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20/03/2014 | FRANCE | N°12/21017

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4- chambre 1, 20 mars 2014, 12/21017


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1

ARRÊT DU 20 MARS 2014

(no, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 21017

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Septembre 2012- Tribunal de Grande Instance de MEAUX-RG no 10/ 05107

APPELANTS

Monsieur Agostinho X...
et
Madame Laurence Monique Colette Y...née X...

demeurant tous deux ...

Représentés par Maître Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PAR

IS, toque : L0079
assistés sur l'audience de Maître Solange IEVA de la SCP GERPHAGNON/ IEVA-GUENOUN/ PAIN, avocat au barreau de MEAU...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1

ARRÊT DU 20 MARS 2014

(no, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 21017

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Septembre 2012- Tribunal de Grande Instance de MEAUX-RG no 10/ 05107

APPELANTS

Monsieur Agostinho X...
et
Madame Laurence Monique Colette Y...née X...

demeurant tous deux ...

Représentés par Maître Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079
assistés sur l'audience de Maître Solange IEVA de la SCP GERPHAGNON/ IEVA-GUENOUN/ PAIN, avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉS

Monsieur Jean-Louis Z..., Notaire

demeurant ...

et

SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège 14 boulevard Marie et Alexandre Oyon-72030 LE MANS CEDEX 09

Représentés tous deux par Me Herve-Bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090 et assisté sur l'audience par Maître Gérard SALLABERRY, avocat au barreau de PARIS, toque : E379

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 29 janvier 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Chantal SARDA, Présidente.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal SARDA, Présidente
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
Monsieur Fabrice VERT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Fatima BA

Greffier lors du prononcé : Madame Mélanie RAMON

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Chantal SARDA, Présidente et par Madame Mélanie RAMON, greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
* *

Madame et Monsieur X...ont signé un contrat de vente en l'état futur d'achèvement selon acte dressé par Maître Z..., Notaire, le 22 décembre 2003 avec la Société SARL INVESTIMMO, portant sur l'édification d'un local à usage d'habitation au 2ème étage d'un bâtiment A, d'un ensemble immobilier dénommé «   LA PROMENADE DE LA GRANDE ILE » Rue du Maréchal du Luxembourg à Meaux (77100), constituant le lot no127 avec parking (lot No33) au sous sol, pour le prix de 114 500 euros.

Ce contrat prévoyait un délai d'achèvement des travaux, au premier trimestre de l'année 2005 avec possibilité de suspension des délais de livraison en cas de survenance de causes légitimes telles qu'intempéries, grèves, liquidation judiciaire d'une entreprise.
Aucune pénalité n'était prévue dans l'hypothèse d'un retard de livraison non imputable à une cause étrangère.

Le jour de la vente, l'acquéreur a réglé une somme de 40 075 euros correspondant à 35 % du prix de vente.

Par divers courriers, la SARL INVESTIMMO informait Madame et Monsieur DA SILVA d'un probable retard de livraison.

Certains copropriétaires de la même promotion, estimant que cette situation ne pouvait perdurer, la SARL INVESTIMMO étant dans l'incapacité de respecter les délais contractuellement prévus, ont saisi le Tribunal de Grande Instance aux fins d'obtenir la livraison de leur bien et la prise en considération des préjudices subis.

Entre-temps, la SARL INVESTIMMO et l'ensemble des sociétés du même groupe ont été déclarées en redressement judicaire selon décision du Tribunal de Commerce de Meaux du 24 avril 2006.

Par plusieurs jugements en date du 28 septembre 2006, le Tribunal de Grande Instance de Meaux, faisant droit aux demandes de copropriétaires a   :

- constaté que la SARL INVESTIMMO n'a pas livré les biens immobiliers conformément au délai contractuellement fixé dans le contrat de vente,

- constaté que le retard de livraison était devenu fautif à compter du 1er octobre 2005 pour Chauconin et à compter du 1er avril 2005 pour la Grande Ile à Meaux,

- fixé la créance de dommages et intérêts de chaque copropriétaire au passif du redressement judicaire de la SARL INVESTIMMO,

- ordonné la compensation entre les fonds restant dus à la SARL INVESTIMMO par l'acquéreur et le montant de la créance telle que fixée par le jugement,

- ordonné à Maître CONTANT es qualités d'administration provisoire de la société SARL INVESTIMMO et à Maître MARCHIER, es qualité d'administration judiciaire de ladite société de livrer le bien immobilier sous astreinte provisoire de 75 euros par jour de retard, laquelle commencera à courir dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement jusqu'à la livraison effective du bien.

Des appels ont été interjetés.

Par jugement du 24 avril 2007, la SARL INVESTIMMO a été déclarée en liquidation judiciaire et la SCP PERNEY ANGEL a été désignée en qualité de liquidateur.

Par jugement du 12 juin 2007, le Tribunal de Commerce de Meaux a ordonné la cession des actifs immobiliers de la SARL INVESTIMMO au profit de la Société PIERREVAL, laquelle s'est engagée à terminer l'ensemble des programmes immobiliers, la SARL INVESTIMMO étant dans l'incapacité de pouvoir terminer les ouvrages commencés.

Par actes d'huissier en date du 13 et 14 septembre 2010, Madame et Monsieur X...ont fait assigner les MUTUELLES DU MANS IARD et Maître Jean-Louis Z..., Notaire à Nanteuil le Haudouin devant le Tribunal de Grande Instance de Meaux aux fins de voir engager la responsabilité de Maître Z...et obtenir la réparation de leurs préjudices.

Par jugement du 13 septembre 2012, le Tribunal de Grande Instance de Meaux a   :

- débouté Madame et Monsieur X...de leurs demandes,

- condamné Monsieur et Madame X...aux dépens, et autorise la SCP PRUNET à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Monsieur et Madame X...ont interjeté appel de cette décision et vu leurs dernières conclusions signifiées le 18 avril 2013, et aux termes desquelles ils demandent à la Cour de   :

- les dire recevables et bien fondés en leur appel à l'encontre du jugement rendu le 13 septembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de Meaux,

- infirmer ledit jugement en toutes ses dispositions,

- dire que le Notaire a engagé sa responsabilité à l'égard des acquéreurs pour ne pas s'être assuré de l'existence et de la réalité de la garantie d'achèvement intrinsèque au mépris des dispositions de l'article 1382 du Code Civil, et des articles L 216-11 et R 261-17 et R 261-18 du Code la Construction et de l'Habitation.

- voir constater le défaut d'efficacité de l'acte reçu par le Notaire en raison du défaut d'existence de cette garantie,

- condamner le Notaire in solidum avec sa Compagnie d'assurances LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES à leur payer les sommes suivantes   :

22   320, 85 eurosau titre du surcoût lié aux travaux de PIERREVAL,
27   048 eurosau titre de la perte locative,
5   992 eurosau titre de l'absence d'avantages fiscaux pendant 4 ans,
10   000 eurosau titre du préjudice moral,
Soit la somme de 65   360, 85 euros

-leur donner acte qu'ils acceptent que LES MUTUELLES DU MANS soient subrogés dans leurs droits à l'égard de la société PIERREVAL dans l'hypothèse où cette dernière venait à rembourser tout ou partie du complément de prix versé par l'acquéreur au titre du surcoût de travaux,

- dire, dans ce cas, que LES MUTUELLES DU MANS seront subrogées dans leurs droits à l'égard de la Société PIERREVAL à hauteur d'une somme maximum de 22   320, 85 euros,

- débouter les MMA et Maître Z...de toutes leurs fins, conclusions et prétentions,

condamner les MMA et Maître Z...in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions des intimés à savoir Maître Jean-Louis Z...et la MUTUELLE DU MANS IARD, signifiées le 11 avril 2013, et aux termes desquelles, ils demandent à la Cour de   :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MEAUX le 13 septembre 2012,

- dire que le préjudice dont souffrent les époux X...n'a pas de lien direct avec la faute commise par Maître Z...,

À titre subsidiaire,

- dire que le préjudice, dont les époux X...prétendent souffrir est sans commune mesure avec celui qu'ils ont réellement subi,

- constater que ledit préjudice n'est imputable que pour une infime partie à Maître Z...,

- fixer en conséquence, le préjudice subi par les époux X...à son véritable montant,

- condamner ces derniers en tous les dépens de 1ère instance et d'appel.

SUR CE,
LA COUR

Sur la responsabilité de Maître Z...

Considérant que le notaire rédacteur d'acte doit en tant que tel prendre toutes dispositions utiles pour en assurer l'efficacité, notamment en ce qui concerne la protection des parties à l'acte ;

Qu'en l'espèce, Maître Z...rédacteur de l'acte de vente d'un bien en l'état futur d'achèvement intervenu entre les parties a fait mentionner que :

- la société venderesse déclarait fournir la garantie d'achèvement prévue aux articles R261-17 et R 261-18 du Code de la construction et de l'habitation ;

- le vendeur déclarant ne pas être au jour de l'acte en mesure de justifier que le financement nécessaire à cette garantie telle que prévu, par ces textes était assuré, la vente était consentie et acceptée sous la condition suspensive que dans le délai de six mois à compter du 30 octobre 2003, la venderesse justifierait qu'elle satisferait aux conditions prévues par ces textes et donc de l'existence d'une garantie d'achèvement ;

- cette justification résulterait d'une déclaration de la venderesse devant lui, notaire, qui la recevrait par acte authentique et la transmettrait aux acquéreurs au plus tard le 30 avril 2004, sous peine de caducité de l'acte ;

Qu'il est constant que la Société INVESTIMMO n'a pas respecté le délai d'achèvement contractuellement prévu au premier trimestre de l'année 2005, ainsi que l'ont constaté les jugements du Tribunal de Grande Instance de Meaux du 28 septembre 2006 retenant un retard de livraison fautive à compter du 1er avril 2005 ;

Qu'il est également constant qu'une telle garantie n'a jamais été souscrite par la Société INVESTIMMO ; qu'ainsi, le notaire a manqué à son obligation de vérification et n'a pas assuré l'efficacité de l'acte juridique rédigé par lui ; que Maître Z...reconnaît lui-même avoir manqué de vigilance ;

Qu'au surplus, il doit être relevé que le notaire a été, en authentifiant la vente en l'état futur d'achèvement sous la condition suspensive de justification de l'existence des fonds nécessaires à l'obtention de la garantie d'achèvement, à l'encontre des dispositions de l'article R261-18 du Code de la construction et de l'habitation, en vertu desquelles les justifications des conditions de la garantie doivent exister à la date d'authentification des ventes ;

Qu'enfin, il sera précisé que si les acquéreurs avaient su que la condition suspensive n'était pas réalisée, ils auraient pu faire constater la caducité de la vente ou en demander la résolution et ne se seraient pas trouvés engager dans une opération qui n'était pas viable ;

Sur les préjudices subis

Considérant qu'en ce qui concerne la perte locative, contrairement à ce qui est soutenu, le préjudice ne saurait être évalué au montant des loyers qui aurait pu être perçu dès lors que cette évaluation ne prend pas en compte les aléas que comportait le projet d'acquisition des biens et de leur location ainsi que la fixation du montant des loyers mais à la perte de chance de ne pas avoir pu louer le bien sur la période considérée ; qu'il sera donc alloué de ce chef la somme que précise le dispositif ;

Qu'en ce qui concerne les avantages fiscaux, il a été également seulement perdu la chance de pouvoir défiscaliser ;

Que ce chef de préjudice sera réparé, au vu des justifications produites (cf pièce numéro 27 des appelants), ainsi que mentionné, ci-après au dispositif ;

Considérant qu'en ce qui concerne le surcoût lié aux travaux eux-mêmes qui a été fixé par le repreneur, il sera observé que bien que ce surcoût ait été fixé sans l'intervention du notaire, si la garantie intrinsèque avait existé, les travaux auraient pu être terminés par le promoteur sans tout ou partie de ce surcoût ;

Qu'à ce titre, il est également subi la perte de chance de n'avoir pas payer un surcoût ;

Que cette perte de chance sera évaluée, ainsi qu'il sera ci-après précisé ;

Qu'il y a lieu de donner acte aux appelants de ce qu'ils acceptent que LES MUTUELLES DU MANS soient subrogées dans leur droits à l'égard de la Société PIERREVAL dans l'hypothèse où cette dernière viendrait à rembourser tout ou partie de l'apport complémentaire demandé par elle ;

Considérant qu'en ce qui concerne le préjudice moral, celui-ci sera réparé comme indiqué, ci-après, les appelants ayant été perturbés dans leur projet d'investissement et dans la gestion de leurs affaires ;

Considérant que l'équité commande d'allouer, au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, aux appelants la somme que précise le dispositif ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum Maître Z...et LES MUTUELLES DU MANS à payer aux époux X...les sommes de :

¿ 13   000 ¿ au titre de la perte de chance locative,
¿ 3 000 ¿ au titre de la perte de chance liée aux avantages fiscaux,
¿ 11   000 ¿ au titre de la perte de chance relative surcoût des travaux,
¿ 3 000 ¿ au titre du préjudice moral.

Donne acte aux époux X...de ce qu'ils acceptent que LES MUTUELLES DU MANS soient subrogées dans leurs droits à l'égard de la Société PIERREVAL, dans la limite de 11   000 ¿, dans l'hypothèse où cette dernière rembourserait tout ou partie du complément de prix,

Condamne in solidum Maître Z...et LES MUTUELLES DU MANS à payer aux appelants la somme de 2 000 ¿, au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4- chambre 1
Numéro d'arrêt : 12/21017
Date de la décision : 20/03/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2014-03-20;12.21017 ?
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