Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRET DU 30 MAI 2014
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/03425
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/14749
APPELANTES
Madame [C] [X]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
Assistée de Me Edwin BUTTERY, avocat au barreau de PARIS, toque : P346 substituant Me Olivia COLMET-DAAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : P346
Madame [K] [X] épouse [I]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
Assistée de Me Edwin BUTTERY, avocat au barreau de PARIS, toque : P346 substituant Me Olivia COLMET-DAAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : P346
Madame [Z] [X] épouse [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
Assistée de Me Edwin BUTTERY, avocat au barreau de PARIS, toque : P346 substituant Me Olivia COLMET-DAAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : P346
INTIMÉE
CREDIT FINANCE CORPORATION LIMITED -C.F.C.L. prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 6]
[Localité 5] / ANGLETERRE
Représenté par Me Victoria DAVIDOVA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141 substituant Me Xavier NORMAND BODARD de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Avril 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Anne VIDAL, présidente de chambre, chargée d'instruire le dossier.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne VIDAL, présidente de chambre
Madame Françoise MARTINI, conseillère
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne VIDAL, présidente de chambre et par Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. [E] [X] et Mme [C] [X] qui s'étaient portés cautions personnelles et solidaires de deux prêts de 5.500.000 F et de 1.500.000 F souscrits, le premier par la société BETITO, le second par la société Hôtel Sylvia auprès de la Caisse Foncière de Crédit ont, à la suite de la cessation du remboursement de ces prêts par les deux sociétés puis de leur mise en procédure collective, été condamnés par la cour d'appel de Paris, par arrêt confirmatif en date du 27 octobre 2000, à payer les sommes de 7.173.353,11 F et 2.092.459,73 F, assorties des intérêts au taux de 12,10% à compter du 15 août 1999, à la société Crédit Finance Corporation Limited (la société CFCL), cessionnaire des créances de la Caisse Foncière de Crédit. Par ailleurs, M. et Mme [X] ont, par acte reçu par Me [W], notaire à Paris, le 16 octobre 2000, fait donation à leurs deux filles, Mme [Z] [X] épouse [J] et Mme [K] [X] épouse [I], de la nue-propriété d'un studio leur appartenant à [Adresse 4].
Par actes d'huissier en date des 11 décembre 2001 et 27 décembre 2002, la société CFCL a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris M. [E] [X] et Mme [C] [X], ainsi que Mme [Z] [X] et Mme [K] [X] pour voir déclarer l'acte de donation fait en fraude de ses droits inopposable. Par actes en date des 24 février 2003 et 3 août 2004, elle a également fait assigner la Société BAUDESOIR Limited à laquelle le studio avait été vendu le 8 août 2001.
[E] [X] est décédé le [Date décès 1] 2007 et ses héritiers ont déclaré renoncer à sa succession.
Par jugement en date du 6 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a :
Déclaré l'instance éteinte à l'encontre de [E] [X],
Dit inopposables à la société CFCL l'acte en date du 16 octobre 2000 portant donation de la nue-propriété du studio sis à [Adresse 4], par [E] [X] et Mme [C] [X] à leurs deux filles, et l'acte en date du 8 août 2011 portant vente de cet immeuble par [E] [X], Mme [C] [X], Mme [Z] [X] et Mme [K] [X] à la Société BAUDESOIR Limited,
Condamné in solidum Mme [C] [X], Mme [Z] [X], Mme [K] [X] et la Société BAUDESOIR Limited à payer à la société CFCL la somme de 165.000 € à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 6.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejeté le surplus des demandes,
Ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Il a retenu que les demandes de la société CFCL étaient recevables, même si elle n'avait pas publié son assignation et sans qu'il lui soit fait obligation de mettre en cause le sous-acquéreur de bonne foi de la Société BAUDESOIR Limited.
Il a jugé que l'acte de donation avait été conclu en fraude des droits du créancier et en connaissance, tant par les donataires que par les donateurs, du préjudice résultant de l'appauvrissement du patrimoine des débiteurs et que la vente était intervenue 10 mois après l'arrêt de la cour d'appel dans le but de faire sortir le bien le plus rapidement possible du patrimoine familial au profit de la Société BAUDESOIR Limited dont Mme [C] [X] était la seule porteuse de parts, tous éléments permettant d'établir la volonté de frauder les droits du créancier et la mauvaise foi de l'acquéreur qui avait parfaitement connaissance du préjudice subi par la société CFCL. Il retenu que les consorts [X] et la Société BAUDESOIR Limited avaient, par leurs fautes, concouru au préjudice de la société CFCL, définitivement privée du gage que constituait l'appartement de [Localité 4], vendu à un prix inférieur à sa valeur dont rien ne justifie qu'il ait été payé, et il a fixé les dommages et intérêts à la somme de 165.000 € correspondant au prix de revente du bien en 2004.
Mme [C] [X], Mme [Z] [X] et Mme [K] [X] ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 20 février 2013 à l'encontre de la société CFCL seulement.
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Mme [C] [X], Mme [Z] [X] et Mme [K] [X], aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 27 février 2014, demandent à la cour d'infirmer la décision, sauf en ce qu'elle a déclaré l'instance éteinte à l'égard de [E] [X] et de :
Concernant la donation en nue-propriété :
Constater l'absence de fraude paulienne de leur part, compte tenu de l'objet et de la nature de cet acte et du but légitime poursuivi par elles,
Constater que l'action paulienne à l'encontre de cet acte n'est pas fondée compte tenu de la revente du bien à la Société BAUDESOIR Limited,
Constater que Mme [Z] [X] et Mme [K] [X] ont renoncé au bénéfice de la donation faite entre leurs mains et qu'elles sont de parfaite bonne foi,
Concernant la vente :
Constater la défaillance de la société CFCL à prendre les mesures propres à préserver son droit de créance et l'absence de preuve de toute concertation frauduleuse de la part de Mme [C] [X], Mme [Z] [X] et Mme [K] [X],
Débouter en conséquence la société CFCL de toutes ses demandes dirigées contre elles et la condamner à leur verser, à chacune, une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et ensemble une somme de 25.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles font valoir, concernant la donation, que les époux [X] ont donné la nue-propriété à leurs filles compte tenu de leur âge et que, s'ils avaient voulu frauder les droits de leur créancier, ils n'auraient pas fait un acte aussi ostensible et auraient, à tout le moins, donné la pleine propriété ; au demeurant, ceux-ci pensaient obtenir gain de cause devant la cour d'appel eu égard au caractère totalement disproportionné de leur engagement de caution par rapport à leurs facultés personnelles ; Mme [Z] [X] et Mme [K] [X] ont en outre, au regard de la situation financière particulièrement difficile de leurs parents, renoncé au bénéfice de cette donation le 7 août 2001, lors de la vente à la Société BAUDESOIR Limited à laquelle elles sont totalement étrangères, renonciation qui a contribué à l'enrichissement du patrimoine des débiteurs.
Elles soutiennent, concernant la vente à la Société BAUDESOIR Limited, que celle-ci a été faite dans un but purement alimentaire ; il n'y a pas eu volonté d'appauvrissement de leur part, peu importe que le prix fixé ait été proche de la valeur d'achat et que le prix de revente par la Société BAUDESOIR Limited ait été supérieur ; contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, Mme [C] [X] n'était pas l'associée unique de la Société BAUDESOIR Limited mais était titulaire d'une seule part sur les 500 parts de cette société de droit anglais à laquelle elle était totalement étrangère et qui a été dissoute le 12 février 2008.
Elles contestent leur condamnation au paiement de dommages et intérêts en soulignant que l'action paulienne vise à voir déclarer un acte inopposable au créancier mais ne permet pas au créancier de réclamer des dommages et intérêts contre le débiteur dont l'insolvabilité est une des conditions de l'action mais seulement contre les tiers bénéficiaires de l'acte sous réserve de démontrer leur mauvaise foi. La société CFCL ne peut invoquer la responsabilité délictuelle des appelantes au titre de la revente consentie le 1er juillet 2004 par la Société BAUDESOIR Limited, revente à laquelle elles sont totalement étrangères.
Elles ajoutent que la société CFCL ne peut leur demander réparation d'un préjudice qui n'est que le résultat de sa propre carence à protéger ses intérêts, en prenant une mesure conservatoire sur le bien, dans un premier temps, en publiant son assignation ensuite.
Elles terminent en indiquant que la société CFCL s'acharne contre Mme [C] [X] et ses filles depuis de nombreuses années, ce qui justifie sa condamnation à leur verser des dommages et intérêts pour procédure abusive.
La société Crédit Finance Corporation Limited (CFCL), en l'état de ses dernières écritures signifiées le 3 mars 2014, conclut au rejet de l'appel de Mme [C] [X], Mme [Z] [X] et Mme [K] [X], à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et à la condamnation des appelantes in solidum à lui payer une somme de 8.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que les conditions de la fraude paulienne sont réunies pour les deux actes attaqués :
elle dispose d'une créance certaine, liquide et exigible antérieure aux actes litigieux ;
les époux [X] avaient conscience, au moment de l'acte de donation et au moment de la vente, du préjudice causé à leur créancier, étant rappelé qu'une procédure de saisie immobilière portant sur un autre bien immobilier était alors en cours, que les débiteurs savaient que leur situation était obérée et que la vente a permis de substituer à l'immeuble des fonds plus difficiles à appréhender pour leur créancier ; la preuve de la mauvaise foi des donataires n'est pas une condition de l'action paulienne exercée contre un acte à titre gratuit ; la Société BAUDESOIR Limited était une émanation des consorts [X], son unique associée étant Mme [C] [X] au regard du document intitulé « annual return » du 15 février 2002, et a agi sur le fondement d'une assemblée générale du 30 avril 2001 à laquelle Mme [C] [X] était l'actionnaire unique. Elle ajoute que les conditions de la vente consentie à la Société BAUDESOIR Limited démentent le caractère alimentaire de celle-ci, en soulignant le fait que le prix a été fixé à 500.000 F (alors que l'immeuble avait été acheté dix-sept ans plus tôt 475.000 F et qu'il a été revendu trois ans plus tard 165.000 €, soit 1.082.329 F) et qu'il n'est pas établi qu'il aurait été effectivement réglé, 150.000 F étant payés hors la comptabilité du notaire et 350.000 F faisant l'objet d'un crédit-vendeur. Elle indique également que la prétendue négligence du créancier qui n'a pas pris de mesures conservatoires ne le prive pas de la possibilité d'exercer l'action paulienne.
L'insolvabilité des époux [X] n'est pas discutée.
Elle ajoute que la revente du bien en juillet 2004 s'est inscrite dans le cadre du concert frauduleux organisé par les consorts [X], la Société BAUDESOIR Limited étant parfaitement informée de la procédure en paiement engagée, et qu'elle est bien fondée, à raison du préjudice en résultant pour elle, à solliciter réparation de celui-ci à hauteur du prix de 165.000 €, l'action paulienne n'étant qu'une application de la responsabilité civile permettant d'obtenir réparation du préjudice causé par le débiteur, tant contre celui-ci que contre les tiers acquéreurs, puisque la réparation en nature n'est plus possible.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 13 mars 2014.
MOTIFS DE LA DECISION :
Considérant qu'il est constant que [E] [X] et son épouse, Mme [C] [X], ont été condamnés par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 25 novembre 1998 à verser à la société CFCL en leur qualité de cautions solidaires de la société Hôtel SYLVIA une somme de 1.563.429,27 F et en leur qualité de cautions solidaires de la SA BETITO une somme de 5.399.358,83 F, outre intérêts au taux de 12,10% à compter du 5 mars 1996 ; que cette condamnation, assortie de l'exécution provisoire, a été confirmée par la cour d'appel de Paris, sur l'appel interjeté par M. et Mme [X], par décision en date du 27 octobre 2000, la cour retenant que ceux-ci, détenteurs du capital de la société Hôtel SYLVIA et administrateurs de la SA BETITO, étaient des commerçants très avertis et connaissaient parfaitement la nature et la portée de leurs engagements, dans le cadre de mécanismes et d'opérations complexes répondant à leurs souhaits ;
Que, quelques jours avant l'arrêt de la cour et par acte authentique en date du 16 octobre 2000, [E] [X] et Mme [C] [X] ont fait donation à leurs filles, Mme [Z] [X] et Mme [K] [X], de la nue-propriété d'un appartement sis à [Adresse 4] ; que, quelques mois plus tard, suivant acte authentique en date du 8 août 2001, [E] [X] et Mme [C] [X], usufruitiers, et Mme [Z] [X] et Mme [K] [X], nues-propriétaires, ont vendu cet appartement à la Société BAUDESOIR Limited, moyennant le prix de 500.000 F (soit 76.224,51 €) ; que l'immeuble a ensuite été revendu par la Société BAUDESOIR Limited à un sous-acquéreur, Mme [Y] [G], le 1er juillet 2004, moyennant le prix de 165.000 € ;
Que la société CFCL a attrait en justice [E] [X] et Mme [C] [X], ses débiteurs, ainsi que Mme [Z] [X] et Mme [K] [X] et la Société BAUDESOIR Limited pour voir déclarer les actes de donation du 16 octobre 2000 et de vente du 8 août 2001 inopposables sur le fondement de l'article 1167 du code civil et obtenir leur condamnation à lui verser des dommages et intérêts correspondant à l'appauvrissement du patrimoine de ses débiteurs ; que [E] [X] est décédé et que ses héritiers ont renoncé à sa succession, de sorte que l'action s'est poursuivie contre Mme [C] [X], ses deux filles et la Société BAUDESOIR Limited ;
Que le tribunal a fait droit aux demandes de la société CFCL et condamné Mme [C] [X], Mme [Z] [X] et Mme [K] [X] et la Société BAUDESOIR Limited in solidum la somme de 165.000 € à titre de dommages et intérêts ;
Que les consorts [X] ont interjeté appel de cette décision sans attraire devant la cour la Société BAUDESOIR Limited à l'égard de laquelle le jugement est donc définitif ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1167 du code civil, le créancier peut attaquer les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits ; que l'exercice de l'action suppose que l'acte attaqué ait appauvri le débiteur et l'ait rendu insolvable, qu'il ait été réalisé postérieurement à la naissance de la dette et à tout le moins alors que le principe de la dette était acquis au créancier, et qu'il ait été accompli par le débiteur en connaissance du préjudice ainsi causé au créancier par la création ou l'augmentation de son insolvabilité ; que, lorsque l'acte est passé à titre gratuit, la fraude du débiteur est suffisante, alors que, pour un acte passé à titre onéreux, le créancier doit en outre établir la complicité du tiers à la fraude ;
Considérant, concernant l'acte de donation du 16 octobre 2000, qu'il convient de noter que la société CFCL était, à cette date, titulaire d'une créance dont le principe était acquis en l'état des actes de cautionnement souscrits en 1990 par les époux [X] au profit des sociétés dont ils étaient les administrateurs et dont ils détenaient le capital et en l'état du jugement du tribunal de commerce du 25 novembre 1998, certes frappé d'appel, les condamnant au profit de la société CFCL en sa qualité de cessionnaire des créances de la Caisse Foncière de Crédit ; que l'acte de donation a eu pour effet d'appauvrir le patrimoine des époux [X] de la valeur de la nue-propriété ainsi transmise à leurs filles mais également et surtout de faire échec aux poursuites de leur créancier sur ce bien en démembrant la propriété, ce qui constituait un obstacle majeur à toute saisie du bien ; que les débiteurs, en procédant à cette donation, avaient une parfaite conscience du préjudice causé à leur créancier, lequel avait engagé une procédure de saisie immobilière sur un autre bien immobilier leur appartenant, sis à [Adresse 5], donné en garantie du cautionnement solidaire et hypothécaire consenti par eux ; qu'il importe peu que l'acte de donation, du fait de sa publication, ait été ostensible, la fraude des débiteurs étant établie dès lors qu'il est démontré qu'ils ont passé l'acte en connaissance du préjudice causé à leur créancier par la soustraction d'un bien du patrimoine sur lequel celui-ci pouvait exercer ses poursuites en recouvrement d'une créance dont ils connaissaient l'importance ;
Que le créancier n'a pas à démontrer la fraude des donataires ; que c'est en vain, au demeurant, que Mme [Z] [X] et Mme [K] [X] prétendent, pour soutenir leur bonne foi, qu'elles ont renoncé au bénéfice de cette donation, ce qui a contribué, disent-elles, à l'enrichissement du patrimoine de leurs parents ; qu'en effet, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, cette renonciation n'est intervenue que concomitamment à l'acte de vente du bien à la Société BAUDESOIR Limited, afin de favoriser celle-ci, démontrant ainsi que la volonté des donateurs et des donataires n'était pas d'organiser la transmission du patrimoine des parents à leurs filles, mais bien de frauder les droits du créancier en soustrayant le bien de son gage jusqu'à sa revente ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article 1167 du code civil pour déclarer l'acte de donation du 16 octobre 2000 inopposable à la société CFCL ;
Considérant, concernant l'acte de vente du 8 août 2001, qu'il convient de retenir que cet acte est intervenu après la condamnation des époux [X] et qu'il a eu pour conséquence d'appauvrir leur patrimoine en faisant sortir définitivement de celui-ci un bien immobilier sur lequel la société CFCL aurait pu exercer ses poursuites de créancier ; que la volonté de frauder les droits de la société CFCL ressort à la fois du prix auquel la vente a été consentie et de la qualité de l'acquéreur ; qu'en effet, le tribunal a justement fait ressortir que le prix de 500.000 F (soit 76.224,51 €) était quasiment identique au prix d'acquisition du bien dix-sept ans auparavant et que la Société BAUDESOIR Limited n'était qu'une émanation de la famille [X], dont Mme [C] [N] [X] était, aux termes du rapport annuel de cette société daté du 15 février 2002, le seul porteur de parts pour avoir acquis la seule action alors délivrée, le 15 février 2001 ;
Que c'est en vain que les appelantes contestent la volonté d'appauvrissement du patrimoine des débiteurs en soutenant que la vente avait un caractère purement alimentaire pour les époux [X] ; qu'en effet, outre le fait que le prix de 500.000 F était manifestement inférieur à la valeur réelle du bien (ce que démontrera la vente consentie moins de trois ans plus tard), il n'est pas établi qu'il a été effectivement réglé par la Société BAUDESOIR Limited, l'acte prévoyant un versement comptant de 150.000 F seulement, versé hors la comptabilité du notaire, et le paiement du solde moyennant un crédit vendeur de douze mois ;
Que c'est également en vain que les appelantes soutiennent que Mme [C] [X] était étrangère à la Société BAUDESOIR Limited, au regard du rapport annuel («Annual Return ») produit aux débats et du courrier adressé le 5 octobre 2003 à cette société par Mme [X] (signant son courrier « [N] [X] » en utilisant ainsi son second prénom) lui demandant de prendre toutes dispositions pour qu'elle ne soit plus actionnaire de cette société ; que le tribunal a par ailleurs justement relevé, pour caractériser les liens des consorts [X] avec la Société BAUDESOIR Limited, que cette dernière avait acquis, le même jour, 8 août 2001, un autre immeuble dont M. et Mme [X] étaient propriétaires à Nice et qu'il y a lieu d'ajouter, en lecture du courrier du syndic de cet immeuble en date du 1er août 2012, que cette société, toujours propriétaire de l'appartement de Nice, est domiciliée au cabinet Immobilière GRIMALDI, dont le gérant est M. [T] [X] ;
Que le tribunal a donc justement considéré que l'acte de vente du 8 août 2001 devait être déclaré inopposable à la société CFCL ;
Considérant que les appelantes soutiennent de manière inopérante que la société CFCL ne peut se prévaloir d'un préjudice qui ne serait que le résultat de sa propre carence à protéger ses intérêts de créancier ; qu'en effet, si le créancier qui a obtenu à l'encontre de son débiteur un jugement de condamnation a la possibilité de faire inscrire une hypothèque légale sur les immeubles appartenant à ce dernier, le fait de n'avoir pas pris la précaution d'obtenir un tel droit réel accessoire sur l'immeuble, lequel lui aurait conféré un droit de suite, ne le prive pas de la possibilité d'exercer l'action paulienne afin que l'aliénation de l'immeuble lui soit déclarée inopposable ;
Considérant que l'action paulienne a pour effet de permettre au créancier d'échapper aux effets d'une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d'en faire éventuellement saisir l'objet entre les mains du tiers, bénéficiaire de l'acte frauduleux ; que cependant, lorsque le bien n'est plus entre les mains du contractant du débiteur à la suite de sa cession à titre onéreux à un sous-acquéreur de bonne foi, le créancier ne peut plus exercer ses droits sur le bien et dispose alors d'une action en responsabilité contre son débiteur et contre le contractant de celui-ci qui est tenu, à défaut de pouvoir restituer le bien lui-même, d'en restituer la valeur à concurrence du montant de sa créance ;
Qu'il ressort de la chronologie et de la teneur des différents actes, que [E] [X] et son épouse Mme [C] [X], mais également leurs filles, Mme [Z] [X] et Mme [K] [X], ont monté un véritable concert frauduleux en vue de faire échapper l'immeuble de [Localité 4] aux poursuites de la société CFCL, d'une part en participant au démembrement de propriété et à la donation de nue-propriété de l'immeuble, d'autre part en procédant à la vente de ce bien à la Société BAUDESOIR Limited dans les conditions qui ont été analysées plus haut ; que Mme [Z] [X] et Mme [K] [X] ne peuvent sérieusement prétendre avoir été étrangères au caractère frauduleux de ces opérations, dès lors qu'elles ne méconnaissaient pas, ainsi qu'elles l'indiquent dans leurs écritures pour justifier leur renonciation à la donation de nue-propriété, la situation financière lourdement obérée de leurs parents ;
Qu'il est avéré que la société CFCL n'a pas été réglée de la totalité de sa créance ; que Mme [C] [X] a invoqué son insolvabilité et déposé un dossier de surendettement pour obtenir un étalement de sa dette mais que le JEX du tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 8 août 2011 confirmé par la cour d'appel le 23 octobre 2012, a considéré la demande de Mme [C] [X] tendant au traitement de sa situation de surendettement irrecevable en raison de sa mauvaise foi ;
Qu'au regard de ces différents éléments, il convient de confirmer le jugement qui a condamné in solidum Mme [C] [X], Mme [Z] [X] et Mme [K] [X], à verser à la société CFCL, non encore réglée de sa créance, la somme de 165.000 €, correspondant à la valeur du bien telle que ressortant du prix de revente de celui-ci en 2004 et au préjudice résultant pour cette société de l'impossibilité d'exercer ses poursuites sur ce bien par l'effet des actes commis en fraude de ses droits ;
Considérant que le tribunal a justement rejeté la demande des consorts [X] en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive en considération du caractère bien fondé de l'action engagée contre eux par la société CFCL ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article 696 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [C] [X], Mme [Z] [X] et Mme [K] [X] in solidum à payer à la société Crédit Finance Corporation Limited (CFCL) une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Les condamne aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT