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03/10/2014 | FRANCE | N°13/10231

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 03 octobre 2014, 13/10231


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2



ARRET DU 03 OCTOBRE 2014



(n° 2014- , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/10231



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Avril 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011052816





APPELANT



Monsieur [L] [F]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Alain FISSELIER de l

a SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assisté de Me Dorothée LABASSE de la SELAS Burguburu Blamoutier Charvet Gardel & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L0276







INTIM...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRET DU 03 OCTOBRE 2014

(n° 2014- , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/10231

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Avril 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011052816

APPELANT

Monsieur [L] [F]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assisté de Me Dorothée LABASSE de la SELAS Burguburu Blamoutier Charvet Gardel & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L0276

INTIMÉE

SAS [X] [M] prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me Elisabeth BOHRER DE KREUZNACH de la SELARL TREMBLAY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0366

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juillet 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Françoise MARTINI, conseillère, chargée d'instruire le dossier.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne VIDAL, présidente de chambre

Madame Françoise MARTINI, conseillère

Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne VIDAL, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

M. [F] et la société [X] [M] exercent l'activité de courtage d'assurances. En 2006, ils ont décidé de concourir ensemble à un appel d'offres du Groupe [G] [B] qui entendait unifier le régime de prévoyance et de santé de son personnel après l'acquisition des casinos du groupe Accor. Ils ont emporté ce marché sur une réponse commune transmise par la société [X] [M] comme intermédiaire unique, auquel un mandat exclusif a été donné par le Groupe [G] [B] le 29 septembre 2006. Un litige est survenu entre les courtiers sur les modalités de répartition des commissions d'apport et de gestion, tranché par un jugement définitif du tribunal de commerce de Paris du 3 octobre 2010 qui a désigné un huissier pour faire les comptes entre les parties. En juillet 2010, un nouvel appel d'offres a été lancé par la Société fermière du casino municipal de [Localité 4], qui a été remporté par la société [X] [M]. Faisant valoir que les établissements cannois étaient restés dans sa clientèle et que la société [X] [M] avait contrevenu à leur accord impliquant l'interdiction pour chacune des parties de solliciter la clientèle de l'autre, M. [F] a introduit une action en dommages et intérêts, assortie d'une demande d'expertise afin de vérifier le montant des rétrocessions de commissions de l'année 2011.

Par jugement du 11 avril 2013, le tribunal de commerce de Paris a débouté M. [F] de toutes ses demandes, a débouté la société [X] [M] de sa demande de dommages et intérêts, et a condamné M. [F] à payer à la société [X] [M] la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Le tribunal a énoncé en substance que le Groupe [G] [B] et la Société fermière du casino municipal de [Localité 4] étaient deux entités différentes même si elles opéraient sous une marque commune, que la soumission à l'appel d'offres avait été régulière entre les deux courtiers, et que le meilleur aux yeux du client l'avait emporté.

M. [F] a relevé appel de ce jugement, en abandonnant devant la cour sa demande d'expertise. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 juin 2014, il demande de dire qu'un contrat de collaboration avait été conclu entre les parties aux termes duquel elles s'interdisaient de se concurrencer sur les affaires exclues de l'appel d'offres de 2006 et conservées personnellement par chacune d'entre elles, et qu'en conséquence la société [X] [M] a violé cet accord en répondant à un appel d'offres de la société du Groupe [B] conservée par lui. Subsidiairement, il entend faire juger, en considération des relations nouées entre les parties et de l'esprit du partage de leur activité, qu'en répondant à l'appel d'offres, qui plus est sans en prévenir le concluant, la société [X] [M] a commis une faute dans son obligation de loyauté et de bonne foi vis-à-vis de son partenaire. Il sollicite la condamnation de la société [X] [M] à lui payer la somme de 1 072 466 euros correspondant à dix années de commissions sur les établissements cannois, ainsi que celle de 13 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. En tout état de cause, il demande de réformer la décision en ce qu'elle a alloué une indemnité pour frais de procédure à la société [X] [M]. Il fait valoir que leur collaboration s'est traduite par un accord matérialisé dans un document du 16 mai 2008 retenu comme tel par le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 octobre 2010 revêtu de l'autorité de la chose jugée, qu'il était convenu que chacun conservait la clientèle de ses anciennes affaires et s'interdisait de concurrencer l'autre sur la clientèle ne faisant pas partie de l'appel d'offres de 2006, et que dans l'esprit des parties les affaires de la région PACA, s'entendant de toutes les entités de l'enseigne [G] [B], devaient demeurer sa propriété.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 juin 2014, la société [X] [M] demande de débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement, de juger que la société [X] [M] n'a violé aucun engagement contractuel quelqu'il soit à l'égard de M. [F] en répondant à la consultation lancée par la Société fermière du casino municipal de [Localité 4] en 2010 pour les entités relevant de ce groupe, à savoir l'hôtel [4], l'hôtel [2], le casino [1] et le casino [3], et en remportant le mandat en 2010, de juger par ailleurs qu'elle n'a commis aucune faute sur le fondement de l'article 1382 du code civil à l'encontre de M. [F] de ce même chef, de juger notamment qu'elle n'a commis aucun manquement à une quelconque obligation de loyauté, et de juger en tout état de cause le préjudice allégué exorbitant et injustifié. Elle sollicite en outre la condamnation de M. [F] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et celle de 15 000 euros en application de l'article 700 du même code. Elle fait valoir que les parties n'ont pu se mettre d'accord sur une convention de collaboration détaillée, que leur partenariat ne concernait qu'un seul client, la société Groupe [G] [B], dont les établissements y compris ceux de la région PACA ont été listés dans le mandat établi le 29 septembre 2006, qu'aucune obligation de non concurrence n'a été finalisée, et qu'à supposer que le projet de convention du 16 mai 2008 trouve application entre les parties il ne peut viser que les entités de la société Groupe [G] [B].

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il incombe à M. [F] qui invoque un accord de non concurrence d'en administrer la preuve, susceptible d'être rapportée par tous moyens en matière commerciale. Il lui appartient, de même, d'établir que les établissements de la Société fermière du casino municipal de [Localité 4] conservée par lui jusqu'en 2010 étaient concernés par cet accord.

Aucun convention n'a jamais été formalisée en ce sens. Le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 octobre 2010 qui, pour déterminer l'intention des parties, s'est référé à un projet transmis le 16 mai 2008 par M. [F] à son conseil, Me [H], n'est revêtu de l'autorité de la chose jugée que pour ce qui faisait l'objet du litige, relatif au partage des commissions. Ce projet, mentionnant une rétrocession de 35% des commissions d'apport perçues par la société [X] [M], n'a au demeurant été retenu par le tribunal que comme confirmant un document manuscrit du 5 octobre 2006 rédigé en style télégraphique, ainsi libellé : «Nouveau périmètre au 1.1.07, [X] [M] courtier 100%, rétrocession 35% ' Ct [F], prévoyance + frais santé uniquement, Ct [F] ' Ct [M] sur une base de trois années (valeur propriété)», et revêtu de la signature des parties et de la mention : «Ce projet sera confirmé par le texte de Me [H]». Selon l'analyse non contestée de la société [X] [M], ce document avait trait à la rétrocession des commissions perçues par elle et à un projet de cession en sa faveur de la clientèle de M. [F]. Aucune clause de non concurrence n'était à ce stade envisagée.

En fait, les parties ont échangé plusieurs projets de convention sans finaliser leur accord. Parmi ces projets, deux documents intitulés «Convention de collaboration pour le Groupe [G] [B]» ont été accompagnés d'un courrier permettant de les dater et d'y reconnaître de la part de l'un ou l'autre des courtiers un assentiment sur la version qu'il transmettait. Ainsi, le 23 novembre 2006, la société [X] [M] a adressé à M. [F] un projet précisant sous le titre 1 «Périmètre de l'accord» : «Le présent accord ne porte que sur les affaires du Groupe [G] [B] reprises au 1er janvier 2007 ainsi que sur les affaires nouvelles futures, chacun des partenaires conservant en conséquence l'intégralité de ses droits et prérogatives sur les affaires dont il est déjà courtier au jour de la signature de la convention et dont la liste figure en annexe. L'un et l'autre des partenaires s'interdisent expressément de solliciter directement ou indirectement la clientèle de l'autre». Et, le 16 mai 2008, M. [F] a lui-même transmis à son conseil un projet dans lequel il indiquait reprendre les points sur lesquels M. [M] et lui-même étaient «normalement tombés d'accord», et qui énonçait sous un titre 1 libellé «Périmètre de l'accord et non concurrence» la stipulation suivante, en termes similaires : «Le présent accord porte sur les affaires du Groupe [G] [B] reprises au 1er janvier 2007 ainsi que sur les affaires nouvelles et futures. Chacun des partenaires conservant en conséquence l'intégralité de ses droits et prérogatives sur les affaires dont il est déjà courtier à ce jour et dont la liste figure en annexe. L'un et l'autre des partenaires s'interdisent expressément de solliciter directement ou indirectement la clientèle de l'autre».

Pour autant, l'élaboration de ces actes est demeurée indécise. L'interdiction qui y est stipulée se réfère aux affaires dont chaque partenaire était déjà le courtier au 1er janvier 2007 mais dont la liste devait être annexée. Cette liste faisant défaut, l'intention des parties ne peut être recherchée que selon le sens qui résulte des actes entiers dans lesquels la clause était censée s'insérer. Ces projets n'avaient pas d'autre objet que de définir les modalités de la collaboration des parties pour le Groupe [G] [B] à la suite de son appel d'offre. Le groupe ainsi désigné s'entend de la SAS du même nom, au siège de laquelle la société [X] [M] a soumis l'offre commune le 30 juin 2006 et qui lui a délivré le mandat du 29 septembre 2006. La Société fermière du casino municipal de [Localité 4] SA, même si elle relève d'un dirigeant commun en la personne de M. [W] et exploite ses établissements sous la marque commune «[G] [B]», constitue une personne morale distincte qui n'est pas concernée par les accords. Le document transmis le 16 mai 2008 par M. [F] rappelait que chaque courtier avait déjà en portefeuille des établissements du Groupe [G] [B] et chacun des projets s'attachait au titre 2 à régler entre eux le sort des affaires nouvelles au 1er janvier 2007. Une liste exhaustive des entités dépendant du groupe est fournie par le mandat du 29 septembre 2006, antérieures ou non à cette date, et y incluant des casinos de la région PACA établis à [Localité 8], [Localité 6], [Localité 5], [Localité 10], [Localité 9], [Localité 7] et [Localité 3]. Ces éléments ne permettent pas de reconnaître dans la stipulation concernée une volonté claire et non équivoque des parties de s'interdire toute concurrence sur les établissements de la Société fermière du casino municipal de [Localité 4].

M. [F] ne caractérise pas davantage le manquement de nature quasi délictuelle que la société [X] [M] aurait commis en répondant à l'appel d'offres de la Société fermière du casino municipal de [Localité 4]. En particulier, il ne démontre pas que la société intimée ait usé de pratiques illicites ou de manoeuvres déloyales pour emporter ce marché. Les relations nouées n'ont pas dépassé le cadre de l'appel d'offres du Groupe [G] [B], et M. [F] ne justifie d'aucune négociation engagée sur d'autres projets, notamment sur un «Protocole cadre d'apport de délégation de gestion», ni d'une intention partagée de protéger la clientèle de chacun et de développer une clientèle commune comme il l'affirme.

Le jugement qui a débouté M. [F] de ses demandes sera en conséquence confirmé.

Le droit d'agir de M. [F] n'a pas dégénéré en abus pouvant justifier l'allocation de dommages et intérêts.

En équité, il n'y a pas lieu d'allouer à la société [X] [M] une indemnité complémentaire à celle accordée en première instance en compensation de ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne M. [F] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes.

 

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/10231
Date de la décision : 03/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°13/10231 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-03;13.10231 ?
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