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19/09/2014 | FRANCE | N°12/12807

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 19 septembre 2014, 12/12807


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2014



(n°179, 11 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 12/12807



sur contredit suite à l'arrêt rendu le 12 juin 2012 par la 12ème chambre de la Cour d'appel de VERSAILLES (RG n°10/09782) sur appel d'un jugement du Tribunal de commerce de CHARTRES rendu le

26 octobre 2010 (RG n°2009002973)







DEMANDERESSE AU CONTREDIT





S.A.S. FAURE HERMAN, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

L...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2014

(n°179, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/12807

sur contredit suite à l'arrêt rendu le 12 juin 2012 par la 12ème chambre de la Cour d'appel de VERSAILLES (RG n°10/09782) sur appel d'un jugement du Tribunal de commerce de CHARTRES rendu le 26 octobre 2010 (RG n°2009002973)

DEMANDERESSE AU CONTREDIT

S.A.S. FAURE HERMAN, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

La Monge

[Localité 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SCP LISSARRAGUE - DUPUIS - BOCCON-GIBOD [LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES], avocat au barreau de PARIS, toque C 2477

Assistée de Me Emmanuel DRAI plaidant pour l'AARPI CAHN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 0418

DEFENDERESSE AU CONTREDIT

S.A.S. METERING & TECHNOLOGY, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 0020

Assistée de Me Arnaud CONSTANT plaidant pour la SELARL SAVIN - MARTINET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque K 101

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 18 juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente

Mme Sylvie NEROT, Conseillère

Mme Véronique RENARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mlle Laureline DANTZER

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

La société Faure Herman, commercialise des débitmètres, instruments destinés à la mesure du débit de fluides notamment de pétrole ou carburant qui passent dans les pipelines ou les conduits d'alimentation de moteurs d'avion, à ultrasons et des débitmètres à turbine à hélice hélicoïdale à bords d'attaques courbes.

Reprochant à la société Metering & Technology, fondée en 2007 par trois de ses anciens salariés, qui produit et distribue des débitmètres, de commercialiser des produits similaires aux siens, elle a obtenu, par ordonnance sur requête du 13 janvier 2009, l'autorisation de procéder à diverses investigations dans les locaux de la société Metering & Technology et d'obtenir la communication de documents relatifs au développement de ses produits et une mesure d'expertise confiée à l'expert monsieur [H].

Par ordonnance en date du 3 février 2009, le président du tribunal de commerce de Chartres a partiellement rétracté l'ordonnance, sur la mission se rapportant à l'actionnariat.

Cette dernière ordonnance a été confirmée en toutes ses dispositions par arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 20 janvier 2010.

Entre-temps, la société Faure Herman a, par acte en date du 26 mai 2009, fait assigner la société Metering & Technology devant le tribunal de commerce de Chartres, sur le fondement de l'article 1382, en concurrence déloyale.

Par jugement du 24 novembre 2009 le Tribunal de commerce de Chartres a rejeté la demande de nullité de l'expertise et de sursis à statuer formées par la société Metering & Technology.

Par jugement non assorti de l'exécution provisoire, en date du 26 octobre 2010, le tribunal de commerce de Chartres a :

- donné acte à la société Metering & Technology que la société Faure Herman ne se prévaut pas du moindre acte de parasitisme concernant les débitmètres à ultrasons.

- dit que la société Metering & Technology ne s'est pas indûment appropriée le savoir faire de la société Faure Herman dans le développement de ses débitmètres à hélice et à ultrasons,

- dit que la société Metering & Technology n'a pas commis d'actes de parasitisme et de concurrence déloyale à l'égard de la société Faure Herman,

- débouté la société Faure Herman de l'ensemble de ses demandes,

- ordonné la publication du jugement,

- rejeté les autres demandes de la société Metering & Technology,

- condamné la société Faure Herman à payer à la société Metering & Technology la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 29 décembre 2010 par la société Faure Herman.

Vu l'arrêt rendu le 27 mars 2012 par lequel la cour d'appel de Versailles a :

- déclaré la société Metering & Technology irrecevable en sa demande d'infirmation de l'ordonnance de référé rendue le 13 janvier 2009 et ses demandes accessoires à cette procédure,

- débouté la société Faure Herman de sa demande de complément d'expertise et de sa demande consécutive au sursis à statuer,

- confirmé le jugement rendu le 26 octobre 2010 par le tribunal de commerce de Chartres seulement en ce qu'il a débouté la société Faure Herman de ses demandes à l'encontre de la société Metering & Technology au titre des débitmètres à ultrason,

- avant dire droit, ordonné la réouverture des débats sans révocation de l'ordonnance de clôture invitant les parties à conclure sur sa compétence pour statuer sur la demande de la société Faure Herman formulée pour la première fois, au titre des actes de contrefaçon de la société Metering & Technology postérieurs au 19 novembre 2008 relatifs aux débitmètres à turbine et sur la connexité des demandes portant sur les actes de concurrence déloyale et de parasitaires allégués pour la période antérieure.

Vu l'arrêt rendu le 12 juin 2012 par lequel la cour d'appel de Versailles a :

- renvoyé devant la cour de ce siège les demandes au titre de la contrefaçon et celles connexes au titre de la concurrence déloyale, s'agissant des débitmètres à turbine, à hélice hélicoïdale, à bords d'attaque courbes et toutes autres demandes accessoires non tranchées par l'arrêt du 27 mars 2012,

- réservé les dépens.

Vu l'arrêt de la cour de ce siège en date du 4 octobre 2013 ayant :

- dit que la demande en contrefaçon du brevet d'invention déposée le 19 novembre 2008 à l'INPI et délivré le 31 décembre 2010 sous le n° 08 57852 dont est titulaire la société Faure Herman formée pour la première fois en cause d'appel par celle-ci est irrecevable,

en conséquence,

- l'a rejetée et la invitée à mieux se pourvoir,

- renvoyé l'affaire devant le conseiller de la mise en état pour permettre aux parties de conclure au fond sur l'action en concurrence déloyale sur les débitmètres à turbine à hélice hélicoïdale à bords d'attaque courbes et demandes non tranchées par la cour d'appel de Versailles,

- condamné l'appelante à payer à la société intimée la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la société appelante,

- condamné la société appelante aux entiers dépens exposés jusqu'à ce jour et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société Faure Herman appelante en date du 21 mai 2014 qui demande essentiellement de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chartres le 26 octobre 2010,

Statuant à nouveau,

- rejeter la pièce n° 155 de M&T,

- dire et juger que la société M&T a commis des actes de concurrence déloyale à son égard s'agissant des débitmètres à turbines hélicoïdale à bords d'attaques courbes,

- ordonner des mesures d'interdiction, de restitution et de destruction pour faire cesser ces faits,

- ordonner la production de documents comptables permettant d'établir son préjudice,

- condamner la société M&T à lui payer :

* une provision de 633.187 euros à valoir sur son préjudice commercial,

* une somme de 300.000 euros en réparation subi du fait de la divulgation et de la dissémination de sa technologie,

* la somme de 200.000 en réparation de son préjudice moral,

* la somme de 300.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la publication de la décision à intervenir.

Vu les dernières conclusions de la société Metering & Technology, intimée et incidemment appelante en date du 11 juin 2014 qui demande de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Faure Herman de l'ensemble de ses demandes, et l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles en paiement formées aux titres du dénigrement et de la procédure abusive, et sur le montant de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau sur ces chefs,

- condamner la société Faure Herman à lui payer la somme de 100.000 euros à titre dommages et intérêts au titre du dénigrement, celle de 200.000 euros au titre de la procédure abusive,

- condamner la société Faure Herman à lui payer la somme de 200.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 juin 2014,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

La société Faure Herman est spécialisée dans la production de débitmètres qui sont des instruments de mesurage de haute technologie et de très haute précision qui servent notamment à mesurer le volume de pétrole et de carburant qui passe dans un pipe line ou dans une conduite d'alimentation d'un moteur d'avion, et sont soumis à des certifications de précision et de sécurité.

Au soutien de sa demande en concurrence déloyale et d'actes de parasitisme, fondée sur l'article 1382 du code civil, la société Faure Herman expose que la conception et la mise au point des débitmètres nécessitent un très grand savoir faire et des milliers d'heures de recherche et développement (R&D) et de tests et que pour ce faire elle dispose d'un bureau d'études de 15 ingénieurs ultrasépacialisés dans les domaines de mécanique des fluides, mécanique de contact, ultrasons, métallurgie, informatique, électronique... ;

Elle ajoute qu'elle dispose d'installations de test in vivo très élaborées qui lui permettent de gagner du temps et que son expérience se concentre dans des tableaux d'abaques d'accès réservé.

Elle précise que le débitmètre à turbine objets du litige est à hélice hélicoïdale à bords d'attaques courbes destinés au comptage des hydrocarbures qui représentent un micro-segment du marché destiné à des clients spécifiques, dont les premiers ont été conçus par la division CLI de la société Schlumberger qui a été acquise par elle en 1985.

Elle poursuit en indiquant que cette technologie a été adaptée par Faure Herman dans le cadre d'une recherche spécifique menée de 2004 à 2007 à une époque où les fondateurs de la société Metering & Technologie, créée en 2007, messieurs [D], [S] et [C] étaient encore salariés de Faure Herman, monsieur [D], responsable commercial du service après vente était à cette époque chargé des relations avec les clients russes, monsieur [C] était responsable des ventes exports et monsieur [S], dessinateur, ingénieur spécialisé dans l'une des composantes des débitmètres à ultrasons.

Elle expose que cette technologie innovante est commercialisée par elle depuis 2007 et a fait l'objet d'une demande de brevet qui a été délivré le 31 décembre 2010 et qu'elle consacre chaque année 1.200.000 euros à la R&D, le poste des salaires des ingénieurs représentant à lui seul la somme de 800.000 euros.

Concernant la société M&T dont elle indique que l'actionnariat est opaque, constitué par des sociétés off-shores établies dans des paradis fiscaux, l'actionnaire unique étant une société de droit anglais créée par une société russe, et souligne qu'en moins de 18 mois, ses trois anciens salariés qui ont constitué cette société, et qui n'avaient pas la compétence requise, messieurs [C] et [D], responsables des ventes n'ayant jamais participé à la création et au développement d'un débitmètre à turbine et monsieur [S], ingénieur qui n'avait de compétence que pour les débitmètres à ultrasons, ont lancé la commercialisation d'un débitmètre à turbine à hélice hélicoïdale à bords d'attaques courbes et un débitmètre à ultrasons directement concurrents à Faure Herman.

Elle fait également valoir que l'expert a relevé une stricte identité entre les différentes caractéristiques des hélices Faure Herman et M&T et indique que monsieur [X] [W] a été le directeur technique responsable de la ligne Produit Turbine et Hélices de la société Faure Herman jusqu'en 2005 et a donc été impliqué dans le développement des hélices à turbines objets du litige et qu'il a été en août 2005 chargé de former un nouveau responsable technique, monsieur [G] [L] qui en atteste.

Elle ajoute que monsieur [W] a ultérieurement créé sa propre société Cirrus Metrology et est intervenu comme consultant ultérieurement pour former et supporter techniquement la société Faure Herman sur différents dossiers techniques, en particulier les hélices dont s'agit, ayant conservé à cette époque l'accès aux abaques des hélices. Il est apparu en cours de procédure qu'il est devenu actionnaire de la société M&T.

Elle en conclut que la société M&T en s'appropriant au travers de ses anciens salariés son savoir faire résultant de investissements pour élaborer des hélices qui sont la copie quasi-servile aux siennes et en se plaçant ainsi, dans son sillage pour lui faire directement concurrence a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme.

Pour contester ces faits la société M&T qui soutient que la société de droit américain Idex Corporation propriétaire de la société Faure Herman tente de conserver son monopole et de se débarrasser de ses concurrents, fait valoir que les trois anciens salariés de la société Faure Herman étaient déliès de leur clause de non-concurrence et messieurs [S] [D] et [C] possèdent une très grande expérience du marché des débitmètres de par leurs parcours et leur expériences professionnelles qui leur permettaient de développer les premiers débitmètres en 28 mois en ce compris la période 2006, correspondant au travail effectué par monsieur [P] [S].

Elle précise qu'elle a un positionnement de niche au sein d'un secteur très concurrentiel des débitmètres sur le marché du pétrole/gaz alors que la société Faure Herman qui a intégré en 2007 le conglomérat américain Idex a une approche globale et distribue des produits destinés à l'extraction et à la production de pétrole brut, à son transfert, à sa transformation et à sa distribution et, qu'en réalité, dans ce dossier, ce conglomérat, sous le couvert de Faure Herman, cherche à se débarrasser d'un concurrent.

Elle indique que son modèle économique est celui d'une start-up et qu'elle cherche à optimiser son design d'hélice pour obtenir une fabrication totalement reproductible de celle-ci créée en CAO 3 dimensions avec l'exploitation de logiciels libres, alors que Faure Herman utilise des abaques reliées à un programme spécifique de leurs machines-outils. Elle ajoute qu'elle n'a donc pas besoin d'une grosse structure comme Faure Herman puisqu'elle bénéficie des ingénieurs et ouvriers hautement qualifiés de ses sous-traitants et prestataires d'étalonnage. Elle poursuit en indiquant qu'elle possède une équipe de R&D performante et effectue un effort R&D qui, en pourcentage est largement supérieur à celui de Faure Herman.

Elle expose également qu'elle a pour levier un fort endettement adapté à son montage juridique et perçoit des subventions publiques.

Elle fait valoir qu'elle n'a subtilisé aucun document appartenant à Faure Herman, qu'elle a commencé à commercialiser dès 2008 son débitmètre, antérieurement à Faure Herman qui a commercialisé le sien en 2009, alors que d'autres sociétés, notamment les sociétés FMC et Enha ont commercialisé des débitmètres à hélice hélicoïdale à bords d'attaque courbes bien avant cette dernière et que le savoir faire revendiqué par celle-ci est tombé dans le domaine publique.

Elle ajoute qu'il existe de nombreuses différences entre les composants de son débitmètre et celui de Faure Herman et notamment sur le profil de l'hélice et fait valoir que la société Faure Herman n'a subi aucune perte de chiffre d'affaires, ni de clientèle.

******

Sur la procédure

La société M&T a déposé le 14 mai 2014 sous le n° 155 au greffe de la Cour une hélice dont la société Faure Herman demande le rejet.

Cette pièce déposée tardivement à l'issue de cinq années de procédure n'apporte rien aux débats dès lors que rien ne permet d'établir qu'elle est conforme à celle objet de l'action alors qu'elle est d'ailleurs étiquetée 'modèle n°2". Il convient en conséquence de la rejeter.

Sur le fond

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Ainsi le principe est la liberté du commerce ce qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduit, sous réserve de l'absence de faute préjudiciable à un exercice paisible et loyal de la concurrence.

Pour que la vente d'un produit identique constitue un acte de concurrence déloyale, il convient de démonter que cette reproduction est fautive.

L'expert judiciaire [H] désigné par ordonnance du 13 janvier 2009, par voie de requête non contradictoire, dont la mission a été validée par arrêt du 27 mars 2012, a relevé qu'il 'ne voit pas de véritable développement technologique dans les débitmètres à turbine de M&T..qu'il n'a trouvé aucun programme spécifique R&D concernant les débitmètres à turbines' et indiqué que 'on a l'impression vu les délais intervenus entre l'achat d'un outil de CAD et les premières commandes pour les débitmètres HTM (turbine) qu'il n'y a pas eu beaucoup (ou pas du tout) de recherche préliminaire et que l'on est passé directement au développement'.

L'expert mentionne par ailleurs :'la technologie débitmètres à hélice de M&T est très proche de celle développée par Faure Herman pour les pales à bords d'attaque courbes. Qualitativement, les deux technologies mises en oeuvre pour le dessin des pales des turbines sont extrêmement proches. Les photographies 3 et 4 de la figure 2 montrent clairement que le noyau de la turbine Faure Herman présente un surfaçage hélicoïdal qui n'apparaît pas chez M&T. Par ailleurs chez Faure Herman l'épaisseur de la section droite des pales diminue quand on s'approche de l'emplanture. Les différences que l'on voit apparaître tiennent plutôt aux machines outils utilisées plutôt qu'au dessin per se. Si l'on compare les lignes 16 à 23 (FH) avec la ligne 24 (M&T) les différences sont insignifiantes en pourcentage. Inférieurs à 1% par rapport à la moyenne des lignes 16 à 23 pour les diamètres des canaux et des hélices et de 5% pour le diamètre du moyeu. Toutes les autres données de base sont strictement identiques. Il est à ajouter que le facteur de calibration, donné comme la fréquence maximale divisée par le débit maximum en litre/seconde, est très proche dans le premier cas (8'') et identique dans le second (16''). La comparaison de cotes de turbines dans les tableaux M&T et FH montre qu'il existe, en particulier dans le cas du diamètre de 16 pouces, une presque identité (à moins de 1% près) pour le moins troublante.'

Il ressort des opérations d'expertises que toutes les côtes de l'hélice, celles qui définissent sa forme, sa surface et l'incidence de ses pales, sont identiques, hormis le diamètre total identique à moins de 1% près et le moyeu à 5% près.

L'hélice apparaît comme un composant fondamental d'un débitmètre à turbine qu'il contient et l'hélice hélicoïdale à bords d'attaque courbes a été spécifiquement créée et développée pour les pétroles russes utilisant notamment des DRA, la recherche portant sur celle-ci ayant commencé chez Faure Herman en 2002, et chez Schlumberger, dont la technologie a été transmise en 1985 à Faure Herman (en novembre 2005 elle fabriquait déjà des turbines pourvues de pales à bord d'attaque courbes ce qui a été noté par l'expert) qui en a achevé le développement en 2007.

Cette technologie acquise par Faure Herman en 1985 qu'elle a par la suite développée sur plusieurs années par l'utilisation de moyens humains, technologiques et financiers très importants lui ont permis d'obtenir la protection de celle-ci par l'obtention d'un brevet le 31 décembre 2010.

En regard de l'étroitesse de ce marché les marges de progression pour acquérir un avantage technologique sont donc limitées et très importantes pour se différencier de la concurrence.

Mais comme le souligne avec pertinence la société M&T un débitmètre comporte plusieurs composants : le corps, la cartouche, les douilles les axes, les butées, les alignements des pivotages, l'hélice, la qualité du signal, le type de capteur de signal, le choix des matériaux, l'étalonnage,...et notamment la cartouche de mesure amovible pour le débitmètre à turbine hélicoïdale à bords d'attaque inclinés et courbes.

Or, la société Faure Herman, à qui la preuve incombe, soutient qu'il existe une reproduction que de la seule l'hélice de son dispositif sans caractériser les éléments de celle-ci qui se distinguerait de celles déjà connues et qui seraient susceptibles de constituer une appropriation indue de son savoir faire particulier.

La société Faure Herman reconnaissant d'ailleurs qu'il existe une standardisation des dimensions des débitmètres qui doivent se raccorder à des tuyauteries standardisées.

En effet, aucun document de la société Faure Herman n'a été retrouvé dans la société M&T et l'expert indique à ce titre 'rien ne permet de dire que la société M&T a eu recours à des documents ou des techniques ou secrets de fabrique ou des brevets de la société Faure Herman' et cette dernière société déclare être la seule du marché à proposé des débitmètres pour des fluides avec des viscosités supérieures à 300cSt alors que M&T ne commercialise des débitmètres à turbine dans la limite de 1230 cST pour des compteurs de taille importante.

Si des similitudes ont été relevées par l'expert entre les hélices en cause ci-dessus citées, rien ne permet d'établir que celles-ci portent sur des éléments spécifiquement créés par la société Faure Herman alors que les diamètres entres les hélices sont standardisés, que l'expert a relevé une différence du diamètre du moyeu de 5%, une différence de surface hélicoïdale chez Faure Herman et lisse chez M&T, une différence en matière d'épaisseur des pales..; qui tournent en sens inverse alors que s'agissant des ressemblances, M&T, soutient sans être contredite par des éléments probants contraires qu'elle 's'est callée sur les données usuelles de la profession qui sont publiques'.

De plus l'expert a relevé de nombreuses différences entre les cartouches des débitmètres à hélice respectivement : 3 et 4 pales.

L'hélice de Faure Herman commercialisée en 2009 présente des bords d'attaque qui ne sont courbes que sur une partie du profil à la différence de celle la société M&T et le débitmètre doté de l'hélice hélicoïdale litigieuse a été commercialisé par M&T en avril 2008 alors que celle commercialisée par Faure Herman présentant des bords d'attaque inclinés et courbes a été présentée dans la brochure TZN CUS en 2009.

Par ailleurs, monsieur [P] [S], ingénieur de formation, ayant une expérience de plus de 25 ans dans le domaine des mesures de débits de fluides industriels dans des secteurs d'activité variés, qui a disposé du temps nécessaire puisqu'au chômage à cette époque et avait la compétence requise, pour ce faire, a travaillé, sur ses fonds propres, durant l'année 2006 sur les projets de débitmètres à turbine et à ultrasons.

Puis, les trois anciens salariés de la société M&T qui disposaient des compétences requises reconnues par l'expert, en leur qualité d'ingénieur des ventes export avec une longue expérience professionnelle technique et commerciale des débitmètres, pour monsieur [O] [D], et d'ingénieur INSA génie mécanique développement et son expérience professionnelle en matériaux et mécanique des contacts et des fluides pour monsieur [I] [C], ont pu développer, contrairement à ce que soutient la société Faure Herman, et ce qu'a confirmé l'expert judiciaire, les premières déclinaisons de ces hélices, en regard du mode d'exploitation de la société faisant appel dans de très grandes proportions, à la sous-traitance pour la calibration, la fabrication des pièces, l'étalonnage, en un court temps, deux débitmètres, et procéder au lancement de la commercialisation des deux débitmètres l'un à ultrasons, l'autre à hélices, et ce d'autant que les débitmètres à hélices hélicoïdales à bords d'attaque courbes existaient déjà sur le marché émanant de la société Enha en 1988 et de la société FMC Smith en 1999 et 2000, ce que la société Faure Herman ne conteste pas, se contentant d'indiquer à ce titre que l'hélice dont s'agit qu'elle exploite est antérieure à celle de M&T.

D'ailleurs il est justifié que monsieur [O] [D] a remis à la société Faure Herman les 8 octobre 2002, 6 octobre 2004 et 10 janvier 2005 des rapports relevant que le profil à turbine à bords d'attaque droits des débits mètres Faure Herman de type TZ équipant leurs clients n'est pas fiable après avoir testé sur site une hélice de la société FMC Smith à bord d'attaque arrondis et qu'il préconise d'adopter un design similaire.

La société Faure Herman soutient par ailleurs que la technologie de l'hélice qu'elle a développée a abouti à l'obtention d'un brevet en décembre 2010 tout en prétendant l'avoir commercialisée en 2007, ce qui aurait divulgué son invention.

Si ces salariés étaient expressément déchargés de leur clause de non concurrence mais tenus au secret professionnel à l'égard de leur ancien employeur, rien n'indique qu'ils aient utilisé des documents de la société Faure Herman ou violé un quelconque secret de fabrique. L'expert a d'ailleurs relevé que 'rien ne permet de dire que M&T a développé une technologie nouvelle et particulièrement innovante par rapport à celle connue par ailleurs', une importante communication dont celle émanant de la société Faure Herman existait à cette époque sur les débitmètres à turbine alors que la société FMC Smith présentait en 2000 une brochure commerciale présentant des débitmètres à bords d'attaque courbes.

Cette technologie était donc dans le domaine publique et la société M&T qui a utilisé une technologie commune aux turbines a élaboré une hélice et un débitmètre la comportant qui se distinguent de ceux de la société Faure Herman.

La société M&S justifie s'être depuis sa création principalement financée par l'emprunt et avoir bénéficié depuis 2007 d'un crédit d'impôts recherche alors que son modèle économique de fonctionnement concentré sur la recherche et le développement en recherchant une technologie reproductible, lui permet de faire des économies d'infrastructure et de masse salariale, à la différence de la société Faure Herman qui indique travailler à partir d'abaques définissant chaque hélice de façon unique pour tout nouveau débitmètre.

L'investissement financier avancé par la société Faure Herman ne correspond pas aux frais de R&D relatifs aux hélices dont s'agit mais aux frais généraux de l'entreprise qui, à la différence de la société M&T intervient sur plusieurs secteurs technologiques et produits.

La société M&T disposait en conséquence des moyens humains, financiers et techniques pour élaborer et commercialiser des débitmètres à turbine hélicoïdale à bords d'attaque courbes.

La société Faure Herman qui n'a subi aucune baisse de chiffre d'affaires ne justifie d'aucun préjudice résultant des faits qu'elle allègue, ni de justifie de démarchage actif et déloyal de ses clients.

En l'absence de démonstration d'une quelconque faute ou fait de parasitisme et de justification d'un préjudice en résultant c'est à bon droit que le tribunal a rejeté l'ensemble des demandes de la société Faure Herman.

Il convient par ailleurs de confirmer la publication ordonnée par le tribunal par extraits des deux décisions aux frais de la société Faure Herman dans trois revues de diffusion nationale et/ou internationale au choix de la société M&T sans que le coût de chaque insertion ne dépasse la somme de 3.500 euros.

Sur les autres demandes

La société M&T soutient avoir été dénigrée en indiquant que le représentant de la société Faure Herman en Iran, informé que la société M&T projetait de former une joint venture avec la compagnie iranienne Nationale du Pétrole (NIOC) lui indiquait dans un courriel du 8 juin 2010 'on m'a dit que M&T avait confirmé qu'il était en procès et que le 22 juin il gagnerait le procès. J'ai répondu que j'en doutais.'

Elle précise que si ce représentant a confirmé l'existence de la procédure c'est que la société Faure Herman a tenté de la dénigrer auprès de la NIOC et son client dans un courriel du 16 juin 2010 lui a demandé des explications sur cette procédure.

Il est donc établi que la société Faure Herman a dénigré la société M&T auprès d'une société avec laquelle elle était en cours de négociation en rapportant l'existence d'une instance judiciaire introduite à son encontre, par elle, toujours en cours, et qui d'ailleurs a abouti défavorablement à son égard. Il s'ensuit que la société M&T est fondée en sa demande à ce titre à solliciter réparation du préjudice résultant de l'atteinte à son image et réputation en lui allouant la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts.

La présente procédure ne revêtant, en regard des circonstances de l'espèce, et notamment la présence de trois anciens salariés dans une société concurrente, aucun caractère manifestement abusif mais ne constituant que l'exercice normal d'un droit il n'y a pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de l'intimée tendant à être indemnisée à ce titre.

L'équité commande d'allouer à la société M&T la somme de 100.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel en sus de ceux déjà alloués en première instance..

Il y a lieu de condamner la société appelante qui succombe aux entiers dépens de premier instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Rejette la pièce n°155 déposée au greffe de la Cour le 14 mai 2014 par la société Metering & Technology correspondant à une hélice,

Rejette l'ensemble des demandes de la société Faure Herman,

Réforme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société Metering & Technology au titre du dénigrement,

Condamne la société Faure Herman à payer à la société intimée la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du dénigrement,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Confirme la mesure de publication judiciaire ordonnée par le tribunal,

En conséquence,

Ordonne la publication de la présente décision par extrait aux frais de la société Faure Herman dans trois revues de diffusion nationale et/ou internationale au choix de la société Metering & Technology sans que le coût de chaque insertion ne dépasse la somme de 3.500 euros.

Y ajoutant,

Condamne la société Faure Herman à payer à la société Metering & Technology la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure pour les frais exposés jusqu'à ce jour en première instance et en appel,

Rejette le surplus des demandes de la société intimée,

Condamne la société Faure Herman aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/12807
Date de la décision : 19/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°12/12807 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-19;12.12807 ?
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