénéfice des prestations afférentes.

Compte-tenu de l'ensemble des éléments produits aux débats, cette perte de chance caractérise un préjudice que la cour évalue à la somme de 10 000 €.

Sur la prime de vacances

Selon l'article 31 de la convention collective Syntec, une prime da vacances est due au salarié qu'elle fixe à un montant au moins égal à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés prévu par la convention collective de l'ensemble des salariés.

L'employeur soutient la prescription de la demande sans explication alors qu'il résulte du jugement déféré que dès la saisine du conseil des Prud'Hommes, le 11 mai 2009, soit moins de cinq ans après la rupture de la relation de travail, M. [L] a sollicité le paiement de cette prime, peu important qu'alors elle n'ait pas été encore chiffrée.

Compte-tenu de ce qui précède, alors qu'aucun élément sérieux produit aux débats par l'employeur ne permet de priver M. [L] de la prime litigieuse, il convient de retenir le calcul produit par le salarié sans être contredit et de condamner la Sa Vivrea à lui payer la somme de 4 446,33 €, outre 444,63 € au titre des congés payés afférents.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Prononce la jonction des procédures inscrites sous les numéros RG 12/08387 et 12/10865

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne ses dispositions sur le régime de prévoyance et sur la prime de vacances

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant :

Condamne la Sa Vivrea à payer à M. [G] [L] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance

La condamne à payer à M. [L] la somme de 4 446,33 €, outre 444,63 € au titre des congés payés afférents, à titre de prime de vacances.

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Sa Vivrea à payer à M. [L] la somme de 3 000 €

La déboute de sa demande de ce chef

La condamne aux dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/08387
Date de la décision : 06/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°12/08387 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-06;12.08387 ?
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