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30/09/2014 | FRANCE | N°13/21366

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 30 septembre 2014, 13/21366


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/21366



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2013 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 12021448





APPELANTE :



SARL FEGECOM inscrite au RCS de Paris sous le numéro B 409 480 050, agissant en la personne de son

gérant domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représentée par Maître Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assisté...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/21366

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2013 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 12021448

APPELANTE :

SARL FEGECOM inscrite au RCS de Paris sous le numéro B 409 480 050, agissant en la personne de son gérant domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Maître Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistée de Maître Marc PERROT de la SCP PIRO & PERROT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0331

INTIMEE :

SARL STUDYPHARM

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Maître Anne LELONG, substituant Maître Migueline ROSSET, avocat au barreau de NANTERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente de chambre, Présidente

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karin DOUAY

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, président et par Madame Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.

EXPOSE DU LITIGE

Le 13 avril 2001, la Sarl Studypharm , qui a pour objet la vente de prestations de techniciens et d'infirmiers pour les hôpitaux et les laboratoires pharmaceutiques, a conclu avec la société Fegecom, société d'expertise comptable, une mission d'assistance comptable pour l'exercice clos le 31 décembre 2001, renouvelable par tacite reconduction. Cette mission comportait la saisie des pièces comptables, l'établissement des fiches de paie et des déclarations sociales, l'établissement des déclarations fiscales et notamment les déclarations de TVA annuelle, l'élaboration d'une situation comptable au 30 juin, du bilan de fin d'année et de la liasse fiscale, la rédaction de l'assemblée générale annuelle et les conseils courants.

La société Studypharm a fait l'objet d'un contrôle fiscal portant sur les exercices clos aux 31 décembre 2004, 2005 et 2006. Le 24 mai 2007, ses dirigeants ont donné mandat à Mme [B], salariée du cabinet comptable Fegecom , de les représenter lors de la vérification de comptabilité.

L'administration fiscale a notifié une position de redressement portant sur une insuffisance de déclaration de TVA et sur l'impôt sur les sociétés. A la suite des réclamations de la société Studypharm, l'administration a consenti un dégrèvement en matière d'impôt sur les sociétés et une réduction des pénalités mais a maintenu le redressement concernant la TVA.

En définitive, la société Studypharm a réglé le 3 octobre 2008, une somme de 83.320 euros au titre des rappels de droits et une transaction est intervenue avec l'administration le 26 janvier 2011 pour le paiement d'une somme de 25.256 euros correspondant aux intérêts de retard et pénalités de retard.

Le 27 janvier 2010, la société Studypharm a engagé une action en responsabilité contre son expert-comptable, la société Fegecom.

Suivant jugement du 8 octobre 2013, le tribunal de commerce de Paris a condamné, avec exécution provisoire, la société Fegecom à payer à Studypharm

30.000 euros de dommages et intérêts, soit 15.000 euros pour les pénalités et intérêts payés et 15.000 euros pour le préjudice financier complémentaire et le préjudice moral, ainsi qu'une indemnité de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles et dépens, a débouté les parties de leurs plus amples demandes ou contraires et ordonné l'exécution provisoire.

La société Fegecom a relevé appel de ce jugement le 6 novembre 2013.

Par ordonnance du 10 juin 2014, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation pour défaut d'exécution de la décision frappée d'appel.

Dans le dernier état de ses conclusions signifiées le 2 juin 2014, la société Fegecom demande à la cour d'infirmer la décision entreprise, de débouter la société Studypharm de son appel incident ainsi que de ses plus amples demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral que lui cause l'action abusive de la société Studypharm , ainsi qu'à une indemnité de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle soutient que le jugement a retenu sa responsabilité sans prendre en considération la mauvaise foi de la société Studypharm alors que cette dernière a reconnu devant l'administration connaître les principes d'exigibilité en matière de TVA et avoir choisi, compte tenu de ses problèmes de trésorerie, d'attendre une période plus propice pour régulariser sa situation de sorte qu'elle est à l'origine des minorations de TVA. Elle ajoute que la comptabilité était suffisamment bien tenue pour d'une part éviter un redressement au titre de l'impôt sur les sociétés, d'autre part, permettre à l'administration d'effectuer des redressements sur la TVA sans avoir besoin de procéder à une reconstitution et enfin que la société Studypharm ne peut lui faire payer les conséquences de sa turpitude.

S'agissant du préjudice allégué, l'appelante fait valoir:

- que l'impôt ne constitue pas un préjudice, l'entreprise ne faisant payer que ce qu'elle doit ,

- que les intérêts trouvent leur origine dans le seul retard de paiement incombant à la société Studypharm et sont inférieurs à ce qu'elle aurait payé à la banque, si elle avait dû avoir recours à un découvert plus important,

- que les pénalités sont liées à la mauvaise foi de la société Studypharm ,

- l'absence de tout préjudice moral dans un tel contexte.

Dans ses écritures du 3 avril 2014 la société Studypharm, sollicite le rejet des demandes de la société Fegecom , la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués et sur son appel incident, la condamnation de la société Fegecom au versement de 58.256 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et moral, d'une indemnité de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens et le rejet de toutes demandes contraires.

La société Studypharm soutient que la société Fegecom a failli à sa mission d'assistance comptable, en ne reportant pas sur les déclarations mensuelles CA3 des exercices 2004-2005 et 2006, la totalité du chiffre d'affaires réalisé, que les erreurs ainsi commises ont donné lieu à des rappels de droits conséquents et à des majorations, l'administration ayant considéré ce manquement délibéré, dès lors que la société avait eu recours à un expert-comptable.

Elle conteste toute responsabilité personnelle dans les déclarations de TVA en cause, ayant toujours transmis en temps utile à l'expert-comptable, les pièces nécessaires à ces déclarations et toute reconnaissance de sa mauvaise foi. Elle précise à cet égard que la reconnaissance des faits devant l'administration procède uniquement de madame [B]. Elle écarte tout lien entre les minorations de TVA et des problèmes de trésorerie dont la réalité n'est pas démontrée.

A l'appui de son appel incident, la société Studypharm demande à la cour de juger que l'évaluation de son préjudice doit comprendre l'intégralité des pénalités et intérêts réglés, le montant des honoraires réglés à un avocat spécialisé pour suivre la procédure fiscale, ainsi que 20.000 euros en réparation du préjudice financier résultant de la perte de temps et des difficultés rencontrées pour régler ce redressement et 10.000 euros au titre du préjudice moral résultant de la dégradation de sa situation vis à vis de ses clients, l'existence d'une dette fiscale l'empêchant de participer à des appels d'offre sur les marchés publics.

SUR CE

Pour retenir l'entière responsabilité de la société Fegecom, les premiers juges ont relevé que l'établissement des déclarations fiscales incombait à l'expert-comptable, que celui-ci ne pouvait, en tant que professionnel et dans le cadre de sa mission, accepter une minoration de la TVA, fût-elle réclamée par son client et qu'en pareille situation il lui appartenait de mettre un terme à sa mission, ce qu'il n'a fait en l'espèce que bien plus tard et pour d'autres raisons.

La société Fegecom critique le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas tenu compte de la mauvaise foi de la société Studypharm dans cette minoration, destinée à pallier son insuffisance de trésorerie.

La responsabilité civile professionnelle des expert-comptables s'apprécie à l'aune de la mission qui leur a été confiée.

En l'espèce, la lettre de mission versée aux débats vise, la saisie des pièces comptables, l'établissement des déclarations fiscales et notamment les déclarations de TVA annuelle. La société Studypharm avait pour sa part l'obligation de communiquer une fois par mois à Fegecom, les pièces comptables de la société ainsi que les informations nécessaires à l'établissement des fiches de paie.

Dans sa proposition de rectification du 15 novembre 2007, l'administration relève que le rapprochement du chiffre d'affaires mentionné sur les déclarations mensuelles CA3 et celui rapporté sur la déclaration de bénéfice 2065 fait apparaître une insuffisance de déclaration du chiffre d'affaires soumis à la TVA pour les exercices 2004-2005 et 2006 et d'autre part que la société n'a procédé à aucune régularisation au cours de la période vérifiée.

La société Fegecom fait état des manquements de sa cliente dans la communication des éléments nécessaires à l'établissement des déclarations. Toutefois, les courriels dans lesquels la société Fegecom sollicite l'envoi de différents relevés bancaires, datent de 2008 et 2009 et ne caractérisent pas la défaillance de la société Studypharm dans la transmission des pièces comptables pour la période 2004-2006, visée par le redressement, étant souligné que l'expert-comptable ne justifie pas avoir fait état auprès de sa cliente d'une quelconque difficulté pour établir les déclarations de TVA. L'écart entre les chiffres d'affaires portés sur les déclarations CA3 et de TVA, toutes deux établies par la société Fegecom, permet au contraire de considérer que l'expert-comptable a bien disposé des pièces utiles pour procéder aux déclarations en cause.

Or l'expert-comptable, qui a reçu mission d'établir une déclaration fiscale pour le compte de son client, doit sur la base des informations qu'il détient procéder à une déclaration conforme aux exigences légales.

Il s'ensuit qu'en effectuant des déclarations de TVA sans tenir compte de tous les éléments à sa disposition, la société Fegecom a manqué à ses obligations contractuelles et professionnelles. Le débat sur l'auteur de la reconnaissance des faits devant l'administration est inopérant, dès lors que la responsabilité de l'expert-comptable se trouve engagée du seul fait de sa déclaration non conforme aux éléments comptables mis à sa disposition.

Les courriels échangés entre les parties en 2007 pour interroger l'expert-comptable sur la possibilité de mettre la TVA en crédit certains mois, ou inversement pour se renseigner auprès de la société Studypharm sur la nécessité de procéder ou non à un 'décalage' de TVA en fonction de la trésorerie de l'entreprise, ne sont pas, pour ce même motif, de nature à exonérer la société Fegecom de sa faute dans l'établissement des déclarations, étant en outre relevé que ces échanges ne concernent pas les périodes visées par le redressement.

C'est donc par une juste appréciation que les premiers juges ont retenu la responsabilité de la société Fegecom. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Quant au préjudice, il est avéré que l'insuffisance de déclaration de TVA est directement à l'origine du redressement. Ce redressement a contraint la société Studypharm à payer non seulement les droits éludés qui ne font pas l'objet d'une demande d'indemnisation, mais également des intérêts de retard et des majorations, à hauteur de 25.256 euros.

Ces intérêts et pénalités sont la conséquence directe du paiement tardif de la TVA, qui trouve lui-même son origine dans l'insuffisance de déclaration imputable à la société Fegecom.

La somme versée à ce titre correspond à un préjudice financier qui ouvre droit à indemnisation. En effet, la société Studypharm aurait été en mesure, si la déclaration avait été correctement effectuée, de s'acquitter dans les délais de l'intégralité de la TVA ou d'obtenir au besoin des arrangements avec l'administration fiscale. Les pénalités appliquées par l'administration tiennent compte du fait que la société Studypharm, assistée d'un expert-comptable, ne pouvait ignorer les règles applicables. Leur montant a été ultérieurement réduit au vu des efforts de règlement de la société Studypharm. C'est à tort que le tribunal a minoré l'indemnisation de ce chef alors que la somme de 25.256 euros correspond au montant de la transaction passée avec l'administration pour les intérêts et pénalités appliqués à la suite du redressement de la TVA.

Le préjudice financier de la société Studypharm doit également inclure les honoraires réglés en 2008 à Maître [U], avocat spécialisé, pour le suivi du dossier de contrôle fiscal. Le montant de 3.000 euros H.T n'a pas lieu d'être réduit, ce suivi ayant essentiellement concerné le problème de TVA.

En revanche, la société Studypharm ne produit aucun élément permettant de caractériser l'existence d'un préjudice financier supplémentaire ou d'un préjudice moral résultant d'une atteinte à ses relations commerciales avec les tiers

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a alloué

30.000 euros de dommages et intérêts à la société Studypharm et de fixer le préjudice de celle-ci à 25.256 euros + 3.000 euros, soit un total de 28.256 euros.

La solution du litige en appel emporte confirmation pour le surplus et débouté de la demande reconventionnelle en dommages et intérêts.

- sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Fegecom , qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée à verser à la société Studypharm qui a été contrainte d'exposer des frais irrépétibles pour assurer sa défense dans la présente instance, une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel , les dispositions du jugement relative aux frais irrépétibles et dépens de première instance étant confirmées.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement sauf du chef du montant des dommages et intérêts alloués à la société Studypharm,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

- Condamne la société Fegecom à payer à la société Studypharm la somme de 28.256 euros en réparation de son préjudice,

Y ajoutant,

- Condamne la société Fegecom à payer à la société Studypharm une indemnité de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

- Déboute les parties de toutes autres demandes

- Condamne la société Fegecom aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/21366
Date de la décision : 30/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°13/21366 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-30;13.21366 ?
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