La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2014 | FRANCE | N°13/12157

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 24 juin 2014, 13/12157


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 24 JUIN 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/12157



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juin 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/14438





APPELANTS



Monsieur [Z] [Q]

né le [Date naissance 2] 1932 à [Localité 5]

de nationalité français

e

[Adresse 3]

[Localité 1]



Madame [P] [H] [R] épouse [Q]

née le [Date naissance 1] 1929 à [Localité 3] (54)

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentés par Maître Véron...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 24 JUIN 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/12157

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juin 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/14438

APPELANTS

Monsieur [Z] [Q]

né le [Date naissance 2] 1932 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Madame [P] [H] [R] épouse [Q]

née le [Date naissance 1] 1929 à [Localité 3] (54)

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentés par Maître Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Assistés de Maître Philippe BOUCHEZ-EL GHOZI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0177

INTIME

Monsieur [B] [Y]

né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 4]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Maître Philippe GALLAND de la SCP GALLAND - VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assisté de Maître Jean PIETROIS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN714

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Céline LITTERI

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Céline LITTERI, greffière présente lors du prononcé.

En 1971, les consorts [F] ont donné à bail commercial un local situé [Adresse 2] d'abord à la Sci CNI dont M.[Q] était le gérant puis à la Sarl [Adresse 2] Immo (PCI) dont M. [Y] était le gérant, MM [Q] et [Y] étant associés dans plusieurs sociétés immobilières .

Les deux sociétés locataires ont fait l'objet d'une liquidation amiable, la société PCI en 2005, M. [Y] étant désigné comme liquidateur amiable.

Par acte du 21 septembre 2007, invoquant la perte de loyers qui ne pouvaient être recouvrés en raison de la dissolution des sociétés CNI et PCI qui leur avait été dissimulée et dont ils soutenaient qu'elle n'avait pour objet que d'échapper au paiement des sommes dues, les consorts [F] ont assigné en responsabilité M. [Q] et M. [Y].

Suivant accord conclu par convention sous seing privé en date du 13 mai 2008, M. [Q] s'est engagé, en cas de condamnation de M. [Y] au profit des consorts [F], à le garantir et à prendre toutes dispositions pour le décharger de toute obligation.

Par jugement du 10 décembre 2009, MM. [Q] et [Y] ont été condamnés in solidum à payer aux consorts [F] la somme de 197.749,13 euros à titre de dommages et intérêts.

Le 10 juillet 2010, M. [Y] a réglé la somme de 206.142,02 euros entre les mains des huissiers chargés de l'exécution de la décision.

Après avoir mis en demeure M. [Q] de le rembourser de cette somme en exécution de leur accord, M. [Y] a sollicité et obtenu, par ordonnance du 26 janvier 2011, l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les parts sociales de M. [Q] dans les Sci Compagnie Immobilière Parisienne (CIP) et Groupement Familial d'Investissement Immobilier (GF2I). La mesure a été dénoncée le 7 février 2011 à M. [Q] qui en a sollicité la mainlevée en soutenant qu'il n'était plus propriétaire de ces parts lesquelles avaient été cédées à son épouse par actes du 30 juin 2010, enregistrés le 31 janvier 2011.

C'est dans ces circonstances que par acte du 29 septembre 2011, exerçant l'action paulienne, M. [Y] a assigné M et Mme [Q] pour voir dire que les cessions réalisées lui sont inopposables.

Par jugement du 6 juin 2013, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté toutes les exceptions soulevées par les époux [Q], a déclaré inopposables à M. [Y] les cessions de parts sociales détenues par M. [Q] dans les Sci CIP et GF2I et a condamné in solidum les époux [Q] à payer à M. [Y] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a relevé notamment le caractère dérisoire du prix des cessions litigieuses alors que M. [Q] ne dispose d'aucun revenu ni patrimoine permettant le paiement de la dette litigieuse et que, gérant de dix-sept Sci, il est devenu totalement insolvable.

Les époux [Q] ont relevé appel selon déclaration du 17 juin 2013.

Par conclusions signifiées le 25 avril 2014, ils demandent à la cour de réformer le jugement déféré, à titre principal, vu les articles 1167 du code civil, 122 et 124 du code de procédure civile, de déclarer M. [Y] irrecevable en son action pour défaut de qualité et d'intérêt à agir, à titre subsidiaire, vu les articles 47 et 97 du code de procédure civile, 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'ordonner le renvoi de l'affaire devant l'un des tribunaux de grande instance situés dans les ressorts des cours d'appel d'Amiens, de Reims, d'Orléans ou de Rouen, à titre très subsidiaire, vu l'article 378 du code de procédure civile et la procédure actuellement pendante devant la juridiction commerciale, d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur la créance en cause, à titre encore plus subsidiaire, de rejeter les prétentions de M. [Y] et de le condamner à payer 15.000 euros à chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 29 avril 2014, M. [Y] demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner les époux [Q] au paiement de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

SUR CE

- Sur les fins de non-recevoir et exceptions

M. et Mme [Q] réitèrent en cause d'appel dans les mêmes termes les fins de non-recevoir prises du défaut de qualité et d'intérêt à agir et les exceptions fondées sur l'article 47 du code de procédure civile et de sursis à statuer que le tribunal a rejetées à juste titre.

Sur la qualité et l'intérêt à agir

Selon l'article 1167 du code civil, les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.

S'il est constant que le paiement de la somme de 206.142,02 euros a été effectué par débit du compte de Mme [Y] du chèque de banque opérant le règlement des causes de la saisie pratiquée à l'encontre de M. [Y] par les consorts [F], cette circonstance est sans incidence sur la qualité à agir de M. [Y].

Ce paiement, en effet, n'emporte pas subrogation de Mme [Y] dans les droits de son époux lequel peut seul se prévaloir d'une créance à raison des engagements souscrits par M. [Q] à son égard.

Pour dénier à M. [Y] qualité à agir, les époux [Q] font encore plaider que la créance alléguée est contestée par M. [Q] dans le cadre de l'instance actuellement pendante devant la juridiction commerciale et que l'absence de reconnaissance judiciaire de la créance exclut la fraude paulienne

Il est acquis au débat que M. [Y] a assigné M. [Q] en référé-provision en se prévalant de la créance en cause et que, renvoyé à agir au fond, il a saisi le tribunal de commerce de Paris devant lequel l'instance aux fins de paiement est pendante.

Cependant, pour engager l'action paulienne, il n'est pas nécessaire de disposer d'une créance liquide et exigible mais seulement d'un principe certain de créance au moment de l'acte argué de fraude.

La contestation opposée par M. [Q] comme défendeur à l'instance commerciale dont M. [Y] a pris l'initiative n'est pas de nature à vider de son caractère certain le principe de créance fondé sur son engagement à garantir M. [Y] d'une condamnation qui, au demeurant, a été prononcée in solidum.

M. [Y] a donc qualité à agir.

Le défaut d'intérêt qui lui est opposé à raison du paiement par son épouse ne peut qu'être écarté une fois admis que cette circonstance est sans effet sur ses droits à l'égard de M. [Q].

Sur le renvoi à une juridiction limitrophe

Il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire à raison de la fonction de magistrat au tribunal de grande instance de Paris de Mme [Y] laquelle n'est pas partie au litige, qualité que ne lui confère pas le paiement effectué, de sorte que l'article 47 du code de procédure civile ne trouve pas à s'appliquer.

Sur le sursis à statuer

Selon les époux [Q], le sursis à statuer s'impose dans l'attente de la décision du tribunal de commerce qui doit apprécier la qualité de créancier de M. [Y] lequel ne dispose pas à ce jour d'une créance certaine.

Mais dès lors que l'action paulienne a pour seule finalité de préserver les créanciers d'une fraude à leurs droits et qu'il suffit, comme il a été dit, d'un principe certain de créance au moment de l'acte argué de fraude pour l'engager, il n'apparaît pas nécessaire ni opportun de surseoir à statuer.

- Sur le bien fondé de l'action paulienne

Sur le fond, les époux [Q] critiquent le jugement pour avoir retenu la fraude paulienne en l'absence de justification de celle-ci et de preuve de l'insolvabilité de M. [Q] comme de la complicité de son épouse. Ils soutiennent que les cessions litigieuses procèdent d'un souci légitime de transmission de patrimoine tout à fait classique dans des sociétés familiales qui a conduit M. [Q] à céder à son épouse et co-associée ses 400 parts en usufruit ce qui justifie le prix de cession modique, mais non vil, des parts sociales lesquelles sont démembrées et minoritaires. Ils soulignent que M. [Q] n'est pas insolvable mais dispose de nombreux actifs comme le reconnaissait M. [Y] dans ses écritures de première instance et comme il en convient encore dans ses dernières écritures visant les actifs détenus dans 17 sociétés. Ils ajoutent que M. [Q] justifie qu'il disposait de plusieurs comptes bancaires tant au moment de la cession litigieuse que postérieurement et que la preuve de l'insolvabilité qui est à la charge du créancier n'est pas rapportée.

Des pièces au débat, il ressort que par deux actes datés du 30 juin 2010 mais enregistrés auprès des services fiscaux seulement le 31 janvier 2011, M. [Q] a cédé à son épouse 400 parts en usufruit sur les 1 000 parts existantes de la Sci CIP moyennant le prix de 1.000 euros, 400 parts en nue-propriété et 175 parts en usufruit de la Sci GF21 les parts en nue-propriété pour 10.000 euros et celles en usufruit pour 1.000 euros.

Les cessions arguées de fraude sont intervenues après la condamnation en date du 10 décembre 2009 de M. [Y] envers les consorts [F] qui le conduisait à se prévaloir de l'engagement de M. [Q] lequel, par convention du 30 mai 2008, s'est obligé ' en cas de condamnation solidaire ou non de lui-même et de M. [Y] à se substituer à ce dernier en faisant son affaire personnelle des conséquences de la procédure susvisée' .

Elles ont réalisé un appauvrissement de M. [Q] en ce que la valorisation des parts n'est manifestement pas à la mesure du patrimoine des sociétés, constitué d'immeubles parisiens, l'argument pris de la logique de transmission familiale étant à cet égard inopérant.

S'agissant de la condition d'insolvabilité du débiteur, il sera rappelé qu'en application de l'article 1167 du code civil, si c'est au créancier exerçant l'action paulienne d'établir l'insolvabilité apparente du débiteur à la date de l'acte litigieux, c'est à ce dernier qu'il incombe de prouver qu'il disposait à cette date de biens d'une valeur suffisante pour répondre de son engagement à l'égard du créancier.

Or M. [Y] n'est pas sérieusement contredit lorsqu'il affirme que les parts sociales cédées constituaient les seuls actifs connus de M. [Q], que celui-ci n'est plus associé d'aucune des dix-sept sociétés dont il est le gérant, qu'il n'est pas propriétaire de son logement et qu'il n'exerce aucune activité salariée ce qui suffit à établir l'insolvabilité apparente de M. [Q]. Tandis que celui-ci argue de disponibilités bancaires mais produit des relevés de comptes ouverts à son nom auprès de la Banque postale et de la Société générale dont toutes les informations chiffrées ont été occultées.

La condition de l'action paulienne tenant à l'insolvabilité du débiteur est donc acquise.

Les circonstances des cessions qui ont été enregistrées le 31 janvier 2011, six mois après la date portée sur les actes mais quelques jours seulement après la délivrance à M. [Q] d'une assignation en référé en date du18 janvier 2011 et qui ont été consenties pour un prix dérisoire établissent la fraude paulienne dans la personne de M. [Q].

La complicité du tiers acquéreur résulte suffisamment du prix des cessions étant souligné que Mme [Q] est associée de la plupart des sociétés gérées par son mari.

C'est donc par une juste appréciation que les premiers juges ont accueilli l'action et déclaré les cessions de parts sociales inopposables à M. [Y].

Le jugement sera confirmé en tous points.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de confirmer les dispositions du jugement et, y ajoutant, de condamner les époux [Q] à payer à M. [Y] la somme de 5.000 euros pour les frais exposés en appel.

Parties perdantes, les époux [Q] supporteront les dépens ce qui conduit à rejeter leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Condamne in solidum M et Mme [Q] à payer à M. [Y] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne in solidum M et Mme [Q] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/12157
Date de la décision : 24/06/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°13/12157 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-24;13.12157 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award