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19/09/2014 | FRANCE | N°12/20022

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 19 septembre 2014, 12/20022


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2014



(n° 2014- , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/20022



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2012 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2005F00156





APPELANT



Monsieur [Q] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Alain FI

SSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assisté de Me Jean GRESY, avocat au barreau de VERSAILLES





INTIMÉES



La société FONCIA GESTION IMMOBILIERE IDF prise en la pe...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2014

(n° 2014- , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/20022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2012 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2005F00156

APPELANT

Monsieur [Q] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Alain FISSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assisté de Me Jean GRESY, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMÉES

La société FONCIA GESTION IMMOBILIERE IDF prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée de Me Erwan DINETY, avocat au barreau de BORDEAUX

La compagnie GENERALI IARD prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée de Maître Louise FOURCADE-MASBATIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R61

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Françoise MARTINI, conseillère, ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne VIDAL, présidente de chambre

Madame Françoise MARTINI, conseillère

Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER

ARRET :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne VIDAL, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

M. [V] était actionnaire majoritaire et président directeur général de la société La gestion immobilière de l'Ile de France (LGI IDF) ayant pour activité l'administration de biens, la gérance, la location et la vente de biens immobiliers. Aux termes d'un protocole d'accord du 24 mars 2004, il cédait pour lui-même et pour le compte des autres actionnaires la totalité des actions et droits de vote de cette société, qui devenait la SAS Foncia gestion immobilière IDF. La cession était consentie au prix prévisionnel de 650 200 euros sur la base du bilan arrêté au 31 décembre 2002, déduction faite d'une provision de 300 000 euros pour insuffisance de représentation des fonds détenus pour le compte des clients mandants. Le règlement du prix était fractionné en plusieurs acomptes de 50 000 euros le 11 février 2004, 300 000 euros le 15 avril 2004, 150 000 euros le 30 avril 2005, le solde étant payable le 30 avril 2006 ou au fur et à mesure de l'encaissement des créances clients au delà de cette date. M. [V] devait assurer les fonctions salariées de directeur de développement du 1er avril 2004 au 31 mars 2005 pour une rémunération nette annuelle de 40 000 euros. Le prix de cession devait être révisé en fonction de la situation comptable intermédiaire établie au 31 mars 2004.

Un audit de l'ensemble de la comptabilité était réalisé entre juin et septembre 2004. Des détournements commis par M. [V] étant soupçonnés, une série de procédures s'en suivaient. Notamment, la société Foncia gestion immobilière IDF assignait le 12 janvier 2005 M. [V] devant le tribunal de commerce de Créteil en paiement de la somme de 1 220 773,59 euros en indemnisation de son préjudice. Elle déposait également plainte le 26 avril 2005 au parquet de Nanterre. A son tour, M. [V] assignait le 4 juillet 2005 les cessionnaires des actions devant le tribunal de commerce de Paris en résolution judiciaire de la vente pour non paiement du prix et désignation d'un expert pour faire les comptes et estimer la valeur de la société cédée.

Sur l'action introduite par M. [V], le tribunal de commerce de Paris ordonnait le 11 octobre 2007 une expertise confiée à M. [B] qui déposait son rapport le 2 janvier 2009. Ce rapport retenait que le montant de soldes débiteurs irrécouvrables des comptes mandants s'élevait à 1 298 558 euros rendant la valeur de la société négative, que la valeur corrigée de la société cédée était de -869 412 euros au 31 mars 2004, que M. [V] devait aux cessionnaires la somme de 1 193 225 euros correspondant à la valeur négative de la société cédée (869 412 euros) majorée du remboursement des acomptes versés par les cessionnaires (350 000 euros) et minorée de son compte courant d'associé (26 187 euros). Par jugement du 10 novembre 2009, confirmé par arrêt de la cour d'appel du 14 décembre 2010, le tribunal déboutait M. [V] de ses demandes de contre-expertise, résolution de la vente et paiement de dommages et intérêts, et sursoyait à statuer sur les demandes reconventionnelles des cessionnaires en remboursement des sommes perçues au titre du prix de vente et en paiement du solde débiteur des comptes mandants jusqu'à la décision à intervenir dans la procédure pendante devant le tribunal de commerce de Créteil.

Par jugement correctionnel du 25 mars 2008, le tribunal de grande instance de Nanterre déclarait M. [V] coupable d'abus de confiance. Ce jugement était confirmé par arrêt du 19 janvier 2009 de la cour d'appel de Versailles qui condamnait M. [V] à payer à Foncia gestion immobilière IDF la somme de 436 699,10 euros. Un pourvoi interjeté par M. [V] était rejeté le 24 février 2010.

Après avoir sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale, le tribunal de commerce de Créteil, par jugement du 2 octobre 2012 aujourd'hui déféré à la cour, rejetait les fins de non recevoir soulevées par M. [V] tirées du défaut d'habilitation à agir délivrée à la société Foncia gestion immobilière IDF par les syndicats de copropriétaires des immeubles gérés et de l'autorité de la chose jugée au pénal, rejetait sa demande de contre-expertise, le condamnait à payer à la société Foncia gestion immobilière IDF la somme de 861 858,20 euros en réparation de son préjudice avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et déboutait la société Foncia gestion immobilière IDF de ses autres demandes notamment au titre des pertes d'exploitation. Le même jugement disait que M. [V] avait qualité à agir pour appeler en garantie la société Générali Iard en qualité d'assureur de responsabilité civile professionnelle de l'activité de transaction immobilière et de gestion d'immeuble selon un contrat souscrit le 1er janvier 2001 par la société cédée, mais que sa demande était prescrite, et déboutait l'assureur de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de M. [V]. Le tribunal ordonnait l'exécution provisoire, condamnait M. [V] à payer les sommes de 10 000 euros à la société Foncia gestion immobilière IDF et 3 000 euros à la société Générali Iard au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens, et déboutait les parties de leurs autres demandes.

Appelant de cette décision, M. [V] demande, aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 juillet 2013, d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Foncia gestion immobilière IDF de ses demandes en réparation des pertes d'exploitation et en ce qu'il a déclaré ses demandes recevables à l'encontre de la société Générali Iard. Avant dire droit, il sollicite la désignation d'un expert, chargé d'une mission consistant pour l'essentiel à dire si des erreurs comptables ont été commises au préjudice des copropriétés gérées et au préjudice de la société de gestion elle-même, intentionnelles ou non, donner un avis sur l'imputabilité de ces erreurs comptables, les chiffrer et les classer suivant leur nature, donner un avis sur la mise en 'uvre de la garantie financière quant à la représentation des fonds auprès des victimes de ces erreurs comptables, donner la liste des copropriétés ayant sollicité leur indemnisation au titre de ces erreurs comptables, dire si Foncia gestion immobilière IDF a procédé à l'indemnisation des victimes de ces erreurs comptables, renseigner la cour sur les règles applicables aux réclamations des syndicats de copropriétaires à l'encontre des organes de gestion tels que le syndic, et expliquer à la cour la signification concrète d'un courrier émis par Foncia le 31 octobre 2005.

Au principal, il demande de dire Foncia gestion immobilière IDF irrecevable en ses demandes, entendant faire juger qu'elle ne justifie pas d'une habilitation lui donnant qualité à agir pour diligenter la présente procédure en l'absence de mandat exprès de ses clients, les copropriétés, ou d'une subrogation dans leurs droits, que ses prétentions sont identiques à celles formulées devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Versailles qui a tranché les demandes relatives aux dommages et intérêts liés aux détournements par une décision qui a donc autorité de chose jugée, et qu'elles sont également identiques aux demandes formulées par Foncia devant le tribunal de commerce de Paris. A titre subsidiaire, il conclut au débouté des demandes de Foncia gestion immobilière IDF, et demande de dire que la société Générali Iard sera condamnée à le garantir entièrement de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées contre lui en principal, intérêts, frais et dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. En tout état de cause, il demande de condamner la société Générali Iard à lui verser les sommes de 276 132,48 euros pour la représentation des sommes revenant à la Résidence Anaice et 25 364 euros pour la représentation des sommes revenant à la Résidence Winchester, soit 301 486,48 euros au total, en règlement des sommes versées par lui au titre des détournements alors même que ces sommes étaient garanties. A titre infiniment subsidiaire, il demande reconventionnellement de condamner la société Foncia gestion immobilière IDF à verser 50 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1382 du code civil. Dans tous les cas, il sollicite la condamnation solidaire de la société Foncia gestion immobilière IDF et de la société Générali Iard à verser entre les mains de son avocat la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 14 mai 2014, la société Foncia gestion immobilière IDF demande, au visa des articles L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce, 1351 et 1382 du code civil et 31 et 122 du code de procédure civile, de confirmer le jugement en ce qu'il a dit mal fondé M. [V] en ses fins de non-recevoir et en sa demande d'expertise, de condamner M. [V] à payer la somme de 888 179,30 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses manipulations comptables et celle de 557 647,15 euros au titre de la perte d'exploitation consécutive aux fautes commises, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification de l'acte introductif d'instance, de débouter M. [V] de toutes ses demandes et de le condamner à verser la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 mai 2014, la société Générali Iard demande d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé M. [V] recevable à agir, déclarer au contraire irrecevables ses demandes pour défaut de qualité et d'intérêt à agir, en toute hypothèse confirmer le jugement qui a jugé l'action en garantie de M. [V] irrecevable comme atteinte par la prescription biennale. A titre plus subsidiaire, elle demande acte de ce que la société Foncia gestion immobilière IDF ne formule aucune prétention à son encontre, et de dire que la responsabilité encourue à l'occasion de l'acte de cession d'actions ne correspond pas à l'activité de transaction immobilière et de gestion d'immeuble qui est couverte, que la garantie est en tout état de cause exclue du fait de la nature des actes reprochés à M. [V], que par les agissements ayant abouti à sa condamnation pour abus de confiance celui-ci a supprimé l'aléa qui caractérise le contrat d'assurance, qu'en conséquence il n'y pas de garantie d'assurance et que cette absence d'assurance est opposable à tous y compris la société Foncia. En conséquence, elle conclut au rejet de toutes prétentions dirigées à son encontre et sollicite la condamnation de M. [V] à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. A titre infiniment subsidiaire, elle entend faire constater que le plafond de sa garantie responsabilité civile professionnelle était limité à la somme de 1 million de francs, soit 150 000 euros, et qu'aucune condamnation ne pourrait excéder cette somme.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'expertise

Selon l'article 146 du code de procédure civile, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. Pour solliciter une telle mesure, M. [V] soutient que le rapport d'expertise déposé le 6 janvier 2009 devant le tribunal de commerce de Paris et sur lequel Foncia gestion immobilière IDF fonde ses prétentions n'a pas été établi au contradictoire de celle-ci, qu'il est également incomplet puisqu'il portait sur la détermination du prix de cession, et que les réclamations de Foncia gestion immobilière IDF comportent en outre des erreurs de chiffres nécessitant le recours à un expert.

Mais, l'expertise ordonnée dans le cadre de l'instance en résolution judiciaire de la vente des actions de la société LGI IDF introduite par M. [V] contre les cessionnaires, la SAS Option 7 et la SA Foncia, même si elle n'a pas été réalisée au contradictoire de la SAS Foncia gestion immobilière IDF, constitue bien un élément de preuve admissible de la part de celle-ci, soumis à la libre discussion des parties, et en tout cas opposable à M. [V] qui a participé à la mesure d'instruction. L'expert, appelé notamment à établir la situation des soldes débiteurs irrécouvrables des comptes mandants au 31 mars 2004, a procédé à une analyse claire, précise et exhaustive de chacune des opérations concernées par les manipulations comptables reprochées à M. [V] à l'origine du préjudice dont l'indemnisation est recherchée. La qualification des anomalies comptables, leur imputabilité et la délimitation du préjudice en résultant relèvent de l'appréciation de la juridiction saisie, tout comme la détermination des règles applicables au litige ainsi que l'interprétation éventuelle des pièces communiquées et la correction le cas échéant d'erreurs de chiffres, sans qu'il y ait lieu de recourir à une autre expertise. Le jugement qui a rejeté la demande formulée de ce chef sera en conséquence confirmé.

Sur les fins de non recevoir opposées aux demandes de la société Foncia gestion immobilière IDF

L'habilitation qui selon l'article 55 du décret 67-223 du 17 mars 1967 doit être donnée au syndic par l'assemblée des copropriétaires pour agir en justice concerne les actions introduites au nom du syndicat. La société Foncia gestion immobilière IDF, qui recherche sur le fondement des articles L. 225-251 du code de commerce et 1382 du code civil l'indemnisation d'un dommage constitué de créances «mandants» irrécouvrables et de pertes d'exploitation supportées par elle, agit en son nom propre et non pour le compte de ses mandants. Ainsi que l'a souligné l'expert, les dettes envers les mandants et les avances à eux consenties font partie du patrimoine de l'administrateur de biens tenu de représenter les fonds détenus qui s'inscrivent à défaut en pertes. La société Foncia gestion immobilière IDF est en conséquence recevable à agir en réparation du préjudice personnel né des pertes imputées aux irrégularités reprochées à son ancien dirigeant, M. [V]. C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d'habilitation pour agir de la société Foncia gestion immobilière IDF.

Selon l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, et il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. L'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 14 novembre 2010 a statué entre les mêmes parties, la SAS Foncia gestion immobilière IDF s'étant constituée partie civile sur les poursuites engagées à l'encontre de M. [V]. Mais, la juridiction pénale s'est prononcée dans les limites de la prévention dont elle était saisie, relative à des détournements de fonds qualifiés d'abus de confiance provenant de la gestion de la copropriété Anaice (276 132,48 euros), du paiement de fournisseurs (24 029,60 euros), de loyers payés en espèces (3 221,50 euros), et de chèques de copropriétaires encaissés soit par lui-même (23 147,44 euros) soit au bénéfice d'une société Paris Sud immobilier (83 846,96 euros) ou d'un débit de boissons (11 321,12 euros) ou d'un nommé [W] (15 000 euros), pour un montant total de 436 699,10 euros. La réclamation actuelle de Foncia gestion immobilière IDF, calculée sur la base du rapport de l'expert qui a détaillé l'ensemble des opérations susceptibles d'être reprochées à M. [V], est présentée sous déduction de la condamnation déjà prononcée à hauteur de 436 699,10 euros au titre des abus de confiance dont celui-ci a été reconnu en totalité coupable. La demande ayant un autre objet, la décision pénale ne peut y faire obstacle et le tribunal a justement rejeté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée qui lui est attachée.

L'action engagée par M. [V] devant le tribunal de commerce de Paris en résolution de la vente des actions de la société LGI IDF ne concerne que les cessionnaires, la SAS Option 7 et la SA Foncia. La SAS Foncia gestion immobilière IDF n'est pas partie à cette procédure. En outre, dans son jugement du 10 novembre 2009 confirmé par l'arrêt du 14 décembre 2010, le tribunal de commerce de Paris a sursis à statuer sur la demande reconventionnelle des sociétés cessionnaires en paiement du solde débiteur des comptes «mandants» jusqu'à la détermination des sommes éventuellement dues à Foncia gestion immobilière IDF, de sorte qu'il n'existe pas de risque de contrariété de décisions. La fin de non recevoir invoquée au titre d'une «identité» de demandes formulées dans ces deux procédures sera également écartée.

Sur le fond

Aux termes de l'article L. 225-251 du code de commerce, les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. L'expert a procédé à une analyse détaillée des irrégularités dénoncées dans les comptes de la société arrêtés au 31 mars 2004 au titre des soldes «mandants» irrécouvrables et de créances assimilées. Indépendamment des faits qualifiés d'abus de confiance par la juridiction pénale, il a mis en évidence des opérations en suspens dans les rapprochements bancaires correspondant à des sorties de fonds du compte «pivot» non comptabilisées, à des oppositions incorrectes ou insuffisantes sur le prix des lots de copropriété vendus, à des remises non crédités sur le compte gérance, à une remise de chèque fictive pour replacer à zéro le compte d'attente de la comptabilité. Il a également pointé l'existence de soldes débiteurs correspondant à des factures payées deux fois ou contestées et maintenues en attente au lieu d'être provisionnées, des fonds manquants dans les sous-comptes de copropriétés perdues, le détournement de fonds reçus à l'occasion de travaux concernant les résidences Anaice et Winchester, et la relance d'un fournisseur bénéficiaire de chèques non encaissés qui ont été réinscrits à tort au crédit d'une copropriété (affaire [H]). L'expert a souligné le caractère ancien, injustifié et répétitif des prélèvements et anomalies comptables observées. Après avoir apporté les correctifs nécessaires selon les possibilités de recouvrement ou la disparition du risque de réclamation, il a chiffré l'insuffisance de représentation des fonds à la somme de 1 298 558 euros, se décomposant ainsi :

- opérations en suspens dans le rapprochement bancaire du compte «pivot»

524 558

- comptes «fournisseurs» débiteurs

70 122

- comptes «organismes sociaux» débiteurs

10 433

- comptes d'attente débiteurs

63 776

- comptes «travaux» débiteur

1 194

- opérations en suspens dans le rapprochement bancaire des sous-comptes des copropriétés

70 522

- comptes «copropriétaires vendeurs» débiteurs

91 586

- détournements de paiements «fournisseurs»

24 030

- opérations en suspens dans le rapprochement bancaire du compte «gérance»

23 802

- règlements reçus en espèces non comptabilisés

3 222

- comptes bancaires individualisés débiteurs des immeubles perdus

39 417

- fonds détournés de la résidence Anaice

276 132

- fonds détournés de la résidence Winchester

38 112

- additif au détournement de fonds de la résidence Anaice

13 283

- affaire Pophin

48 369

Total

1 298 558

L'analyse de l'expert, non critiquée par M. [V], caractérise les fautes commises par celui-ci dans la gestion de la société. Pour contester le préjudice à caractère personnel et certain qui en résulte, l'appelant invoque en vain l'absence de justification de réclamation émanant des copropriétés ou de dédommagements intervenus en leur faveur, le dommage étant constitué par l'impossibilité pour la société de représenter les fonds détenus. Il fait également valoir en vain qu'une provision pour insuffisance de représentation des fonds détenus pour le compte de clients «mandants» a été prise en compte dans le protocole d'accord du 24 mars 2004, alors que cette convention concerne les relations avec les cessionnaires et la détermination du prix de cession. La provision stipulée s'applique au demeurant à l'hypothèse de soldes irrécouvrables résultant d'une erreur ou d'une omission et non à l'insuffisance causée par des irrégularités affectant les comptes de la société, qui engagent la responsabilité de leur auteur à hauteur du préjudice personnellement causé à celle-ci. Sur ces bases, et après déduction de la somme allouée par la juridiction pénale, la société Foncia gestion immobilière IDF est fondée à recevoir une indemnisation de 861 858,20 euros, assortie des intérêts légaux depuis le jugement ayant alloué l'indemnité, ainsi que l'a exactement jugé le tribunal.

La société Foncia gestion immobilière IDF réclame également la réparation de pertes d'exploitation liées à la révocation de mandats de syndic, au coût d'intervention de collaborateurs et dirigeants pour établir la situation comptable, et aux protocoles signés pour éviter la mise en oeuvre de procédures par les copropriétaires. Mais, la simple mention dans un rapport d'audit de Price Waterhouse Coopers du 9 mars 2006 d'une «perte de mandats relativement importante en 2005» ne suffit pas à établir un lien direct et certain avec les fautes de gestion reprochées à M. [V], pas plus que les lettres de dénonciation des mandats qui sont produites, qui ne contiennent aucune indication précise à ce titre. L'intervention spécifique de collaborateurs ou dirigeants pour l'établissement des comptes n'est étayée par aucun document, pas plus que son coût. Enfin, les protocoles transactionnels invoqués concernent des retards de transmission de pièces après la dénonciations de mandats en 2005 ou des erreurs et retard d'indexation de loyers, sans relation démontrée avec les anomalies comptables reprochées. Le jugement qui a débouté la société Foncia gestion immobilière IDF des demandes faites à ce titre sera également confirmé.

Sur l'appel en garantie de la société Générali Iard

La garantie de la société Générali Iard est recherchée par M. [V] au titre d'un contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle des agents immobiliers et gérants d'immeubles souscrit à effet du 1er janvier 2001 par la société LGI IDF aux droits de laquelle est venue la société Foncia gestion immobilière IDF. Selon ces conventions, M. [V] avait lui-même la qualité de personne assurée comme représentant légal de l'entreprise qui souscrivait le contrat, ainsi que l'a jugé le tribunal. La contestation par l'assureur de sa qualité à agir, tirée du caractère intentionnel des agissements, de la nature du dommage causé à la société assurée et non à autrui, ou du contexte de la cession d'actions dans lequel les agissements ont été révélés, relève des conditions de fond d'application de la garantie d'assurance.

Mais, le tribunal a déclaré à juste titre l'action en garantie de M. [V] irrecevable par application de l'article L. 114-1 du code des assurances qui fixe à deux ans le délai de prescription des actions dérivant d'un contrat d'assurance, expressément rappelé dans le contrat, et qui prévoit que, quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier, en retenant que M. [V], assigné le 12 janvier 2005 devant le tribunal de commerce, n'avait appelé l'assureur en garantie que le 19 novembre 2010 et que son action était en conséquence tardive.

Le droit d'agir de M. [V] à l'encontre de l'assureur n'a pas dégénéré en abus pouvant justifier l'allocation de dommages et intérêts.

M. [V] qui succombe ne peut lui-même solliciter de la société Foncia gestion immobilière IDF le paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Il est équitable de compenser à hauteur de 2 000 euros les frais non compris dans les dépens que chacune des sociétés intimées a été contrainte d'exposer.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne M. [V] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et à verser à la société Foncia gestion immobilière IDF et à la société la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du même code,

Déboute les parties de leurs autres demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/20022
Date de la décision : 19/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°12/20022 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-19;12.20022 ?
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