RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 1
ARRÊT DU 19 Février 2014
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/03754
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mars 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL RG n° F 09/00375
APPELANTE
SAS DESCOURS ET CABAUD ILE DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Bruno LANDON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0595
INTIME
Monsieur [B] [G]
[Adresse 2]
94000 CRETEIL
comparant en personne, assisté de Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Irène CARBONNIER, Présidente
Madame Véronique SLOVE, Conseillère
Madame Isabelle DELAQUYS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laetitia LE COQ, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, conformément à l'avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme CARBONNIER, Présidente et par Madame Laetitia LE COQ, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [B] [G] a été embauché par la société Descours et Cabaud le 29 août 1994 en qualité d'aide préparateur coefficient 170 niveau II échelon I. Il était assujetti à la convention collective de la métallurgie de la région parisienne.
Il a été par ailleurs élu au comité d'entreprise de la société à compter de 2003.
Selon courrier en date du 8 janvier 2008 Monsieur [B] [G] s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude définitive à tous les postes de travail au sein de l'entreprise après une longue période d'arrêts maladie. En raison de son statut, la Direction Régionale du Travail avait donné son autorisation préalable en date du 31 décembre 2007.
Le 25 février 2009, le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil d'une demande de rappel de salaires et de congés payés, estimant avoir souffert d'une discrimination syndicale s'agissant de sa rémunération, et a sollicité en outre des dommages et intérêts pour harcélement moral à caractère discriminatoire, soutenant que le licenciement n'avait été qu'une manifestation de l'attitude discriminante de son employeur à son égard à compter de son élection au comité d'entreprise.
Le syndicat des travailleurs de la métallurgie 94 CFDT intervenant à la procédure a, pour sa part, réclamé la condamnation de l'employeur à des dommages et intérêts pour délit d'entrave syndicale.
Par jugement du 15 mars 2012, le conseil de prud'hommes de Créteil a condamné la Société Descours et Cabaud à payer à Monsieur [B] [G] les sommes de 18.444,37 euros et 1 844,43 euros à titre de rappel de salaires et de congés payés afférents pour discrimination syndicale ainsi qu'une indemnité de 1 200 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civil. Il a débouté Monsieur [G] de ses autres demandes, affirmant que le harcèlement moral reproché n'était pas établi. Il a également rejeté les prétentions développées par le syndicat CFDT estimant que le délit d'entrave n'était pas constitué.
La Société Descours et Cabaud a interjeté appel de ce jugement.
Prétentions et moyens des parties
Aux termes de ses conclusions soutenues à l'audience, la société Descours et Cabaud ne demande l'infirmation du jugement du conseil de Prud'hommes qu'en ce qui concerne le rappel de salaires et les congés payés qui ne sauraient être supérieurs aux sommes respectives de 2.756,76 euros et 275,67 euros. Elle entend obtenir la confirmation du jugement pour le surplus et une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose en premier lieu que la preuve du harcèlement moral prétendu n'est pas rapportée, Monsieur [G] n'ayant produit devant la juridiction aucun élément matériel précis et concordant au soutien de cette allégation.
Elle affirme que son comportement n'a jamais revêtu de caractère harcelant, et en veut pour preuve la chronologie des rapports entretenus avec le salarié qui en cinq années, entre 2003 date de son élection au comité d'entreprise et 2008 date de son licenciement, n'a fait l'objet que d'une procédure de licenciement pour faute grave, non aboutie, et de deux avertissements. Elle souligne que ces procédures disciplinaires étaient parfaitement justifiées, Monsieur [G] ayant soit refusé d'effectuer un travail soit adopté un comportements insultant voire injurieux à l'encontre de supérieurs hiérarchiques.
S'agissant du rappel de salaires, la société Descours et Cabaud avance que le salarié a été embauché dans la catégorie employé coefficient 170. Il ne peut contester sa rémunération par comparaison avec la rémunération brute moyenne des salariés de sa catégorie dont les
coefficients vont de 170 à 255, mais uniquement avec celle relevant d'une situation strictement identique à savoir le salaire de base de salariés catégorie employé ayant le même coefficient. Par suite, sur la base des documents qu'elle produit, elle soutient que le rappel de salaires ne saurait être supérieur aux montants indiqués dans ses écritures.
En réplique Monsieur [B] [G] et le syndicat CFDT entendent voir confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a alloué à Monsieur [G] les sommes de 18.444,37 euros à titre de rappel de salaire et 1.844,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés. Ils demandent également que la société Descours et Cabaud verse:
- à Monsieur [G] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral à caractère discriminatoire, 17.356 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte d'emploi.
- au Syndicat des travailleurs de la métallurgie 94 CFDT une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour délit d'entrave
Ils réclament enfin pour chacun d'eux la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
S'agissant du harcèlement reproché, ils affirment que celui-ci s'est manifesté, à compter de l'élection de Monsieur [G] au comité d'entreprise en 2003, par des sanctions multiples et injustifiées, à savoir une première demande de licenciement en 2004, qui a été refusée par l'inspection du Travail, une sanction disciplinaire en janvier 2006, une autre sous forme d'avertissement en août 2006 et enfin le licenciement de 2008 dû à une inaptitude physique en relation directe, selon eux, avec le caractère harcelant et discriminatoire de l'employeur.
Ils avancent en outre que la différence de salaire d'avec celui des autres employés n'est qu'une manifestation supplémentaire du harcèlement discriminatoire et entendent par suite que le rappel de rémunération accordé par la première juridiction soit confirmé.
Monsieur [G] entend donc obtenir réparation morale du harcèlement par l'octroi de dommages et intérêts mais estime également pouvoir obtenir un dédommagement pour le préjudice tiré de la perte d'emploi qui se distingue selon lui du préjudice moral évoqué.
Le syndicat CFDT entend pour sa part, se voir allouer des dommages et intérêts en réparation du délit d'entrave au fonctionnement du syndicat qui s'est manifesté par les agissements de l'employeur à l'encontre d'un représentant de leur centrale au comité d'entreprise.
Motifs
Sur la discrimination salariale
L'article L.2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.
Conformément à l'article L.1134-1 du code du travail, le salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire présente les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, il est constant que Monsieur [G] a été embauché par la société Descours et Cabaud le 29 août 1994 en qualité d'aide préparateur coefficient 170 niveau II échelon I. Il était assujetti à la convention collective de la métallurgie de la région parisienne.
Il a été élu au comité d'entreprise de la société en 2003.
Le salarié a produit aux débats des bulletins de paye de collègues de travail qui permettent d'établir qu'à catégorie égale, ceux-ci percevaient des rémunérations supérieures aux siennes. Ainsi, la production des bulletins de salaire d'employés relevant du coefficient 170, démontre que ceux ci ont perçu en moyenne, pour la période de 2004 à 2008, des salaires de base de l'ordre de 1 578 euros à 1 666 euros alors que dans le même temps Monsieur [G] obtenait une rémunération à hauteur de 1 197 euros et 1 280 euros dans les derniers mois de son emploi.
Ainsi, la disparité de traitement est démontrée.
Celle-ci avait d'ailleurs été relevée lors du contrôle effectué par la Direction départementale du travail en 2004. Ce constat effectué avait donné lieu de la part de l'administration du travail à une demande de revalorisation des salaires dans un courrier envoyé à l'employeur en date du 15 juin 2004.
La société Descours et Cabaud ne disconvient pas de l'inégalité de traitement puisqu'aux termes de ses écritures d'appel, elle propose un rappel de rémunérations, mais dans des proportions réduites par rapport à celles réclamées et octroyées par les premiers juges, sans expliquer pour autant les raisons de cette disparité.
Il convient donc de constater que les éléments de fait présentés par Monsieur [G] caractérisent une atteinte au principe d'égalité de traitement que l'employeur ne justifie pas par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le salarié est donc fondé à demander réparation du préjudice qu'il a subi du fait de celle-ci, en obtenant un rappel de salaire.
Ce rappel ne peut valablement être effectué qu'en considération des rémunérations moyennes perçues par les autres salariés de l'entreprise.
Dans ses conditions il convient de confirmer la décision du premier juge qui a condamné la société Descours et Cabaud à régler à son ancien salarié un rappel de salaire sur la base d'un salaire moyen d'un employé de la même catégorie tel que cela est rapporté par les pièces versées au dossier par l'intimé.
Sur le harcélement
L'article L 1152-1 du Code du Travail définit le harcèlement comme le fait de subir, pour un salarié, des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L 1154-1 du même code dispose que lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral, le salarié doit établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, et qu'au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Monsieur [G] soutient que le harcèlement dont il aurait été victime se serait manifesté par l'accumulation de procédures disciplinaires sans fondement à son encontre et une disparité de rémunération discriminante due à son mandat syndical.
En l'espèce, il est constant que Monsieur [G] a fait l'objet de plusieurs procédures disciplinaires. Il a ainsi fait l'objet de deux avertissements les 13 janvier 2006 et 3 août 2006 et d'une procédure de licenciement pour faute grave en 2004 qui, in fine, n'a pas été autorisée par la Direction départementale du Travail.
Il n'est pas contesté que ces sanctions ont été prononcées pour des injures proférées à l'encontre de supérieurs hiérarchiques ou pour des refus de préparation de commandes.
Le recours à trois procédures disciplinaires en près de cinq années ne manifeste pas une volonté d'atteinte aux droits du salarié ou à sa dignité, la légitimité des sanctions envisagées ne pouvant être valablement remise en cause. Même la procédure de licenciement de 2004, qui a été refusée, faisait ressortir que les faits matériels n'étaient pas contestables ceux-ci pouvant recevoir la qualification d'injures ainsi que l'avait souligné la Direction Départementale du Travail.Quant aux avertissements, ils étaient consécutifs à des refus d'effectuer un travail, ce que n'a pas dénié l'intimé.
Aucun autre élément du dossier ne permet d'établir l'acharnement reproché, ni ne permet non plus d'affirmer que le comportement de l'employeur aurait eu pour conséquence d'altérer la santé physique ou mentale du salarié.
Ainsi les difficultés psychologiques invoquées et établies par la production d'un certificat médical en date du 27 mars 2007 constatant que Monsieur [G] souffrait d'un syndrome anxio-dépressif ne peuvent être imputées au comportement de l'employeur dans la mesure où il s'établit que, par courrier du 9 mars 2009, la Caisse d'Assurance Maladie du Val-de-Marne a fait connaître à celui-ci que sa maladie ne pouvait donner lieu à une prise en charge au titre d'un tableau des maladies professionnelles.
Enfin, la seule disparité de rémunération telle qu'évoquée précédemment, si elle permet d'établir une discrimination, ne peut en l'absence d'autres éléments permettre de retenir un comportement de harcèlement imputable à l'employeur.
Il y a donc lieu de débouter Monsieur [G] ainsi que le syndicat CFDT de leurs demandes et confirmer par suite le jugement déféré.
Sur les demandes accessoires
Il ne serait pas équitable dans ce contexte de laisser à la charge de Monsieur [B] [G] les frais qu'il a du exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il convient donc de lui allouer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne la société DESCOURS et CABAUD à verser à Monsieur [B] [G] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Société Descours et Cabaud aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT