RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 06 Février 2014
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07193 - CM
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mars 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section activités diverses RG n° 09/03814
APPELANTE
Madame [Q] [O]
[Adresse 3]
[Localité 3]
représentée par Me Olivia AUBERT, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : C 86
INTIMEES
Me [Z] [M] (SCP [Z] [F]) - Mandataire liquidateur de la SARL CECI PARIS
[Adresse 2]
[Localité 2]
représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205 substitué par Me Thierry BLAZICEK, avocat au barreau de PARIS, toque : C.44
UNEDIC AGS-CGEA IDF EST
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985 substitué par Me Nolwenn AGBOVOR, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1985
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Décembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente
Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
[Q] [O] expose qu'elle a été engagée à compter du 7 mai 2008 par la S.A.R.L. Ceci Paris, en qualité d'assistante administrative selon un contrat de travail verbal, un contrat de travail à durée indéterminée ayant été signé postérieurement le 8 août 2008.
La relation de travail est régie par la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil (syntec).
[Q] [O] a fait l'objet de deux avertissements les 6 novembre 2008 et 20 mars 2009.
Elle a été convoquée le 5 juin 2009, pour le 12 juin suivant, à un entretien préalable à un éventuel licenciement puis a reçu notification de son licenciement pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée datée du 17 juin 2009.
Contestant son licenciement, [Q] [O] a, le 5 octobre 2009, saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin d'obtenir outre les indemnités de rupture, un rappel de prime de 13ème mois, des dommages-intérêts pour préjudice moral, des dommages-intérêts pour perte du droit liée à la formation ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 14 octobre 2009, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire le 7 juillet 2009, la Scp [Z] et [F], prise en la personne de Maître [Z] étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Par jugement en date du 16 mars 2011, le conseil de prud'hommes a débouté [Q] [O] de l'ensemble de ses demandes.
Appelante de cette décision, [Q] [O] demande à la cour de l'infirmer et statuant à nouveau, de :
- 'condamner' Maître [Z] en sa qualité de mandataire liquidateur à lui payer les sommes de :
' 2 500 € d'indemnité de préavis,
' 250 € de congés payés afférents,
' 2 500 € d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
' 20 000 € de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
' 100 000 € de dommages-intérêts pour nullité du licenciement,
ou, à titre subsidiaire, si la cour considère que le licenciement n'est pas entaché de nullité,
' 100 000 € de dommages-intérêts pour rupture abusive
' 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
- dire l'arrêt opposable à l'Ags.
La Scp [Z] et [F] en sa qualité de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. Ceci Paris sollicite la confirmation du jugement entrepris et le débouté de [Q] [O] de l'ensemble de ses demandes.
Le centre de gestion d'études Ags (Cgea) d'Ile de France Est, unité déconcentrée de l'Unedic demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté [Q] [O]
A titre subsidiaire,
- juger irrecevables et mal fondées les demandes de dommages-intérêts pour préjudice moral
- lui donner acte qu'elle s'en rapporte aux explications de la société défenderesse et des organes de la procédure sur le bien fondé du licenciement
En tout état de cause,
- dire qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-17 et suivants du code du travail.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.
MOTIVATION :
Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments de prouver, que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, [Q] [O] invoque les faits suivants :
- la S.A.R.L. Ceci Paris utilisait à son égard des méthodes de management basées sur l'humiliation, les pressions et la violence verbale,
- après avoir été engagée comme d'assistante administrative, elle a été promue ingénieur commercial le 6 novembre 2008, puis rétrogradée à son poste initial pour finir secrétaire standardiste.
- deux avertissements lui ont été délivrés pour des faits qui ne rentraient pas dans ses attributions,
- le gérant de la société a mis en doute son état de santé alors qu'elle faisait l'objet d'un arrêt pour cause de maladie.
Pour étayer ses affirmations, [Q] [O] produit notamment :
- trois photocopies de bulletins de salaire, sur lesquels il est mentionné qu'à son entrée en fonction, elle occupait un emploi d'assistante administrative, puis en novembre 2008, celle d'ingénieur commercial, et puis de nouveau en mai 2009 celle d'assistante administrative, observation étant faite qu'elle a à chaque fois conservé le statut d'employée,
- un courrier en date du 20 mars 2009 aux termes duquel l'employeur met en doute la réalité des problèmes de santé l'ayant contrainte à s'absenter pour cause de maladie le 18 mars :
' ...Parallèlement, l'un de nos collaborateurs vous a vue le 19 mars en fin de journée vous promenant à proximité de votre domicile, l'air parfaitement en «en forme»' alors que [Q] [O] justifie avait pris soin de l'informer par courriel de son absence à la suite d'une migraine.
[Q] [O] établit l'existence de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre, alors même que l'employeur ne verse aucune pièce permettant de justifier notamment de sa décision de rétrograder [Q] [O] et de démontrer que son comportement était étranger à tout harcèlement
En application de l'article 1152-3 du code du travail, le licenciement, dès lors le harcèlement moral est établi, est nul.
Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'il a eu pour [Q] [O] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies doit être réparé par l'allocation de la somme de 4 000 € à titre de dommages-intérêts.
Le jugement est infirmé sur ce point.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
Selon les bulletins de salaire de [Q] [O], quand bien même elle a changé d'emploi, n'a pas changé de statut au cours de l'exécution du contrat de travail et est toujours restée employée sans jamais être cadre.
Elle sera donc déboutée de sa demande de complément d'indemnité de préavis.
Sur l'indemnité pour irrégularité de procédure :
Elle est fondée en revanche à se prévaloir de l'irrégularité de la procédure de licenciement et à solliciter sur le fondement de l'article L.1235-5 une indemnité à ce titre que la cour est en mesure d'évaluer à la somme de 150 €.
Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral :
[Q] [O] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Il convient donc de la débouter de cette demande.
Sur la garantie de l'Ags :
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'ags dans les limites et termes de sa garantie.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré
Dit le licenciement de [Q] [O] nul pour harcèlement moral
Fixe la créance de [Q] [O] au passif de la S.A.R.L. Ceci Paris aux sommes suivantes :
- 4 000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul
- 150 € d'indemnité pour irrégularité de procédure
Dit que ces éléments de créances sont opposables à l'Unedic délégation Ags-Cgea Idf Est
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
Déboute les parties du surplus de leurs demandes
Affecte les dépens du présent arrêt au passif de la S.A.R.L. Ceci Paris.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,