Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRET DU 20 JUIN 2014
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05984
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Février 2013 -Tribunal de Grande Instance d'AUXERRE - RG n° 11/00812
APPELANT AU PRINCIPAL / INTIME A TITRE INCIDENT
Monsieur [E] [T]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Chantal-Rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0066
Assisté de Me Laure DREYFUS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1574
INTIMÉE AU PRINCIPAL / APPELANTE A TITRE INCIDENT
Madame [V] [O]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Pierre ROBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0622
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Françoise MARTINI, conseillère, chargée d'instruire le dossier.
Un rapport a été présenté dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne VIDAL, présidente de chambre
Madame Françoise MARTINI, conseillère
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne VIDAL, présidente de chambre et Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier.
Mme [O] a contracté mariage avec M. [T] le [Date mariage 1] 1960 sous le régime de la communauté légale. Par acte notarié du 1er mars 2002, ils ont adopté le régime matrimonial de la séparation de biens. Cet acte a été homologué par jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 12 juin 2003.
Le 24 mars 2011, Mme [O] a introduit à l'encontre de M. [T] une action en paiement de la somme de 141 739 euros représentant le montant de plusieurs reconnaissances de dettes. Par jugement du 4 février 2013, le tribunal de grande instance d'Auxerre a prononcé avec exécution provisoire la condamnation de M. [T] à lui payer la somme de 127 739 euros à des reconnaissances de dette souscrites les 13 juin 2000 (300 000 francs soit 45 739 euros), 11 janvier 2003 (15 000 euros), 8 mars 2004 (12 000 et 7 500 euros), 19 janvier 2006 (4 000, 13 500 et 2000 euros), 30 août 2007 (21 200 euros) et pour une somme reçue entre le 6 avril 2004 et le 5 janvier 2005 (6 800 euros), augmentée des intérêts au taux légal à compter d'une mise en demeure du 6 janvier 2011, ainsi que celles de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et a rejeté les autres demandes. Le tribunal a retenu que la réclamation complémentaire faite au titre d'un prêt de 14 000 euros dont Mme [O] faisait état dans un courrier du 3 mars 2009 n'était corroborée par aucun élément. Il a pour le reste relevé que M. [T] ne contestait pas la régularité des documents au regard des dispositions de l'article 1326 du code civil, et écarté les moyens par lesquels il soutenait que les sommes litigieuses lui avaient été remises au titre du devoir de secours de l'épouse et que les reconnaissances de dette avaient été signées sous la contrainte de la nécessité et de son extrême faiblesse financière et psychologique et étaient toutes empreintes d'équivoque.
M. [T] a relevé appel de ce jugement et, dans ses dernières conclusions notifiées le 31 mars 2014, il demande au visa des articles 1326, 1134, 212 et 1382 du code civil de débouter Mme [O] de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer les sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Très subsidiairement, il demande de juger qu'il ne saurait être condamné à payer à son épouse une somme supérieure à 82 000 euros, à l'exclusion des sommes réclamées au titre de la reconnaissance de dette de 300 000 francs du 13 juin 2000 (45 739 euros) prise en compte lors du changement de régime matrimonial et de la somme de 14 000 euros au titre du prêt complémentaire non justifié.
Formant appel incident, Mme [O] demande, dans ses dernières conclusions notifiées le 31 juillet 2013, de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté sa demande au titre du prêt complémentaire et de condamner M. [T] au paiement en principal d'une somme de 141 739 euros, de le débouter des fins de son appel, et de le condamner à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le prêt de 300 000 francs (45 739 euros) qui fait l'objet de la reconnaissance de dette du 13 juin 2000 était expressément destiné à une acquisition immobilière à [Localité 2] réalisée par M. [T] le 17 août 2000. Cette acquisition entrait dans l'actif de la communauté suivant le régime légal établi entre les époux jusqu'au changement de leur régime matrimonial adopté le 1er mars 2002 et homologué le 12 juin 2003, et a été inscrite comme telle dans les opérations de comptes liquidation et partage de leur communauté retracées dans l'acte notarié du 1er mars 2002. Si cet acte de partage ne comporte aucune mention spécifique relative au prêt consenti par Mme [O] pour réaliser cette acquisition, il tient compte de l'exercice par l'épouse de la reprise en deniers de ses biens propres d'un montant de 163 098,95 euros, représentant la récompense qui lui revient au titre des fonds ayant profité à la communauté comme c'est le cas du prêt litigieux. Les opérations de liquidation et partage de la communauté ayant été clôturées, Mme [O] ne peut prétendre au remboursement de fonds qui relevaient de la reprise qu'elle a effectuée. La circonstance que l'épouse n'ait bénéficié d'aucune soulte sur la valeur de l'immeuble, ainsi que l'a retenu le tribunal pour condamner M. [T] au paiement des sommes prêtées, n'est que le résultat des attributions opérées dans la masse à partager pour fournir à chacune des parties le montant de ses droits dans l'actif net. C'est donc à tort que le tribunal a inclus ce prêt de 45 739 euros dans le montant de la condamnation prononcée.
Pour le reste, le tribunal a exactement analysé l'obligation de M. [T] à rembourser la somme de 82 000 euros empruntée postérieurement au partage, en excluant la demande complémentaire d'une somme de 14 000 euros qui ne correspond à aucun engagement écrit de M. [T]. Même si certaines des reconnaissances de dette ne comportent pas la mention de la somme empruntée en toutes lettres et en chiffres suivant les exigences de l'article 1326 du code civil, M. [T] n'a jamais contesté le montant des sommes reçues et la matérialité des engagements écrits de sa main, lesquels sont dépourvus de toute équivoque quant à la nature et à la portée de son obligation. Il ne démontre par aucun élément avoir souscrit ces documents dans un état de contrainte de nature à vicier son consentement, ni que Mme [O] ait abusé d'une situation de précarité financière consécutive à un accident dont il a été victime en 1987, alors que la remise de fonds qu'elle lui octroyait n'était assortie d'aucune rémunération ni d'une durée déterminée. La somme de 82 000 euros ainsi versée sur cinq ans va au-delà du devoir de secours auquel les époux demeurent tenus puisque la pension alimentaire à laquelle M. [T] peut prétendre a été fixée à 800 euros par mois, soit 9 600 euros par an, suivant un jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 24 octobre 2011 confirmé par arrêt du 9 janvier 2014, et qu'avant même cette décision l'épouse justifie avoir satisfait à son devoir en versant depuis 2004 une aide dûment déclarée au titre de leurs revenus respectifs soumis à l'impôt.
Le préjudice indépendant du retard apporté au paiement pouvant justifier au profit de Mme [O] l'allocation de dommages et intérêts distinct des intérêts des droit n'est pas caractérisé.
Le droit d'agir n'a pas dégénéré en abus pouvant justifier l'allocation de dommages et intérêts au profit de M. [T].
Il est équitable de compenser à hauteur de 1 000 euros les frais non compris dans les dépens que Mme [O] a été contrainte d'exposer.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [T] à payer à Mme [O] la somme de 45 739 euros au titre d'une reconnaissance de dette du 13 juin 2000 et à lui verser des dommages et intérêts pour résistance abusive,
Statuant à nouveau dans cette limite,
Déboute Mme [O] de ces deux chefs de demandes,
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [T] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et à verser à Mme [O] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du même code.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT