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17/10/2014 | FRANCE | N°13/07986

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 17 octobre 2014, 13/07986


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRET DU 17 OCTOBRE 2014



(n° 2014- , 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/07986



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/01064





APPELANTS



Monsieur [V] [W] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal

de [E] [W]

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assisté de Me Rémy LE BONNOIS de...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRET DU 17 OCTOBRE 2014

(n° 2014- , 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/07986

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/01064

APPELANTS

Monsieur [V] [W] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de [E] [W]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assisté de Me Rémy LE BONNOIS de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0299

Madame [M] [IG] épouse [W] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de [E] [W]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistée de Me Rémy LE BONNOIS de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0299

Mademoiselle [SV] [W]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistée de Me Rémy LE BONNOIS de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0299

Monsieur [T] [W]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assisté de Me Rémy LE BONNOIS de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0299

Monsieur [K] [W]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assisté de Me Rémy LE BONNOIS de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0299

Monsieur [I] [W]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assisté de Me Rémy LE BONNOIS de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0299

Madame [KQ] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 6] (ALGÉRIE)

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistée de Me Rémy LE BONNOIS de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0299

INTIMÉS

Société CLINIQUE LES PRESLES

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicole JAMI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0169

TRAVELERS INSURANCE COMPANY LIMITED venant aux droits de la société THE ST PAUL INTERNATIONAL INSURANCE COMPANY LIMITED prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Nicole JAMI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0169

AUDIENS PREVOYANCE

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Martine ASSIÉ-SEYDOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : E0222

CPAM DU VAL D'OISE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère, ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne VIDAL, présidente de chambre

Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER

ARRET :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne VIDAL, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Monsieur [H] [W] a été victime d'un accident du travail le 10 mai 2001 ayant entraîné une fracture du calcanéum. Cette affection ayant occasionné plus tard une arthrose sous astragalienne, il a été opéré de la cheville le 26 décembre 2001 à la CLINIQUE LES PRESLES, les docteurs [RQ] et [HB] assurant les interventions d'anesthésie .Le lendemain et les jours suivants, Monsieur [W] s'est plaint de céphalées s'accompagnant d'une paralysie faciale et de troubles de la parole. Le 29 décembre 2001, il a été transféré au service d'urgences de l'hôpital de [1] qui a diagnostiqué une méningite bactérienne.

Le Docteur [B], expert judiciaire, désigné par ordonnance de référé du 29 novembre

2002, a conclu dans son rapport du 27 juin 2003 que la méningite provenait de la contamination du liquide céphalo-rachidien pendant l'acte d'anesthésie par un germe vraisemblablement présent dans la cavité buccale du médecin anesthésiste ou de l'un de ses aides, que les séquelles de cette méningite (troubles sphinctériens et troubles de la phonation majeurs, diplégie faciale et atteinte du champ visuel) ont entraîné une incapacité de travail totale et définitive ainsi que la nécessité d'une assistance par tierce personne, et que les préjudices pouvaient être fixés dans les conditions suivantes :

-IPP : 80%

-préjudice d'agrément : 6/7

-préjudice esthétique : 4/7.

Par ordonnance du 28 mai 2004, le juge des référés a condamné in solidum la CLINIQUE LES PRESLES et son assureur, la société THE SAINT PAUL INTERNATIONAL INSURANCE COMPANY à payer à Monsieur [H] [W] la somme provisionnelle de 276 555 euros et a mis hors de cause le médecin anesthésiste et son assureur.

Par arrêt en date du 12 janvier 2005, la cour d'appel de Paris a confirmé la mise hors de cause du médecin et limité le montant de la provision à la somme de 100 000 euros.

Toutefois, la CLINIQUE LES PRESLES et son assureur qui avaient exécuté l'ordonnance n'ont jamais réclamé de remboursement à Monsieur [H] [W].

Par acte d'huissier du 28 décembre 2004, la CLINIQUE LES PRESLES et la société d'assurance THE ST PAUL INTERNATIONAL INSURANCE COMPANY ont pris l'initiative d'assigner Monsieur [H] [W] et l'ONIAM devant le tribunal de grande instance de Paris afin que ce dernier les rembourse de la provision versée et qu'il soit déclaré tenu de prendre en charge les conséquence de l'infection nosocomiale.

Par exploits des 4 et 8 mars 2005, Monsieur [H] [W] et son épouse, en leurs noms personnels et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs ont assigné la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val d'Oise et la société BELLINI PREVOYANCE aux droits de laquelle se trouve l'institut de prévoyance AUDIENS PREVOYANCE.

Les procédures ont été jointes.

En raison de l'inopposabilité de l'expertise du Dr [B] à l'ONIAM, le tribunal de grande instance de Paris a rendu le 9 juillet 2007, un jugement avant dire droit, ordonnant une expertise médicale confiée aux docteurs [A] et [Q].

Les conclusions du rapport d'expertise déposé le 26 janvier 2009 étaient les suivantes : 'La méningite peut être rapportée de façon certaine à la rachianesthésie pratiquée le 26 décembre 2001...' et l'infection a eu pour conséquences directes ou indirectes les préjudices suivants :

- ITT du 29.12.2001 au 3.06.2002

- ITP à 50% jusqu'à la consolidation

- Consolidation : 19.12.2004

- IPP 40%

- Tierce personne non médicalisée 2 h par jour

- Pretium doloris 3/7

- Préjudice esthétique 3,5/7

- Préjudice d'agrément .

Les consorts [W] ont alors formé une demande tendant à obtenir une nouvelle expertise en raison des divergences observées entre les conclusions des deux expertises.

C'est ainsi que par jugement du 29 mars 2010, le tribunal de grande instance de Paris a notamment :

-Déclaré la SOCIETE NOUVELLE LES PRESLES responsable des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par [H] [W] lors de la rachianesthésie pratiquée le 26.12.2001,

-Prononcé la mise hors de cause de l'ONIAM, du Dr [U]

TIMSIT et du SOU MEDICAL, de Madame [HB] et de la société ACE EUROPEAN GROUP LIMITED,

-Ordonné une nouvelle expertise médicale confiée au Dr [J] [Y], neurologue et au Docteur [S] [UA], psychiatre, avec la mission habituelle en la matière.

Une nouvelle provision a été mise à la charge de l'assureur de la clinique, à hauteur de 100 000 euros.

Les experts [Y] et [UA], qui ont demandé l'avis d'un sapiteur urologue, ont déposé leur rapport le 6.03.2012 et leurs conclusions étaient les suivantes :

-ITT (ou plutôt DFTT) correspondant aux périodes d'hospitalisation : 96 jours ;

-ITP à 55% (ou plutôt DFTP), entre les périodes d'hospitalisation.

-Consolidation : 19.12.2004

-IPP : 45% résultant des séquelles suivantes :

- Sur un plan somatique : une paralysie faciale périphérique et séquellaire

- Des douleurs diffuses, peut être en partie neuropathiques

- Des troubles cognitifs, sphinctériens et sexuels sans support organique documenté

- Sur un plan psychiatrique : une symptomatologie de déplétion narcissique centrée sur la plainte somatique avec des éléments dépressifs et surtout régressifs majeurs.

L'état est stable actuellement.

Un suivi psychiatrique est souhaitable (2 à 3 fois par mois).

Monsieur [W] est incapable d'exercer une activité professionnelle.

Tierce personne : Aide par une tierce personne non médicalisée à type d'incitation et de stimulation pour les actes essentiels, de substitution pour les taches ménagères et domestiques : 3 h par jour

Douleurs endurées : 3/7

Préjudice esthétique : 3,5/7 du fait de la prise de poids et de la modification d'apparence.

Préjudice sexuel : Monsieur [W] ne peut plus avoir de rapport sexuel du fait des troubles psychiatriques décrits plus haut.

Préjudice d'agrément : il n'a pas pu reprendre les activités de loisirs qu'il pratiquait auparavant (football, natation)

Par jugement du 8 avril 2013, le Tribunal de Grande Instance de Paris a déclaré la SOCIÉTÉ NOUVELLE LES PRESLES, venant aux droits de la Sarl CLINIQUE LES PRESLES, responsable des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par M. [W] lors de la rachianesthésie pratiquée le 26 décembre 2001 et l'a condamnée in solidum avec la société TRAVELERS INSURANCE COMPANY LIMITED, venant aux droits de la société THE ST PAUL INTERNATIONAL INSURANCE COMPANY LIMITED à payer à :

M. [H] [W] :

- 495 518,45 € au titre du préjudice patrimonial

- 176 695 € au titre du préjudice extra-patrimonial

- 10 000 € au titre de l'article 700 du CPC

Dont il y a lieu de déduire la provision versée

Madame [M] [W], son épouse :

- 35 000 € au titre du préjudice moral et sexuel

- 2 000 € au titre de l'article 700 du CPP

Ses enfants vivant au domicile,[I], [SV] et [E] [W] mineure représentée par ses parents :

- 10 000 € chacun au titre de leur préjudice moral

[T] et [K] [W], ses enfants issus d'un premier mariage et MmeYamina [Z], sa mère :

- 5 000 € chacun au titre de leur préjudice moral

la CPAM du Val d'Oise et l'institut de prévoyance AUDIENS PREVOYANCE obtenant le montant de leurs créances.

Monsieur [H] [W], Madame [M] [IG] épouse [W], [SV] [W], [K] [W], [T] [W], [I] [W] et Madame [KQ] [Z] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 19 avril 2013.

Par conclusions signifiées le 28 juillet 2014, les consorts [W] demandent à la cour au visa de la loi du 4 mars 2002, notamment de l'article L 1142.1.1 du code de la santé publique, de :

-Réformer le jugement rendu le 8.04.2013 par le TGI de [Localité 1], hormis concernant les dispositions sur les articles 700 du code de procédure civile allouées ;

-Débouter la Société nouvelle LES PRESLES et la Société TRAVELERS INSURANCE COMPANY LIMITED de leurs demandes contraires ;

-Pour le surplus, infirmer le jugement.

-Condamner la Société nouvelle LES PRESLES, et la Société TRAVELERS INSURANCE COMPANY LIMITED son assureur à payer les sommes suivantes, en deniers ou quittances :

A M. [H] [W] :

- 2 538.780,66 € au titre du préjudice patrimonial

- 469 280,00 € au titre du préjudice extra-patrimonial

- 15 000,00 € au titre de l'article 700 du CPC

- Outre le versement à terme échu d'une rente trimestrielle au titre de la Tierce Personne d'un montant de 43.800 € pour la première fois le 1er mars 2014 révisable tous les ans selon la variation du SMIC et pour la 1ère fois le 1er janvier 2015 ;

A Mme [M] [W] :

- 65 000 € au titre du préjudice moral et sexuel

- 2 000 € au titre de l'article 700 du CPC

A [I] et [SV] [W] et à [E] [W], représentée par

ses parents [H] et [M] [W] :

- 20 000 € chacun au titre de leur préjudice moral

A [T] et [K] [W]

- 10 000 € chacun au titre du préjudice moral

A Mme[KQ] [Z] :

- 10 000 € au titre de son préjudice moral.

-Les condamner aux entiers dépens dont distraction en application de l'article 699 du CPC;

Les appelants font essentiellement valoir que le rapport déposé par les docteurs [Y] et [UA] est entaché de contradictions, les conclusions retenues ne correspondant pas à l'examen clinique, et qu'il méconnaît les principes dégagés par la cour de cassation sur la notion d'état antérieur ou de prédisposition pathologique. Ils considèrent qu'il ne peut être retenu un déficit fonctionnel permanent limité à 45% alors que l'examen clinique met en évidence des séquelles considérables et que l'ensemble des experts ont admis que Monsieur [H] [W] n'était atteint d'aucun état antérieur, ni ne se comportait en simulateur et demandent notamment que soit retenu un taux d'incapacité permanente de 80%.

Au terme de leurs conclusions signifiées le 11 juin 2014, la société CLINIQUE LES PRESLES et son assureur, la société TRAVELERS INSURANCE COMPANY LIMITED, demandent à la cour de :

Vu la loi n°303-2002 du 4 mars 2002,

-Confirmer le jugement rendu sur la réalité et l'importance du préjudice, et en ce qu'il a retenu un barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais en 2004,

-Déclarer mal fondé l'appel formé par les consorts [W],

-Les débouter de leurs demandes.

-Infirmer ledit jugement sur l'évaluation du préjudice subi par les appelants.

-Donner acte à la société TRAVELERS INSURANCE COMPANY LIMITED des offres qu'elle a formulées, soit :

-Frais restés à charge 20 155,72 €

-Perte de gains professionnels (PGPF) 18 074,22 €

-Tierce personne 249 078,00 €

-DFT 13 345,00 €

-DFP 90 000,00 €

-Prix de la souffrance 6 000,00 €

-Atteinte esthétique 7 000,00 €

-Préjudice sexuel 10 000,00 €

-Déclarer lesdites offres satisfactoires,

-Donner acte à la société d'assurance d'un premier versement de la somme de 276 550 € à titre de provision, en exécution de l'ordonnance de référé rendue le 28 mai 2004,

-Lui donner acte de ce qu'elle a exécuté les condamnations prononcées par le jugement dont appel, à hauteur des sommes suivantes :

- 487.663,45 € aux consorts [W]

- 85.026,62 € à Bellini Prévoyance ( aux droits de laquelle vient la mutuelle AUDIENS PRÉVOYANCE)

- 349.347,97 € à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val d'Oise

-Réduire à de plus justes proportions les demandes formées par les consorts [W] au titre du préjudice indirect,

-Déduire du préjudice subi par Monsieur [W], en lien direct avec les conséquences de l'infection nosocomiale, la créance des organismes sociaux,

-Débouter les consorts [W], la CPAM et AUDIENS PRÉVOYANCE du surplus de leurs demandes,

-Statuer ce que de droit sur les dépens et les dispositions de l'article 699 du C.P.C.

Les intimées considèrent que les appelants ne peuvent se fonder sur le premier rapport de l'expert [B] alors que depuis ce rapport, pas moins de 8 experts judiciaires qui détenaient de nouveaux éléments ont pu donner leurs avis sur les séquelles endurées par Monsieur [H] [W] . Elles font valoir que seule se pose la question de l'imputabilité de certaines séquelles à l'infection ayant entraîné une méningite et rappellent qu'il appartient à Monsieur [H] [W] d'en rapporter la preuve.

S'agissant de la fixation des indemnités par capitalisation, elles concluent à l'application du barème proposé par la commission Lambert-Faivre et publié par la Gazette du Palais en 2004.

Par conclusions signifiées le 24 septembre 2013, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val d'Oise s'en rapporte à justice sur les mérites de l'appel et demande en tant que de besoin la confirmation de la décision entreprise sur la condamnation in solidum de la société CLINIQUE LES PRESLES et de la société TRAVELERS INSURANCE COMPANY LIMITED à lui payer la somme de 346 881,97 euros, sollicitant en cause d'appel l'octroi d'une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation des mêmes parties in solidum aux dépens, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Selon conclusions signifiées le 11 septembre 2013, l'institut de prévoyance AUDIENS PREVOYANCE demande à la cour de confirmer le jugement dont appel dans ses dispositions concernant son recours subrogatoire , les indemnités s'imputant sur le poste 'perte de gains professionnels' et de condamner in solidum la société CLINIQUE LES PRESLES et la société TRAVELERS INSURANCE COMPANY LIMITED aux dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 12 juin 2014.

MOTIFS DE LA DECISION :

Par jugement du 29 mars 2010, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré la SOCIETE NOUVELLE LES PRESLES, devenue la Sarl CLINIQUE LES PRESLES, responsable des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par [H] [W] lors de la rachianesthésie pratiquée le 26.12.2001, a prononcé la mise hors de cause de l'ONIAM, du Dr [U] [RQ] ensemble le SOU MEDICAL, de Madame [HB] ensemble la société ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, et a ordonné une nouvelle expertise médicale sur l'évaluation des préjudices.

Il n'a pas été interjeté appel de cette décision de sorte que la responsabilité de la clinique est actée aux débats.

Après réception du rapport d'expertise et au vu des pièces produites aux débats, notamment les rapports des deux expertises judiciaires précédentes, ce même tribunal a, selon jugement du 8 avril 2013, condamné in solidum la Sarl CLINIQUE LES PRESLES et son assureur, la société TRAVELERS INSURANCE COMPANY LIMITED, venant aux droits de la société THE ST PAUL INTERNATIONAL INSURANCE COMPANY LIMITED, à verser aux consorts [W] diverses sommes indemnitaires.

Le débat devant la cour porte donc sur l'appréciation des préjudices imputables à l'infection dont la Sarl CLINIQUE LES PRESLES est responsable.

La cour dispose, entre autres pièces produites aux débats, de quatre rapports d'expertise judiciaires établis :

-par le professeur [P] [B], anesthésiste-réanimateur, en date du 27 juin 2003 ;

-par [N] [PG], architecte DPLG, en date du 25 avril 2006 ;

-par les docteurs [R] [A], infectiologue, et [C] [Q], neurologue, rapport daté du 26 janvier 2009 et comprenant l'avis du docteur [D] [X], psychiatre, désigné en qualité de sapiteur, et le compte-rendu de bilan neuropsychologique de Madame [L] [F] ;

-par le professeur [J] [Y] et le docteur [S] [UA], rapport déposé le 20 février 2012, et comprenant l'avis du sapiteur, le docteur [G] [O], urologue.

Les constatations du docteur [B] datent de juin 2003, soit 18 mois après l'infection nosocomiale, à une époque où l'état de M. [H] [W] n'était pas encore consolidé.

Il n'est en effet pas discuté que la date de consolidation doit être fixée au 19 décembre 2004 ainsi que l'ont retenu la CPAM dans le cadre de l'accident du travail et les autres médecins, experts judiciaires. Par ailleurs, le docteur [B] exerce la spécialité d'anesthésiste-réanimateur, ce qui le rendait particulièrement compétent pour apprécier les conditions dans lesquelles s'était déroulée l'intervention anesthésiste du 26 décembre 2001 mais ne le prédisposait pas à établir un diagnostic neurologique et psychiatrique sur une personne, comme il a déjà été dit, dans un état de santé non consolidé.

En revanche, les autres experts judiciaires, dont les constatations sont intervenues après plusieurs années de consolidation, ont pu, en raison de leurs spécialités respectives, de leur désignation collégiale et grâce à l'adjonction de sapiteurs, faire des constatations plus fines, s'agissant des séquelles neurologiques et psychiatriques lesquelles tiennent une place prédominante chez M. [H] [W]. Par ailleurs, leurs constatations sont plus récentes, et par suite plus proches de la date à laquelle la cour doit statuer, permettant d'apprécier le cas échéant des évolutions de l'état de M. [H] [W].

En tout état de cause, sans réelle discordance entre eux, les experts judiciaires s'accordent pour fixer le tableau clinique de M. [H] [W] ainsi :

-paralysie faciale périphérique bilatérale incomplète (Dr [B]), puis séquellaire et modérée, entraînant des difficultés d'élocution (dysarthrie) ;

-douleurs diffuses et très présentes dans la plainte de M. [H] [W] ;

-troubles cognitifs, sphinctériens et sexuels ;

-symptomatologie de déplétion narcissique centrée sur la plainte somatique avec des éléments dépressifs majeurs et surtout régressifs majeurs ;

-exclusion de toute simulation.

Il résulte par ailleurs des avis des neurologues ([Q] et [Y]) et du sapiteur urologue ([O]) que bon nombre des troubles et douleurs subis par M. [H] [W] n'ont pas d'origine organique ou neurologique et qu'en l'état, certaines de leurs causes ne sont pas connues. Dès lors, ces troubles et douleurs ne peuvent être imputés de manière certaine à l'infection dont M. [H] [W] a été victime et les experts [Y] et [UA] ont à juste titre pondéré leurs évaluations 'pour tenir compte, d'une part, du fait que les troubles allégués ne peuvent s'expliquer uniquement par un facteur lésionnel objectif, mais aussi, d'autre part, du fait qu'on ne peut pas non plus en nier totalement la réalité chez un patient qui était auparavant indemne de toute affection neurologique ou psychiatrique'.

Ces remarques et principes préliminaires étant posés, il convient de procéder à l'évaluation des préjudices subis par M. [H] [W] selon les modalités suivantes, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006 le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge :

Préjudices patrimoniaux temporaires :

1) Dépenses de santé actuelles :

La créance présentée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val d'Oise n'est pas contestée ; elle est justifiée à hauteur de 76 768,91 euros.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

2) Frais divers :

Ils sont constitués par les dépenses restant à charge, soit en l'espèce, le coût des changes pour incontinence.

Les intimées ne contestent pas la dépense mensuelle demandée de 65 € ; ces frais temporaires sont dus du 17 janvier 2002, date du retour à domicile, jusqu'à la consolidation, soit le 19 décembre 2004 (35 mois) ; ils s'élèvent donc à la somme justement retenue par les premiers juges de 2 275 euros.

Les appelants, se réclamant de manière inappropriée de l'article 700 du code de procédure civile, sollicitent le remboursement de frais engagés à hauteur de 14 986,11€ qui constituent en réalité des frais temporaires nécessaires à la qualité d'un débat contradictoire (assistance par des médecins conseil lors des expertises, études effectuées par un architecte et un ergothérapeute).

Les premiers juges ont a juste titre fait droit à cette demande.

3) Pertes de gains professionnels actuelles :

Ce poste n'est pas discuté en cause d'appel ; le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé à la somme de 43 925,67 € ce qui doit revenir à la CPAM au titre des indemnités journalières versées du 29 décembre 2001 au 19 décembre 2004, et à la somme de 17 463,82€ la créance de la mutuelle AUDIENS PRÉVOYANCE .

4) Tierce personne temporaire :

Il s'agit des besoins de la victime en aide humaine dans les actes de la vie quotidienne depuis son retour au domicile jusqu'à la date de sa consolidation, c'est-à-dire, pour M. [H] [W], du 17 janvier 2002 au 19 décembre 2004, soit pendant une durée de 35 mois.

M. [H] [W] fait valoir qu'il est totalement dépendant, qu'il ne peut ni rester seul (notamment pour faire face à un danger domestique), ni assumer aucun acte de la vie courante, qu'il doit être stimulé constamment. Il sollicite en conséquence une prise en charge 24h/24 en s'appuyant sur les constatations faites par un ergothérapeute.

Toutefois, les experts judiciaires ayant apprécié la situation en 2009 et 2012 n'ont respectivement retenu la nécessité d'une tierce personne que pendant 2 ou 3 heures par jour, alors même qu'ils avaient connaissance du rapport de l'ergothérapeute, lequel établi à la demande des consorts [W], concluait à une présence minimum de 10 à 12 heures par jour pour la stimulation, une surveillance permanente et une substitution totale pour les actes ménagers, et pour le reste du temps, la nécessité d'intervention ponctuelle, imprévisible mais certaine de la tierce personne en cas de souillure, de colère ou de danger imminent.

Ces experts ont constaté objectivement que M. [H] [W] avait besoin d'une présence pour être stimulé, et d'une assistance pour les taches ménagères et domestiques qui lui incombaient mais que son état physique lui permettait de réaliser seul sa toilette et son habillage, de se déplacer, certes avec l'aide de béquilles, lentement et sans grande assurance sur 20 à 30 mètres de sorte qu'il n'avait pas besoin d'assistance pour se déplacer à son domicile, étant précisé que les pièces dont il a l'usage (cuisine, salle de bains, chambre et salon) sont toutes situées au rez-de-chaussée de la maison et enfin, que rien ne laissait craindre qu'il serait incapable de faire face à un danger domestique.

Il y a donc lieu de confirmer la décision des premiers juges qui ont fait une juste appréciation des faits en fixant la présence d'une tierce personne à 3 heures par jour, mais de l'amender sur le taux horaire lequel doit être établi à la somme de 16€.

Les appelants ne discutent pas que pendant la période du 17 janvier 2002 au 19 décembre 2004, M. [H] [W] a subi des périodes d'hospitalisation pour une durée de 134 jours de sorte que l'indemnité de tierce personne doit être calculée sur la base de 933 jours, et s'élève à la somme de 44 784 euros.

Préjudices patrimoniaux futurs :

Pour les indemnisations accordées sous forme de capital, il sera appliqué le barème de la Gazette du Palais publié le 28 mars 2013 avec un taux d'intérêt de 1,20%.

1)Dépenses de santé futures :

Il s'agit d'indemniser les frais médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et hospitaliers exposés et à exposer par la victime à partir de sa consolidation.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie réclame une somme de 19.603,69 € au titre des frais de santé futurs (pharmaceutiques, consultations, transports en VSL).

Les dépenses de santé futures restées à la charge de la victime comprennent essentiellement les frais de change, étant constaté que M. [H] [W] ne souffre plus d'incontinence anale.

Les dépenses échues pour la période du 20 décembre 2004 au jour du présent arrêt, soit 118 mois, s'élèvent à la somme de 7 670€. Il convient d'y ajouter les frais futurs capitalisés sur la base d'une dépense de 65 € par mois (soit 780 € par an) et du point de rente viagère proposé par l'appelant (17,912) soit la somme de 780 x 18,368 = 14.327,04 €,

soit un total de dépenses de santé futures à charge de M. [H] [W] de 21.997,04 €.

2) Dépenses de tierce personne :

Ce poste correspond à la prise en charge des aides humaines nécessaires à la victime pour assurer les actes de la vie quotidienne, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie pour la période postérieure à sa consolidation, soit pour M. [H] [W] à compter du 19 décembre 2004, sur les bases déjà retenues par la cour pour ce poste de dépenses avant consolidation (3h/j à 16€/h), étant rappelé que l'état de M. [H] [W] n'a pas évolué depuis cette date et étant précisé qu'il sera retenu une base de 412 jours par an, pour tenir compte des congés légaux et des jours fériés.

Le préjudice peut en conséquence être calculé comme suit :

-Pour la période échue entre le 19 décembre 2004 et le 17 octobre 2014, soit 9 ans, 9 mois et 29 jours = 33 932,35 € ;

-Pour la tierce personne future à compter du 18 octobre 2014: à la demande de la victime dont il convient de protéger l'avenir, une rente viagère annuelle de 19.776 € , indexée , payable trimestriellement à hauteur de 4.944 €, conformément au dispositif ;

3) Pertes de gains professionnels futures :

Il n'est pas contesté que M. [H] [W] est et sera dans l'incapacité de travailler jusqu'à sa retraite, ce dommage étant en lien direct avec les faits imputables à la clinique. Il ne peut prétendre, au titre de la perte des gains professionnels et à hauteur d'un salaire revalorisé, à être indemnisé au delà du 17 juillet 2015, date à laquelle il pourra faire valoir ses droits à la retraite.

Sur la base d'un salaire justement revalorisé à la somme mensuelle de 1 500 € les pertes de gains professionnels futures peuvent être ainsi calculées :

- pertes de gains du 20 décembre 2004 au 17 octobre 2014 : 1 500€ : 30 x 3 588 jours = 179 400 €,

- arrérages à échoir à partir du présent arrêt sous la forme d'un capital de 17 604€ (1 500x12x0,978 -valeur du point à l'âge de la retraite intervenant le 17 juillet 2015-)

soit un total de 197.004 €, somme soumise à la déduction de la créance d'AUDIENS PRÉVOYANCE s'élevant à 19 272€ (arrérages échus et à échoir jusqu'au départ à la retraite) et de celle de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie s'élevant à la somme de 206 583,70 €. En conséquence, les intimées devront verser, après répartition des créances des tiers payeurs au prorata (marc le Franc), la somme de 180 199,56 € à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et la somme de 16 804,44€ à AUDIENS PRÉVOYANCE, M. [H] [W] ne percevant alors aucune somme au titre de ses pertes de gains professionnels futures.

4) Incidence professionnelle :

Les premiers juges ont fait une juste appréciation de la cause en allouant à M. [H] [W] la somme de 20 000 euros à ce titre, en réparation de la perte de chance de s'épanouir professionnellement, de bénéficier d'une vie sociale liée à cette activité professionnelle.

5) Aménagement du domicile :

L'expert judiciaire désigné par ordonnance du juge de la mise en état rendue le 27 juin 2005, Monsieur [N] [PG] a établi un projet d'agrandissement du rez-de chaussée de la maison de la famille [W], maison qui comporte aussi un sous-sol avec deux chambres d'enfants, en faisant principalement valoir que les pièces de vie ne sont pas aux normes pour accueillir une personne handicapée moteur, que notamment les escaliers, la salle de bains et la cuisine ne sont pas adaptées. Ses conclusions rejoignent l'avis donné par l'ergothérapeute, dont toutefois les travaux ne sont pas contradictoires.

Les experts médicaux, à l'exception du docteur [B] dont la mission ne comportait pas l'appréciation de ce poste de préjudice, ont conclu qu'il n'y avait aucun déficit moteur objectif , que la force musculaire des membres inférieurs était normale sauf en distal au niveau des pieds, et que l'état de M. [H] [W] qui n'a pas évolué sur ce plan depuis plusieurs années lui permet, certes lentement et sans assurance, de se déplacer avec deux béquilles sur lesquelles il ne s'appuie pas véritablement, sans nécessité pour l'entourage de le porter ou de se servir d'un fauteuil roulant, dont l'indemnisation n'est pas demandée. Dans ces conditions, les pièces de vie n'ont pas besoin d'être aménagées et il n'est pas prouvé que l'existence d'un escalier de quelques marches pour accéder au rez-de-chaussée surélevé de la maison constitue une réelle difficulté pour M. [H] [W].

En conséquence, les premiers juges seront confirmés dans leur décision de rejeter la demande de ce chef.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

1) Déficit fonctionnel temporaire :

Ce poste de préjudice correspond à l'indemnisation de la perte de qualité de vie jusqu'à la date de consolidation.

Le tribunal a justement considéré que ce préjudice pouvait être indemnisé de manière particulière, compte tenu de l'âge de la victime et de la gravité de son handicap qui comporte des séquelles physiques et psychiatriques imbriquées entraînant selon les experts un déficit fonctionnel temporaire de 55%, sur la base d'une somme journalière de 20 euros, soit une indemnité de 3060€ pour les périodes d'hospitalisation (153 jours x 20 €) et une somme de 10 285€ pour les périodes hors hospitalisation jusqu'au 19 décembre 2004 (935 jours x 20 € x 55%), soit une indemnité totale de 13 345€ comme offerte par les intimées.

2) Souffrances endurées :

Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce poste de préjudice, en retenant l'évaluation des experts à hauteur de 3/7 et en l'indemnisant à hauteur de 10 000 € en retenant les douleurs résultant des seuls troubles directement imputables à l'accident médical, notamment celles causées par la ponction lombaire, l'application d'un 'blood patch', l'antibiothérapie et le vécu de l'infection.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents :

1) Déficit fonctionnel permanent :

La méthode exposée et appliquée par les experts [Y] et [UA] après une réflexion approfondie doit être retenue dans le cas de M. [H] [W] qui présente des pathologies multiples, compte-tenu principalement de l'absence d'imputabilité certaine de certains troubles au fait dommageable et de l'imbrication des troubles physiques, psychologiques et psychiatriques en lien direct avec le dommage. Il ne peut en conséquence être procédé à l'addition de ces troubles. Les experts ont à juste titre évalué les chefs de préjudice entre deux limites, celle de la sous-évaluation massive en réduisant le psychique à quantité négligeable et celle de la surévaluation en présence d'un sujet qui subit une régression majeure, laquelle ne peut être tenue pour nécessairement définitive et ne rentre pas dans des catégories répertoriées en neurologie ou en psychiatrie. En conséquence, le taux de déficit fonctionnel permanent doit être fixé à 45%, en considération, ainsi qu'il a été développé ci-avant, des constatations des experts ayant examiné M. [H] [W] après consolidation et en s'entourant de sapiteurs, et des principes d'indemnisation appliqués à juste titre.

M. [H] [W] étant âgé de 50 ans au jour de sa consolidation, l'indemnisation qui lui sera allouée en réparation de ce poste de préjudice peut être fixée à la somme de 127.125 € sur la base de 2.825 € du point.

2) Préjudice esthétique permanent :

Il a justement été évalué par les premiers juges à 3,5/7, selon l'estimation des experts judiciaires, dès lors qu'il convient de prendre en compte la paralysie faciale séquellaire, la démarche très difficile avec cannes, l'élocution altérée et la prise de poids. Le tribunal a fixé ce poste de préjudice à la somme de 8.000 € qui sera confirmée.

3) Préjudice sexuel :

Il est total, d'origine psychiatrique, sans aucune amélioration depuis l'infection contractée à la clinique. Il peut être justement réparé par l'indemnité de 15.000 € ainsi que l'ont estimé les premiers juges.

4) Préjudice d'agrément :

Le tribunal a rejeté la demande de M. [H] [W] en considérant que la preuve de l'exercice par la victime, avant son accident, d'activités sportives et de loisirs spécifiques n'était pas rapportée et que les doléances de M. [H] [W] ne font état que d'activités habituelles dans la vie courante d'une famille, celles-ci étant déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent.

M. [H] [W] ne produit aucune nouvelle preuve en cause d'appel;

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté ce poste de préjudice.

Ainsi, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société CLINIQUE LES PRESLES et son assureur à indemniser :

- M. [H] [W], au titre de son préjudice corporel, sauf à modifier les postes de préjudice suivants :

- 44 784€ au titre de la tierce personne temporaire,

- 21.997,04 € au titre des frais futurs,

- 33 932,35€ au titre de la tierce personne après consolidation, puis sous forme de rente viagère trimestrielle de 4 944€ à compter du 18 octobre 2014,

-13 345€ au titre du déficit fonctionnel temporaire,

-127 125 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

- la CPAM, sauf à fixer le montant de la condamnation à la somme de 320.497,83 € au titre de sa créance de prestations (dépenses de santé actuelles et futures, indemnités journalières temporaires, rente viagère au titre de l'accident du travail)

- la mutuelle AUDIENS PREVOYANCE sauf à fixer le montant de la condamnation à la somme de 34 268,26€ au titre de sa créance de prestations.

Préjudices subis par les proches :

Madame [M] [W], âgée de 40 ans au moment de la méningite contractée par son époux, a incontestablement subi un préjudice en lien direct avec l'état de ce dernier, dès lors qu'elle n'a pu reprendre une activité professionnelle après son congé parental, qu'elle a subi une dépression nerveuse et que le choc moral consécutif à l'accident a nécessairement eu des répercussions sur ses liens avec les enfants, dont l'une n'avait qu'un an et demi, et qui vivent au domicile ainsi que sur sa vie conjugale qui a été atteinte dans toutes ses composantes.

Les premiers juges retenant les conséquences au quotidien sur sa vie conjugale, familiale et personnelle ont fait une juste appréciation de l'indemnisation du préjudice moral à hauteur de 20 000€. Il y a lieu de retenir une telle indemnisation sans toutefois accorder une indemnisation distincte au titre du préjudice sexuel lequel est déjà pris en considération dans l'appréciation du préjudice moral incluant les retentissements sur sa vie conjugale.

Les trois enfants, en bas âge, vivant au domicile familial ont souffert d'une grave altération de l'image du père, de la modification des conditions de la vie quotidienne et des conséquences sur l'état psychologique de leur mère. Leur indemnisation au titre du préjudice moral a justement été évaluée par le tribunal à la somme de 10 000€ pour chacun d'eux.

Les deux fils nés d'une première union et la mère de M. [H] [W], qui vivent en Algérie, seront indemnisés de leurs préjudices moraux à hauteur de 5 000€ chacun, comme l'ont décidé les premiers juges.

Autres demandes :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val d'Oise et de la mutuelle AUDIENS PRÉVOYANCE les frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

Il convient de constater qu'il n'existe plus de réelle demande formée par M. [K] [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dès lors que les frais de médecins conseil, d'architecte et d'ergothérapeute, qui ne constituaient pas des frais irrépétibles engagés pour la présente instance, sont pris en charge au titre des frais divers à hauteur de 14 986,11€.

La société CLINIQUE LES PRESLES et son assureur, qui succombent, supporteront in solidum les dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à rejeter la demande formée par Madame [M] [W] au titre du préjudice sexuel et à modifier le montant des condamnations prononcées pour les porter aux sommes suivantes :

- au profit de M. [K] [W] au titre de l'indemnisation de ses préjudices la somme de 137 974,50€ en réparation de ses préjudices patrimoniaux, ainsi qu'une rente annuelle viagère d'un montant de 19.776 €, au titre de la tierce personne, payable trimestriellement à hauteur de 4.944 €, indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985 et suspendue en cas d'hospitalisation à partir du 46e jour et ce, à compter du 18 octobre 2014 et la somme de 173.470 € en réparation de ses préjudices extra-patrimoniaux, sous déduction des provisions déjà versées ;

- au profit de la CPAM du Val d'Oise, la somme de 320.497,83 € au titre de sa créance de prestations ;

- au profit de la mutuelle AUDIENS PREVOYANCE la somme de 34 268,26€ au titre de sa créance de prestations ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société CLINIQUE LES PRESLES et la Sarl TRAVELERS INSURANCE COMPANY LIMITED à verser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val d'Oise et à la mutuelle AUDIENS PREVOYANCE la somme de 2 000€ chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande des consorts [W] au titre des frais irrépétibles ;

Condamne in solidum la société CLINIQUE LES PRESLES et la Sarl TRAVELERS INSURANCE COMPANY LIMITED aux entiers dépens de l'instance lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/07986
Date de la décision : 17/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°13/07986 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-17;13.07986 ?
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