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13/02/2014 | FRANCE | N°12/10664

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 13 février 2014, 12/10664


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 13 Février 2014

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/10664 - CM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Avril 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section activités diverses RG n° 09/15933



APPELANTE

Madame [U] [L] épouse [B]

[Adresse 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparant en pers

onne, assistée par Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355



INTIMEE

SA IMMOBILIERE 3F

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Hélène F...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 13 Février 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/10664 - CM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Avril 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section activités diverses RG n° 09/15933

APPELANTE

Madame [U] [L] épouse [B]

[Adresse 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée par Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355

INTIMEE

SA IMMOBILIERE 3F

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Hélène FONTANILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 53

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

[U] [L] épouse [B] a été engagée à compter du 21 janvier 2002 par la S.a d'Hlm Immobilière 3 F, en qualité de gardien qualifié, selon un contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective des sociétés et fondations d'Hlm et un accord collectif.

Il était prévu que [U] [L] épouse [B] bénéficie d'un logement de fonctions sur le site dont elle était en charge.

En septembre 2005, cette dernière a été victime d'une agression de la part d'un locataire et a alors fait l'objet d'un arrêt de travail pour accident du travail jusqu'au 28 février 2006.

Elle a alors sollicité sa mutation sur un autre site.

Après avoir refusé plusieurs propositions, elle a été mutée à sa demande sur un site situé [Adresse 1].

Faute de logement disponible sur son site d'affectation, le 17 juin 2006, les parties ont signé une convention d'occupation précaire, aux termes duquel l'employeur a mis à disposition de la salariée, à titre gracieux, un logement de fonction de type F4, situé [Adresse 5].

La société Immobilière 3 F a soumis en vain à la signature de [U] [L] épouse [B] un avenant qu'elle refusera de signer.

En mars 2007, les travaux du logement de fonction étant terminés, la société Immobilière 3 F a demandé à la salariée de l'intégrer, ce que celle-ci a refusé au motif qu'il s'agissait d'un F3 et non d'un F4.

A l'issue de son congé de maternité, [U] [L] épouse [B] a, de nouveau, refusé le 4 septembre 2007, le logement de fonction du [Adresse 1] et n'a pas signé l'avenant à son contrat de travail qui lui était alors soumis.

Elle a été convoquée le 8 février 2008 à un entretien préalable.

Elle a alors informé l'employeur de son état de grossesse.

Par lettre du 14 mars 2008, la société Immobilière 3 F a renoncé à la procédure disciplinaire envisagée et a indiqué à l'intéressée qu'elle serait affectée à [Adresse 4], le logement de fonction correspondant étant de type F4.

A l'issue de son congé, [U] [L] épouse [B] n'a pas intégré ce poste et a repris ses fonctions [Adresse 1].

Par courrier du 11 avril 2008, la société Immobilière 3 F lui a adressé une mise en demeure de prendre le poste de [Adresse 4], ce que [U] [L] épouse [B] a refusé dès le 12 avril.

La société Immobilière 3 F lui a ensuite de nouveau fait quatre autres propositions, toutes refusées par l'intéressée aux termes d'un courrier en date du 2 juin 2008.

De nouveau en congé de maternité, la société Immobilière 3 F a indiqué à [U] [L] épouse [B] qu'elle ne pouvait, faute d'avoir signer l'avenant correspondant à son affectation, accédé à sa demande de reprendre son travail [Adresse 1].

Elle n'a pas signé cet avenant.

En février 2009, elle a postulé à poste situé à [Localité 5].

La société Immobilière 3 F n'a pas répondu favorablement à cette candidature.

[U] [L] épouse [B] invoquant notamment une situation de harcèlement moral, a saisi l'inspection du travail.

[U] [L] épouse [B] a ensuite été convoquée le 23 février 2009, pour le 9 mars suivant à un entretien préalable à un éventuel licenciement et a reçu notification de son licenciement pour faute grave par lettre recommandée datée du 8 juillet 2009.

Invoquant à titre principal la nullité de son licenciement et l'estimant à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse, [U] [L] épouse [B] a, le 7 décembre 2009 saisi le conseil de prud'hommes de Paris, sollicitant à titre principal sa réintégration, à titre subsidiaire une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et dans tous les cas des dommages-intérêts pour harcèlement moral ainsi qu'un rappel de salaires.

Par jugement en date du 23 avril 2012, le conseil de prud'hommes a débouté [U] [L] épouse [B] de ses demandes.

Appelante de cette décision, [U] [L] épouse [B] demande à la cour de :

Sur la discrimination,

A titre principal,

- ordonner sa réintégration

- ordonner l'attribution d'un logement de fonctions 4 pièces (F4)

- condamner la S.a d'Hlm Immobilière 3 F au paiement des salaires à compter du 10 avril 2009, majorées des augmentations générales et de la moyenne des augmentations individuelles perçues par sa catégorie professionnelle depuis avril 2009 ainsi qu'à la remise des bulletins de salaire conformes,

le tout sous astreinte de 200 € par jour de retard passé 15 jours à compter de la notification de l'arrêt, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte

- condamner la S.a d'Hlm Immobilière 3 F au paiement des sommes de :

' 56 000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique

' 200 000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral

A titre subsidiaire,

- condamner la S.a d'Hlm Immobilière 3 F à lui payer les sommes de :

' 98 300 € de dommages-intérêts pour préjudice économique

' 100 000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Sur le harcèlement moral,

A titre principal,

- condamner la S.a d'Hlm Immobilière 3 F au paiement de la somme de 200 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral subi

A titre subsidiaire,

- condamner la S.a d'Hlm Immobilière 3 F au paiement de la somme de 200 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de la violation à l'obligation de sécurité

En tout état de cause,

- condamner la société Immobilière 3 F au paiement de la somme de 4 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.a d'Hlm Immobilière 3 F conclut à la confirmation du jugement déféré et au débouté de [U] [L] épouse [B] de l'intégralité de ses demandes.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

MOTIVATION :

Sur la discrimination :

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-trois, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou à raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence de discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-96 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est motivée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge fort sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce [U] [L] épouse [B] invoque la nullité de son licenciement du fait d'actes préparatoires pendant la période de suspension.

Elle allègue les faits suivants :

- la société Immobilière 3 F a initié une première procédure de licenciement en la convoquant par courrier du 8 février 2008 à un entretien préalable fixé au 18 février qu'elle a maintenu bien qu'elle ait été informée dès le 14 février de son état de grossesse,

- même si elle a renoncé à toute procédure disciplinaire, l'employeur a réaffirmé sa volonté de la licencier,

- la décision de la licencier était acquise dès 2008,

- la cause du licenciement est son refus d'avoir signé un avenant à son contrat de travail envoyé le 12 janvier 2009 alors que son contrat de travail était suspendu jusqu'au 17 janvier 2009 par le congé de maternité,

- alors qu'elle avait manifesté sa volonté le 15 décembre 2008 de reprendre son poste à l'issue de son congé de maternité, l'employeur a procédé à son remplacement par Monsieur [C],

- la société Immobilière 3 F lui a supprimé ses outils de travail : messagerie, retrait de la liste téléphonique des salariés,

- les actes préparatoires au licenciement ont eu non seulement des conséquences sur sa santé mais aussi sur celle du nouveau-né.

Pour étayer ses affirmations, [U] [L] épouse [B] produit notamment :

- ses échanges de correspondances avec la société Immobilière 3 F,

- des certificats médicaux faisant état de ses grossesses difficiles.

[U] [L] épouse [B] établit ainsi l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence de discrimination à son encontre.

L'employeur fait valoir que :

- concernant la procédure de licenciement initiée en 2008, il ignorait l'état de grossesse de [U] [L] épouse [B] et souligne qu'il conservait la possibilité de la licencier pour faute grave,

- le courrier du 12 janvier 2009 n'a pas été envoyé à la salariée pour préparer son licenciement, s'agissant d'une réponse au courrier que lui avait adressé l'intéressée le 15 décembre 2008, et d'un rappel de ce que si elle entendait reprendre ses fonctions sur ce site, il convenait de signer un avenant comme cela lui avait déjà été indiqué auparavant

- le remplacement définitif de [U] [L] épouse [B] ne peut être considéré comme une mesure préparatoire au licenciement dès lors que lors de l'entretien du 18 février 2008, [U] [L] épouse [B] elle-même avait indiqué qu'elle ne souhaitait plus être affectée sur le site du [Adresse 1],

- il n'est nullement établi que ses outils de travail lui ont été retirés et souligne avec pertinence que le 22 janvier 2009, trois jours après la reprise, la salariée lui a fait parvenir un courriel de sa messagerie professionnelle ce qui résulte des pièces qu'elle-même verse aux débats (courriel du 29 janvier 2009)

Il résulte de la chronologie des échanges et pièces versées par les parties que c'est en raison de l'urgence qu'en accord avec [U] [L] épouse [B], à laquelle plusieurs propositions de mutation (qu'elle-même avait sollicitée à la suite de l'accident du travail dont elle avait été victime sur le site de sa première affectation à [Localité 3]), et dans le respect de son souhait d'être affectée dans une agence de Paris, qu'elle a été mutée sur un poste de gardienne de l'ensemble immobilier situé [Adresse 1] et qu'elle a bénéficié, dans le cadre d'une convention expressément qualifiée de «précaire» d'un logement [Adresse 5], à titre provisoire, dans l'attente de la réalisation de travaux du logement de gardien du site sur lequel elle travaillait.

La société Immobilière 3 F établit que :

- [U] [L] épouse [B] n'a jamais signé les avenants à son contrat de travail, qui lui ont été adressés postérieurement,

- que l'intéressée qui a été associée aux travaux d'aménagement du logement [Adresse 1], ce qui résulte expressément d'un courrier du 12 avril : 'J'ai effectivement vu les plans avant travaux que m'a montré Monsieur [V] [Z]..., et les plans avant travaux n'ont rien à voir avec le résultat final. Les plans ne sont que SUBJECTIFS et n'ont rien à voir avec la réalité', a refusé le logement proposé estimant qu'il était de type F3 alors qu'elle disposait d'un F4.

La société Immobilière 3 F justifie de ce que [U] [L] épouse [B] a refusé deux propositions de mutation en 2007 ([Adresse 7] et [Adresse 9] dans les deux cas) et que sa situation était exceptionnelle en ce que, en tant que bailleur social, elle veille à ce que les gardiens d'immeubles soient effectivement logés sur le site dont ils ont la charge.

Au demeurant, selon l'arrêt rendu le 26 mars 2013, la chambre 4 du pôle 4 de cette cour, après avoir relevé que l'appartement mis à disposition de [U] [L] épouse [B] [Adresse 5] avait vocation à être mis en location, a jugé que cette dernière ne pouvait invoquer, pour refuser de signer le contrat de location qui lui était soumis par la société Immobilière 3 F, la surface corrigée 'car des explications lui avaient été données'.

Vainement [U] [L] épouse [B] reproche à la société Immobilière 3 F d'avoir mis en oeuvre une procédure de licenciement à son encontre en la convoquant le 8 février 2008 à un entretien préalable dès lors que c'est postérieurement à l'envoi de cette convocation que la salariée a informé l'employeur de son état de grossesse, ce dernier pouvant, sans que cela constitue un acte préparatoire au licenciement, poursuivre l'entretien.

La société Immobilière 3 F verse aux débats la lettre qu'elle a fait parvenir à [U] [L] épouse [B] le 14 mars 2008, précisant : 'Je souhaitais entendre vos explications concernant votre refus d'emménager dans votre logement de type F4 situé [Adresse 1]...Consciente du fait que vous ne pouvez refuser le logement qui va avec votre affectation, vous nous dites maintenant, en invoquant le défaut de signature de vos avenants, que vous ne voulez plus de cette affectation sur le programme du [Adresse 1]... alors que vous l'avez vous-même sollicitée.

Cependant dans la mesure où vous ne pouvez rester sans affectation et continuer à demeurer dans un local destiné à la location et qui vous avait été attribué à titre temporaire dans le cadre d'une affectation que vous ne voulez plus, nous avons recherché une autre affectation en tenant compte de ce que vous nous aviez dit le 18 février 2008, à savoir que vous étiez disposée à prendre un poste de gardienne n'importe où en Ile de France à la condition que vous puissiez disposer d'un logement de fonction de type F4.

Nous avons décidé de vous muter sur un poste actuellement disponible de gardienne d'immeuble qualifiée avec un logement de fonction de type F4 correspondant à vos critères et n'apportant aucune modification à votre contrat de travail initial. Ce poste est situé au [Adresse 4] ...'.

Il s'en déduit que l'employeur n'avait pas donc l'intention de rompre le contrat de travail de [U] [L] épouse [B] et que sa décision de procéder à son remplacement était légitime au regard de ses obligations particulières de bailleur social ainsi qu'en considération du fait que cette dernière avait exprimé le souhait de changer d'affectation.

Par ailleurs, le courrier du 12 janvier 2009 ne peut s'interpréter comme étant un acte préparatoire à un licenciement, dès lors qu'il s'agit d'une réponse provoquée par l'intéressée, laquelle avait le 15 décembre 2008, écrit à la société Immobilière 3 F, pour l'informer, revenant sur ses prises de position antérieures et, après avoir de nouveau opposé un refus aux quatre propositions de mutation qui lui avaient été faites, qu'elle reprendrait ses fonctions sur le site du [Adresse 1], l'employeur tirant alors les conséquences de cette volonté en lui adressant un avenant aux fins de régularisation de sa situation et ne manifestant en aucun cas une volonté de mettre fin aux relations de travail.

La société Immobilière 3 F, qui souligne avec pertinence l'inspection du travail n'a pas donné de suite à sa saisine après avoir recueilli ses explications, démontre que les faits matériellement établis par [U] [L] épouse [B] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Les demandes relatives à la discrimination et au licenciement doivent par conséquent être rejetées.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments de prouver, que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, [U] [L] épouse [B] invoque les faits suivants :

- elle a, alors qu'elle venait d'être mutée à la suite d'une agression, été affectée sur un site dangereux, où dès le 20 février 2006, fait face à des difficultés,

- elle a fait face à une surcharge de travail et s'est plainte dès le 15 mai 2006, de la délinquance (racolage, prostitution, drogue) sans que la société Immobilière 3 F ne réagisse alors qu'il n'ignorait rien de la situation,

- les locataires ont dénoncé ces difficultés à leur bailleur.

- la société Immobilière 3 F a refusé de l'affecter à des postes moins dangereux.

- elle a été sollicitée à maintes reprises lors de ses arrêts pour cause de maladie et de maternité

- elle n'a pas eu d'entretien d'évaluation à compter de 2005 ni bénéficié de formation.

- le harcèlement s'est poursuivi au-delà de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, en ce que l'employeur a entendu l'expulser de son logement,

Pour étayer ses affirmations, [U] [L] épouse [B] produit notamment :

- le courrier qu'elle a adressé le 15 mai 2006 à la directrice des ressources humaines, ainsi que plusieurs correspondances

- les plaintes et pétitions des locataires.

- l'arrêt de la chambre 4 pôle 2 de cette cour.

- plusieurs certificats médicaux faisant état de grossesses difficile, d'une fausse couche, d'angoisses, d'épisodes dépressifs.

[U] [L] épouse [B] établit l'existence de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

L'employeur fait valoir qu'avant de l'affecter sur le site du [Adresse 1], il a été proposé une affectation sur un site non sensible situé à [Localité 6] ce que [U] [L] épouse [B] a refusé.

La société Immobilière 3 F justifie de ce qu'elle a attiré son attention sur le fait que l'ensemble des postes à pourvoir en Ile de France était situé sur des sites sensibles, ce que, effectivement la salariée, qui verse l'accord d'entreprise, ne pouvait ignorer puisque les postes difficiles sont répertoriés et expressément désignés à la fin de cet accord.

Il résulte par ailleurs des développements précédents que l'employeur a pris en compte les doléances de la salariée en lui faisant de nombreuses propositions de mutation entre juin 2006 et février 2009 et que si elle n'a pu accéder à ses demandes de candidatures à certains postes, c'est en raison de contraintes tenant à la gestion de son personnel :

- venant d'être mutée, elle n'était pas prioritaire,

- critères plus favorables d'autres salariés ([Adresse 8] par exemple s'agissant d'une procédure de reclassement d'un gardien),

ou du fait que les logements de fonction ne correspondaient pas à ses exigences, comme étant de type F3 ([Adresse 6], [Adresse 5]).

La société Immobilière 3 F rappelle que la mise à disposition du logement de la [Adresse 5] n'était que provisoire et que [U] [L] épouse [B] ne peut se plaindre de son état d'insalubrité alors qu'un logement neuf, qu'elle estimait certes trop petit, a été à sa disposition à compter du mois de mars 2007.

La société Immobilière 3 F justifie de ce que, si elle a rencontré à de nombreuses reprises [U] [L] épouse [B], y compris pendant ses arrêts de travail pour cause de maternité, c'était en réponse à ses sollicitations et dans le but d'évoquer avec elle des propositions d'une mutation qu'elle-même envisageait.

Enfin la société Immobilière 3 F qui ne conteste pas expressément ne pas avoir procédé à l'évaluation annuelle de la salariée, verse aux débats un relevé des absences de [U] [L] épouse [B] entre 2002 et 2009, lesquelles s'établissent à 1 350 jours, ce qui dans ce contexte permet d'exclure de la part de l'employeur toute volonté de harceler la salariée et le justificatif des formations de 2002 à 2009 auxquelles elle a assisté pour certaines et d'autres pour lesquelles son absence est mentionnée.

Le fait que la société Immobilière 3 F ait usé de son droit d'agir pour reprendre le logement mis à disposition ne saurait constituer, dès lors qu'il a été fait droit à sa demande, un comportement caractérisant une volonté de harceler l'intéressée au regard de plus des conditions explicites dans lesquelles avait eu lieu la mise à dispositions du logement de la [Adresse 5]).

L'employeur démontre que les faits matériellement établis par elle sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La demande relative au harcèlement doit par conséquent être rejetée.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité de résultat :

[U] [L] épouse [B] expose que la société Immobilière 3 F a manqué à son obligation de sécurité de résultat en ne prenant pas les mesures propres à assurer sa sécurité.

Vainement [U] [L] épouse [B] invoque, au regard de ce qui précède, un manquement de l'employeur.

En effet, il est établi que la société Immobilière 3 F n'a jamais manqué de recevoir la salariée lorsqu'elle le demandait, a immédiatement muté celle-ci après l'agression dont elle avait été victime dans son premier poste, a tenu compte de son choix en l'affectant [Adresse 1], lui a fait à huit reprises des propositions de mutation, à [Localité 4] lorsqu'elle en exprimait le souhait, dans des sites moins exposés et lourds, et que celle-ci n'a jamais accepté les propositions qui lui étaient faites.

Il convient donc de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité.

Sur le licenciement :

Selon l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être motivé.

Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'article 1235-1 du même code précise qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction, au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'elle estime utiles.

Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Après avoir rappelé la chronologie des faits et relations entre les parties, la société Immobilière 3 F a notifié son licenciement pour faute aux termes d'une lettre qui fixe les limites du litige précisant :

'Votre attitude d'obstruction nous empêche d'assurer une présence de gardien sur le site, elle est source d'insatisfaction de la part des locataires et est contraire aux pratiques en vigueur au sein de notre entreprise qui veulent que le gardien soit logé sur son lieu d'affectation. De plus, vous nous empêchez de pourvoir ce poste de gardien alors que vous refusez de signer l'avenant correspondant et de mettre en location le logement que vous occupez actuellement qui n'est pas destiné à être un logement de fonctions'.

[U] [L] épouse [B] fait valoir que le logement de fonction situé [Adresse 1] n'est pas conforme aux engagements de l'employeur et qu'elle disposait du droit de refuser les mutations qui lui étaient faites et revendique sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales la liberté de choix de son domicile.

Si [U] [L] épouse [B] pouvait refuser les propositions de mutation qui lui ont été faites, il y a lieu de rappeler que c'est elle qui a fait le choix de vouloir demeurer gardienne du site du [Adresse 1], ce qui impliquait qu'elle habite sur place.

S'agissant de l'engagement de la société Immobilière 3 F de lui fournir un logement, il convient de rappeler que [U] [L] épouse [B] était informée que le logement de type F4 mis à sa disposition en vertu d'une convention précaire, ne lui était attribué qu'à titre provisoire.

Il est établi que l'employeur a pris en compte ses souhaits et l'a associée aux travaux concernant le logement de fonction du [Adresse 1].

Selon les mentions de la convention d'occupation précaire, non utilement contredites, le logement de la [Adresse 5] était un logement d'une surface habitable de 78 m² comprenant une entrée, un séjour, trois chambres, une cuisine, une salle d'eau, une loggia et un cellier.

Selon le plan versé aux débats par la société Immobilière 3 F, le logement de fonction du site du [Adresse 1] est constitué, outre d'un dégagement (qualifié de très beau couloir par la juriste du syndicat Cgt sollicitée par l'appelante) et d'une salle de bains, d'un séjour de 21,02 m², de trois chambres ayant respectivement une superficie de 13,30 m², 11,87 m², et de 10,37 m², la superficie totale de l'appartement étant de 82,81 m².

La seule circonstance tenant au fait que la chambre de 10,37 m² soit en forme de «L», avec une partie dégagement ne suffit pas à justifier le refus de la salariée, observation étant faite que cette chambre dispose de fenêtres sur une courette et que, si elle est constituée pour partie d'un dégagement, elle présente toutefois dans sa partie située à gauche de la porte d'entrée d'une profondeur de 2,44 mètres permettant l'installation de lits, et a fortiori de lits superposés.

Vainement, [U] [L] épouse [B] invoque le fait que la société Immobilière 3 F ne pouvait lui imposer d'emménager dans le logement du [Adresse 1], sur le fondement de la liberté de choix de son domicile, au regard de la nature même de ses fonctions impliquant un logement sur place et du fait que l'employeur ne s'est pas dérobé à ses obligations en lui mettant dans un premier temps un logement à titre précaire puis dans un second temps un appartement réhabilité d'une superficie légèrement supérieure.

Le refus de l'appelante d'occuper le logement de fonction correspondant à son poste de gardienne qualifiée de l'ensemble immobilier du [Adresse 1] est constitutif d'un manquement à ses obligations contractuelles justifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Ni l'équité ni la situation économique ne commandent qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de [U] [L] épouse [B].

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [U] [L] épouse [B] aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/10664
Date de la décision : 13/02/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°12/10664 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-13;12.10664 ?
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