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24/09/2014 | FRANCE | N°13/12109

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 7, 24 septembre 2014, 13/12109


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 7



ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2014



(n° 30 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/12109



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juin 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/00385







APPELANT



Monsieur [A] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté pa

r Me Jean-loup PEYTAVI, avocat postulant, au barreau de PARIS, toque : B1106

assisté de Me Olivier SCHNERB, avocat plaidant,au barreau de PARIS, toque : C1049







INTIMES



Monsieur [N] [W]

[Adresse 3]

[Loc...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 7

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2014

(n° 30 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/12109

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juin 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/00385

APPELANT

Monsieur [A] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-loup PEYTAVI, avocat postulant, au barreau de PARIS, toque : B1106

assisté de Me Olivier SCHNERB, avocat plaidant,au barreau de PARIS, toque : C1049

INTIMES

Monsieur [N] [W]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Florence BOURG, avocat au barreau de PARIS, toque : R127

Monsieur [L] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

SA GROUPE EXPRESS-ROULARTA

agissant en la personne de ses représentants légaux domicili

és en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat postulant, au barreau de PARIS, toque : C2477

Représentés par Me Laurent MERLET, avocat plaidant, au barreau de PARIS, toque : P0327

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie PORTIER, Conseillère

Monsieur François REYGROBELLET, Conseiller

Madame Sophie-Hélène CHÂTEAU, Conseillère

qui en ont délibéré sur le rapport de Sophie-Hélène CHATEAU.

Greffiers, lors des débats : Melle Fatia HENNI et lors de la mise à disposition Maria IBNOU TOUZI TAZI

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Sophie PORTIER, président et par Maria IBNOU TOUZI TAZI, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise.

*

* *

[A] [V] a assigné [N] [W], [L] [I], directeur de la publication du magazine Point de Vue et la société GROUPE EXPRESS-ROULARTA éditeur dudit magazine, devant la 17eme chambre du TGI de PARIS, à la suite de la publication, dans le numéro 3351 daté du 10 au 16 octobre 2012 de cet hebdomadaire, d'une interview de [N] [W], dans laquelle il tient des propos qu'il estime diffamatoires à son encontre au visa des articles 23,29 alinéa 1er, 32 alinéa 1er et 42-2° de la loi du 29 juillet 1881 afin :

- de condamner solidairement les défendeurs à lui verser la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- d'ordonner sous astreinte, la publication d'un communiqué judiciaire dans l'hebdomadaire Point de Vue ;

' d'ordonner le bénéfice de l'exécution provisoire.

Par jugement rendu le 5 juin 2013, la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris - a débouté Monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes,

- l'a condamné à verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1000 euros à Monsieur [W] et celle de 1000 euros à la société éditrice Groupe Expresse-Roularta et Monsieur [I], pris ensemble, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la SCP Bénazéraf et Merlet qui en a fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Monsieur [V] fait appel de cette décision le 17 juin 2013 .

Par conclusions signifiées le 16 septembre 2013, Monsieur [V] demande à la cour

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Et partant,

Vu les articles 29 alinéa 1, 32 alinéa 1, 23, 42 et 43 de la Loi du 29 juillet 1881,

- de dire que les propos susvisés, publiés en page 24 du Journal 'Point de vue'numéro 3351 du 10 octobre 2012, constituent une diffamation publique ;

- En réparation, de condamner solidairement Monsieur [L] [I], Monsieur [N] [W] et la société GROUPE EXPRESS-ROULARTA, en leur qualité respective de directeur de la publication pour le premier, d'auteur des propos visés pour le deuxième et de société éditrice pour la troisième, à lui verser la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- d'ordonner la publication du jugement à intervenir dans le numéro de l'hebdomadaire 'Point de Vue' à paraître suivant immédiatement le prononcé du jugement, sous astreinte définitive de 5.000 euros par numéro de retard, et ce sur la moitié de la page de sommaire du magazine 'Point de Vue';

- de dire que le titre de cette publication sera : 'PUBLICATION JUDICIAIRE A LA DEMANDE DE [A] [V]' et que ce titre sera imprimé en caractères gras d'au moins 1centimètre de hauteur ;

- de dire que le texte de la publication ordonnée par le Tribunal sera imprimé en caractères gras d'au moins 1 centimètre de hauteur ;

- de dire que le titre de ce communiqué sera : 'COMMUNIQUE JUDICIAIRE A LA

DEMANDE DE MONSIEUR [A] [V]' et qu'il sera imprimé en caractères gras d'au moins 3 centimètres de hauteur ;

- de condamner solidairement Monsieur [L] [I], Monsieur [N] [W] et la société GROUPE EXPRESS-ROULARTA, à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens

- de condamner solidairement Monsieur [L] [I], Monsieur [N] [W] et la société GROUPE EXPRESS-ROULARTA aux dépens dont distraction au profit de Maître J.Loup PEYTAVI, avocat aux offres de droit ;

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Au soutien de ses écritures l'appelant expose qu'[O] [H] et [N] [W] ont publié aux Éditions du Moment en octobre 2012 un ouvrage consacré à [X] [F], journaliste et compagne du nouveau président de la République, intitulé La Frondeuse et ainsi présenté par la quatrième de couverture : "Ce premier portrait biographique consacré à la First Lady, depuis son enfance modeste jusqu'aux rencontres avec les grands de ce monde, prend tout son sens dans l'indication des intrigues amoureuses et politique au sommet de l 'État " ; que le magazine Point de Vue a publié dans son numéro 3351 daté du 10 au 16 octobre 2012 un entretien accordé par les auteurs de cet ouvrage à la journaliste [G] [D] ; que l'appelant considère que la réponse, ci-dessous reproduite en caractères gras, donnée par [N] [W] à la question «On connaît la rivalité entre [S] [J] et [X] [F], mais vous révélez une autre rivalité plus ancienne et plus amicale...' ; « CJ : Il y aurait eu effectivement une relation intime entre [A] [V] et [X] [F] qui aurait duré plusieurs années, à l'époque, ils sont tous les deux engagés. Ils ont hésité à faire le grand saut, à changer de vie. [A] [V] a tergiversé si bien que [X] [F] s'est laissée courtiser par un deuxième homme d'un autre bord politique : [B] [M]. Peu à peu la relation avec [M] a pris le pas sur l'autre. Notamment après un ultimatum en 2003 auquel [V] n'a pas cédé. Mais il a beaucoup souffert de cette rupture. C'était un peu une histoire, à la Jules et Jim. Les deux hommes en ont gardé un grand respect l'un pour l'autre' lui impute d'avoir entretenu, durant plusieurs années, une relation adultère avec [X] [F] alors qu'il est marié et père de quatre enfants, ce qui porte une grave atteinte à son honneur et à sa considération ;

Il fait valoir que la révélation d'une liaison adultère peut constituer une atteinte à l'honneur et à la considération constitutifs de diffamation, que de plus la circonstance que cette allégation comprenne également l'imputation d'être un mari infidèle ayant menti à sa femme et à ses enfants en menant une double vie durant six années correspond parfaitement un comportement faisant encourir la réprobation du public au sens de la jurisprudence;

Par conclusions signifiées le 4 octobre 2013 les intimés Monsieur [L] [I], et la société GROUPE EXPRESS-ROULARTA demandent à la cour de :

Vu l'article 29 alinéa 1 er de la loi du 29 juillet 1881,

Vu l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme,

- dire que l'imputation poursuivie n'est pas diffamatoire, et que les concluants sont en tout état de cause bien fondés à revendiquer le bénéfice de la bonne foi,

En conséquence :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 juin 2013 par la 17 ème Chambre Civile du Tribunal de Grande Instance de Paris ;

- débouter Monsieur [A] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Y ajoutant, le condamner à verser à la société Groupe Express-Roularta et Monsieur

[L] [I] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Les intimés font valoir qu'il est constant qu'en raison de l'évolution de la société contemporaine certaines imputations relatives aux m'urs ne constituent plus des infractions pénales ni des manquements à la morale de nature à susciter la réprobation et le mépris du corps social que tel est en particulier le cas d'entretenir une relation adultère.

Subsidiairement, les intimés demandent à bénéficier de l'excuse de bonne foi dans la mesure où les déclarations de Monsieur [W] ont été reproduites dans le cadre d'un article rendant compte de la publication de la biographie consacrée à Madame [X] [F] dont il était légitime d'informer le public, où, d'autre part, l'entretien ne révèle aucune imprudence dans le ton ni aucune animosité personnelle dans la mesure où le journaliste a pris le soin d'interroger les auteurs de la biographie sur son caractère autorisé ou non, de poser ses questions avec objectivité et a reproduit avec fidélité des propos recueillis auprès de Monsieur [N] [W] ;

Par conclusions signifiées le 10 octobre 2013 Monsieur [W] demande à la cour :

Vu l'article 10 de la Convention Européenne des droits de l'homme,

Vu l'article 29 alinéa 1 er de la loi du 29 juillet 1881,

- de constater que le délit de diffamation publique n'est pas constitué,

En conséquence,

- de confirmer le jugement rendu le 5 juin 2013 par la 17 eme chambre civile dans toutes ses dispositions,

- de débouter Monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes,

- Y ajoutant , de condamner Monsieur [V] à verser à Monsieur [W] la somme de 4000 euros chacun au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses conclusions Monsieur [W] fait valoir que contrairement à ce que prétend Monsieur [V] il n'y a pas d'allégation d'adultère, ni d'infidélité dans le texte incriminé , que ce dernier se contente de dire que cette relation « aurait durée plusieurs années » sans autre précision, que l'expression « relation intime est en outre utilisée sous la forme conditionnelle. Il affirme que Monsieur [V] n'est jamais présenté dans le texte poursuivi comme « un homme infidèle ayant trompé sa femme et menti à ses enfants en menant une double vie durant six années. » ;

Il souligne qu'en toute hypothèse, compte tenu de la jurisprudence visée, il n'y a pas dans les propos poursuivis d'atteinte à l'honneur et à la considération touchant Monsieur [A] [V] et qu' une telle allégation ne constitue pas le délit de diffamation publique ;

Subsidiairement, Monsieur [W] soutient qu'il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, qu'il s'est conformé à un certain nombre d'exigences, en particulier le sérieux de l'enquête ainsi que la prudence dans l'expression, et qu'en conséquence la Cour doit lui accorder le bénéfice de la bonne foi ;

SUR CE,

LA COUR

Considérant que l'article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme 'toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé' ledit fait devant être suffisamment précis pour pouvoir faire l'objet du débat sur la preuve de sa vérité organisé par les articles 35,55 et 56 de cette loi; que ce délit, qui est caractérisé même si l'imputation est formulée sous forme déguisée, dubitative ou par voie d'insinuation, se distingue ainsi d'appréciations purement subjectives ainsi que de l'injure, que l'alinéa 2 du même article 29 définit comme 'toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait' et doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause , à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s'inscrivent ;

Considérant que pour déterminer si l'allégation ou l'imputation d'un fait porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé les juges n'ont pas à rechercher quelles peuvent être les conceptions personnelles et subjectives de celle -ci concernant la notion d'honneur et celle de la considération ; qu'ils n'ont pas non plus , à tenir compte , à cet égard , de l'opinion que le public a de cette personne; que les lois qui prohibent et punissent la diffamation protègent tous les individus , sans prévoir aucun cas d'exclusion fondé sur de tels éléments;

Considérant que l'atteinte à l'honneur ou à la considération ne pouvant résulter que de la réprobation unanime qui s'attache soit aux agissements constitutifs d'infractions pénales, soit aux comportements communément considérés comme contraires aux valeurs morales et sociales admises par la communauté nationale au jour où le juge statue, ces notions devant doivent s'apprécier, non pas en fonction de la sensibilité personnelle et subjective de la personne visée, mais selon un critère objectif ;

Considérant que Monsieur [V] fait valoir que le fait de lui prêter une relation intime de plusieurs années tout en précisant qu'il était à cette époque « engagé »et qu'il a donc mené «une double vie » implique une accusation de dissimulation et de mensonges vis à vis de sa femme et de ses enfants ; que le passage incriminé constitue donc bien une atteinte grave à son honneur et à sa considération quand bien même ces faits ne seraient pas légalement sanctionnés ;

Considérant toutefois que la 'relation intime' qui est imputée à Monsieur [V] est présentée sobrement sans évoquer expressément le mensonge ni la «double vie » et sans que soit suggéré un jugement de valeur ; qu'en tout état de cause c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont retenu que l'adultère a été dépénalisé depuis près de 40 ans, que l'évolution des m'urs comme celle des conceptions morales ne permet plus de considérer que l'infidélité conjugale serait contraire à la représentation commune de la morale, dans la société contemporaine, et que l'imputation litigieuse ne saurait donc porter atteinte à son honneur et à sa considération ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de ses demandes ;

Considérant que l'équité commande de condamner l'appelant à verser 1000 € à chaque intimé sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Reçoit l'appel interjeté par [A] [V],

Confirme le jugement rendu le 5 juin 2013 par la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris

Y ajoutant,

Condamne [A] [V] à verser 1000 € à la société GROUPE EXPRESS-ROULARTA et Monsieur [L] [I], pris ensemble, et 1000 € à Monsieur [W], sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Déboute les parties de toutes autres demandes.

LA PRESIDENTE LE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/12109
Date de la décision : 24/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris C7, arrêt n°13/12109 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-24;13.12109 ?
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