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13/03/2014 | FRANCE | N°12/03732

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 13 mars 2014, 12/03732


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 13 Mars 2014

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/03732 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section commerce RG n° 11/04266



APPELANTE

SARL ALENTOURS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Philippe LEPOITTEVIN, avocat au barrea

u de PARIS, toque : E0602



INTIME

Monsieur [J] [X]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Corinne LE FLOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : B1...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 13 Mars 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/03732 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section commerce RG n° 11/04266

APPELANTE

SARL ALENTOURS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Philippe LEPOITTEVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0602

INTIME

Monsieur [J] [X]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Corinne LE FLOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : B1167

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Février 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [X] a été engagé par la SARL Alentours, suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 22 décembre 2008, en qualité d'accompagnateur de deuxième catégorie.

Par lettre du 31 août 2010, M. [X] a présenté sa démission.

Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits salariaux, M. [X] a saisi le conseil de Paris afin d'obtenir un rappel de salaire notamment au titre d'heures supplémentaires réalisées dans la limite et au-delà de la limite du contingent annuel ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Par un jugement du 9 juillet 2012, le conseil de Paris, section commerce, a condamné la SARL Alentours à verser à M. [X] les sommes suivantes :

- 5178 euros à titre de rappel de salaire de base,

- 597,80 euros au titre des congés payés afférents,

- 6588 euros au titre des heures supplémentaires effectuées dans la limite du contingent annuel,

- 658,88 euros au titre des congés payés afférents,

- 13 885,65 euros au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel,

- 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a aussi ordonné à la SARL Alentours de remettre au salarié les bulletins de salaire et une attestation Pôle emploi conformes au jugement.

Appelante de ce jugement, la SARL Alentours en sollicite l'infirmation, sauf en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Elle réclame une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du salarié aux dépens de première instance et d'appel.

M. [X] conclut à la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, dont il demande le paiement à hauteur de la somme de 18 493,13 euros.

Il réclame aussi une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS :

Les parties ont communiqué aux débats le contrat de travail à durée indéterminée signé par elles le 22 décembre 2008, soit postérieurement à la publication de la loi d'orientation du 20 août 2008 qui a, il convient de le préciser, simplifié les modalités d'aménagement du temps de travail en créant un dispositif unique se substituant aux dispositions antérieures relatives à la modulation, à l'annualisation et au temps partiel modulé tout en ayant maintenu en vigueur les accords ayant mis en place ces anciens types d'organisation et conclus antérieurement à son entrée en vigueur.

D'après ce contrat de travail, M. [X] a été engagé « pour exercer la fonction d'accompagnateur deuxième catégorie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée pour exercer les fonctions de :

- guide chauffeur à bord du minibus,

- accompagnateur à bord des autocars,

- transferiste

lors des excursions, visites, transfert ou accompagnement de toutes natures proposés par la société ou nécessités par les besoins d'exploitation, de jour comme de nuit ».

L'article 6 dudit contrat fixe « à 1645 heures la durée annuelle de travail selon les besoins de l'entreprise ». Il est aussi spécifié que « des heures complémentaires pourront être demandées en fonction des nécessités de l'entreprise et dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles, que la présence du salarié à la disposition de l'entreprise sera répartie sur cinq jours, définie comme étant la succession de deux demi-journées, ces journées étant fixées d'un commun accord».

L'article 7 prévoit « deux jours de repos hebdomadaires consécutifs pouvant être donnés à tout moment de la semaine, pas nécessairement les samedis et dimanches, suivant les besoins de l'exploitation».

S'agissant de la rémunération, l'article 8 précise :

« votre rémunération mensuelle brute sera variable en fonction des services qui vous auront été confiés. Elle pourra être complétée par une prime de qualité[....]

Cette rémunération sera déterminée selon la grille par service en vigueur dans l'entreprise, annexée au présent contrat. Cette grille sera révisée par l'entreprise à intervalles réguliers.

En tout état de cause, votre rémunération brute ne pourra être inférieure à 1321 euros pour un mois complet de présence effective à la disposition de l'entreprise, soit 48 demi-journées mensuelles».

Selon l'article 10, « le contrat est soumis aux dispositions de la convention collective des guides accompagnateurs et accompagnateurs au service des agences de voyages et de tourisme».

Est annexée à ce contrat de travail la grille de rémunération brute forfaitaire par excursion, hors congés payés.

Tout d'abord, si la convention collective visée au contrat « s'applique aux personnes exerçant de façon suivie, comme activité principale la profession de guides accompagnateurs et accompagnateurs pour le compte d'agences ou de bureaux de voyage ou de toutes autres organisateurs de voyages ayant un bureau en France, » il est précisé en son article 5 qu'un contrat existe entre l'employeur et l'accompagnateur « que sauf stipulation contraire, ce contrat prend fin dès l'accomplissement de la mission en faisant l'objet » . Il est expressément mentionné que cette disposition ne peut en aucun cas porter atteinte au principe de l'ancienneté prévu à l'article 8 qui précise que « celle-ci est acquise au sein de chaque agence en fonction du travail, continu ou discontinu effectué à son service, qu'une année d'ancienneté dans une même agence correspond à 150 jours de travail».

Selon l'article 9 de la convention collective en cause « la rémunération des accompagnateurs est fixée par les accords de salaires, le salaire étant dû en entier pour les journées de départ et de retour».

Cette convention collective prévoit donc des dispositions spécifiques et spécialement l'établissement d'un contrat pour chaque prestation assurée par l'accompagnateur.

Dans le cas présent, les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée, garantissant au salarié une rémunération mensuelle de 1351 euros qu'elles que soient les prestations fournies sur la base d'un maintien du salarié à la disposition de l'employeur à raison de cinq jours par semaine.

Les bulletins de travail remis au salarié portent tous mention d'un nombre d'heures mensuelles de 151,67 heures ce qui correspond à un travail à temps plein.

Par ailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail dispose que la conclusion de conventions individuelles de forfaits en heures [....]est prévue par un accord collectif d'entreprise, d'établissement.[...] Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi. Il fixe aussi les caractéristiques principales de ces conventions.

L'article L.3122-2 du code du travail dispose qu' « 'un accord collectif d'entreprise d'établissement, [...]peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année. Un tel accord prévoit alors :

1/ les conditions et délais de prévenance des changements de durée d'horaires de travail,,

2/ les limites pour le décompte des heures supplémentaires,

3/ les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période. »

Selon l'article L.3122-4, « lorsqu'un accord collectif organise une variation de la durée de travail hebdomadaire sur tout ou partie de l'année, constituent des heures supplémentaires selon le cadre retenu par l'accord

- les heures effectuées au-delà de 1607 annuelles,[....] ».

L'accord d'entreprise modifié au 6 février 2002 applicable à l'espèce visent « les personnels à bord de véhicules soumis aux horaires imposés par des contraintes techniques comme les chauffeurs guides et des accompagnateurs ». Il prévoit un temps de travail fixé annuellement à 1645 heures.

Or, cet accord ne satisfait pas aux exigences légales précitées puisque le nombre d'heures annuelles est supérieur au plafond légal de 1607 heures, que ne sont pas fixés les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaires de travail, ni les conditions de prise en compte, pour le calcul de la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période.

Cet accord n'est donc pas conforme aux règles d'ordre public du code du travail.

Selon les termes du contrat de travail M. [X] a, en tant qu'accompagnateur, (personnel visé par l'accord collectif comme étant susceptible d'être soumis à l'annualisation), signé une convention de forfait annuel en heures.

Toutefois, l'accord d'entreprise est illicite et par suite, est inopposable au salarié.

Dans la mesure où la convention collective visée n'est pas applicable s'agissant de la détermination de la rémunération du salarié puisque M. [X] a été recruté dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, avec la garantie d'une rémunération minimale, en l'absence de prestations, que l'accord collectif sur l'annualisation illicite ne permet pas à l'employeur de revendiquer l'application d'une convention de forfait annuel en heures, M. [X] est fondé à revendiquer l'application des règles de droit commun de décompte et de rémunération de ses heures de travail avec toutes les conséquences qui s'ensuivent en termes de majorations de salaire notamment à raison des heures supplémentaires réalisées.

S'agissant de la demande de rappel de salaire au regard de la variation du taux horaire appliqué, l'examen des documents et des bulletins de salaires montre que les taux horaires variaient d'un mois à l'autre et même au cours de chaque mois passant de 6,89 euros à 14,23 euros, l'employeur cherchant à l'évidence à mettre, coûte que coûte, en concordance le montant global des prestations tarifées assurées mensuellement avec la rémunération à verser sur la base de 151,67 heures mensuelles.

Dans la mesure où le taux horaire, élément de rémunération essentiel dans la relation contractuelle de travail, ne pouvait effectivement varier sans l'accord express du salarié, celui-ci est fondé à former un rappel de salaire sur la base du taux le plus élevé appliqué mois par mois par l'employeur.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a accordé ce rappel de salaire à M. [X].

Par ailleurs, s'agissant des demandes de rappel au titre des heures supplémentaires, l'article L. 1321-1 du code du travail dispose que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

L'employeur peut difficilement soutenir que M. [X] pouvait vaquer à des occupations personnelles au cours de la durée de l'excursion lorsque les touristes transportés sur tel ou tel site comme les châteaux de la [Localité 3] ou le château de [Localité 4] procédaient aux visites des sites.

Il était en réalité tenu de demeurer à la disposition de ces touristes et par suite à celle de son employeur.

À cet égard, le temps de travail effectif de M. [X] résulte de la durée des excursions elles-mêmes telle qu'elles figurent dans les brochures touristiques, dans les ordres de mission quotidiens et dans le récapitulatif mensuel des excursions effectuées, annexé aux divers bulletins de salaire.

Par ailleurs, les divers témoignages communiqués par le salarié confirment que les excursions en minibus impliquaient pour lui la prise et la dépose du véhicule au parking incluant le nettoyage succinct et l'entretien du véhicule conformément à l'article 3 de son contrat de travail, la vérification de son bon fonctionnement, le plein d'essence, le trajet, et la prise en compte du fait qu'il devait un quart d'heure avant le début de l'excursion se faire remettre par les agents d'accueil, son ordre de mission mentionnant les noms des clients, les billets des sites touristiques à visiter dans la journée.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le conseil de prud'hommes a, à bon escient, accordé les sommes réclamées par le salarié au titre des diverses heures supplémentaires effectuées dans la limite du contingent annuel et au-delà du contingent annuel.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ces points.

Sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

En application de l'article L. 8221 '5 du code du travail est réputé travail dissimulé,par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche, de se soustraire à la délivrance de bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Encore faut il que soit établi le caractère intentionnel de l'abstention en cause.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Dans le cas d'espèce, le contrat de travail a été rompu consécutivement à la démission du salarié.

Par ailleurs, l'élément intentionnel exigé par l'article L. 8221-5 du code du travail est établi du fait de l'application intentionnelle combinée de plusieurs régimes incompatibles et, en tout état de cause, contraires aux dispositions d'ordre public du droit du travail, l'accord d'entreprise invoqué étant illicite ainsi que cela a été expressément relevé précédemment.

La SARL Alentours sera donc condamnée au paiement de l'indemnité forfaitaire correspondant à six mois de salaire soit 18 493,13 euros.

Sur la remise de documents :

M. [X] sollicite la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie, d'une attestation Pôle emploi conformes aux termes du présent arrêt. Cette demande est légitime et il y sera fait droit.

Aucune astreinte ne sera toutefois accordée en l'absence de toute circonstance le justifiant.

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. [X] une indemnité de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 2 500 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d'appel.

La SARL Alentours, qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

L'infirme sur ce point,

Statuant à nouveau et y ajoutant:

Condamne la SARL Alentours à verser à M. [X] la somme de 18 493,18 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé outre 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Alentours à remettre à M. [X] un bulletin de salaire récapitulatif, l'attestation Pôle emploi conformes aux termes de l'arrêt,

Déboute M. [X] de sa demande d'astreinte,

Condamne la SARL Alentours aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/03732
Date de la décision : 13/03/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°12/03732 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-13;12.03732 ?
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