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28/02/2014 | FRANCE | N°12/23060

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 28 février 2014, 12/23060


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2014



(n°2014- , 11 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 12/23060





Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/00653





APPELANTE



Madame [K] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]


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Assistée par Me Nordine TRIA, avocat au barreau d'ALES





INTIMÉES



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE M...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2014

(n°2014- , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/23060

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/00653

APPELANTE

Madame [K] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Na-ima OUGOUAG BERBER de la SCP BENICHOU OUGOUAG, avocat au barreau de PARIS, toque : P0203

Assistée par Me Nordine TRIA, avocat au barreau d'ALES

INTIMÉES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Florence KATO de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

SA KER VOYAGES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 4]

Représentée par Me Brigitte BEAUMONT de la SELURL CABINET BRIGITTE BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0372

Assistée par Me Marc-Olivier SANSON, avocat au barreau de Paris, toque : A372

SA ROYAL TOURS FRANCE

agissant en la personne de son liquidateur à la liquidation judiciaire la SELARL [Q] [T] représentée par Me [Q] [T] demeurant [Adresse 2]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Assistée par Me Elisa SILVA, avocat au barreau de paris, toque : P430

SA ALLIANZ EUROCOURTAGE venant aux droits de GAN EURO COURTAGE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Assistée par Maître Elisa SILVA, avocat au barreau de paris, toque : P430

MFP SLI DE L'HERAULT

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 6]

[Localité 1]

MUTUELLE GENERALE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 7]

[Localité 5]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Anne VIDAL, Président de chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Un rapport a été effectué a l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne VIDAL, Président de chambre

Madame Françoise MARTINI, Conseillère

Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur François LE FEVRE

ARRÊT :

- par défaut

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne VIDAL, président et par Monsieur François LE FEVRE, greffier.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat en date du 7 avril 2007, Mme [K] [U] et M. [M] [N] ont acheté auprès de la société KER VOYAGES un séjour au Maroc du 6 au 20 mai 2007 intitulé 'Combiné Marrakech/Agadir' dont l'organisateur était la société ROYAL TOURS. Bien que les vols aient été prévus sur la compagnie Royal Air Maroc, le voyage aller était effectué, malgré les protestations de Mme [K] [U], sur un vol de la compagnie Atlas Blue. Pendant le séjour au Maroc, lors d'un trajet entre [Localité 9] et [Localité 8], un camion a percuté l'arrière du mini-bus transportant Mme [K] [U] et celle-ci a été blessée et hospitalisée à [Localité 8] avant d'être rapatriée et transportée dans un hôpital parisien.

Aux termes de plusieurs actes d'huissier en date des 30 décembre 2008, 16 février 2009, 2 mars 2010 et 4 avril 2011, Mme [K] [U] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société KER VOYAGES en paiement de diverses indemnités et la MFP SLI de l'Hérault, la Mutuelle Générale et la CPAM de Paris en déclaration de jugement commun. De son côté, la société KER VOYAGES a fait assigner la société ROYAL TOURS et son assureur, GAN EUROCOURTAGE, en intervention forcée et en garantie. Toutes les instances ont été jointes.

Par jugement en date du 23 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a condamné la société KER VOYAGES à payer à Mme [K] [U] une somme de 20.000 € au titre de la réparation de son préjudice, outre une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, mais il a débouté la CPAM de ses demandes.

Il a retenu que la société KER VOYAGES devait être exonérée de sa responsabilité sur le fondement de l'article L 211-16 du code du tourisme en raison de l'existence d'un fait imprévisible et insurmontable d'un tiers étranger à la prestation vendue, l'accident résultant de la perte de contrôle du chauffeur d'un camion ayant percuté le mini-bus. Mais il a considéré que la société KER VOYAGES, en violant les dispositions de l'article 101 des conditions de vente du forfait touristique et en refusant d'annuler le voyage en raison du changement de compagnie, comme le voulait Mme [K] [U], avait engagé sa responsabilité contractuelle et avait fait perdre à celle-ci la chance de ne pas partir en voyage et d'éviter ainsi l'accident qui s'est réalisé.

Le tribunal a par ailleurs condamné la société ROYAL TOURS et son assureur GAN EUROCOURTAGE à garantir la société KER VOYAGES à hauteur de la moitié des condamnations en retenant que le fait d'avoir fait voyager Mme [K] [U] sur un vol spécial de la filiale Atlas Blue, au lieu d'un vol régulier sur Royal Air Maroc, était inhérent à la société organisatrice.

Mme [K] [U] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 18 décembre 2012 à l'encontre de la SA KER VOYAGES, de la SA ROYAL TOURS FRANCE et de la SA ALLIANZ EUROCOURTAGE venant aux droits de la GAN EUROCOURTAGE. Une deuxième déclaration d'appel a été déposée le 3 juin 2013 à l'encontre de la CPAM de Paris, la Mutuelle MFP SLI de l'Hérault et la Mutuelle Générale. Cet appel a été joint à la procédure principale. Par conclusions en date du 19 février 2014, Mme [K] [U] a déclaré se désister d'instance et d'action à l'encontre de la Mutuelle MFP SLI de l'Hérault et de la Mutuelle Générale.

----------------

Mme [K] [U], aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 18 décembre 2013, demande à la cour de :

infirmer le jugement déféré,

Sur la perte de chance :

dire que la société KER VOYAGES a manqué à son obligation d'information et qu'elle est entièrement responsable du préjudice subi, sur le fondement des articles L 211-9 et L 211-10, R 211-11 et 211-18 du code du tourisme, ainsi que sur le fondement de l'article 1382 du code civil,

ordonner une expertise médicale avec mission habituelle en la matière pour déterminer les éléments permettant d'apprécier ses préjudices,

dire qu'il existe un préjudice moral distinct de l'IPP, de l'ITT, du pretium doloris et du préjudice d'agrément que l'expert évaluera,

condamner la société KER VOYAGES à lui payer une somme provisionnelle de 15.000 € sur ses préjudices corporels ainsi qu'une somme de 15.000 € en réparation de son préjudice moral,

réserver ses demandes quant au préjudice matériel,

Sur les conséquences de l'accident :

déclarer la société KER VOYAGES responsable de plein droit des conséquences dommageables de l'accident survenu le 9 mai 2007, sur le fondement de l'article L 211-17 du code du tourisme applicable au jour de l'accident,

ordonner une expertise médicale avec mission habituelle en la matière pour déterminer les éléments permettant d'apprécier ses préjudices,

dire qu'il existe un préjudice moral distinct de l'IPP, de l'ITT, du pretium doloris et du préjudice d'agrément que l'expert évaluera,

condamner la société KER VOYAGES à lui payer une somme provisionnelle de 15.000 € sur ses préjudices corporels ainsi qu'une somme de 15.000 € en réparation de son préjudice moral,

réserver ses demandes quant au préjudice matériel,

condamner la société KER VOYAGES à lui verser une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir, pour l'essentiel de ses explications, les éléments suivants :

- sur la perte de chance liée au non-respect par l'agence de voyages de son obligation d'information : le voyage vendu comportait le transport en avion par vol régulier Royal Air Maroc, or c'est un vol charter low cost qui a été assuré, ce qui constituait une modification d'un élément essentiel du voyage et justifiait que l'agence de voyage accepte, en application de l'article 101 des conditions générales de vente et de l'article R 211-11 du code du tourisme, la résiliation du contrat, ce que Mme [K] [U] souhaitait et que la société KER VOYAGES a refusé ; la société KER VOYAGES a également manqué à son obligation d'information quant à la modification de l'identité du transporteur ; sa responsabilité se trouve donc engagée et il y a bien perte de chance pour Mme [U] de refuser le voyage et donc d'éviter le préjudice qui s'est réalisé au cours de celui-ci, ce qui justifie une réparation intégrale des dommages subis, tant corporels que matériels, outre un préjudice moral important ;

- sur la responsabilité de la société KER VOYAGES : il s'agit d'une responsabilité de plein droit en application de l'article L 211-17 du code du tourisme applicable en l'espèce, avant la réforme de la loi du 22 juillet 2009 ; la responsabilité de l'agence de voyages peut être engagée alors même que celle de son prestataire ne le serait pas ; en outre, cette société a manqué à son obligation de sécurité, le transport local ayant été effectué à l'aide d'un mini-bus qui n'était pas équipé de ceintures de sécurité, en mauvais état (kilométrage de 1506743) et dans lequel Mme [U] était assise sur un siège supplémentaire, pour effectuer un voyage fatigant et inapproprié et avec un conducteur qui n'était muni que d'un permis de conduire provisoire ; le caractère imprévisible et insurmontable de l'accident ne donc peut être retenu compte tenu de l'état du véhicule et de l'organisation du séjour touristique.

La CPAM de Paris, suivant conclusions signifiées le 3 décembre 2013, demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à l'expertise médicale sollicitée et de dire que la provision allouée à la victime sera imputée sur les préjudices non soumis à recours.

Dans l'hypothèse où la cour retiendrait la responsabilité pleine et entière de la société KER VOYAGES, elle réclame la condamnation de cette société à lui verser la somme de 42.361,02 € à titre de provision, avec intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2011 sur la somme de 41.843,45 € et à compter du 2 janvier 2012 pour le surplus, et de réserver ses droits pour les prestations non connues à ce jour et qui seraient versées ultérieurement.

Dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement sur la perte de chance, elle demande qu'il soit réformé en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes et de condamner la société KER VOYAGES à lui payer la somme de 42.361,02 € à titre de provision, sous réserve de l'application du taux de perte de chance qui sera retenu.

Elle réclame en tout état de cause la condamnation de tous succombants à lui payer une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société KER VOYAGES, en l'état de ses écritures signifiées le 8 janvier 2014, demande à la cour de :

A titre principal :

dire que les demandes de Mme [K] [U] tendant à la fois à l'indemnisation d'une perte de chance d'éviter le dommage et à l'indemnisation de ce dommage sont irrecevables,

A titre subsidiaire :

dire que la société KER VOYAGES n'a commis aucune faute susceptible d'entraîner sa responsabilité,

En conséquence,

confirmer le jugement en ce qu'il a exonéré la société KER VOYAGES de sa responsabilité de plein droit sur le fondement de l'article L 211-16 du code du tourisme, l'accident étant survenu du fait d'un tiers,

le réformer en ce qu'il a retenu une prétendue perte de chance, débouter Mme [K] [U] et la CPAM de toutes leurs demandes et la condamner à lui payer une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre plus subsidiaire,

réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société ROYAL TOURS et son assureur à la garantir seulement à hauteur de la moitié des condamnations prononcées et condamner la société ROYAL TOURS et ALLIANZ à la relever et garantir de toutes les condamnations prononcées contre elle en principal et intérêts,

lui donner acte de ses protestions et réserves sur la demande d'expertise et compléter la mission sollicitée pour que soient déterminées les seules séquelles de l'accident du 6 mai 2007, à l'exclusion de tout état antérieur,

débouter Mme [K] [U] et la CPAM de toutes leurs demandes et subsidiairement les réduire et déduire les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement,

condamner la société ROYAL TOURS et ALLIANZ à lui payer une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose :

- sur la responsabilité : l'article L 211-17 du code du tourisme applicable au moment des faits prévoit que le vendeur de voyage peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant que l'inexécution ou la mauvaise exécution sont le fait imprévisible et insurmontable d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat ; or, en l'espèce, le mini-bus a été heurté à l'arrière par un camion dont le chauffeur avait perdu le contrôle suite à une défaillance des freins, sans que la responsabilité ou la qualification du chauffeur du mini-bus soient en cause et sans que le mauvais état de ce véhicule soit démontré ;

- sur la perte de chance : l'article R 211-18 prévoit que l'organisateur de voyage doit informer le client de toute modification de l'identité du transporteur, sans aucun formalisme, ce qu'a fait la société KER VOYAGES puisque M. [N] lui écrivait à ce sujet le 22 avril 2007, soit 15 jours avant le voyage, de sorte qu'il n'y a pas de manquement à l'obligation d'information ; par ailleurs, il est expressément mentionné dans la brochure ROYAL TOURS dont Mme [K] [U] a signé qu'elle en avait eu connaissance, que la société Atlas Blue, filiale de Royal Air Maroc, assure les vols au départ de [Localité 10], de sorte que le changement du nom du transporteur ne constitue pas une modification d'un élément essentiel du voyage ; enfin, Mme [K] [U] ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait voulu annuler le voyage et que la société KER VOYAGES s'y serait opposée, cette société s'étant seulement refusée à substituer au vol Atlas Blue un vol Air France sans surcoût pour la cliente ;

- sur la garantie de la société ROYAL TOURS et de son assureur : le contrat a été émis et les informations ont été données par la société KER VOYAGES conformément au catalogue du tour opérateur, de sorte que si un reproche devait lui être fait, il engagerait la responsabilité de la société ROYAL TOURS ; de même, si des manquements à la sécurité devaient être retenus, la concluante serait bien fondée à exercer l'action récursoire de l'article L 211-16.

La société ROYAL TOURS France, agissant en la personne de son liquidateur, la SELARL [Q] [T], et la SA ALLIANZ Eurocourtage, aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 2 octobre 2013, concluent :

Sur la perte de chance,

Au principal, à l'infirmation des dispositions du jugement portant sur la perte de chance alléguée par Mme [K] [U] et au rejet de l'ensemble des demandes de la société KER VOYAGES à leur encontre,

A titre subsidiaire, à la confirmation des dispositions du jugement portant sur la perte de chance,

Sur les conséquences de l'accident du 9 mai 2007,

Au principal, à la confirmation du jugement ayant retenu que l'accident dont Mme [K] [U] avait été victime avait été causé par un véhicule tiers, que la société KER VOYAGES était exonérée de sa responsabilité et que cette société devait être déboutée de ses demandes à l'encontre de la société ROYAL TOURS et de son assureur,

Subsidiairement, au donner acte aux concluantes de leurs protestations et réserves sur la demande d'expertise médicale et au rejet des demandes de provision et de dommages et intérêts sur le préjudice moral comme mal fondées et injustifiées, et plus subsidiairement à leur réduction,

En tout état de cause,

A la constatation que la garantie de la SA ALLIANZ ne peut être mise en oeuvre que sous réserve d'une franchise de 10% avec un minimum de 750 € et un maximum de 3.000 €,

Au rejet du surplus des demandes de Mme [K] [U] et au rejet des demandes de la CPAM, ainsi que de toutes les demandes en ce qu'elles seraient dirigées contre la société KER VOYAGES et la SA ALLIANZ,

A la condamnation de la société KER VOYAGES à leur verser une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles critiquent le jugement déféré sur les points suivants :

Mme [K] [U] n'a pas voyagé sur un vol spécial mais sur un vol régulier, la société ROYAL TOURS a indiqué l'identité du transporteur avant et lors de la conclusion du contrat (cf page 10 de sa brochure et facture du 7 avril 2007, soit du jour du contrat de vente) et il n'y a pas eu de modification substantielle du contrat ; la société ROYAL TOURS n'a commis aucun manquement à son obligation d'information, le reproche formulé par Mme [K] [U] relevant de la seule responsabilité de la société KER VOYAGES ; en tout état de cause, il n'existe aucun lien de causalité entre le fait que le vol ait été assuré par Atlas Blue - en toute sécurité - et l'accident dont Mme [K] [U] a été victime au Maroc - qui aurait été le même si elle avait voyagé sur Royal Air Maroc,

dans les relations entre l'agent de voyages et le tour opérateur, c'est l'article 1147 du code civil qui s'applique, or aucune faute n'est ni qualifiée ni rapportée par la société KER VOYAGES contre la société ROYAL TOURS qui a exécuté parfaitement la prestation de transport terrestre, Mme [K] [U] ne rapportant pas la preuve de ses allégations.

La MFP SLI de l'Hérault et la MUTUELLE GENERALE n'ont pas comparu.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 9 janvier 2014.

MOTIFS DE LA DECISION :

Considérant que M. [M] [N] et Mme [K] [U] ont acheté auprès de l'agence KER VOYAGES, le 7 avril 2007, un voyage organisé au Maroc comprenant un vol Paris-Marrakech le 6 mai 2007 et retour Agadir-Paris le 20 mai 2007, un circuit de 8 jours et un séjour hôtelier en demi-pension, moyennant le prix de 3.528 € ; qu'il était mentionné sur le contrat écrit remis aux clients que le vol serait assuré par la compagnie Royal Air Maroc sur un vol régulier au départ de [Localité 10] à 8h35 et au départ d'Agadir à 7h05 ;

Qu'ils ont reçu leur carnet de voyage qui mentionnait, contrairement à ce qui avait été prévu dans le contrat, que le vol aller serait assuré par la compagnie Atlas Blue, ce qui a donné de leur part à l'envoi de deux courriers de protestation, les 22 avril et 26 avril 2007, aux termes desquels ils sollicitaient l'échange de leur vol aller par un vol Air France, aux frais de l'agence de voyages, ou à défaut l'annulation du voyage ;

Que la société KER VOYAGES opposait une fin de non-recevoir en indiquant que si les acheteurs entendaient modifier un élément du contrat ils devraient en supporter la charge financière ;

Que M. [M] [N] et Mme [K] [U], après avoir menacé la société KER VOYAGES d'une plainte auprès du Procureur de la république, sont partis au Maroc à bord du vol Atlas Blue, le 6 mai 2007 ;

Que, le 9 mai 2007, au cours du circuit organisé la première semaine, Mme [K] [U] a été victime d'un accident de la circulation, alors qu'elle voyageait dans le mini-bus affrété par le prestataire local entre [Localité 9] et [Localité 8], qu'elle a été blessée au bras droit, à la suite de quoi elle a été rapatriée en France et hospitalisée à l'Hôpital Rothschild à [Localité 10] pendant 15 jours ;

Considérant que Mme [K] [U] agit en responsabilité contre la société KER VOYAGES pour solliciter la réparation des préjudices résultant de cet accident ; qu'elle fonde ses demandes, d'une part sur la responsabilité de l'agence de voyages en raison du non-respect de son obligation d'information et pour non-respect des dispositions de l'article L211-13 du code du tourisme et de l'article 101 des conditions générales de vente en invoquant une perte de chance de ne pas voir se réaliser le préjudice, d'autre part sur la responsabilité de plein droit de l'agence de voyages telle qu'elle ressort de l'article L 211-17 du code du tourisme alors applicable ; qu'il ne peut être question pour elle de cumuler les demandes dès lors qu'elle sollicite, sur les deux fondements, la réparation intégrale de ses préjudices corporels, de son préjudice matériel et de son préjudice moral ensuite de l'accident, de sorte que la cour ne les examinera que de manière principale pour celle présentée en premier lieu au titre de la perte de chance et de manière subsidiaire pour celle présentée en second lieu au titre de la responsabilité de plein droit ;

Sur la perte de chance :

Considérant que Mme [K] [U] invoque les dispositions de l'article L 211-13 du code du tourisme en vertu desquelles lorsque, avant le départ, le respect de l'un des éléments essentiels du contrat est rendu impossible, le vendeur doit, le plus rapidement possible, en avertir l'acheteur et l'informer de la faculté dont il dispose, soit de résilier le contrat, soit d'accepter la modification proposée ; que ces dispositions figurent d'ailleurs, sous une formulation différente à l'article 101 des conditions générales de vente cité in extenso par le tribunal et fondant sa décision ; que l'appelante soutient que le changement de transporteur aérien constitue une modification d'un élément essentiel du contrat de voyage et que, lors de la remise du carnet de voyage mentionnant la compagnie Atlas Blue au lieu de Royal Air Maroc, la société KER VOYAGES aurait dû lui proposer l'annulation de son voyage, à défaut pour la cliente d'accepter cette modification ;

Que le tribunal a fait droit à cette argumentation en considérant, d'une part qu'il y avait bien eu une modification du contrat puisque le vol aller ne correspondait pas à un vol régulier assuré par la compagnie ROYAL AIR MAROC mais à un vol spécial exigeant une confirmation préalable et obligeant les passagers à payer les boissons et repas, d'autre part que cette modification portait sur un élément essentiel du voyage vendu en se fondant sur la brochure Royal Tours remise aux clients affirmant que le transport aérien est un élément prépondérant du voyage ;

Mais que la cour observe que le vol Atlas Blue constituait un vol régulier, non sujet à confirmation et ayant un horaire fixe conforme à celui indiqué dans le contrat ; que, par ailleurs, la brochure Royal Tours remise aux voyageurs lors de la conclusion du contrat mentionne, dans le paragraphe relatif au transport aérien cité par le tribunal et en suite de l'affirmation du caractère prépondérant de la prestation de voyage aérien : « Nous avons négocié un partenariat avec la compagnie Royal Air Maroc et sa filiale Atlas Blue au départ de Paris et province à destination du Maroc. Nous vous garantissons ainsi des horaires de vols confirmés dès la réservation et la qualité d'un vol régulier au prix approchant celui d'un charter. » ; qu'enfin, l'article R 211-6 du code du tourisme dans sa version alors applicable prévoit que le vendeur de forfait touristique doit, parmi les informations données sur les prestations fournies à l'occasion du voyage, indiquer la destination, les moyens, les caractéristiques et les catégories de transports utilisés, mais que le nom de la compagnie ne figure pas au nombre de ces informations ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments et dès lors que le transport aérien était assuré par la filiale de Royal Air Maroc sur un vol régulier et non, comme le soutenait Mme [K] [U] dans son courrier du 22 avril 2007, en vol charter, il ne peut être considéré que le changement de nom de la compagnie, même accompagné de l'information selon laquelle les boissons et repas à bord seraient payants, constituait une modification d'un élément essentiel du contrat ;

Qu'au demeurant, la cour relève que Mme [K] [U] n'a pas, dans son courrier du 22 avril 2007, réclamé l'annulation de son voyage, mais seulement évoqué cette possibilité de manière très subsidiaire, au choix de l'agence de voyages, et qu'elle entendait en réalité négocier auprès de la société KER VOYAGES le changement de vol départ pour un vol Air France, aux frais de l'agence de voyage ; que l'éventualité d'une annulation apparaît d'autant moins sérieuse qu'elle indique dans ses écritures : « la société KER VOYAGES ne peut nullement reprocher à Mme [U] de ne pas avoir mis fin au contrat. Mme [U] tenait tout particulièrement à profiter de ses congés qui ne pouvaient pas être modifiés. Avertie au dernier instant, elle ne pouvait nullement mettre fin au contrat sans perdre le bénéfice de ses congés et de son déplacement. » ;

Qu'il y a lieu d'ajouter que le défaut d'information reproché à la société KER VOYAGES sur l'identité de la compagnie aérienne, s'il est susceptible d'engager la responsabilité du vendeur, est sans aucun lien de causalité avec la réalisation du préjudice dont Mme [K] [U] sollicite réparation, le vol réalisé par la compagnie ATLAS BLUE s'étant effectué sans aucune difficulté et sans aucun dommage pour la cliente ;

Qu'il convient en conséquence de débouter Mme [K] [U] de sa demande fondée sur la perte de chance d'éviter le dommage ;

Sur la responsabilité de plein droit de la société KER VOYAGES :

Considérant que l'article L 211-17 du code du tourisme, dans sa rédaction applicable en 2007, dispose :

« Toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l'article L. 211-1 est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci. Toutefois, elle peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.';

Que le tribunal a très justement, en considération de ces dispositions reprises à l'article L 211-16 à la suite de la loi du 22 juillet 2009, retenu que l'accident de la circulation survenu pendant le séjour et causé par le fait d'un tiers, à savoir un camion dont le chauffeur avait perdu le contrôle, entrait dans les prévisions de l'alinéa 2 de cet article et constituait une cause exonératoire de responsabilité de l'agence de voyages ;

Qu'il convient en effet de relever, en lecture du procès-verbal de l'accident dressé par les services de la gendarmerie royale marocaine, que le mini-bus dans lequel Mme [K] [U] était transportée, ainsi que l'ensemble des touristes voyageant avec Royal Tours, s'est renversé à la suite d'une collision avec un camion l'ayant heurté à l'arrière ; que l'accident est ainsi résumé par les services de la gendarmerie (extrait de la traduction effectuée par M. [Y] [H], interprète traducteur assermenté): « Le conducteur du camion de marque ISUZU (') n'a pas obtempéré devant les signalisations d'arrêt pour le contrôle dressées par les éléments du peloton motocycliste de la gendarmerie royale de Meknès à proximité du point kilométrique n°146 sur cette même route et au niveau d'une pente jouxtant le point kilométrique précité, il roulait à une vitesse excessive de 123km/heure tel qu'il ressort du chronotachygraphe du camion, ce qui a fait que le conducteur a perdu le contrôle de son camion dans la pente et a percuté le flanc arrière gauche de la voiture de tourisme de marque IVECO (..) en provenance de la même direction (..) A cause de la violence de la collision, la trajectoire de la voiture destinée au transport touristique a également changé dans le sens inverse de la direction de sa marche (..) pour se coucher sur son côté droit sur le bas-côté de la route. » ; qu'il en ressort que l'accident est dû à la seule intervention fautive, imprévisible et irrésistible du camion qui est venu heurter avec violence le mini-bus qui roulait devant lui dans le même sens, sans que ce dernier puisse effectuer la moindre man'uvre d'évitement, tous éléments permettant de retenir la preuve du fait d'un tiers à caractère exonératoire ;

Que c'est en vain que Mme [K] [U] prétend que les conséquences dommageables seraient pour partie imputables à la qualité du transport effectué par le prestataire local, la cour observant en lecture du PV produit par les parties :

que le véhicule mini-bus IVECO la transportant a été déclaré en bon état par les services de gendarmerie, qu'il s'agissait d'un véhicule mis en circulation le 3 janvier 2005, ayant donc seulement deux ans au moment de l'accident et dont le kilométrage ne pouvait être celui de 1506743 mentionné dans le PV (manifestement par l'effet d'une erreur matérielle, sauf à admettre que le véhicule ait roulé tous les jours, sans exception, près de 2.000 kms par jour) et que l'absence de ceintures de sécurité n'est pas notée dans la rubrique « Equipements et accessoires prévus par la loi », de sorte qu'il ne peut être soutenu que l'importance des blessures serait due au mauvais état ou à la non-conformité du véhicule à la réglementation ;

que le mini-bus transportait quinze touristes, outre le chauffeur et le guide, alors que le nombre de places autorisées était de 20 + le chauffeur, aucune surcharge n'étant donc relevée et Mme [U] n'étant nullement dans l'obligation d'être assise, comme elle le prétend, sur un siège supplémentaire ;

que le conducteur, s'il était effectivement en possession d'un permis de conduire provisoire, était titulaire du permis depuis plus de trente ans, était chauffeur de car de tourisme depuis 1999 et déclarait n'avoir jamais été ni responsable ni victime d'aucun accident avant celui-là, et que, par ailleurs, l'accident est survenu le matin vers 8h20, alors que le mini-bus avait quitté l'hôtel de [Localité 8] vers 8h et n'avait roulé que 25 kms, de sorte qu'il ne peut être prétendu que l'accident serait dû à l'inexpérience ou à la fatigue du conducteur dont l'un des passagers (le témoin n°10) indique qu'il était « très observant vis-à-vis du code de la route au Maroc » et n'avait commis aucune erreur de conduite depuis l'instant où il était monté dans le véhicule ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] [U] de sa demande en réparation fondée sur la responsabilité de plein droit de l'agence de voyages;

Considérant qu'il convient en conséquence de réformer partiellement le jugement, de débouter Mme [K] [U] de toutes ses demandes principales, subsidiaires et accessoires à l'encontre de la société KER VOYAGES, de débouter également la CPAM de ses réclamations et de déclarer l'appel en cause et en garantie de la société KER VOYAGES à l'encontre de la société ROYAL TOURS et de son assureur sans objet ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'article 696 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par défaut,

Donne acte à Mme [K] [U] de son désistement d'instance et d'action à l'encontre de la Mutuelle MFP SLI de l'Hérault et de la Mutuelle Générale ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [K] [U] en réparation intégrale par la société KER VOYAGES de ses préjudices du fait de l'accident de la circulation survenu au Maroc le 9 mai 2007 au titre de sa responsabilité de plein droit d'agence de voyages ;

Le confirme également en ce qu'il a débouté la CPAM de Paris de toutes ses demandes ;

L'infirmant pour le surplus de ses dispositions et y ajoutant,

Déboute Mme [K] [U] de toutes ses demandes à l'encontre de la société KER VOYAGES ;

Déclare sans objet l'appel en cause et en garantie par la société KER VOYAGES de la société ROYAL TOURS et de la SA ALLIANZ venant aux droits de GAN EUROCOURTAGE ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [K] [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/23060
Date de la décision : 28/02/2014

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°12/23060 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-28;12.23060 ?
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