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06/02/2014 | FRANCE | N°12/03356

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 06 février 2014, 12/03356


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 06 Février 2014

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/03356 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/06895



APPELANT

Monsieur [V] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Marie-ThérÃ

¨se LECLERC DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN282



INTIMEE

SA EOLFI

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Alain MENARD, avocat au bar...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 06 Février 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/03356 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/06895

APPELANT

Monsieur [V] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Marie-Thérèse LECLERC DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN282

INTIMEE

SA EOLFI

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Alain MENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Décembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SA Eolfi est une société spécialisée dans la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables, en charge d'assurer le développement, le financement, la construction et l'exploitation de parcs solaires ou éoliens créée au mois de juillet 2004.

Elle fait appel à des investisseurs privés ou institutionnels, investissant par l'intermédiaire de véhicules investissements, structures « ad hoc » centralisant les investissements.

Les véhicules investissements ' fonds communs de placement à risque ou fonds d'investissement de proximité ou +Spécialisted Investment Fund Luxembourgeois- sont proposés et développées par la SA Eolfi Asset Management, société de gestion agréée par l'autorité des marchés financiers et filiale à 100 % de la SA Eolfi.

La société Éole Patrimoine est le premier véhicule d'investissement créé par la SA Eolfi le 27 juillet 2004. Cette société holding est présidée par la SA Eolfi.

Depuis le mois d'octobre 2007, la SA Eolfi est une filiale de la société Veolia Environnement à hauteur de 50 %. La participation de Veolia environnement au capital a atteint 69 % depuis le mois d'avril 2009.

Depuis l'entrée dans le capital de Veolia, M. [E], jusqu'alors président de la SA Eolfi en a été nommé directeur général.

M. [T] a été engagé par la SA Eolfi suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 septembre 2006 en qualité de directeur commercial, statut cadre, position 3.2 coefficient 210 .

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective Syntec.

Parallèlement M. [T] a détenu des mandats sociaux au sein des sociétés du groupe Eolfi.

Le 18 mai 2010, M. [T] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Paris pour solliciter la condamnation de la SA Eolfi à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire des mois de janvier 2007 à juin 2010, les congés payés afférents ainsi qu'une indemnité de licenciement complémentaire, une indemnité de congés payés complémentaires et un rappel de salaire au titre des jours RTT.

Par une ordonnance du 15 février 2011, la formation de référé, en départage a dit n'y avoir lieu à référé.

Parallèlement, dès le 21 mai 2010, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes au fond afin d'obtenir la même somme ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour non attribution des parts de « carried interest ».

Par un jugement du 13 septembre 2011, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a débouté M.[T] de l'ensemble de ses prétentions et rejeté la demande en paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,présentée par la SA Eolfi.

Appelant de ce jugement, M. [T] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de juger que la SA Eolfi n'a pas respecté les dispositions de l'article 9 du contrat de travail relatif à sa rémunération, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et par suite, de condamner la SA Eolfi à lui verser les sommes suivantes :

- 689 856 euros à titre de rappel de salaires de janvier 2007 à juin 2010,

- 68 985,60 euros au titre des congés payés afférents,

- 6127,68 euros à titre d'indemnité complémentaire de licenciement,

- 37 110,22 euros à titre d'indemnité complémentaire de congés payés,

- 1735,23 euros à titre de rappel de salaire pour les jours de RTT,

- 173,52 euros au titre des congés payés afférents,

- 458 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 300 000 euros à titre de dommages-intérêts pour l'attribution des parts de carried interest,

Les intérêts de ses sommes étant capitalisés,

- 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA Eolfi conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [T] de l'ensemble de ses prétentions et réclames une indemnité de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS :

Sur la demande de rappel de salaire :

Pour justifier la demande de rappel de salaire qu'il a formulée, M. [T] invoque les dispositions arrêtées aux termes de l'article 9 de son contrat de travail selon lesquelles il était convenu d'un salaire brut annuel sur 12 mois fixés de la manière suivante :

«Un montant variable de 8,50 % des commissions de gestion nettes des rétrocessions facturées par la société ou ses filiales au véhicule d'investissement qu'elle gère, dirige ou conseille de façon directe ou indirecte, à l'exception de la SAS Eolfi Patrimoine.

Ce montant sera calculé chaque mois sur la base des commissions de gestion nette de rétrocessions facturées par la société le mois précédent. En tenant compte de l'exception ci-dessus.

En tout état de cause, le salaire brut mensuel de M. [T] ne pourra être inférieur à celui prévu par la loi et la réglementation s'appliquant dans le cadre des présentes.

À titre indicatif, le premier brut mensuel de M. [T], payable le 30 septembre 2006 sera de 9766,53 euros.

En outre, M. [T] sera éligible à l'attribution de 4 % des parts B du FCPR, dans les termes et conditions qui lui seront détaillées ultérieurement et séparément. Ces conditions prévoiront notamment que l'attribution de part B du FCPR sera réalisée en trois fois: un tiers à la fin de la période d'essai, un tiers après deux ans d'ancienneté et le solde lors de la liquidation du FCPR Eolinvest, et en tout état de cause après cinq ans d'ancienneté.

M. [T] sera de plus éligible à l'attribution de parts de carried interest des futurs véhicules d'investissement créé par Eolfi ou par ses filiales dans une proportion qui reflétera sa contribution personnelle à la levée des fonds de ces véhicules».

Il en conclut que la société était tenue de lui verser une rémunération mensuelle égale à 8,5 % des commissions de gestion facturée mensuellement ( après déduction des rétrocessions dues aux distributeurs) dans le cadre de son activité et de celle de ses filiales de gestion, de direction et de conseils des véhicules d'investissement.

Il relève qu'à compter de janvier 2007 la SA Eolfi lui a versé une rémunération fixe, indépendante du montant des commissions de gestion facturées, qu'il n'a jamais bénéficié de part B (carried interest) des véhicules d'investissement créés par la société et ses filiales, autres que celles du FCPR Eolinvest et du FCPR Windfall, et ce, en violation des termes du contrat,.

M. [T] conteste avoir jamais accepté cette modification unilatérale de son contrat et les modalités de sa rémunération telles qu'appliquées par l'employeur, à compter de janvier 2007.

Il fait observer qu'un avenant à son contrat de travail «prévoyant que M. [T] percevra à compter du 1er décembre 2006 un salaire brut annuel payable sur 12 mois correspondant à la durée du travail prévue à l'article 8 ci-dessus et fixé à 132 371,40 euros » lui a été proposé le 4 novembre 2009 à effet rétroactif donc au 1er décembre 2006, qu'il l'a refusé.

Il relève qu'il a été convoqué à un entretien préalable peu après son refus, puis licencié.

S'appuyant sur les dispositions de l'article 1134 du Code civil selon lesquelles « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi » et sur les principes régissant le droit du travail qui subordonnent toute modification de la rémunération d'un salarié à son accord exprès, lequel ne peut résulter de la poursuite du travail même pendant une longue période et de l'acceptation sans protestation ni réserve de ses bulletins de salaire, M. [T] sollicite le versement d'un rappel de salaire sur toute la période à compter de janvier 2007, à partir des éléments contratuellement prévus.

La SA Eolfi rétorque qu'un accord est bel et bien intervenu entre les parties au terme de la période d'essai afin que la rémunération entièrement variable initialement prévue soit modifiée au profit d'une rémunération fixe et stable et soit arrêtée à la somme mensuelle de 11 030,95 euros bruts.

Elle relève que cet accord, qui pour devoir être exprès, ne doit pas être nécessairement écrit, s'est appliqué pendant plus de trois années sans la moindre observation ni remise en cause de la part de M. [T] jusqu'au moment où a été évoqué avec lui son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Elle invoque une novation du contrat de travail réalisée en décembre 2006, qu'une rémunération fixe s'est substituée à la rémunération entièrement variable initialement prévue et ce, avec l'accord de M. [T] qui désirait en réalité cloisonner les aléas financiers attachés à la situation de la SA Eolfi, de ses propres revenus et de son patrimoine. Il a alors cédé sa participation de 45 % au capital de la SA Eolfi pour un montant de 175 000 euros.

Pour établir l'accord de M. [T], elle s'appuie également sur les témoignages du responsable des ressources humaines en 2006 et 2007, M. [N], du directeur technique de la société travaillant aux côtés de M. [T], M. [Z] et enfin de M.[Y], ancien président d'Eolfi et actuellement directeur financier supervision groupe Veolia Environnement, qui de manière concordante évoquent l'absence de remise en cause par M. [T] de ses modalités de rémunération postérieurement à Janvier 2007.

La SA Eolfi renvoie tout spécialement à l'attestation du Chief Exécutive Officer, M. [H] qui précise « avoir courant septembre 2007 assisté à une réunion entre M. [E] et M. [T] , l'objet de cette réunion étant de confirmer à la demande du groupe Veolia Environnement qui allait entrer au capital d'Eolfi que la base de rémunération de M. [T] était maintenant 100 % fixe. M. [T] a reconnu ce fait, puis la réunion s'est terminée ».

L'article 1271 du Code civil prévoit que la novation s'opère de trois manières et notamment lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte. L'article 1273 du même code précise que la novation ne se présume point, il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte.

En l'espèce, la simple concomitance de la modification de la rémunération du salarié avec la vente par M. [T] des parts qu'il détenait dans la SA Eolfi n'est pas de nature à démontrer la volonté des parties d'opérer une quelconque novation portant sur les modalités de la rémunération de M. [T].

De même, la clause contractuelle relative à la rémunération du salarié, telle que précédemment rapportée, ne permet en aucun cas de constater que la commune intention des parties était d'appliquer la rémunération variable pour la seule durée de la période d'essai.

Enfin, le mode de rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord.

Aussi, l'acceptation de la modification du contrat de travail que constitue le passage d'une rémunération entièrement variable à une rémunération fixe ne peut-elle résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté et ne peut se déduire d'un acquiescement implicite, d'une absence de protestation et de réclamations ou de la seule poursuite du contrat modifié.

Il résulte des circonstances propres à l'espèce que l'absence de protestation et de réclamation de la part de M. Marliave avant la fin de l'année 2009, la poursuite du contrat de travail modifié, ne peuvent caractériser un acquiescement à la modification des modalités de sa rémunération.

Le constat opéré par M. [H] témoin de l'échange intervenu entre M. [T] et M. [E] n'est pas significatif d'un accord exprès du salarié à l'application exclusive d'une rémunération fixe.

En effet, dans la mesure où la SA Eolfi était concomitamment engagée dans des pourparlers pour l'introduction de la société Veolia Environnement dans son capital, il ressort de ce témoignage que le salarié a seulement admis, pour les besoins de la cause, que la « base de sa rémunération était maintenant 100% fixe », ce qui ne caractérise pas un accord à une modification des modalités de sa rémunération et une renonciation à se prévaloir des éléments contractuels de celle-ci.

Au surplus, avant même tout débat judiciaire, la SA Eolfi a elle-même proposé un avenant au contrat de travail le 4 Novembre 2009 pour régulariser à postériori avec un effet rétroactif la modification qu'elle avait unilatéralement imposée au salarié.

Aux termes de ses écritures, M. [T] explicite par un tableau le montant des commissions réclamées ainsi que la détermination des taux et des assiettes des commissions.

Il communique également un tableau récapitulatif par année et a fait une estimation du moins perçu par lui à savoir la différence entre 8,5 % du montant des commissions nettes et la rémunération qui lui a été effectivement versée.

La SA Eolfi n'a formulé aucune observation sur les modalités de calcul du rappel de salaire formé par M. [T].

Il sera en conséquence fait droit à la demande et la SA Eolfi sera condamnée à régler à M. [T] la somme de 689 856 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2007 à la rupture du contrat outre les congés payés afférents.

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement du 25 Février 2010 est ainsi libellée :

Nous revenons vers vous à la suite de l'entretien préalable qui s'est tenu le 28 janvier dernier, en présence de moi-même et de Monsieur [L] [C], directeur juridique d'Eolfi, et lors duquel vous étiez assisté de Madame [F] [U], juriste au sein de notre Société.

Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs qui nous ont amenés à envisager à votre égard une mesure de licenciement et que nous vous rappelons ci-après.

Vous exercez depuis le mois de septembre 2006 au sein de notre Société les fonctions de Directeur Commercial et, à ce titre, vous êtes principalement chargé de gérer la relation investisseurs, le marketing, la communication et les ventes de la société Eolfi, des sociétés affiliées et des véhicules d'investissement pour lesquels la Société ou ses filiales agissent en tant que conseils, et de gérer les levées de fonds lors de la création ou de l'augmentation de capital de nouveaux supports d'investissement initiés par Eolfi ou par ses filiales,

A la fin de l'année 2006 et alors que nous étions en phase de levée de fonds pour notre, premier Fonds d'investissement de proximité (FIP), je n'ai pu que constater votre rôle quasi-inexistant dans les diverses initiatives qui ont été prises à l'égard des prospects investisseurs, alors pourtant que la levée de fonds et les relations avec les Investisseurs sont l'élément essentiel de votre mission au sein d'Eolfi. J'ai dû, en réalité, me substituer à vous dans l'exécution de ces tâches. J'ai alors pensé que vous n'aviez pas encore pris la pleine mesure de vos fonctions.

Or, dans le courant de l'année 2007, la création de deux nouveaux fonds d'Investissement, qui constituait l'essentiel de votre mission à l'époque, a été lancée {FCPR Windfall, et SIF Windfall). Alors que la date prévue de création de ces deux fonds avait pourtant été validée par vous après mûre réflexion, cette date a été très substantiellement décalée en raison de votre incapacité à gérer efficacement les relations avec BNP Paribas et KBL ([Localité 3]), le suivi des processus administratifs et la rédaction des documents juridiques afférents à ces fonds. Ce décalage important a repoussé jusqu'à la fin de l'année 2007 le début de la campagne de promotion de ces deux fonds par BNP Paribas et KBL [Localité 3], ce qui a désorganisé leur planning de commercialisation en les obligeant à annuler des réunions avec leur réseau. Outre le fait que ceci les a très fortement mécontentés, ce retard a contribué à une faible levée de fonds sur ces deux véhicules d'investissement, très largement en-dessous des attentes légitimes que vous aviez vous-même validées à de multiples reprises (à savoir 200 millions d'euros pour le FCPR Windfall et le S1F Windfall). A ce jour, seulement 44 millions ont été levés dans Windfall, et 4,3 millions dans le SIF Windfall.

Cette incapacité à gérer et à mener à bien vos missions s'est renouvelée en 2008, au travers des opérations suivantes :

- La société de gestion 123 Venture, qui est l'un de nos partenaires privilégiés depuis le début des activités d'Eolfi, nous a fait part, à plusieurs reprises, de son mécontentement sur la manière dont vous gériez notre relation avec eux : lenteur des échanges, manque d'initiative de votre part, reporting imprécis et insuffisant sur les investissements. La situation était telle que j'ai dû décider de confier à [K] [N], Directeur du Portefeuille France, à compter de janvier 2009, la responsabilité de la gestion de notre relation avec 123 Venture, alors qu'elle se situe au c'ur de vos responsabilités ;

- En 2008, la levée de fonds est restée très en-deçà de vos objectifs sur Windfall et le SIF Windfall, hormis ce qui est venu du réseau BNPP et des investisseurs que j'ai apportés personnellement,

Le déséquilibre financier de Windfall est devenu, en 2008, dramatique au point de mettre ce fonds au bord du dépôt de bilan. Cette situation résultait du non-respect flagrant des prévisions de levées de fonds que vous aviez indiquées, obligeant Eolfi à lever 20 millions d'euros auprès de ses actionnaires en juillet 2008, et à injecter 9 millions d'euros dans Windfall en plus des 12 millions d'euros qu'Eolfi avait déjà avancés à ce fonds, dont vous aviez pourtant la charge de l'animation commerciale, et qui n'a dû sa survie qu'à l'intervention massive des actionnaires d'Eolfi.

Finalement, votre insuffisance professionnelle s'est cristallisée au cours de l'année 2009 ; votre défaillance a été totale dans la levée de fonds de Windfall en 2009, aucune souscription significative n'ayant été enregistrée, à l'exception de 3 millions d'Euros souscrits par [X] [J] en raison des efforts de [L] [C] et [K] [N], sans aucune contribution de votre part,

Nos trois principaux distributeurs (Petercam, BNPP et Banques Populaires) se sont plaints de façon indépendante et spontanée, envers moi, dans le courant du 1 er semestre 2009, sur la manière dont vous gériez la relation avec eux : manque de professionnalisme, manque de rigueur, reporting défaillant et lacunaire, délais excessifs de traitement.

Nous avons pu également constater, lors des deux Assemblées Générales Annuelles de 2008 et 2009 de la société Voie Patrimoine, la profonde insatisfaction des investisseurs dans cette société, dont vous êtes le principal interlocuteur, en charge des relations au quotidien, au point qu'ils ont refusé, lors de l'assemblée 2009, la reconduction du plan de BSPGE au profit des deux dirigeants.

Ces divers éléments de profonde insatisfaction et d'insuffisance ont été évoqués de vive voix entre vous et moi-même, à plusieurs reprises et depuis de longs mois, notamment lors des entretiens qui ont eu lieu les 3 juillet et 23 novembre 2009. Face à ce constat objectif discuté entre nous, nous avons été amenés à envisager, d'un commun accord avec vous, une rupture conventionnelle de votre contrat de travail.

C'est la raison pour laquelle je vous ai invité, par lettre du 30 novembre, à un entretien prévu le 7 décembre 2009, où nous devions évoquer cette éventuelle rupture d'un commun accord.

Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien, alors que j'étais pourtant disponible dans mon bureau pour vous recevoir et avez alors adopté une attitude totalement hostile.

Dans ce contexte, nous n'avons eu d'autre choix que d'envisager une mesure de licenciement

Les explications que vous nous avez fournies lors de l'entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation.

Dans ces conditions, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement en raison de l'insuffisance professionnelle manifeste dont vous avez fait preuve pour l'ensemble des faits rappelés ci-dessus,

Votre contrat de travail prendra fin à l'issue d'une période de préavis de trois (3) mois à compter de la date de première présentation de cette lettre par les services postaux.

[....]. »

L'insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur.

Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.

La SA Eolfi met surtout l'accent sur le rôle quasi inexistant du salarié dans la levée de fonds du FIP énergies nouvelles fin 2006, ses carences dans la levée de fonds pour le FCPR Windfall et le SIF Windfall en 2007, et la mauvaise gestion administrative de la création du FCPR Windfall et du SIF Winfall, et de façon générale sur les mauvais résultats du salarié en lien avec un manque de rigueur, de méthode et d'organisation caractérisant une insuffisance professionnelle avérée dès lors qu'il devait en tant que directeur commercial, essentiellement gérer la relation investisseurs et les levées de fonds, en identifiant et démarchant des investisseurs et en suscitant et en concluant les levées de fonds.

Elle communique les attestations des deux représentants de la société Petercam SA qui ont témoigné en 2011 que « la levée de fonds pour le FCPR Eolinvest avait été pour ce qui les concerne exclusivement menée par M. [Q] [E] qui a assumé seul l'ensemble des présentations de ce fonds à leurs clients, la présence de M. [T] ayant été épisodique et passive. » Ils ajoutent que « le reporting du fonds devait être assuré par M. [T]. qu'ils ont fait part à M.[B] de leur mécontentement quant à son manque de maîtrise des dossiers, ses réponses à leurs questions étant souvent imprécises ».

S'agissant des carences dans la levée des fonds pour le FCPR Windfall et le SIF Windfall, la SA Eolfi fournit plusieurs courriels de M. [T] qu'elle considère avoir été rédigés sur un ton minimaliste manquant totalement d'approche commerciale, n'étant pas de nature à démontrer les critères de qualité qu'elle était en droit d'attendre d'un directeur commercial, également mandataire social d'une entreprise de ce secteur d'activité.

Ces courriels étaient rédigés de la manière suivante : « voici les éléments sur le fond Windfall, offre 10 M Euros cordialement », « Bonjour Monsieur, avez-vous toujours un intérêt pour Windfall. Nous avons collecté 50 M€ . Très cordialement » « Monsieur, avez-vous encore un intérêt pour Windfall nous pouvons nous parler. Cordialement ».

Elle considère qu'en dépit de la crise, l'échec de M. [T] dans la levée des fonds est patent puisqu'il n'a levé globalement que 45 millions d'euros sur les 200 M€ qu'il avait annoncés et sur lesquels elle comptait au regard des engagements pris par ailleurs.

Elle relève que la carence du salarié a placé le FCPR Windfall au bord du dépôt de bilan.

S'agissant de la gestion administrative de la création du FCPR Windfall et du SIF Windfall, la SA Eolfi communique toute une série de courriels émanant pour l'essentiel de la BNP Paribas entre le 5 octobre 2007 et le mois de février 2008 faisant état « du dépassement de certains délais, de l'absence de communication d'éléments extrêmement précis sur les aspects fiscaux, sur l'intégration de corrections, sur le caractère insuffisamment précis et complet de certaines clauses sur l'exigence d'une relecture parfaite des versions anglaises, sur la difficulté d'envoyer en temps et en heure divers documents à [Localité 4], à [Localité 3], à [Localité 2] , sur un nouveau dysfonctionnement s'ajoutant à une série d'autres qui commencent à poser de sérieux problèmes».

M. [G] [H] chief executive officer d'Eolfi avait écrit le 27 novembre 2007 « l'opération de placement du SIF Windfall auprès notamment de la BNP est sur le point d'échouer à cause de ces délais trop longs non tenus ».

La SA Eolfi considère que M. [T] avait la charge de coordonner les interventions de la banque KBL au [Localité 3], qu'il a échoué dans cette mission de coordination.

La SA Eolfi fait aussi état de l'entretien d'évaluation du salarié réalisé au début de l'année 2009 au titre de l'année 2008. Elle relève que M. [T] a, du fait des relations amicales entretenues avec M. [E], obtenu la note moyenne de « G », que des remarques très précises révélant les carences du salarié ont été alors formulées telles que :

« Désorganisation, trop de retenue dans les initiatives, travail insuffisamment approfondi, insuffisances dans la méthodologie de travail, pas de rôle de modèle positif pour les équipes, mauvaise capacité à diriger ses subordonnés, insuffisante capacité à se fixer des objectifs dans la réalisation de son travail ».

Elle fait observer que M. [T] a signé cette évaluation et en a donc admis le bien-fondé.

Il ressort de l'ensemble des pièces communiquées y compris par le salarié qu' hormis dans le cadre de l'unique évaluation réalisée début 2009, aucune remarque, aucune lettre de recadrage n'a été adressée à M. [T] tout au long de la collaboration qui a duré près de quatre années.

Si diverses rubriques de la notation révèlent des insuffisances sur les points précis préalablement relevés, il apparaît que M. [T] présente « des résultats au-dessus des attentes » dans plus de 10 rubriques et spécialement dans les rubriques relatives à son sens des responsabilités puisqu'il est « capable de travailler avec une supervision limitée qu'il est « loyal, responsable, adaptable et qu'il accepte volontiers de nouvelles responsabilités », qu'il a « un sens de l'urgence et les priorité ».

La cour relève par ailleurs que postérieurement à cette évaluation, la SA Eolfi a notifié M. [T] que cette rémunération mensuelle fixe passerait de 11 030 euros à 11 360 euros bruts.

L'auteur de la lettre notifiant cette augmentation a expressément indiqué qu'elle était accordée sur « proposition du supérieur hiérarchique ».

Cette augmentation proposée par l'employeur immédiatement après l'évaluation réalisée au titre de l'année 2008 révèle que les réserves exprimées n'étaient pas de nature à caractériser le constat d'une insuffisance professionnelle.

Par ailleurs, la SA Eolfi fait écrire qu'elle a considéré que fin 2006, M. [T] n'avait pas « pris la pleine mesure de ses responsabilités ». Or, il résulte des écritures concordantes sur ce point qu'avant son embauche, M. [T] avait déjà exécuté les mêmes missions dans le cadre d'un contrat de prestation de services alors qu'il gérait une société Alma, et ce, depuis février 2005, qu'au surplus, la période d'essai de septembre à décembre 2006 pouvait être renouvelée, avec l'accord du salarié, que la perspective même d'un renouvellement n'a pas été envisagée, ce qui démontre que les aptitudes de M. [T] à assumer ses missions étaient à cette époque établies.

Au surplus, si Mme [D] [R], l'une des signataires de l'attestation remise à la SA Eolfi en 2011, et précédemment relaté a évoqué la passivité de M. [T], il apparait qu'elle a été destinataire en copie, d'un message de M. [I] de la société Petercam, à M. [Q] [E] en date du 29 janvier 2009 , lequel message avait pour objet de « lui communiquer leur indignation sur la façon de travailler le mépris que M. [E] Témoigner envers son plus grand investisseur et leur désaccord sur le contrat entre Eolfi et 123Venture ». Après un rappel de diverses étapes de leur collaboration, l'auteur du courriel a écrit « nous avons déjà signalé à plusieurs reprises que nous sommes mécontents de votre méthode de travail qui implique que votre première priorité est Eolfi et non pas la gestion des fonds.... en réalité nous sommes informés seulement des conséquences négatives de vos décisions... et quand cela vous arrange.... nous vous demandons de venir à Bruxelles d'urgence pour expliquer à Petercam ...».

Il est manifeste que le reproche exprimé par l'auteur de ce courriel s'adressait effectivement à M. [E] qui explique lui même avoir été l'interlocuteur principal de cette société, et qui avait seul le pouvoir de décider des priorités de la SA Eolfi.

Il sera fait observer que M. [S], ayant exercé une mission de conseil pour Eolfi Asset Management entre Octobre 2008 et Août 2009 a constaté que M. [T] n'avait pas de pouvoir autonome de direction générale, Eolfi Asset Management ayant une activité intégrée au sein de la maison mère et la direction de l'ensemble étant assurée par [Q] [E], directeur général de SA Eolfi et [G] [H], directeur général adjoint.

Il s'en déduit, que dans les relations directes de la SA Eolfi avec ses partenaires, M. [Q] [E] était effectivement impliqué.

S'agissant des carences reprochées à M. [T] dans la levée des fonds pour le FCPR Windfall et le SIF Windfall, il est exact que M. [T] a évoqué à plusieurs reprises des objectifs de levée de fonds à hauteur de 200 millions d'euros pour le FCPR Windfall et de 100 millions d'euros pour le SIF Windfall, qu'environ 45 millions seulement ont pu être levés, que le FCPR Windfall a dû bénéficier des aides financières de la part de la SA Eolfi au moyen de deux avances en compte courant de 12 et 9 millions.

Toutefois, il est avéré qu'une crise financière a rendu difficile la levée de fonds au cours des années 2008 et 2009 ce qu'admet d'ailleurs la SA Eolfi dans ses écritures tout en communiquant en pièce 20 une série de liens Internet relatifs à des articles révélant les levées de fonds que d'autres sociétés ont réalisées.Or, ce document ne présente aucune pertinence particulière dans la mesure où les comparaisons utiles dans le présent débat seraient celles que la cour serait susceptible de faire avec les levées de fonds réalisées par d'autres collaborateurs internes à la société, ou encore à partir des chiffres de la société elle-même en rapport avec les chiffres exposés des sociétés concurrentes.

Au surplus, les difficultés de levées de fonds s'inscrivent également dans l'attente des partenaires des conséquences significatives sur la gouvernance de l'entrée de la société Veolia dans le capital. M. [W] [A] de BNP Paribas exposait clairement « leur souhait de bénéficier d'informations plus détaillées et documentées sur ces points », et ce en novembre 2007.

M. [ZU], VER fonds de pension, a exprimé « son refus de participer au capital du fonds Windfall du fait de la participation de Veolia Environnement et du risque de conflit d'intérêts .

Par ailleurs, M. [T] expose sans être utilement contredit que compte tenu de la difficulté rencontrée pour lever des fonds, la SA Eolfi a, à compter du dernier trimestre de l'année 2008 accepté les services d'une société Kappa finance dirigée par M. [Q] [S] spécialiste de la levée de fonds, que cette société n'a pas trouvé un seul investisseur pendant toute la collaboration qui a cessé en août 2010. De même,la SA Eolfi a fait appel en vain aux services de M. [O] [M] ancien directeur des investissements du groupe mutualiste via sa société personnelle Dalia finance pour renforcer le pôle « levé de fonds », aucune levée de fonds n'ayant été réalisée par cet intervenant.

Au regard des difficultés liées à la crise, et à l'évolution de la SA Eolfi dans ses rapports notamment avec Veolia, l'insuffisance de levées de fonds reprochée à M. [T] ne lui est pas exclusivement imputable.

Enfin, s'agissant de la gestion administrative de la création du fonds, et des échanges avec la BNP Paribas, M. [E], lui-même a dans un courriel du 18 avril 2008, félicité M. [T] dans ces termes :

«CR rapide du déjeuner avec équipes de BNPP qui a soutenu la commercialisation de Windfall ['] un point a été satisfait de la prestation d'Eolfi, et notamment du support commercial. Ils sont prêts à revenir avec nous sur un nouveau front éolien l'année prochaine. Donc plutôt positif. [P]. Il s'agit maintenant de dépasser les 36 d'Eolfi».

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que l'insuffisance professionnelle du salarié à savoir son inaptitude à l'exercice de ses missions n'est pas établie.

Le jugement déféré sera réformé, le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les compléments d'indemnité de licenciement et d' indemnité de congés payés :

Compte tenu de la prise en compte du salaire normalement dû à M. [T], c'est avec pertinence qu'il réclame le paiement d'un complément d'indemnité de licenciement à hauteur de 6127,68 euros, L'indemnité ayant été calculée sur la base d'un salaire inférieur.

De même, l'indemnité compensatrice de congés payés correspondant aux congés payés acquis et non pris à la rupture du contrat, soit 30 jours ouvrés a été calculée sur la base d'un salaire de 11 361,92 euros.

M. [T] est fondé à réclamer le paiement d'une indemnité complémentaire de 37 110,22 euros.

Sur le rappel de salaire au titre du rachat de RTT :

Le bulletin de salaire du mois de mai 2010 a fait état d'un jour de RTT. Or à l'évidence ce jour n'a pas été pris en compte dans le bulletin de salaire.

Il sera fait à la demande de M. [T] tendant à obtenir paiement d'une somme de 1735,23 euros outre les congés payés afférents.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise supérieur à 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié ( 38 175 euros), de son âge (49 ans), de son ancienneté ( 3 années et 9 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à M. [T] , en application de l'article L.1235-3 du Code du travail, une somme de 270 000 euros.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non attribution de parts de carried interest :

D'après l'article 9 du contrat de travail, il était spécialement indiqué que M. [T] serait éligible à l'attribution de 4 % des parts B du FCPR dans les termes et conditions qui lui seront détaillés ultérieurement et séparément, qu'il sera de plus éligible à l'attribution de parts de Carried interest des futurs véhicules d'investissement créés par Eolfi ou par ses filiales dans une proportion qui reflétera sa contribution personnelle à la levée des fonds de ses véhicules.

M. [T] explique qu'il a bénéficié de1,72 par B de carried interest du FCPR Eolinvest et également de 1,35 part B du FCPR Windfall mais considère qu' il était aussi éligible aux parts B de carried interest des fonds initiés par la SA Eolfi et ses filiales, dans la mesure où il avait contribué aux levées de fonds en qualité de membre de l'équipe dirigeante et de directeur commercial sur l'ensemble des véhicules d'investissement développés par la SA Eolfi. Compte tenu de l'absence d'information sur la gestion des fonds, il sollicite une indemnisation pour perte de chance de l'attribution de ces carried interest à hauteur de 300 000 euros, la SA Eolfi ayant réussi à collecter 230 M€ à travers des fonds en quatre années.

La SA Eolfi rétorque que M. [T] ne subit aucun préjudice à cet égard.

Elle relève que les différents fonds que vise M. [T] n'ont pas été créés par la SA Eolfi mais par une société indépendante 123 Venture qui n'est pas une filiale. Elle fait observer que si d'autres salariés se sont vus attribuer des parts de ce carried, M. [T] ne peut y prétendre dès lors que son contrat de travail ne le prévoit pas.

Elle confirme que M. [T] a reçu 4 % des parts de carried du FCPR Eolinvest et 1,5 part de carried du FCPR Windfall attribués en 2009 au titre de son travail en 2008 ce qui correspondait à 75 % de son salaire annuel de l'époque, l'allocation de ses parts étant faite au mérite et comprise entre 50 et 100 % du salaire de l'intéressé.

La société dénie enfin à M. [T] la possibilité de revendiquer davantage de carried à défaut pour lui d'avoir assuré, à l'instar des autres salariés, un important travail consistant à acheter des projets , à les financer, à les construire.

En tout état de cause, la SA Eolfi soutient que la valeur liquidative actuelle des parts B de Fips est nulle.

Dès lors que l'insuffisance professionnelle de M. [T] n'a pas été reconnue, et compte tenu du fait que les valeurs liquidatives en 2011 des parts B étaient nulles, sauf pour SIF Windfall, FCPR Windfall et FCPR Eolinvest, la cour évalue la perte de chance d'obtention de carried interest sur les fonds sur lesquels le salarié est intervenu en tant que membre de l'équipe dirigeante et de directeur commercial à la somme de 50 000 euros.

Sur la demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande d'accorder à M. [T] une indemnité de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par lui en cause d'appel, étant observé que la SA Eolfi avait évalué à cette somme le montant des frais engagés au soutien de son argumentaire devant la cour.

La SA Eolfi, qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne la SA Eolfi à verser à M. [T] les sommes suivantes :

- 689 856 euros à titre de rappel de salaires de janvier 2007 à juin 2010,

- 68 985,60 euros au titre des congés payés afférents,

- 6127,68 euros à titre d'indemnité complémentaire de licenciement,

- 37 110,22 euros à titre d'indemnité complémentaire de congés payés,

- 1735,23 euros à titre de rappel de salaire pour les jours de RTT,

- 173,52 euros au titre des congés payés afférents,

- 260 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour l'attribution des parts de carried interest,

- 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,

Déboute la SA Eolfi de sa demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Eolfi aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/03356
Date de la décision : 06/02/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°12/03356 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-06;12.03356 ?
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