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13/05/2014 | FRANCE | N°13/05976

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 13 mai 2014, 13/05976


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 13 MAI 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05976



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 06020948





APPELANT



Monsieur [N] [P]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 3] (67)

de nationalité française



[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Maître Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assisté de Maître Kristell CATTANI, av...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 13 MAI 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05976

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 06020948

APPELANT

Monsieur [N] [P]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 3] (67)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Maître Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assisté de Maître Kristell CATTANI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0082

INTIMEE

SAS DDB & CO agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Maître Olivier GUIDOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Céline LITTERI

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Céline LITTERI, greffière présente lors du prononcé.

La société Equity Conseil exerce une activité de conseil en communication financière pour les entreprises cotées en bourse, oeuvrant notamment à destination des petites et moyennes entreprises souhaitant s'introduire sur le marché boursier.

[N] [P], fondateur et actionnaire à hauteur de 78,53 % du capital de cette société, en était le président-directeur général.

Le modèle économique d'Equity Conseil reposait sur la perception de rémunération de nature différentes : des honoraires de conseil, une rémunération de résultat, dite 'incentive' indexée sur le montant des capitaux levés en bourse et des primes de résultat correspondant à un intéressement à la performance boursière des sociétés conseillées.

Par acte sous seing privé du 28 décembre 2001, réitéré par acte en date du 15 janvier 2002, la société DDB Communication France à laquelle s'est substituée sa filiale DDB & Co ( DDB dans la suite de la décision) a acquis 74, 225% du capital d'Equity Conseil, l'économie générale de la cession étant la suivante :

- le prix définitif de la cession était déterminée sur trois exercices en fonction des résultats de l'entreprise en 2001, 2002 et 2003,

- un acompte calculé à partir de la valorisation de la société au vu de la situation nette comptable arrêtée au 31 décembre 2000 au prorata des actions cédées était versé aux cédants, soit une somme globale de 4 009 409 euros correspondant à une valorisation de 5 401 696 euros, un deuxième acompte pouvant, le cas échéant, être versé au cours de l'année 2003 après arrêté des comptes clos le 31 décembre 2002, avec régularisation du prix définitif en 2004,

- un remboursement partiel du premier acompte était stipulé à la charge des cédants dans l'hypothèse où le prix définitif des actions cédées s'avérerait inférieur à la valorisation initialement retenue, cette obligation de remboursement étant cependant, d'une part, plafonnée, d'autre part, conditionnée à un résultat après impôt sur l'exercice 2001 inférieur à un seuil déterminé.

Ces accords étaient accompagnés d'une promesse unilatérale d'achat souscrite par DDB du solde des actions de M. [P], réalisable à compter du 1er janvier 2006 et jusqu'au 31 décembre 2015, le délai d'exercice de la promesse pouvant être anticipé en cas de cessation des fonctions de M. [P], ce dernier étant en ce cas, de convention expresse entre les parties, tenu de céder tous les droits sociaux lui appartenant, au plus tard dans le délai de 30 jours suivant la date de cessation des fonctions.

Conformément aux stipulations du protocole de cession, la société Equity Conseil, dont M. [P] est demeuré le président, a modifié sa forme sociale pour devenir une société par actions simplifiées, suivant décision d'une assemblée générale extraordinaire du 29 janvier 2002, les statuts prévoyant la révocation ad nutum du président par l'assemblée générale des associés.

Le ralentissement de la croissance mondiale fin 2001 et en 2002 ont très largement obéré les résultats d'Equity Conseil et tendu les relations entre l'actionnaire majoritaire, DDB, et M. [P], lequel a été révoqué de ses fonctions de président par décision d'assemblée générale du 20 mars 2003 et licencié de ses fonctions salariées de directeur consultant le 25 mars suivant.

Deux contentieux s'en sont suivi relatifs aux conditions de la révocation et du licenciement intervenus.

Par arrêt à ce jour définitif de cette cour, en date du 25 avril 2007, le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse et la société Equity Conseil condamnée verser à l'intéressé une somme globale de 220 000 euros en principal.

Par arrêt sur renvoi après cassation en date du 29 juin 2010, cette cour a jugé fautives les circonstances de la révocation et condamné la société Equity Conseil à verser à M. [P] une somme de 250 000 euros à titre de dommages-intérêts et ordonné la publication d'un communiqué judiciaire sur deux supports écrits du choix de l'intéressé et sur la page d'accueil des sites Internet de la société DDB pendant six semaines.

C'est dans ce contexte que, par acte du 22 avril 2005, la société DDB & Co a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris M. [P] et les deux autres cédants, Mme [V] [C] et M. [H] [F], en remboursement d'une partie de l'acompte du prix de cession, soit s'agissant de M. [P] la somme de 174 112 euros, au motif que le résultat net après impôt sur l'exercice 2001 n'avait excédé la somme plancher au-delà de laquelle aucun remboursement n'était dû qu'au prix de manipulations comptables.

La société DDB s'est désistée de ses demandes par conclusions du 23 octobre 2007 mais le désistement, accepté par les deux autres défendeurs, ne l'a pas été par M. [P] qui a formé diverses demandes reconventionnelles en soutenant, d'une part, qu'il avait été révoqué et licencié à une période où le cours déterminant le prix de rachat de ses actions était au plus bas dans le seul objectif, contraire à la loyauté dans l'exécution des conventions, de le spolier de ses 713 actions, d'autre part, que l'actionnaire majoritaire avait pris des décisions de gestion contraires à l'intérêt social et de nature à diminuer la valeur de la société en le privant du versement des acomptes supplémentaires au titre des exercices de référence de détermination du prix.

Par jugement du 24 janvier 2013, le tribunal de commerce de Paris a débouté les parties de leurs demandes et a condamné DDB & Co à payer à M. [P] une indemnité de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M. [P] a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 25 mars 2003.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 24 octobre 2013, il demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté DDB de sa demande de remboursement partiel du prix de cession mais de l'infirmer en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle et de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, statuant à nouveau , de constater l'exercice déloyal de la clause 04 de la promesse unilatérale d'achat ayant entraîné un préjudice au titre du solde des actions restant lui appartenir dans le capital d'Equity, à titre subsidiaire, de constater le caractère potestatif de la condition tenant à la cessation de ses fonctions et la nullité subséquente de la promesse unilatérale d'achat signée entre les parties le 15 janvier 2002, en conséquence, de condamner la société DDB à lui payer la somme de 1 158 310 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la privation de la propriété de ses 713 actions sur la base de la valorisation d'Equity au 31 décembre 2000, la somme de 2 694 070 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la privation des fruits de ses 713 actions depuis l'année 2002, la somme de 100 000 euros au titre de dommages et intérêts correspondant à la privation d'un complément de prix sur les 1.898 actions cédées le 15 janvier 2002, en tout état de cause, de condamner la société DDB à lui verser la somme de 100 000 euros au titre de la procédure abusive, la somme de 80 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 août 2013, la société DDB demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [P] de ses demandes mais de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau des chefs infirmés, de dire et juger que les conditions contractuelles prévoyant le remboursement partiel à hauteur de 226 400 euros de l'acompte payé au titre de la cession des 2.468 actions sont réunies, de condamner en conséquence de M. [P] à lui payer la somme de 174 112 euros, outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure et la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

SUR CE

La cour se trouvant saisie de l'entier litige par l'effet de l'appel principal de M. [P] et de l'appel incident de la société DDB, les chefs de demande seront examinés, par souci de clarté, dans l'ordre de leur présentation devant les premiers juges.

Sur la demande principale de la société DDB

Le protocole de cession avait fixé provisoirement la valeur estimée de la société sur la base de la situation nette comptable arrêtée au 31 décembre 2000 diminuée d'un certain nombre de retraitements comptables convenus, déterminé sur cette base le versement d'une partie fixe du prix dès la réalisation de la cession, avec, le cas échéant, un complément de prix au vu de l'arrêté de comptes de l'exercice suivant et une régularisation du prix définitif en 2004 après arrêté des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2003.

L'article 4.2.3 du protocole prévoyait le remboursement par les cédants d'une partie, plafonnée, de l'acompte de prix qui leur avait été versé lors de la réalisation si la valorisation définitive de ces actions calculée à l'issue de la période de référence se révélait inférieure à l'acompte perçu et à la condition que le résultat net après impôt (PAT pour Profil After Tax) de l'exercice 2001 soit inférieur à 5 200 000 francs, soit 792 735 euros.

Le prix définitif de la société Equity Conseil s'établit à 620 000 euros, soit à une somme largement inférieure au montant de l'acompte de prix versé à M. [P] (4, 9 millions d'euros).

La société DDB conteste, au soutien de sa demande de remboursement partiel de l'acompte, la réalisation régulière de la condition tenant au seuil de résultat net après impôt au-delà duquel aucun remboursement ne devait intervenir, en faisant valoir que le résultat de référence résulte de manipulations comptables qu'elle impute à M. [P], alors président de la société Equity, dans le seul but d'échapper à son obligation de remboursement.

Elle invoque à ce titre :

- une facture douteuse sur une société Prologue Softxare de 45 734, 71 euros,

- une facture d'honoraires de résultat sur une société Serma Technologie d'un montant de 66 666 euros HT qui aurait été volontairement anticipée sur l'exercice 2001,

- quatre retraitements comptables à opérer relatifs à trois facturations comptabilisées sur l'exercice 2001 et ayant fait l'objet d'avoirs en 2002 d'un montant respectif de 2 286, 74 euros (facture Coala), 3 050 euros (facture Sportfive) et 9 150 euros (facture Micropole) et à une comptabilisation par erreur sur l'exercice 2001, d'un avoir en facture à hauteur de 5 488, 16 euros sur le client Serma Technologie.

Elle soutient qu'après correction comptable et extra comptable, le résultat net après impôt sur l'exercice 2001 s'établit à 725 511 euros ou 755 074 euros (selon que la facture Prologue est ou non maintenue sur cet exercice), chiffres en tout état de cause inférieurs au seuil de 792 735 euros en-deçà duquel le remboursement partiel de l'acompte était dû.

M. [P] qui conteste en tous points les griefs qui lui sont faits souligne que le résultat net après impôt tel que mentionné à l'article 04. 2.1 du protocole s'entend, comme cela était expressément précisé, du résultat net après impôt 'tel qu'il ressort à la ligne HN de la liasse fiscale 2001" et que les comptes annuels 2001 d'Equity ont été arrêtés le 20 avril 2002 et approuvés à l'unanimité par l'assemblée générale des actionnaires le 25 juin suivant en présence de DDB, alors actionnaire depuis six mois qui avait pris le contrôle opérationnel de la société dès le troisième trimestre 2001. Il relève, pour souligner la mauvaise foi de DDB, que celle-ci a abandonné plusieurs demandes d'ajustements comptables formulées dans son assignation, pour en maintenir d'autres tout en y ajoutant, non s'en s'être désistée de ses demandes dans le cours de l'instance devant les premiers juges.

Tant la référence faite par la convention à un résultat net après impôt tel qu'il ressort de la liasse fiscale que le principe d'intangibilité du bilan s'opposent à un retraitement des comptes arrêtés et définitivement approuvés, lesquels établissent que le résultat de référence tel qu'il figurait sur la liasse fiscale s'est révélé supérieur au seuil en-deçà duquel un remboursement partiel de l'acompte de prix devait intervenir.

Et la demande de la société DDB ne peut que s'analyser en une demande de dommages-intérêts fondée sur des fautes de M. [P] au titre de l'établissement des comptes ayant eu pour effet de la priver d'un remboursement partiel du prix, comme cela ressort de ses écritures qui évoquent à la fois des 'manipulations comptables' et un manquement à l'exécution de bonne foi des conventions.

Il en résulte qu'il lui appartient de rapporter la preuve non pas de simples erreurs comptables, dont l'origine, la nature ou le montant ne sont pas propres à caractériser à la charge de M. [P] un manquement à l'obligation de bonne foi dans l'exécution des conventions, qui constitue le fondement de ses demandes, mais d'agissements caractérisés de la part de ce dernier ayant faussé le résultat à son bénéfice.

C'est à la lumière de ces observations que seront examinés les postes en litige.

1. La facture Prologue en date du 31 décembre 2001 pour 300 000 francs HT, soit 45 734, 71 euros.

La société DDB soutient pour l'essentiel, à l'issue d'un développement long de cinq pages dans ses dernières écritures, que la facture en cause est une fausse facture correspondant à une prestation fictive qui n'a jamais été exécutée par la société Equity Conseil.

Mais il résulte des pièces au débat:

- que cette facture est une facture d'honoraires de conseil et d'accompagnement dûs par la société Prologue à la société Equity à l'occasion d'une offre publique d'échange d'actions menée par Prologue au mois de juillet 2001 et clôturée au mois de novembre 2001, soit une mission exceptionnelle qui ne relevait pas de la mission ordinaire de communication que Prologue avait confiée à Equity moyennant une rémunération mensuelle de 10 000 francs (soit 1 516 euros),

- que les dirigeants successifs de la société Prologue ont confirmé la réalité et la date des prestations accomplies par Equity Conseil justifiant cette facturation,

- que la créance correspondante a été ultérieurement déclarée par Equity au passif de la procédure collective de Prologue et réglée partiellement dans le cadre du plan.

La société DDB échoue, par conséquent, dans sa démonstration tendant à voir reconnaître le caractère fictif de la prestation réalisée et la fausseté de la facture correspondante.

2. La facture Serma Technologies en date du 31 décembre 2001 pour 66 666 euros HT

Il s'agit d'une facture d'honoraires de résultats à l'occasion d'une augmentation de capital de la société Serma Technlogies, dont le versement était conditionné au succès de l'opération.

La société DDB soutient que l'augmentation de capital ayant été réalisée en date du 29 janvier, la comptabilisation du produit en résultant ne pouvait, faute de fait générateur sur l'exercice 2001, être opéré que sur l'exercice 2002 et tire argument, pour établir la mauvaise foi de M. [P], de l'émission d'une première facture de ce montant en date du 31 décembre 2001, puis, une fois l'augmentation de capital réalisée, d'une seconde facture d'un même montant datée du 31 janvier 2002, avant que la première facture du 31 décembre 2001 ne soit annulée par un avoir émis le 30 juin 2002.

Mais il résulte des pièces au débat que l'ensemble des prestations d'Equity relatives à la levée de fonds auprès d'investisseurs en 'private equity' après qu'une tentative d'introduction sur le nouveau marché eût échoué, ont été accomplies du mois de juillet au mois d'octobre 2001, que le directoire de Serma Technologies, prenant acte des engagements écrits des investisseurs à cette date, a approuvé à l'unanimité l'opération d'augmentation du capital lors d'une réunion du 10 novembre 2001, l'assemblée générale mixte d'approbation n'ayant été convoquée le 22 janvier 2002 qu'en raison de délais de mise à jour statutaire.

M. [P] ajoute, sans réplique de la société DDB, que le président du conseil de surveillance de Serma se trouvant à l'origine de l'augmentation de capital détenait à l'époque plus des 2/ 3 des droits de vote, de sorte que l'issue de l'opération ne faisait aucun doute, la réunion du directoire du 10 novembre 2011 marquant la fin de l'intervention d'Equity dans la recherche et l'engagement, alors définitivement acquis, de nouveaux investisseurs.

S'agissant enfin de la suspicion jetée sur l'émission de deux factures pour la même prestation, dont la première a été annulée par un avoir ultérieur, M. [P] fait valoir, sans contradiction, que c'est à la demande de la Serma que le libellé de la première facture du 31 décembre 2001 ('Honoraires liés à l'augmentation de capital de 4 millions d'euros') a été modifié pour qu'apparaisse un libellé sans référence au montant de l'augmentation de capital ('Honoraires liés à l'augmentation de capital') ce qui permettait à sa cliente d'imputer sur sa prime d'émission les frais de la première opération manquée de janvier à juillet 2001. Une facture avec ce libellé a donc été émise le 31 janvier 2002, soit bien avant l'arrêté de comptes du 20 avril, laquelle était payée à cette dernière date.

L'ensemble des prestations d'Equity ayant été réalisé et achevé au 10 novembre 2011, date à laquelle son honoraire de résultat se trouvait acquis aux yeux de sa débitrice, le produit en résultant devait, au regard des règles comptables en vigueur à l'époque, être enregistré comme produit d'exploitation dans le compte de cet exercice.

La société DDB ne rapporte pas la preuve du manquement allégué de M. [P] à son obligation de bonne foi sur ce poste.

La prise en compte de ces seules deux factures sur l'exercice 2001 suffit à établit un résultat après impôt de 798 536 euros, supérieur au seuil en-deçà duquel le remboursement partiel de l'acompte versé à M. [P] était dû.

Aussi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres corrections invoquées par la société DDB, sans incidence sur l'issue du litige, cette dernière sera déboutée de ses demandes et le jugement déféré confirmé à cet égard.

Sur les demandes de M. [P] (appel principal)

M. [P] réitère en cause d'appel les demandes formulées en première instance en développant à leur soutien les mêmes moyens :

- les uns relatifs aux conditions déloyales dans lesquelles il s'est trouvé contraint de céder le solde de ses titres alors que le cours était au plus bas,

- les autres se rapportant à diverses décisions de gestion qu'il impute à l'actionnaire majoritaire ayant irrémédiablement dégradé le résultat de sorte qu'il s'est trouvé privé du complément de prix sur l'exercice 2002 et en définitive de tout prix de cession lors du transfert de ses titres ensuite de son départ de la société Equity.

Ces moyens seront examinés séparément.

1- Sur la promesse d'achat et les obligations réciproques des parties en cas de cessation des fonctions

Les parties ont signé le même jour que le protocole de cession une convention intitulée ' Promesse unilatérale d'achat' comportant, outre un préambule, deux parties (dites clauses 3 et 4), la première intitulée ' Promesse unilatérale d'achat', la seconde ' Obligation réciproque de vente et d'achat'.

Il y était précisé que ' Toute cessation de ses fonctions, pour quelque cause que ce soit, qui sont ainsi exercées par M. [N] [P] entraînera la cession des actions lui appartenant dans le capital de Equity Conseil. Cette obligation de vente impliquera, en contrepartie, un engagement d'achat du Groupe DDB'.

La promesse unilatérale d'achat (clause 3), réalisable à compter du 1er janvier 2006 et jusqu'au 31 décembre 2015, comportait un engagement de DDB d'acquérir sur simple levée d'option du bénéficiaire, accompagné de la précision suivante : ' Toutefois, ce délai d'acquisition [10 ans à compter du 1er janvier 2006] pourrait être anticipé en cas de cessation des fonctions de manager exercée par la partie bénéficiaire dans la société Equity Conseil dans les conditions ci-après stipulées aux présentes'.

La clause 4 ('Obligation réciproque de vente et d'achat') était, pour sa part, ainsi rédigée :

'De convention expresse entre les parties soussignées, et nonobstant des délais précités de réalisation de la promesse d'achat qui précède, il est décidé que dans le cas où M. [N] [P] cesserait toutes fonctions, pour quelques causes que ce soit, dans les sociétés du Groupe DDB dans lesquelles s'exerceront ses fonctions de manager, il serait immédiatement procédé à la cession de tous les droits sociaux lui appartenant dans le capital d'Equity Conseil [...]

' La société DDB Communication France sera obligée à l'acquisition de la totalité de ces droits sociaux, soit par elle-même soit par tout substitué de son choix dont elle resterait garante.

'Il y a lieu de préciser que la cessation des fonctions concerne celle qui résulterait, pour Monsieur [N] [P], de l'exercice d'un mandat social et/ou d'un contrat de travail.

'La cession de ces droits sociaux s'imposera aux deux parties du seul fait de cette cessation de fonctions, quelle qu'en soit la cause et sans qu'il y ait lieu à levée d'option. Les parties soussignées s'engagent réciproquement à réaliser les cessions au plus tard dans le délai de 30 jours qui suivra la date de cette cessation de fonctions'

Les modalités de calcul de prix étaient déterminées en fonction des résultats dégagés par la société l'année de la cession et l'année précédente, sans décote si la cession intervenait postérieurement au 1er janvier 2006 ou si, intervenant avant cette échéance, elle faisait suite à une démission légitime au sens de la convention (force majeure, incapacité de travail médicalement reconnue) ou encore à un licenciement ou à une révocation sans faute grave ou lourde, avec décôte dans les autres cas.

Il était également précisé que si le bénéficiaire se voyait privé de son mandat social mais continuait d'exercer des fonctions dans la société, aucune décôte ne serait appliquée et qu'à défaut de reconnaissance par une juridiction compétente des causes invoquées d'un licenciement ou d'une révocation pour faute grave ou lourde, le complément de prix serait également payé sans décôte.

M. [P] invoque, à titre principal, l'exécution de mauvaise foi de la promesse unilatérale d'achat en analysant la convention qui la stipule en un contrat d'intérêt commun lui garantissant une période minimum d'association de quatre ans (courant de janvier 2002 à janvier 2006), évoquée en page 23 de ses écritures, faisant peser sur DDB une obligation de coopération renforcée, à laquelle cette dernière aurait déloyalement manqué en le révoquant dans l'objectif unique de l'évincer au moment où le cours de l'action était au plus bas.

Il sollicite sur ce fondement, réparation de son préjudice à hauteur de la somme de 1 158 310 euros au titre de la valorisation de ses 173 actions, calculée sur la base du prix de référence de l'acompte de prix initialement versé, soit la valorisation de la société sur le seul exercice clos au 31 décembre 2000, et de la somme de 2 694 070 euros au titre de la privation de dividendes depuis le 20 mars 2003.

Mais, comme les premiers juges l'ont à juste titre relevé, la convention en cause est claire et précise, évoque explicitement l'hypothèse d'une révocation de M. [P] avant l'échéance du 1er janvier 2006, date à laquelle la promesse d'achat devenait réalisable à tout moment, d'où il résulte qu'il ne pouvait se méprendre sur la portée de ses droits et des engagements de DDB à son égard, étant encore observé que cette convention entre associés ne comporte aucune disposition garantissant à l'intéressé une durée minimale de son mandat social, laquelle aurait été au demeurant contraire aux statuts auxquels M. [P] a souscrits, qui prévoient en leur article 16 que le président pouvait être révoqué à tout moment sans motif par une décision collective des associés statuant à la majorité simple.

Et il ne saurait sous le couvert d'un manquement allégué au principe de loyauté ou à une obligation supposée de coopération à la charge de l'associé majoritaire tenir pour fautif le libre exercice par l'organe statutaire d'une société par actions simplifiées, ou en son sein par l'actionnaire majoritaire, du droit de révocation, dont les motifs échappent à tout contrôle juridictionnel et qui était de surcroît de prévision expresse dans ladite convention.

En l'espèce seules les dispositions contractuellement convenues relatives au prix de cession, avec ou sans décôte selon que la révocation est intervenue à la suite d'une faute grave ou lourde auraient pu être invoquées et elles ne le sont pas compte tenu des résultats négatifs de la société sur les deux exercices de référence qui déterminent dans toutes les hypothèses une absence de prix.

En cet état, M. [P] qui précise ne pas invoquer un abus de majorité dans l'exercice du droit de révocation n'établit pas le manquement à la loyauté qu'il allègue et il sera débouté de ses demandes sur ce fondement.

L'appelant invoque encore au soutien des mêmes demandes indemnitaires l'article 1178 du code civil en soutenant que la société DDB a, en le révoquant, empêché la réalisation de la condition relative à sa présence comme associé, laquelle la libérait de sa promesse d'acquérir le solde de ses actions à compter du 1er janvier 2006, alors à son unique discrétion.

Mais un délai n'est pas une condition au sens de l'article 1177 du code civil et le libre exercice par l'actionnaire qui ne peut y renoncer d'un droit statutairement consacré ne caractérise pas l'empêchement visé par le texte évoqué.

L'appelant invoque enfin la nullité de la convention fondée sur le caractère potestatif de la clause permettant à la société DDB de le révoquer à discrétion en se libérant de sa promesse de rachat dès lors que ladite révocation pouvait intervenir à tout moment, sans motif et sans contrôle juridictionnel.

Mais la convention en cause qui forme un tout indissociable régit les obligations réciproques des parties, l'une d'acheter, l'autre de céder, dans toutes les hypothèses par elles librement convenues de cessation des fonctions du mandataire social, dont la réalisation ne dépendait pas de la seule volonté de la société DDB puisqu'y étaient aussi bien prévus la démission et la révocation ou le licenciement sans faute grave ou lourde démontrée, étant en outre relevé que dans l'ensemble de ces cas une obligation de rachat était mise à la charge de DDB selon un mode de calcul du prix sans décôte et identique à celui que DDB s'était engagée à lui garantir sur simple levée d'option à l'expiration d'un certain délai. Aussi le moyen tiré de la condition postestative sera-t-il également rejeté.

2- Sur l'exécution de mauvaise foi du protocole de cession

M. [P] invoque des décisions de gestion prises par DDB lorsqu'elle est devenue seule actionnaire et dirigeante de la société Equity, contraires aux engagements pris et ayant affecté le résultat des exercices 2002 et 2003, de sorte qu'il s'est trouvé privé de tout complément de prix, sollicitant à ce titre une indemnisation de son préjudice 'dans sa composante morale' de 100 000 euros.

Il évoque à ce titre le transfert d'une partie des actifs d'Equity à une société Kaparca Finance par mise en location gérance de son fonds de commerce mais cette opération ayant été menée début 2005 elle est sans incidence sur les exercices de référence du calcul du prix, de sorte que le moyen sera rejeté.

Il évoque encore la prorogation de délai obtenue par DDB pour faire approuver les comptes de l'exercice 2002, mais il ne ressort de ce seul fait, au demeurant autorisé par le tribunal de commerce, aucun commencement de preuve de manipulation ou de déloyauté à l'égard de quiconque, les comptes de cet exercice ayant été régulièrement arrêtés et approuvés.

Il évoque enfin la prise en location gérante par DDB, à compter du mois de mai 2003, de l'activité notoirement déficitaire de la société Gavin Anderson, filiale à 100% de société Omnicum, maison-mère de DDB, de sorte que les pertes jusqu'alors supportées par la seule maison-mère se trouvaient à compter de cette date imputées sur la seule société Equity et de surcroît supportées par les actionnaires minoritaires de DDB au prorata de leur participation.

Mais il ressort des pièces au débat que M. [P] a participé aux discussions sur cette reprise dans le courant du mois de janvier 2003 sans avoir alors émis d'objection sur le projet qu'il estimait au contraire dans un message électronique du 8 janvier 2003 'mérité d'être tenté'.

Les pièces au débat n'établissent pas que la réalisation de cette location-gérance se trouve à l'origine de la dégradation du résultat d'Equity sur l'exercice 2003 dont le chiffre d'affaires avait été divisé par deux sous le présidence de M. [P] au cours de l'exercice précédent.

Et la déloyauté qu'il invoque, comme seul fondement de cette demande, dans l'exécution du protocole de cession tirée de la volonté de la maison-mère de 'détruire artificiellement les résultats d'Equity' pour n'avoir pas à lui verser de complément de prix n'est nullement démontrée, la société DDB soulignant en outre que les dirigeants d'Equity étaient intéressés aux résultats et que la société Omicum, dont Equity était la filiale à 100%, se trouvait cotée en bourse sur le marché américain.

Sur les autres demandes

M. [P] qui est appelant principal n'établit pas à suffisance à la charge de DDB l'abus de procédure qu'il invoque, la proximité du résultat net après impôt de la société Equity Conseil avec le seuil de référence déterminant le remboursement partiel de l'acompte de prix ayant pu, de bonne foi, l'intriguer.

Les circonstances de l'espèce comme l'équité conduiront cependant à confirmer les dispositions du jugement déféré relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile à son profit sans que l'issue de l'instance d'appel ne commande d' y ajouter.

La société DDB, qui a pris l'initiative de cette procédure, sera déboutée de ses demandes de ce chef et condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société DDB&Co aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/05976
Date de la décision : 13/05/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°13/05976 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-13;13.05976 ?
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