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23/10/2014 | FRANCE | N°12/07785

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 23 octobre 2014, 12/07785


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 23 Octobre 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07785 et 12/08364 - MEO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F11/06053





APPELANTE et intimée

Association ALLEN & OVERY LLP

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Mme [I] [V]

, directrice des ressources humaines, en vertu d'un pouvoir spécial

assistée de Me Hubert FLICHY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461



INTIMEE et appelante

Madame [W] [O]
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 23 Octobre 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07785 et 12/08364 - MEO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F11/06053

APPELANTE et intimée

Association ALLEN & OVERY LLP

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Mme [I] [V], directrice des ressources humaines, en vertu d'un pouvoir spécial

assistée de Me Hubert FLICHY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

INTIMEE et appelante

Madame [W] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne,

assistée de Me Sylvain ROUMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2081

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [W] [O] a été engagée par le cabinet d'avocats Allen & Overy selon un contrat à durée indéterminée à compter du 10 septembre 2007 pour exercer les fonctions de 'responsable relations clientèle', sa fonction étant de d'entretenir et de développer la relation avec les clients clés situés à [Localité 3] et d'identifier des clients nouveaux. Sa rémunération mensuelle brute s'est élevée en dernier lieu à la somme de 6 210 €.

Après avoir été convoquée et reçue à un entretien préalable, Mme [O] a été licenciée le 3 juillet 2009.

L'entreprise compte environ 120 salariés.

La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective des avocats et de leur personnel salarié.

Contestant son licenciement, Mme [O] a saisi le conseil des Prud'Hommes de Paris d'une demande tendant en dernier lieu à obtenir la condamnation de l'Association Allen & Overy LLP à lui payer la somme de 75 584,44 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'exécution provisoire, et les intérêts au taux légal capitalisés. A titre reconventionnel, l'Association Allen & Overy LLP a réclamé le paiement de la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 5 juin 2012, le conseil des Prud'Hommes , faisant partiellement droit à la demande de la salariée, a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l'Association Allen & Overy LLP à lui payer la somme de 38 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement, outre la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il a débouté les parties pour le surplus et condamné l'Association Allen & Overy LLP aux dépens.

L'employeur a fait appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la cour de juger le licenciement de Mme [O] bien fondé, de la débouter de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, l'Association Allen & Overy LLP demande de voir limiter à 6 mois de salaire le montant de l'indemnité allouée.

Faisant également appel, Mme [O] conclut à la confirmation du jugement dans son principe et à son infirmation sur le montant de l'indemnité allouée. Elle demande à la cour de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'Association Allen & Overy LLP à lui payer la somme de 75 584,44 € à titre d'indemnité pour rupture abusive, outre la somme de 38 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, celle de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, avec les intérêts au taux légal capitalisés.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 26 septembre 2014, reprises et complétées à l'audience.

MOTIVATION :

Il convient pour une bonne administration de la justice de prononcer la jonction des procédures inscrites sous les numéros RG 12/07785 et 12/08364.

Sur l'exécution de bonne foi du contrat de travail

Il s'agit d'une demande nouvelle que Mme [O] fonde sur l'absence de transmission de définition de postes et de missions précises et sur l'absence de toute reconnaissance des succès des opérations réussies par elle.

Il ressort des débats que Mme [O] , salariée expérimentée dans le domaine où elle a été recrutée, faisant valoir un curriculum vitae avantageux, a été embauchée sur l'emploi précis de 'responsable relations clientèle' au salaire brut mensuel d'environ 6 000 €. En raison de ses compétences acquises ainsi rétribuées, du niveau de responsabilité en cause, et de la confiance misée sur elle, elle devait être en mesure d'assurer ses fonctions dans toute leur plénitude, sans avoir à attendre de son employeur une fiche de poste précise.

Par ailleurs aucun élément sérieux n'est produit aux débats sur l'ingratitude reprochée à son employeur, à supposer celle-ci constitutive d'une exécution déloyale du contrat de travail. A cet égard, Mme [O] ne distingue pas sa demande des contestations qu'elle élève à l'encontre de son licenciement.

Il s'ensuit que la mauvaise foi alléguée à l'encontre de l'employeur n'est pas établie.

Mme [O] ne peut donc qu'être déboutée de sa demande de ce chef.

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. L'insuffisance professionnelle constitue une cause réelle et sérieuse.

En outre, en application de l'article L 1232-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Enfin, un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction..

En cas de litige, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié (article L 1235-1 du code du travail).

Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables.

En application de l'article L 1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre du 3 juillet 2009 fonde le licenciement sur les reproches suivants : manque de résultats malgré tous les moyens mis à disposition, résistance à accepter de l'aide pour progresser, manque de loyauté et de transparence.

Elle relate, dans le détail, le déroulement professionnel de Mme [O] au sein de l'entreprise en en relevant les défaillances.

L'employeur produit aux débats notamment des mails envoyés par Mme [O] à des partenaires, à des responsables de sa hiérarchie, et à des collègues (Mme [N], Mme [D]) sans que sa responsable hiérarchique immédiate (Mme [P]) ait été mise en copie, forçant certains destinataires ( Mme [N], Mme [D], M. [G]) à réacheminer à Mme [P], pour information les messages reçus de Mme [O].

Il ressort également des échanges de mails produits aux débats qu'en juin 2008, Mme [O] peine à finaliser un projet relevant de ses attributions et attendus par sa hiérarchie concernant l'identification des clients les plus importants de l'Association Allen & Overy LLP . En juillet 2008, Mme [P] s'étonne par mail auprès de Mme [O] de ce qu'elle ne participe pas à une réunion téléphonique d'importance pour elle compte-tenu de ses attributions, mail auquel Mme [O] lui répond en expliquant être à un rendez-vous extérieur important. En septembre 2008, Mme [O] indique ne pas vouloir participer à une manifestation organisée par et pour l'entreprise, ce malgré la demande expresse de sa responsable. Par mail du 13 janvier 2009, à propos d'un partage d'expérience, Mme [O] a proposé à Mme [P] de parler 'du Club [1] et des autres projets 'cross' en cours et propose à son interlocuteur 'de vous mettre dans le 'Global BD eye mailing list', puis en réponse à un mail de Mme [P] qui l'interrogeait sur ce qu'était le Global eye, Mme [O] lui a répondu par mail du même jour 'Pour être franche, je n'en sais pas plus que vous'. Ainsi également, la mise en place d'un site client pour la Société Générale, auquel s'est elle-même engagée la salariée dans un mail du 13 janvier 2009 n'est toujours pas finalisée en mars 2009. En avril 2009, rendez-vous est pris au mois de mai suivant, par Mmes [P] et Mme [O] en vue de l'évaluation de celle-ci. Dans un mail du 11 mai 2009, Mme [P] déplore que Mme [O] n'ait pas rempli les documents demandés.

Cette situation révèle une relation de mauvaise qualité entre Mme [O] et Mme [P], ce que confirme encore la réunion avec ces deux femmes qu'a du organiser pour y remédier, leur supérieure hiérarchique Mme [N] au mois de juillet 2008, celle-ci attendant de la part de Mme [O] une 'normalisation de son attitude envers [sa] responsable hiérarchique et un véritable démarrage de vos actions dans le domaine de la gestion de la relation clients'. Les messages ultérieurs témoignent de ce que Mme [O] met désormais en copie de ses échanges Mme [P].

En outre, l'ensemble de ces événements traduit le fait que Mme [O] échappe à sa responsable hiérarchique, et qu'elle peine à élaborer les projets demandés, notamment quant aux actions à entreprendre envers la clientèle existante ou potentielle, ou à la mise en place d'un site client, ou encore quant aux documents à produire pour son évaluation. Il témoigne également du fait que Mme [O] forme des propositions avec légèreté sur des sujets qu'elle ne connaît pas et qu'elle n'a pas cherché à connaître (Global Eye).

Mme [O] qui conteste les griefs énoncés fait valoir que la plupart d'entre eux sont prescrits et qu'en outre ils ne sont pas fondés.

Elle produit aux débats de nombreux mails témoignant de la réalité du travail accompli et des remerciements reçus en retour y compris de Mme [P].

Il convient de relever qu'il n'est pas reproché à Mme [O] de n'avoir rien fait dans le cadre de la mission confiée mais notamment de n'avoir pas abouti à des résultats concrets en termes d'actions et de développement de clientèle.

Or les pièces que Mme [O] produit aux débats, qui sont constitués de documents de travail élaborés par elle ou de mails échangés avec des collègues, ou avec ses responsables montrent que si elle a été félicitée par l'une des responsables de la société, Mme [Q], pour être à l'origine d'une amélioration de la communication interne de l'entreprise, les remerciements dont elle se prévaut sont des remerciements d'usage adressés à la réception d'un message ou d'un document qui ne constitue pas la marque d'un succès.

Les documents produits par Mme [O] montrent qu'au-delà du regroupement d'informations et des comptes-rendus qu'elle élabore, Mme [O] ne met en oeuvre aucune action concrète prolongeant les événements dont elle rend compte. Ainsi en est-il par exemple, de l'idée de développer des projets 'pro bono' : Mme [O] dans un mail de juin 2008 se contente de transmettre un compte-rendu d'une réunion sur le sujet à laquelle elle a participé en indiquant 'je pense qu'il y a du potentiel pour nous...et suis à votre disposition pour en discuter plus en détail à l'occasion de la prochaine réunion du comité pro bono.'; ce faisant, elle ne formule elle-même aucun projet d'action. Il en a été de même de la suite donnée par Mme [O] à la demande d'une associée de l'Association Allen & Overy LLP , en février 2009, d'aider un jeune avocat français envoyé en détachement en Allemagne pendant quelques mois, en vue d'identifier des clients potentiels : Mme [O] se contente d'adresser à sa collègue en marketing en Allemagne quelques mots en allemand sur le profil de cet avocat, lui indique qu'il lui a proposé de préparer une présentation sur le droit du travail en France et lui propose de lui en reparler la semaine suivante : elle ne propose aucun plan d'action.

Les éléments qui précèdent apparaissent, en définitive, concordants qu'ils proviennent de la salariée ou de l'employeur : Mme [O] a montré des difficultés irrémédiables à occuper dans toute leur ampleur les fonctions de 'responsable relation clientèle', marquées par un manque total d'initiative, pourtant indispensable en matière de relations avec les clients. Témoigne encore de cette insuffisance, la note du 18 décembre 2008 dont se prévaut à tort la salariée, lui apportant, à sa demande, des précisions sur le contenu de sa mission, ce qu'elle aurait du connaître compte-tenu de son expérience à l'embauche et du niveau de responsabilité auquel elle a été recrutée.

Il s'ensuit donc qu'en dépit d'un succès relaté en mars 2009, dans la publication du journal interne à l'Association Allen & Overy LLP , succès qui appartient à l'entreprise entière mais qui met en exergue l'efficacité de l'action de Mme [O] , il apparaît de manière générale, au vu des documents contemporains qui témoignent de son activité concrète, que l'absence de résultats reprochés provient d'une insuffisance professionnelle de la part de Mme [O] .

Ce motif non disciplinaire s'ajoute aux motifs disciplinaires contenus dans la lettre de licenciement. Il échappe à la prescription et suffit en l'espèce à justifier le licenciement prononcé. Il n'y a donc pas lieu d'examiner les autres griefs contenus dans la lettre de licenciement.

Mme [O] ne peut donc qu'être déboutée de sa demande de ce chef.

Le jugement déféré est donc infirmé.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Prononce la jonction des procédures inscrites sous les numéros RG 12/07785 et 12/08364

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de Mme [W] [O] est fondé sur une cause réelle et sérieuse

La déboute de toutes ses demandes

Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens de première instance et d'appel

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/07785
Date de la décision : 23/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°12/07785 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-23;12.07785 ?
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