Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 4
ARRÊT DU 18 MARS 2014
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/07409
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Février 2012 -Tribunal d'Instance de PARIS 14ème - RG n° 11/1000529
APPELANT
Monsieur [W] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me Dominique OLIVIER de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069
Assisté de Me Olivier REDON, avocat au barreau de PERPIGNAN
INTIMES
Monsieur [O] [K]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté et assisté de Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Monsieur [C] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté et assisté de Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Monsieur [Z] [J]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté et assisté de Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Février 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques LAYLAVOIX, Président de chambre, chargé du rapport, et Madame Sabine LEBLANC, Conseillère,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jacques LAYLAVOIX, Président de chambre
Madame Sabine LEBLANC, Conseillère
Madame Sophie GRALL, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Fabienne LEFRANC
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président et par Mme Fabienne LEFRANC, greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement prononcé le 14 février 2012 par le tribunal d'instance du 14ème arrondissement de Paris, qui, saisi sur assignation notifiée au préfet le 27 septembre 2010 et délivrée le 21 septembre 2010 à M. [O] [K], M. [C] [Y] et M. [Z] [J] à la requête de M. [W] [Y] aux fins de voir prononcer la nullité du contrat de bail signé le 30 septembre 2007, à titre subsidiaire prononcer la résiliation du bail, et ordonner la restitution des lieux par le locataire et tous occupants de son chef, la remise des lieux en état où ils se trouvaient avant la mise à exécution du contrat et condamner les défendeurs au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et en réparation du préjudice moral, a rejeté la demande de sursis à statuer et l'exception d'incompétence, déclaré recevable mais infondé M. [W] [Y] en ses demandes de nullité ou de résolution du bail signé le 30 septembre 2007 entre Mme [S] [F] et M. [O] [K], rejeté toute autre demande et laissé les dépens à la charge du demandeur ;
Vu l'appel interjeté de ce jugement le 19 avril 2012 par M. [W] [Y], qui, aux termes de ses conclusions signifiées le 24 septembre 2013 :
- fait observer que le jugement du 12 avril 2013 ayant prononcé la résolution de la vente des droits indivis de M. [C] [Y] à lui-même n'est pas assorti de l'exécution provisoire et est frappé d'appel, de sorte que son action est recevable,
- soutient que Mme [F], le bail ayant été entièrement rédigé par M. [C] [Y] et présentant des lacunes et erreurs, ne pouvait donner un consentement éclairé, alors qu'elle souffrait de troubles amnésiques, ne gérait pas ses biens et ne pouvait rien faire seule et que le loyer de 400 euros par mois, étant dérisoire, le bail est dépourvu de cause,
- prétend à titre subsidiaire que M. [K], locataire en titre n'a jamais occupé les lieux et les a en réalité sous loués à M. [J], alors que toute sous location est interdite, que M. [C] [Y], rédacteur du bail, a conclu au nom de sa mère un contrat ruineux pour ses motifs de ressentiment personnel à son égard, que M. [K] ne réglait que la moitié du loyer par l'intermédiaire de la société dont il était le gérant et que rien n'a été réglé au titre des loyers depuis le décès de Mme [F], que les locaux sont actuellement désertés,
- prie la cour d'infirmer le jugement en ses dispositions lui faisant grief, de prononcer la nullité du bail signé le 30 septembre 2007, subsidiairement d'en prononcer la résiliation, en tout état de cause d'ordonner l'expulsion du locataire et de tous occupants de son chef sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de débouter les intimés de leurs demandes reconventionnelles, de condamner solidairement M. [O] [K] et M. [Z] [J] à lui payer la somme de 16 400 euros correspondant aux loyers dus d'avril à septembre 2013 et de condamner solidairement M. [O] [K], M. [C] [Y] et M. [Z] [J], outre aux dépens de première instance et d'appel, à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées le 29 novembre 2013 par M. [O] [K], M. [C] [Y] et M. [Z] [J], intimés, qui :
- font valoir que l'appartement litigieux n'est pas la propriété exclusive de M. [W] [Y], puisqu'il appartient aussi à M. [R] [Y], ainsi que cela résulté d'un jugement du tribunal de Saint Pierre du 12 avril 2013, de sorte que l'action est irrecevable et qu'à tout le moins les droits de M. [W] [Y] sont litigieux puisqu'il n'avait pas seul qualité pour agir,
- font leurs les motifs du jugement quant à l'absence de cause de nullité du bail en soulignant que, lors de la signature du bail, Mme [F], qui en est bien la signataire, était saine d'esprit et qu'il n'existe aucune preuve d'un vice du consentement ou d'abus d'autorité de la part de M. [C] [Y], qui a seulement assisté sa mère,
- ajoutent que rien ne prouve que M. [J] occupe actuellement l'appartement et qu'il n'y a jamais eu sous-location ou cession de bail au profit de celui-ci de la part de M. [K] qui se rend régulièrement à [Localité 3] pour les besoins de ses affaires, en précisant que M. [W] [Y] a toujours refusé d'encaisser la moitié des loyers auquel il pouvait prétendre, ce depuis le décès de Mme [F], mais se plaint du non paiement des loyers sans avoir délivré de mise en demeure au locataire, tout en contestant l'existence du bail et en refusant de lui transmettre son RIB,
- demandent à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter M. [W] [Y] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner aux dépens ainsi qu'à leur payer à chacun la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 21 janvier 2014 ;
Sur la recevabilité de l'action,
Considérant que le jugement rendu le 12 avril 2013 par le tribunal de grande instance de Saint-Pierre a certes prononcé la résolution de la cession des droits immobiliers indivis de M. [R] [Y] et portant sur l'appartement litigieux à son frère M. [W] [Y] ;
Que, cependant, M. [W] [Y] ayant interjeté appel le 17 mai 2013 de ce jugement, qui n'est pas assorti de l'exécution provisoire, la décision de résolution de la cession de ces droits immobiliers n'est pas exécutoire, de sorte qu'en l'état des éléments fournis à la cour M. [W] [Y] est titulaire des droits immobiliers sur l'appartement et son action est recevable ;
Sur la demande d'annulation du bail,
Considérant que M. [W] [Y] ne conteste pas véritablement que le bail litigieux, donnant en location à M. [O] [K] pour une durée de trois ans à compter du 1er octobre 2007 le logement situé [Adresse 5], a été conclu par sa mère, Mme [S] [F], alors usufruitière de l'appartement, comme le confirme l'expertise graphologique de M. [L], missioné par M. [W] [Y] lui-même ;
Qu'il prétend que le bail a été rédigé par M. [C] [Y], c'est à dire en réalité, s'agissant d'un formulaire de bail pré-imprimé visant les dispositions de la loi du 6 juillet 1989, que celui-ci a renseigné les différents rubriques du bail ( parties, adresse et consistance des locaux, date d'effet et durée du bail, loyer et charges), ce qui serait en adéquation avec la mention manuscrite portée sur le bail et suivant laquelle Mme [Y], née [F] [S], est 'éventuellement représenté' par M. [Y] [C] ; que, toutefois, les deux rapports d'identification d'écriture, versés aux débats par les intimés et établis par Mme [I], graphologue, expert près la cour d'appel de Paris, et Mme [A], graphologue, contredisent cette thèse ; qu'en tout état de cause, en admettant même qu'elle soit avérée, il ne pourrait en être déduit que le consentement de Mme [F] a été vicié lors de la conclusion du bail ;
Considérant que M. [W] [Y] ne caractérise, ni n'établit l'existence de manoeuvres dolosives de la part de M. [C] [Y] ou de M. [K], locataire, vis à vis de Mme [F] ; que les conditions d'occupation de l'appartement par M. [J] et non par le locataire en titre, alléguées par M. [W] [Y], sont sans incidence sur la régularité de la conclusion du bail ;
Considérant que, pour établir que Mme [S] [F] était dans l'incapacité de consentir de façon éclairée le bail litigieux, M. [W] [Y] produit :
- un compte rendu de consultation du 11 mai 2005 établi par le docteur [P], qui indique qu'elle a reçu Mme [Y] [S], âgée de 86 ans, pour un bilan gériatrique, que celle-ci, se trouvant en vacances chez sa fille [G], a actuellement perdu ses repères, présente une désorientation spatiale et des symptômes dépressifs ainsi qu'un ralentissement idéomoteur, que 'l'évaluation de l'autonomie montre une échelle IALD très basse', un déficit de la mémoire épisodique et qu'elle semble dormir à peu près correctement avec le Lexomyl,
- un certificat médical établi le 17 avril 2008 par le docteur [E], qui indique qu'il suit Mme [S] [F] depuis trois ans et constate une dégradation sévère de son autonomie tant physique que psychique, ce qui nécessite des soins de nursing quotidiens et une présence permanente et qu'elle présente tous les signes d'une maladie d'Alzeimer évolutive,
- une attestation de M. [N] [Y] en date du 1er septembre 2010, aux termes de laquelle il indique qu''en 2007, [C] m'a affirmé qu'il allait bloquer l'appartement que possède [W] à [Localité 3], Et c'est ce qu'il a fait en y installant le fils de M. [J] et il a ajouté qu'il briserait [W]' ;
Que les intimés produisent aussi une lettre adressée le 30 octobre 2006 par le docteur [M] au docteur [U] qui indique que Mme [S] [Y] a été hospitalisée du 17 au 298 octobre 2006 pour une broncho-pneumonie virale, qu'elle a récupéré une autonomie dans sa vie quotidienne et qu'elle présente une intolérance aux anxiolytiques avec un syndrome confusionnel du au Lexomyl, qui a été régressif dés l'arrêt de ce médicament ;
Considérant que bail a été conclu le 30 septembre 2007, soit à une période comprise entre l'établissement du compte rendu de consultation du 11 mai 2005 ( plus de eux ans après) et la lettre du docteur [M] du 30 octobre 2006 ; qu'au vu de ces documents médicaux contradictoires entre eux, comme le sont aussi les attestations émanant de proches ou de membres de la famille, dont la sincérité est sujette à caution dans le contexte des relations conflictuelles infra familiales qui ressort de leur teneur, et observation faite que la lettre du docteur [M] fait état de la régression du syndrome confusionnel dés l'arrêt de la prise du Lexomyl, il n'est pas établi avec suffisamment de certitude que, lors de la conclusion du bail, Mme [S] [F] était dans un état psychique tel qu'elle était incapable de donner un consentement éclairé à la mise en location du logement litigieux ;
Qu'enfin, la circonstance que le loyer prévu dans le bail serait largement inférieur à la valeur locative du logement ne prive pas de cause le contrat ;
Qu'en conséquence, pour l'ensemble de ces motifs, il n'y a pas lieu d'annuler le contrat de bail litigieux ;
Sur la demande de résiliation du bail,
Considérant que la demande en résiliation de bail formée par M. [W] [Y] pour non paiement des loyers n'est pas fondée ;
Qu'en effet, M. [W] [Y] ne fournit aucune réclamation adressée à M. [K] pour obtenir le paiement du loyer du logement litigieux ; qu'en revanche, M. [O] [K] produit la copie de deux lettres qu'il a adressées en recommandée, d'abord le 16 juillet 2010 à Maître [T], avocat, pour lui demander en substance à qui il devait régler le loyer face à la réclamation, également produite, que lui avait adressé M. [R] [Y] le 27 mai 2010 pour obtenir lui-même le paiement des loyers en tant que titulaire de 50% des droits indivis sur l'appartement, puis, le 14 septembre 2010, à M. [W] [Y] pour lui rappeler que ni maître [T], ni M. [W] [Y] ne lui avait communiqué le relevé d'identité bancaire pour qu'il règle le loyer de l'appartement et pour lui demander de l'éclairer sur la procédure à suivre ;
Que M. [W] [Y] ne prétend, ni n'établit qu'une réponse à ces deux lettres a été transmise à M. [K] et qu'un relevé d'identité bancaire de M. [W] [Y] lui a été fourni ;
Qu'en outre, face à ces difficultés pour régler matériellement le loyer auprès de deux personnes se disant propriétaires du logement, M. [K] a consigné la somme de 2 800 euros auprès de son conseil ;
Que, dans de telles circonstances, il ne peut être valablement reproché à M. [K] de ne pas être à jour du règlement des loyers ;
Que la demande de résiliation du bail pour sous-location, cession du bail ou prêt du logement n'est pas davantage fondée au vu des pièces versées aux débats ;
Qu'en effet, certes, M. [K] a attesté avoir hébergé son neveu M. [Z] [J] et la compagne de celui-ci dans le logement litigieux ; qu'aucun élément n'accrédite l'existence d'une sous location au profit de M. [J], ce qui supposerait le paiement d'un sous-loyer ; qu'à cet égard, sur sommation interpellative qui lui a été délivrée le 3 avril 2009, M. [Z] [J] a déclaré qu'il demeurait à titre gratuit avec son oncle M. [K] ;
Qu'en outre, même si M. [K] demeure à La Réunion, il indique lui même venir régulièrement à [Localité 3] et utiliser le logement en cause comme pied à terre ;
Qu'aucun élément ne démontre une absence totale d'occupation du logement par M. [K], même si celui-ci ne l'occupe pas de façon continue, M. [K] établissant d'ailleurs qu'il est assujetti au paiement de la taxe d'habitation pour ce logement ;
Que, de surcroît, M. [W] [Y] indique lui même dans ses écritures que M. [J] n'occupe plus les lieux ;
Qu'ainsi, M. [W] [Y] n'établit pas que M. [K] a sous-loué ou prêté le logement à son neveu, M. [J] ;
Qu'en conséquence, M. [Y] sera débouté de sa demande de résiliation du bail ;
Sur la demande en paiement de loyers,
Considérant qu'en l'absence de décompte locatif fourni et alors, d'une part, que la somme réclamée n'apparaît pas correspondre aux six mois de loyers réclamés, d'autre part, qu'il existe une instance en cours en résolution de la vente des droits indivis de M. [R] [Y] sur l'appartement litigieux, la demande en paiement de la somme réclamée à ce titre sera en l'état rejetée ;
Sur les demandes en paiement de dommages et intérêts;
Considérant que la demande en paiement de dommages et intérêts formée par M. [W] [Y], non motivée, sera rejetée compte tenu du sens du présent arrêt ;
Qu'il convient de débouter les intimés de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive, ceux-ci ne démontrant pas que M. [W] [Y] a laissé dégénérer en abus son droit d'ester en justice ;
Sur les frais et dépens,
Considérant que M. [W] [Y] supportera les dépens d'appel et sera débouté de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dont les conditions ne sont pas réunies à son profit ;
Que l'équité ne commande pas d'allouer aux intimés une indemnité sur le fondement de ce texte pour leurs frais hors dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Déboute M. [W] [Y] de sa demande de résiliation du bail,
Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou incompatible avec la motivation ci-dessus exposée,
Condamne M. [W] [Y] aux dépens d'appel et admet la SCP Grappotte Benetreau au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT