Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRET DU 21 MARS 2014
(n°2014- , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/23280
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/03203
APPELANT
Monsieur [B] [I]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
Assisté de Maître Serge LEWISCH, avocat au barreau de Paris, toque D1474
INTIMÉE
SA SEMCS - SOCIETE D'EXPLOITATION DE MAISONS CHIRURGICALES ET DE SANTE exploitant sous l'enseigne CLINIQUE ALLERAY-LABROUSTE prise en la personne de ses représentants légaux.
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Assistée de Maître Mireille MARCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : K79
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Février 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Un rapport a été présenté dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne VIDAL, Présidente de chambre
Madame Françoise MARTINI, Conseillère
Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Claire VILACA
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne VIDAL, Présidente de chambre et par Monsieur François LE FÈVRE, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURES ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Le docteur [B] [G] [I] a exercé sa profession au sein de la SEMCS Clinique Alleray Labrouste de septembre 2003 au 1er avril 2008 et en contre partie des prestations fournies par la clinique il versait une redevance sous forme de pourcentage de ses honoraires.
Par jugement en date du 13 décembre 2012 le tribunal de grande instance de Paris a dit les demandes du docteur [B] [G] [I] introduites le 5 février 2010 prescrites pour la période antérieure au 5 février 2005 et l'a débouté du surplus de ses demandes tendant à voir condamner la SEMCS Clinique Alleray Labrouste à lui rembourser un trop versé à titre de pourcentage sur ses honoraires. Il a également condamné le docteur [I] à verser à la clinique la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M [I] a interjeté appel de cette décision le 20 décembre 2012 et dans ses conclusions signifiées le 26 juin 2013 demande à la cour de réformer le jugement ainsi que les ordonnances rendues les 10 février, 15 et 22 septembre 2011 sur incident de communication de pièces et d'expertise qui n'ont plus d'objet puisque la clinique ne réclame plus la délivrance de son contrat écrit avec le docteur [I] dont elle reconnaît qu'il n'existe pas, de constater qu'aucune des parties ne considère que le pourcentage de 15% versé correspond aux services effectivement rendus et de condamner la clinique à lui rembourser depuis le 1er mars 2003 jusqu'au 1er avril 2008 la somme de 54 231 euros outre intérêts depuis le 26 février 2009, subsidiairement de nommer un expert aux fins d'évaluer le montant des services effectivement rendus par la clinique au docteur [I] en relation avec les 15% versés et de condamner la clinique à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient pour l'essentiel que:
-deux autres procédures sont pendantes devant le tribunal de grande instance de Créteil concernant deux établissements du même groupe de santé,
-la contestation d'honoraires remontant au 26 février 2009, ses demandes ne sont pas prescrites et s'agissant d'une action en répétition d'indu qui relève du régime des quasi contrats, aucune prescription abrégée ne peut lui être opposée,
-en application de la jurisprudence de la Cour de cassation et des dispositions de l'article L 4113-5 du code de la santé publique, la redevance perçue par l'établissement de soins n'est licite que si elle correspond exclusivement par sa nature et par son coût à un service rendu au praticien, -il a créé en mars 2003 le service de médecine interne au sein de la clinique LABROUSTE dans laquelle il a travaillé jusqu'en avril 2008, reversant 15% de ses honoraires à la clinique alors qu'il n'avait aucun personnel dédié, ni local personnel ou autre service ou matériel à sa disposition et qu'il n'a jamais reçu de patients externes sur rendez-vous nécessitant une organisation et des moyens, le seul service rendu par la clinique étant la facturation et le recouvrement de ses honoraires, ce qui représente une redevance de 1,5% sur ceux-ci,
-le bureau du service de médecine était partagé avec la secrétaire et la surveillante générale, dédié au service de médecine qui est une contrainte de l'article D 6214-413 du code de la santé publique,
-à partir de décembre 2007 il a reçu une nouvelle facturation ventilant ses honoraires en fonction de la TVA sans aucune explication soit 1,5% pour les frais administratifs et 13,5% pour l'ensemble des moyens matériels et humains dont il n'a jamais bénéficié ce que confirme la comparaison avec les factures émises par la clinique de Thiais,
-aucun contrat n'a été signé avec la clinique LABROUSTE mais celle-ci reconnaît que les conditions d'exercice étaient identiques à celles de l'établissement de [Localité 2] pour lequel un contrat a été produit,
-les parties s'accordent sur le montant des honoraires perçus soit 401 716 euros et celui des redevances perçues soit 60 257 euros équivalant à un pourcentage de 15% que le docteur [I] conteste en l'absence de service lié aux soins ou de consultation externe.
Dans ses conclusions signifiées le 2 mai 2013 la clinique sollicite la confirmation du jugement et le débouté des demandes du docteur [I] ainsi que sa condamnation à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient pour l'essentiel que:
-exerçant successivement à titre libéral dans quatre établissements au sein du GIE SANTE RETRAITE , le docteur [I] a fait l'objet d'une résiliation avec préavis de son contrat le liant à l'hôpital privé de [Localité 2] le 20 février 2009,
-aucun contrat n'a été signé avec la clinique LABROUSTE mais les conditions d'exercice étaient identiques notamment quant à la redevance de 15% des honoraires et aux conditions d'exercice du docteur [I] que ce dernier n'a jamais contestées avant fin 2007 prétendant sans s'en expliquer que la redevance était non pas de 15% mais de 1,5 %,
-la redevance constitue une rétrocession licite d'honoraires destinée à rémunérer des service rendus et des prestations qui ne sont pas couvertes par les prises en charge de la sécurité sociale auparavant comprises dans le prix de journée,
-pour ne pas être contraire à l'article L 4113-5 du code de la santé publique cette somme doit correspondre aux services rendus et cette valeur n'est pas limitée au coût des installations techniques et des locaux ainsi que des dépenses de personnel mais elle peut également être appréciée au regard des avantages de toute nature qu'en retirent les praticiens comme l'a jugé le Conseil d'Etat,
-en l'espèce le docteur [I] a bénéficié de personnel administratif, d'une standardiste pour la réception et l'orientation des consultations), d'un bureau de consultation et d'une secrétaire médicale ainsi que d'un approvisionnement en consommables (alèses, gants, compresses, blouses),
-tous les actes étaient codés et l'expert comptable de la clinique a conclu que cette dernière aurait été en droit de prélever des sommes supérieures correspondant à l'exacte contrepartie des services rendus à ce médecin,
-la ventilation des 15% qui ne concerne qu'une seule facture est sans incidence puisqu'il s'agit uniquement de la facturation et du recouvrement des honoraires évalués à 1,5% car soumis à TVA,
-peu importe l'existence d'un contrat écrit dès lors que ce contrat a bien été exécuté, les parties s'accordant sur la redevance de 15% qui a été effectivement perçue.
MOTIFS DE LA DECISION :
Considérant que l'inexistence d'un contrat écrit entre les parties n'est plus contestée devant la cour et que les documents dont le juge de la mise en état sollicitait la production ont été versés à la procédure de sorte que l'injonction de produire est devenue inutile et que la demande de M [I] tendant à la réformation des ordonnances du juge de la mise en état contre lesquelles il n'a pas interjeté appel, doit être déclarée sans objet ;
Considérant que l'action en répétition de redevances indûment prélevées par la clinique chargée de recouvrer les honoraires du médecin qui relève du régime spécifique des quasi-contrats n'est pas soumise à la prescription abrégée de l'article 2277 ancien ou de l'article 2244 du code civil ;
qu'en conséquence la demande en remboursement des redevances prélevées entre mars 2003 et avril 2008 présentée par M [I] qui n'est pas prescrite doit être déclarée recevable ;
Considérant qu'en application de l'article L 4113-5 du Code de la santé publique la redevance payée par le médecin sur ses honoraires doit correspondre exclusivement par sa nature et par son coût aux services rendus effectivement par la clinique au praticien lié à celle-ci par un contrat d'exercice libéral ;
qu'en l'espèce il n'est pas contesté ni contestable que si aucun contrat écrit n'a été signé entre les parties concernant le montant de la redevance perçue par la clinique LABROUSTE sur les honoraires versés au docteur [I] , le pourcentage prélevé s'est élevé pour la période considérée à 15% du montant total des honoraires dus au praticien à hauteur de la somme de 401 716 euros, laquelle n'est pas davantage discutée, soit la somme de 60 257 euros ;
que le docteur [I] soutient qu'en réalité et à défaut de services rendus par la clinique ce pourcentage ne devait pas dépasser 1,5% correspondant aux seuls frais administratifs engagés pour lui par la clinique, (personnel du service comptabilité/facturation), alors que la clinique soutient que le pourcentage de 15% arrêté d'un commun accord entre les parties est en réalité inférieur aux services effectivement rendus au médecin par l'établissement, services qui comprennent la réception des appels téléphoniques le concernant, l'approvisionnement de son cabinet en consommables lors des consultations, la mise à disposition d'un bureau de consultation et du secrétariat médical correspondant ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment de l'attestation de Mme [R] [F], secrétaire médicale à la Clinique LABROUSTE, qu'elle avait en charge le secrétariat des docteurs [I] et [O] et de l'attestation de Mme [W] [X], directrice des soins infirmiers, que le docteur [I] occupait un bureau partagé au 3ème étage avec Mme [J] ;
que M [C], expert comptable de la clinique, confirme la mise à disposition du bureau et de la secrétaire médicale ;
qu'en conséquence la clinique justifie des services effectivement rendus à ce praticien et qui comprennent outre la facturation et le recouvrement de ses honoraires ainsi que la gestion administrative des patients de M [I], la mise à disposition à temps partiel d'une secrétaire médicale et d'un bureau de consultations ;
Considérant que l'étude des coûts engagés pour le docteur [I] effectuée par l'expert comptable de la clinique la société FIDUGERE et qui n'est pas utilement combattue par le docteur [I] qui n'a fourni aucuns éléments probants à l'appui de sa contestation des redevances prélevées, révèle que le pourcentage de 15% retenu soit la somme de 60 257 euros n'excède pas le montant des frais correspondant aux services effectivement rendus par la clinique au praticien qui s'élèvent selon cette évaluation effectuée poste par poste et pour chaque exercice considéré à la somme de 144 507 euros comprenant outre les frais de recouvrement de ses honoraires et de facturation reconnus par le docteur [I], les dépenses relatives au bureau occupé par M [I] et à la secrétaire médicale chargée des prises de rendez-vous, de l'accueil des patients et de la frappe des comptes rendus ;
qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire d'expertise et le jugement qui a débouté M [I] de sa demande en restitution de redevances sur honoraires trop perçues sera confirmé de ce chef ;
Considérant que l'abus du droit d'ester en justice et le comportement fautif du docteur [I] permettant de retenir sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil et d'allouer à la clinique des dommages-intérêts en réparation du préjudice en résultant ne sont pas démontrés, les parties s'accordant pour dire que le montant des redevances perçues ne correspond pas exactement aux services effectivement rendus par la clinique au praticien ;
que le jugement qui a accordé de ce chef la somme de 2 000 euros à la clinique LABROUSTE sera infirmé ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par décision contradictoire:
-Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré les demandes du Docteur [B] [G] [I] prescrites pour la période antérieure au 5 février 2005 et condamné le Docteur [B] [G] [I] à payer la SEMCS Clinique Alleray Labrouste la somme de 2 000 euros pour procédure abusive ;
-Déclare recevables mais mal fondées les demandes du Docteur [B] [G] [I] tendant au paiement de la somme de 54 231 euros ;
Y ajoutant,
-Condamne le Docteur [B] [G] [I] à payer la SEMCS Clinique Alleray Labrouste la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamne le Docteur [B] [G] [I] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE