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26/02/2014 | FRANCE | N°12/14813

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 7, 26 février 2014, 12/14813


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 7



ARRET DU 26 FEVRIER 2014



(n° 8 , 5 Pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/14813



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 11/05965





APPELANTS



Monsieur [Q] [K]

[Adresse 2]

[Localité 2]



Monsieur [Z] [K]

[A

dresse 2]

[Localité 2]



représentés par Me Emmanuel MICHAU de la SELARL E.MICHAU AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0797







INTIMEE



SAS LES ECHOS

agissant poursuites et diligences de ses r...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 7

ARRET DU 26 FEVRIER 2014

(n° 8 , 5 Pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/14813

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 11/05965

APPELANTS

Monsieur [Q] [K]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Monsieur [Z] [K]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentés par Me Emmanuel MICHAU de la SELARL E.MICHAU AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0797

INTIMEE

SAS LES ECHOS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Basile ADER de l'AARPI ADER, JOLIBOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : T11

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Décembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sophie PORTIER, présidente

François REYGROBELLET, conseiller

Sophie-Hélène CHÂTEAU, conseillère

qui en ont délibéré sur le rapport de Sophie PORTIER.

Greffiers lors des débats : Mme Elodie RUFFIER et lors de la mise à disposition Fatia HENNI.

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie PORTIER, président et Fatia HENNI, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise.

* * *

Assignation a été délivrée le 27 octobre 2010, à la requête de [Q] [K] et [Z] [K], à la société les Échos, sur le fondement de l'article 38 de la loi du 6 janvier 1978 et 1382 du Code civil, en raison de l'utilisation de leur patronyme comme mot clé sur les moteurs de recherche donnant accès en premier rang au titre suivant : « le Conseil d'État a réduit la sanction des frères [K] à un blâme », faisant référence à un article archivé sur le site «lesechos.fr » publié dans le journal papier le 8 novembre 2006, aux fins que soit ordonnée la suppression des données personnelles des demandeurs à la fois du titre et du texte de tous les traitements automatisés du site Web « les Échos fr » et que la société les Échos soit condamnée à verser à chacun d'eux la somme de 36 000 € à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 14 000 € en réparation du préjudice moral outre la somme de 1960 € en remboursement de leurs frais irrepetibles ;

Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement prononcé le 9 mai 2012 a :

- débouté [Z] [K] et [Q] [K] de l'ensemble de leurs demandes,

- dit n'y avoir à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné [Z] et [Q] [K] aux dépens,

Vu l'appel interjeté de ce jugement le 10 août 2012par [Q] [K] et [Z] [K] qui, aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 15 mai 2013 en poursuivent l'infirmation et demandent à la cour  :

- d'ordonner la suppression des données personnelles des appelants à la fois du titre et du texte litigieux et/ou de tous les traitements automatisés du site Web « les Échos. fr »,

- de condamner Les Echos au paiement de la somme de 72 000 €, soit 36 000 € par demandeur, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi et de la somme de 28 000 €, soit 14 000 € par demandeur, au titre de leur préjudice moral,

- de condamner Les Echos à la somme de 16 455 € TTC au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens,

- d'ordonner l'anonymisation de la décision à intervenir ;

Vu les conclusions signifiées le 18 juin 2013 par la société les Échos, intimée, qui demande à la cour :

- De confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- De débouter en conséquence Messieurs [Z] et [Q] [K] de l'intégralité de leurs demandes

- De les condamner à verser la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de l'instance dont distraction pour ceux qui le concernent au profit de Maître Basile Ader, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 20 novembre 2013 ;

Ceci étant exposé,

Considérant que comme le rappelle le tribunal, [Z] et [Q] [K] ont fait l'objet, au mois d'avril 2003, d'une sanction de la commission disciplinaire duCconseil des marchés financiers qui a prononcé le retrait de leur carte professionnelle pour une durée de 10 ans ainsi qu'une sanction pécuniaire de 60 000 € et une mesure de publicité ; que cette décision a été publiée sur le site de la Commission des opérations de bourse( COB) et, par extraits, sur le site du journal Les Échos ; que les appelants font valoir, sans être contredits, qu'ils ont obtenu des sites Internet de la COB et de celui des archives du journal Les Échos le retrait de toute référence à cette décision ;

Considérant qu'à la suite du recours exercé par [Z] et [Q] [K] contre la décision du Conseil des marchés financiers, le Conseil d'État, par deux arrêts rendus le 21 juillet 2006 a estimé que certains des manquements reprochés n'étaient pas légalement fondés et a substitué à la sanction de retrait de la carte professionnelle celle du blâme ;

Considérant que le journal Les Échos a publié le 8 novembre 2006, un article intitulé « le Conseil d'État réduit la sanction des frères [K] à un blâme » et ainsi rédigé :

« Dans un arrêt du 13 juillet 2006 le Conseil d'État a substitué un blâme à la décision de retrait pour 10 ans des cartes professionnelles de [Z] et [Q] [K], prononcée en avril 2003 par le Conseil des marchés financiers (CMFex AMF) dans le dossier Mercury Capital Markets. La sanction de 60 000 € a été maintenue. La juridiction d'appel a estimé que seule une partie des manquements qui avaient justifié les poursuites devant le CMF devaient être retenus. L 'AMF a été condamnée à verser 2000 € à [Z] et [Q] [K] au titre des dépens. »

Considérant que les appelants font valoir que les Echos ont pu se procurer le nom des parties en reprenant l'annonce parue dans la revue de l'AMF et non pas l'arrêt du Conseil d'État tel qu'il est mis en ligne « anonymisé » sur son site Internet ; que le journal les Échos puis le site « les Échos. fr» ont repris la citation de la décision sous le nom de [K], ce qui a eu pour effet de référencer l'extrait sur tous les moteurs de recherche Internet faisant un lien sur le site des Echos à partir du nom de [K]  ; que l'extait a été commercialisé par la suite sur le site « les Échos. fr » dans sa rubrique «archives », puis est devenu accessible en clair et gratuitement à partir de janvier 2007 ;

Considérant qu'ils font valoir que le court extrait de jurisprudence reproduit dans la base « archives » du site Internet les Échos.fr figure sous un titre qui ne reflète pas correctement la décision rendue puisque le conseil d'État les a en réalité « blanchis » en les rétablissant dans leurs droits pleins et entiers d'exercer leur métier avec la carte professionnelle nécessaire ; qu'en dépit des démarches engagées depuis janvier 2007 auprès du journal et alors que l'AMF a accepté de supprimer leur nom et prénom comme critère d'indexation sur le moteur de recherche interne à son site, ils n'ont pu obtenir ni le retrait de la « brève», ni la suppression de toute référence à leur nom, ainsi entaché d'opprobre ; qu'ils soulignent qu'ils ne demandent pas la suppression d'un article de presse, ce qui porterait atteinte à la liberté de presse, mais que leurs noms et prénoms ne servent pas de critères de traitement ou d'indexation du site Web des Echos, ce qui résulte, selon le rapport versé à la procédure de l'expert consulté à titre amiable, Monsieur [V], d'un choix technique fait par l'éditeur et ses sous-traitants, choix qui a pour conséquence que toute recherche nominative sur des « méga moteurs Internet » de type Google aboutit nécessairement sur les données nominatives figurant dans les articles archivés sur le site Internet du journal ; qu'il s'agit donc selon eux n'ont pas d'un droit à l'oubli mais du droit à s'opposer à certains choix techniques ;

Considérant qu'il est en définitive soutenu que les dispositions dérogatoires prévues par l'article 67 à la loi du 6 janvier 1978, autorisant les traitements de données à caractère personnel mis en 'uvre « aux seules fins d'exercice, à titre professionnel, de l'activité de journaliste » et dans les limites conciliables avec le droit privé selon la directive européenne du 24 octobre 1995, ne sont pas applicables en l'espèce, puisque, d'une part, un système d'indexation et de recherche à partir de données nominatives, dans la base de données d'archives est, en lui-même, sans rapport avec la liberté d'expression, et qu'une désindexation des noms et prénoms ne nécessite pas de porter atteint à l'article de presse ; Que, d'autre part, la décision ayant été anonymisée par le service de documentation du conseil d'État l'organe de presse devait se limiter aux données strictement nécessaires aux besoins de l'accès au droit sans dévoiler inutilement des données personnelles, et qu'enfin et en tout état de cause, l'article 38 de la loi selon lequel « toute personne physique a le droit de s'opposer pour des motifs légitimes à ce que des données à caractère personnel la concernant fasse l'objet d'un traitement » opposable aux journalistes, droit qui n'est soumis à aucun formalisme, a vocation à s'appliquer, le motif légitime étant celui de l'atteinte à la réputation, faisant obstacle, malgré la restitution de leur carte professionnelle, à l'exercice par les appelants, d'une profession financière réglementée ;

Considérant que la société intimée fait valoir que le régime dérogatoire de la loi de 1978 sur les données personnelles s'applique en l'espèce et que le droit d'opposition prévu à l'article 38 de cette loi suppose que soit respecté un certain formalisme et, surtout, qu'il existe un « motif légitime » justifiant une mesure aussi grave que la suppression d'un article de presse ; qu'il ne peut être soutenu que la présentation de l'article serait tendancieuse et qu'il n'est pas démontré que l'incapacité depuis plus de six ans des appelants à trouver un emploi résulterait exclusivement du référencement par Google de l'article litigieux, qui n'est pas le fait de l'intimé ; qu'il résulte du rapport d'expertise amiable versée que l'indexation de l'article litigieux, choisi par les échos, est en mode « full text » c'est-à-dire que sont utilisés, ce qui est usuel, tous les mots contenus dans l'article et dans le titre, de telle sorte que le nom et prénoms des parties est normalement l'un des critères de référencement ; que le seul maintien en ligne de l'article ou son référencement par un moteur de recherche n'est pas un argument de nature à justifier en soi la suppression d'un article de presse ; qu'enfin, l'identité de la personne condamnée par le Conseil des marchés financiers n'est pas confidentielle mais publique et en prohiber la diffusion par la presse ne peut constituer un impératif prépondérant d'intérêt public justifiant, au regard des dispositions de l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 10.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'en prohiber la diffusion ;

Considérant, comme l'ont retenu les premiers juges, que les dispositions dérogatoires prévues par le 2° de l'article 67 de la loi du 6 janvier 1978 visant les « traitements de données à caractère personnel mis en 'uvre aux seules fins' d'exercice à titre professionnel de l'activité de journaliste, dans le respect des règles déontologiques de cette profession » sont applicables en l'espèce s'agissant de l'archivage d'articles de presse ; que les demandeurs ne peuvent donc se prévaloir que des dispositions de l'article 38 de ladite loi qui permettent à toute personne physique « de s'opposer pour des motifs légitimes à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement » ;

Considérant que contrairement à ce que soutiennent les appelants, ni le titre de l'article qui apparaît en première page du moteur de recherche Google lorsque leur patronyme est utilisé comme mot-clé, ni l'article lui-même librement accessible sur le site des Echos ne contiennent la moindre inexactitude puisqu'il est fait état de ce que la sanction prononcée à l'égard des frères [K], qui n'ont pas été «blanchis » comme ils le prétendent, a été considérablement réduite, la précision étant donnée dans l'article que « seule une partie des manquements qui avaient justifié les poursuites devait être retenue' » ; qu'il n'est pas soutenu que des événements postérieurs seraient venus modifier la pertinence de cette information, le motif allégué, à savoir les difficultés rencontrées pour retrouver un emploi dans le milieu de la finance ne pouvant être imputé à l'article même, mais à la lecture qu'en font les professionnels  ;

Considérant qu'imposer à un organe de presse, de supprimer de son site Internet dédié à l'archivage de ses articles, lequel ne peut s'assimiler à l'édition d'une base de données de décisions de justice, soit l'information elle-même, le retrait des noms et prénoms des personnes visées par la décision vidant l'article de tout intérêt, soit d'en restreindre l'accès en modifiant le référencement habituel, excèdent, ainsi que l' a estimé le tribunal les restrictions qui peuvent être apportées à la liberté de la presse ; que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que l'équité ne justifie pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [Z] [K] et [Q] [K] aux dépens dont distraction au profit de Maitre Basile Ader dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE PRESIDENT LE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 12/14813
Date de la décision : 26/02/2014

Références :

Cour d'appel de Paris C7, arrêt n°12/14813 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-26;12.14813 ?
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