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30/01/2014 | FRANCE | N°12/02915

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 30 janvier 2014, 12/02915


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 30 Janvier 2014

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/02915 - MEO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/17084



APPELANT

Monsieur [S] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Jean-Philippe VE

CIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G 0535



INTIMEE

SA W FINANCE CONSEIL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Nicole TIBERI, avocat au barreau de PARIS, toq...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 30 Janvier 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/02915 - MEO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/17084

APPELANT

Monsieur [S] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Jean-Philippe VECIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G 0535

INTIMEE

SA W FINANCE CONSEIL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Nicole TIBERI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0369 substitué par Me Ivan HECHT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0369

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [S] [J] a été engagé par la Sa W Finance Conseil , le 13 septembre 1993, par contrat à durée indéterminée en qualité de conseiller. En mars 2008, il est devenu directeur général délégué, statut cadre. Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'est élevée en dernier lieu à la somme de 11 416 €.

M. [J] était titulaire d'un mandat social et d'un contrat de travail.

Le 8 novembre 2010, le PDG de la société a proposé à M. [J] d'abandonner ses fonctions de directeur général délégué en revenant à ses fonction s antérieures de directeur régional Sud Ouest, sa rémunération lui demeurant acquise dans son intégralité.

Le 6 décembre 2010, par courrier recommandé, la Sa W Finance Conseil lui a formulé la même proposition, en arguant d'un certain nombre de griefs et en fixant le délai limite pour y répondre au 16 puis au 23 décembre 2010.

Le 21 décembre 2010, M. [J] a saisi le conseil des Prud'Hommes de Paris en référé, lequel a débouté M. [J].

Convoqué le 24 décembre 2010 à un entretien préalable fixé au 4 janvier 2011, M. [J] a été licencié pour insuffisance professionnelle le 12 janvier 2011. Il a été dispensé de travailler dès le 5 janvier.

Par ailleurs, M. [J] a été révoqué de ses fonctions de mandataire social de la société de la Sa W Finance Conseil par décision du conseil d'administration en date du 11 janvier 2011.

Estimant son licenciement injustifié, M. [J] a, le 29 décembre 2010, saisi le conseil des Prud'Hommes de Paris d'une demande tendant en dernier lieu à obtenir le paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, des dommages et intérêts pour préjudice moral, d'un rappel de diverses primes, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'exécution provisoire.

Par décision en date du 29 février 2012, le conseil des Prud'Hommes a débouté M. [J] de toutes ses demandes et l'a condamné aux dépens.

M. [J] a fait appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la cour de juger son licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la Sa W Finance Conseil à lui payer les sommes suivantes :

- 11 400 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure

- 548 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 200 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

- 9 000 € à titre de rappel de prime qualitative

- 15 000 € au titre de la prime d'objectif CAC

- 9 000 € au titre de la prime d'atteinte de l'objectif CA Assurances-vie

- 1 800 € au titre de la prime immobilier

- 5 012,47 € au titre des frais de déménagement.

M. [J] réclame, en outre, la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement déféré, en conséquence, au débouté de M. [J] et à sa condamnation à lui payer la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 13 décembre 2013, reprises et complétées à l'audience.

MOTIVATION

Sur le licenciement :

En application de l'article L 1331-1 du code du travail, 'constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que les observations verbales prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.'

En l'espèce, il convient de constater que dans son courrier précité du 6 décembre 2010, l'employeur énonce avec précision et détails, exemples à l'appui, 'l'incapacité' de M. [J] à 'piloter l'activité du réseau' et 'plus généralement' son 'absence de méthode', son 'comportement inapproprié ''sur lequel j'ai depuis bien longtemps attiré ton attention', avant de conclure 'face à ce constat d'échec incontestable, qui trouve son origine dans les nombreuses insuffisances évoquées ci-dessus, qui ne t'ont jamais conduit à modifier ton comportement, malgré mes interventions et mises en garde régulières, il ne peut être envisagé, dans l'intérêt de l'Entreprise, de te laisser poursuivre la mission que je t'ai confiée le 1er mars 2008". Poursuivant ce même courrier, l'employeur propose à M. [J] de quitter ses fonctions de directeur général délégué et de 'prendre en charge la Direction Régionale Sud Ouest à compter du 1er janvier 2011", sa rémunération demeurant inchangée. Enfin, l'employeur conclut ainsi : ' Je te demande de réfléchir le plus sérieusement possible à cette proposition. J'attends une réponse de ta part au plus tard le 16 décembre 2010. L'absence de réponse écrite de ta part, à cette date, conduira à conclure que tu as refusé cette proposition.'

Il est incontestable que ce courrier qui propose à M. [J] , d'abandonner ses fonctions de directeur général délégué de la Sa W Finance Conseil , pour un poste de directeur régional, à moindres responsabilités, comporte une proposition de rétrogradation, qui n'est cependant pas une sanction disciplinaire, puisque l'employeur subordonne son application à l'acceptation du salarié.

Dans la logique de la démarche ainsi adoptée, en l'absence de l'acceptation du salarié, celui-ci a conservé son poste de directeur général délégué jusqu'à son licenciement.

Sur le licenciement :

Aux termes de l'article L1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. L' insuffisance professionnelle constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Lorsqu'elle repose sur une insuffisance de résultats, celle-ci doit être imputable au salarié, sur la base d'objectifs fixés qui sont réalisables et elle doit se fonder sur des faits objectifs.

En cas de litige, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié (article L 1235-1 du code du travail).

Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables.

En application de l'article L 1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 12 janvier 2011 énonce de la manière suivante les griefs d'insuffisance professionnelle suivants à l'encontre de M. [J] :

'Monsieur,

Nous faisons suite à l'entretien en date du 4 janvier 2011 avec Monsieur [C] [G] [V] auquel vous vous êtes présenté assisté de Monsieur [D] [M] et avez accepté que Monsieur [V] soit assisté par Madame [B] [K].

Les explications que vous nous avez fournies ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits, nous vous notifions votre licenciement pour les motifs suivants :

En vertu de votre contrat de travail, votre mission, sur le poste sur lequel vous avez été promu en mars 2008, est définie comme il suit :

« La mission principale du Directeur Général Délégué consiste à prendre en charge la responsabilité :

1) De l'ensemble des Directeurs Régionaux, Cadres, Conseillers et Collaborateurs administratifs de W Finance Conseil, à l'exception des collaborateurs du Centre National

de Formation, qui reste directement rattaché au Président Directeur Général.

2) du Comité de Direction Commerciale de W Finance Conseil.

3) des Partenariats avec les experts comptables.

4) de l'orientation de la politique commerciale de W Finance Conseil et de sa mise en 'uvre.

Cette mission devra le conduire, notamment, à être une « force de proposition » permanente au sein de la maison « mère » de W Finance Conseil, W Finance, et à collaborer activement avec les responsables des services du Siège.

Pour l'année 2008 uniquement, le Directeur Général Délégué conservera également la responsabilité de la région Sud-Ouest.

Compte-tenu de la dénomination de cette fonction, ainsi que de son importance au sein de notre Société, cette liste ne saurait être exhaustive. »

Or, nous avons constaté des défaillances dans l'exécution de votre contrat de travail qui nous ont conduites à de nombreuses reprises à devoir intervenir à votre lieu et place pour palier à vos insuffisances professionnelles.

Ainsi, sans que ces exemples soient limitatifs :

o Incapacité à organiser le Comité de Direction :

Sur le plan de leur tenue  : le 7 septembre 2009, devant la persistance d'une organisation indigente des travaux du Comité de Direction, qui pourtant figure dans les toutes premières priorités de votre mission, j'ai été contraint de prendre moi-même l'initiative de définir une structure type de l'ordre du jour de ce Comité. Malgré cette aide, vous n'avez que très rarement respecté le cadre qui vous a été donné.

Sur les travaux préparatoires : depuis le mois de septembre, il vous a été demandé à plusieurs reprises le plan d'activité précis sur la fin de l'exercice : nous l'attendons encore, puisqu'un tel document ne nous a jamais été remis.

Malgré nos échanges sur le sujet, les mails par lesquels nous avons tenté d'attirer votre attention et nos demandes répétées, vous avez persisté à ne prendre en compte aucune de nos remarques et n'avez jamais daigné répondre à nos attentes pourtant bien précises.

o Une présence insuffisante sur le terrain :

A titre d'exemple, dès le 22 mars 2010, renouvelé le 3 avril 2009, dans le contexte d'une activité très médiocre, nous avons attiré votre attention à de très nombreuses reprises, sur le fait qu'il fallait renforcer votre présence sur le terrain et sur l'extrême urgence avec laquelle il convenait de réagir compte tenu des résultats d'activités très alarmants.

Nous avons évoqué alors le besoin d'animations nouvelles, de plus de consistance, d'exemplarité sur le terrain, et d'une collaboration constructive avec toutes les parties prenantes.

Vous ne nous avez jamais exposé un plan pour une quelconque de ces actions.

o Un mode de communication inapproprié :

En dépit de nos remarques et demandes de modifier la manière de vous adresser à vos interlocuteurs, et plus spécialement les équipes avec qui vous travaillez, vous n'avez pas abandonné votre style abrupt et par trop directif.

Au contraire, vous avez fait preuve de plus d'autoritarisme et moins de communication.

o Manque de visibilité de votre agenda et modifications incessantes du planning

Les annulations inopinées de réunions qui déstabilisent profondément notre organisation, les changements permanents de votre propre agenda, vos absences soudaines sans même informer votre hiérarchie, les exemples sont légion :

Ainsi, pour les plus récents : le vendredi 11 décembre 2009, sans même m'avoir prévenu et alors que je vous cherchais, j'ai appris que vous avez pris une journée de congés.

Le vendredi 15 janvier 2010, alors que j e vous cherchais à [Localité 4] où vous deviez être, vous m'avez indiqué, le samedi seulement, que vous étiez à [Localité 9]...

Encore plus surprenant, alors même que j e vous attendais à [Localité 8] le 18 juin pour le Séminaire annuel du réseau, qui est l'événement le plus important de l'année, vous m'avez appris par un message électronique le soir que vous aviez décidé de ne pas vous y rendre ... mais oublié de me prévenir.

L'absence de fiabilité des indications que vous nous fournissiez est source d'un déficit de communication et de confiance, les membres de la société ne pouvant vous joindre ou vous rencontrer dans des conditions normales.

Mauvaise collaboration avec les services du siège

Nous déplorons également des mauvaises relations de collaboration avec le responsable du Département des produits financiers qui ont conduit à des dysfonctionnements : les conséquences ont été très préjudiciables puisque cela a occasionné des pertes d'opportunités et des lancements ratés de produits.

Pourtant, la commercialisation des produits financiers constitue notre c'ur d'activité et vous connaissez parfaitement l'importance d'une collaboration optimum avec tous les services concernés.

Vos absences régulières lors des réunions du Comité d'Allocation d'Actifs du lundi soir ont également pénalisé la transmission des travaux de ce Comité vers le réseau dont vous êtes le responsable.

Vous avez également été incapable de vous coordonner avec le centre de formation, dans le cadre de son implication dans le processus de recrutement.

Il en va aussi de même en ce qui concerne les autres services du siège, comme nous avons été contraints de le constater formellement le 9 novembre 2009 à propos d'un message très maladroit que vous veniez d'adresser au réseau.

o Dépenses injustifiées et non-respect des procédures :

Vous ne respectez pas la procédure de demande de remboursement de frais en vigueur. En effet, vous transmettez directement à l'employée chargée d'émettre le remboursement, vos demandes sans les faire viser au préalable par votre supérieur hiérarchique.

De fait, un examen par sondage réalisé par le contrôle de gestion des frais professionnels engagés au cours de l'année 2010 a fait apparaître plusieurs interrogations sur lesquelles nous vous avons demandé des précisions, à savoir :

Location de voiture du 29/10/2010 entre [Localité 2] et [Localité 3] où nous n'avons pas d'agence mais où vous avez des attaches familiales,

Facture de parking le 29/10/2010 à [Localité 3], qui semble correspondre à une durée d'une semaine.

Déplacement Aller/Retour à [Localité 1] le 26/10/2010, mais repas pris sur [Localité 6] le midi.

Cette situation n'est pas acceptable, dans la mesure où vous devez adopter un comportement exemplaire en la matière, puisque vous êtes en charge de faire respecter la procédure de demande de remboursement de frais par vos collaborateurs.

Ainsi, la constatation de ces insuffisances professionnelles s'accompagnant également du constat que les objectifs étaient loin d'être réalisés, nous ont conduit à constater que vous n'aviez probablement pas les capacités pour assumer ce poste...

...De ce fait et compte tenu de votre réussite passée en qualité de Directeur Régional, et de votre ancienneté, nous vous avons proposé d'assumer à nouveau cette fonction dans laquelle vous aviez donné pleinement satisfaction.

Le 15 décembre, vous avez demandé une prolongation du délai de réflexion que nous vous avons accordé jusqu'au 23 décembre dernier.

Vous n'avez apporté aucune réponse à notre proposition.

Nous considérons que l'ensemble de ces éléments constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Votre préavis d'une durée de six mois, que nous vous dispensons d'effectuer, débutera à la date de première présentation de cette lettre.

Vous conserverez l'usage de votre logement de fonction pendant la durée du préavis.

Votre salaire vous sera versé aux dates normales de paie, et à l'expiration du délai de préavis, nous vous remettrons votre Certificat de travail, votre solde de tout compte, ainsi que les sommes qui vous seront dues.

En tant que de besoin, nous renonçons à tout engagement de non-concurrence auquel vous auriez pu souscrire.

Votre droit individuel à la formation s'élève à 120 heures. Si vous nous en faites la demande avant la date d'expiration de votre préavis, les sommes correspondantes [à valoriser] peuvent être affectées au financement d'une action de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l'expérience.

Nous vous rappelons que vous devez nous remettre toute documentation, dossiers, fichiers, micro-portable, clés d'accès aux locaux et au parking, téléphone, carte professionnelle etc... en votre possession et vous proposons de prendre contact avec Monsieur [P] [O] afin d'organiser un rendez-vous sous quinzaine...'.

Selon l'avenant au contrat de travail de M. [J] , celui-ci promu directeur général délégué s'est vu confier les responsabilités suivantes :

'1) de l'ensemble des directeurs régionaux, cadres, conseillers et collaborateurs administratifs de W Finance Conseil, à l'exception des collaborateurs du Centre National de Formation, qui reste directement rattaché au Président Directeur Général

2) du Comité de Direction Commerciale de W Finance Conseil

3) des partenariats avec les experts comptables

4) de l'orientation de la politique commerciale de W Finance Conseil et de sa mise en oeuvre. Cette mission devra le conduire, notamment, à être une 'force de proposition' permanente au sein de la maison 'mère' de W Finance Conseil, W Finance et à collaborer activement avec les responsables des services du siège.'

A l'appui des griefs invoqués, la Sa W Finance Conseil produit aux débats les éléments suivants :

- incapacité à organiser le Comité de direction

'le dernier comité de direction commerciale qui s'est tenu mercredi 3 novembre était un véritable naufrage d'organisation sans ordre du jour'. (mail du 5 novembre 2010)

- une présence insuffisante sur le terrain

M. [J] est l'objet d'un rappel à l'ordre en ce sens par mail de l'employeur du 15 septembre 2010

- un mode de communication inapproprié

Il est reproché à M. [J] d'avoir adressé à ses collaborateurs du réseau les termes suivants : 'Je ne vous demanderais pas vos prévisions, c'est moi qui vais ci-dessous vous les donner et j'attends de chacun lundi comment nous allons réaliser ces chiffres conseiller par conseiller'. (mail du 25 juin 2010)'.

- manque de visibilité de votre agenda et modifications incessantes du planning

Il ressort des débats que le 11 décembre 2009, souhaitant rencontrer M. [J], son employeur apprend par mail du 11 décembre 2009, par le salarié lui-même qu'il n'est pas à [Localité 6] et qu'il a 'pris un jour et aide pour un déménagement' et le 16 janvier 2010, qu'il n'était pas la veille à [Localité 4] mais à [Localité 9]. Son employeur apprend son absence au séminaire organisé le 18 juin 2010, par un mail du jour même 'pour un impératif personnel'(mail du 18 juin 2010).

Un mail de l'employeur du 5 novembre 2010 énonce en outre : '...Malgré notre succession d'échanges sur le sujet, tu persistes à ne pas prendre en compte mes remarques. Je souhaite que nous soyons organisés et exemplaires pour nos collaborateurs. Or tu passes ton temps à annuler tes déplacements, des réunions. Tu devais être initialement à [Localité 7] aujourd'hui, puis à [Localité 6]....il faut en fait que je prenne contact avec toi pour apprendre que tu es à [Localité 9] et qu'en fait, pour des raisons personnelles, tu n'es pas au bureau. Tu n'as pas même pris soin de me prévenir toi-même ! ....je te demande de participer à nos comités d'allocation d'actifs qui sont fondamentaux pour nos activités, le lundi soir, et ce depuis leur origine - il y a près de 2 ans...Tu n'y viens jamais !'.

Le relevé des jours de congé demandés, produit aux débats par M. [J] pour la période du 14 décembre 2009 au 16 décembre 2010, montre que son absence du 18 juin 2010 n'est justifiée par aucune demande de congé et que celle du 5 novembre 2010 est justifiée par une demande de congé opérée par régularisation le 9 novembre 2010, qui fait suite au reproche de l'employeur formulé par le mail précité du 5 novembre 2010.

- mauvaise collaboration avec les services du siège

Il est reproché à M. [J] d'avoir adressé à la direction de la communication le mail du 17 novembre 2010 libellé en ces termes : 'Bonjour, il n'est pas normal que j'apprenne par l'agence de [Localité 4] que des conférences de presse animées par [C] sont organisées en régions ; ...Merci à l'avenir de faire le nécessaire pour que cela ne se reproduise pas.'

Il lui également fait grief d'avoir adressé au réseau le mail suivant le 5 novembre 2009 : 'il faut appeler les clients leur proposer du Carat Garanti 5", jugé maladroit par son employeur, qui lui signale par mail du 9 novembre : 'je trouve la forme de ce message très inadéquate; sa rédaction nous met potentiellement en situation difficile vis-à-vis de la MIF..'

- dépenses injustifiées et non-respect des procédures

Il est reproché à M. [J] un non respect des procédures notamment en matière de recrutements, ainsi que le rappelle un mail de l'employeur en date du 9 novembre 2009, M. [X] n'ayant pas été impliqué dans une procédure de recrutement, ce en contrariété avec le mail de l'employeur en date du 13 mai 2009 aux termes duquel il est rappelé que que M.[X] 'assure la responsabilité de la relation avec l'ensemble des parties prenantes (recrutement,/RH/ ...)'.

- objectifs loin d'être réalisés

L'ensemble des documents produits aux débats font état de résultats médiocres pour l'année 2010. En particulier, par mail du 2 août 2010, l'employeur s'alarme : 'le taux d'atteinte de l'objectif de certaines agences ([Localité 1], [Localité 5], [Localité 7],.....) - autour de 50% de l'objectif proraté- n'est pas défendable. Nous ne pouvons rester sans réaction face à une telle situation. Je souhaite que nous évoquions le sujet ensemble cette semaine et que tu me fasses part de propositions.' Puis mail du 15 septembre 2010, il rappelle les résultats commerciaux 'très insatisfaisants'enregistrés depuis le début de l'année.

Les pièces communiquées par M. [J] illustrent son activité au sein de la société, aussi bien en termes de présence et d'organisation au sein des différentes réunions qui y sont tenues au siège, qu'en ce qui concerne l'action entreprise en province.

Il ressort de l'ensemble des pièces produites aux débats que l'insuffisance qualitative de M. [J] , qui a exercé ses fonctions dans un contexte de crise économique et financière, n'est caractérisée ni par la plupart des faits isolés qui lui sont reprochés, ni par l'insuffisance des résultats enregistrés en 2009/2010, qui ne sont pas, dans ces conditions, en relation évidente avec une quelconque insuffisance de M. [J].

En revanche, s'il est acceptable qu'un directeur général délégué dispose d'une certaine autonomie d'organisation, il apparaît néanmoins indispensable, compte-tenu de l'importance de son poste et de sa proximité avec la président de la société, de faire preuve de fiabilité à son égard, en étant en mesure à répondre à ses sollicitations.

Or il est établi par les pièces produites aux débats, et d'ailleurs non sérieusement contesté par M. [J] , qu'à plusieurs reprises, sans en avoir informé son employeur, M. [J] a surpris celui-ci par son absence 'pour des motifs personnels' le privant d'une réunion demandée (le 5 novembre 2010) ou lui imposant son absence lors d'un événement important pour l'entreprise (18 juin 2010). Il apparaît, en outre, que M. [J] ne conteste pas n'avoir jamais participé aux comités d'allocation d'actifs auxquels il était convié depuis 2 ans, ce que son employeur lui reproche dans son message précité.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour a la conviction, qu'en révélant cette faiblesse dans sa mise à disposition à son employeur, M. [J] a fait montre d'une insuffisance professionnelle.

Son licenciement est donc justifié.

Ce licenciement a été prononcé au terme d'une procédure dont l'irrégularité alléguée sans autre précision, n'est pas démontrée.

Il s'ensuit que M. [J] ne peut qu'être débouté de toutes ses demandes afférentes au licenciement.

Sur le rappel de primes

Selon l'avenant au contrat de travail de M. [J], sa rémunération fixe annuelle brute s'élève à 102 000 € réglés sur 12 mois.

En outre, en sa qualité de directeur général délégué, il est mis en place un 'bonus spécifique' fondé sur la réalisation d'objectifs définis annuellement par la société. Défini en annexe dudit avenant, ce bonus se compose, en 2010, d'une prime qualitative dont le montant maximum est de 10 000 €, d'une prime liée à l'atteinte des objectifs de CAC dont le montant maximum est de 15 000 €, d'une prime liée à l'atteinte de l'objectif de Flux d'un montant maximum de 18 750 €, d'une prime en lien avec les recrutements d'un montant maximum de 12 000 €, d'une prime liée aux objectifs atteints au titre de l'assurance-vie d'un montant maximum de 9 000 €, d'une prime immobilier+Cpi d'un montant maximum de 9 000 €.

Selon l'annexe initiale, la prime qualitative est fixée par le PDG de l'entreprise en fonction notamment d'objectifs tels que la redéfinition des missions des encadrants, l'adhésion du comité de direction commerciale à votre action, et de la réussite de la redéfinition des responsabilités régionales.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la disponibilité du salarié, qui fait partie intégrante de la qualité de sa prestation de travail, constitue un critère d'attribution de ladite prime, ainsi que l'autorise la liste non limitative précitée. Il s'ensuit, compte-tenu du licenciement intervenu, que l'employeur a pu valablement priver M. [J] de la prime qualitative.

L'attribution des autres primes sont liées aux résultats enregistrés.

A ce sujet, l'employeur produit aux débats, la fiche afférente à M. [J] au titre de l'année 2010, aux termes de laquelle il apparaît que les performances obtenues, très en-deçà des objectifs fixés, ne permettent pas l'attribution d'une prime au titre des flux nets, de l'objectif Cac, au titre du recrutement, et au titre de l'assurance-vie. En revanche, elle révèle un objectif dépassé au titre de l'immobilier Cpi (objectif réalisé de 55,6 M€ sur un objectif fixé de 50 M€) donnant droit, à ce titre, à M. [J] au bonus maximum de 9 000 €.

Pour contester la pertinence de cette fiche, M. [J] fait valoir d'autres éléments de gouvernance, appelés QBR (quaterly business review), que l'employeur, en dépit des injonctions faites par le conseil des Prud'Hommes, a refusé de communiquer. Il ajoute que ces QBR, qui avaient vocation à revoir les objectifs en cours d'année, ont, pour l'année 2010, revu à la baisse les objectifs à atteindre lui permettant ainsi au vu des performances réalisées de percevoir ses primes. L'employeur conteste l'existence de ces documents.

En effet, aucun élément produit aux débats ne permet d'établir l'existence de ces documents, établis autrement que pour la Sa Wfinance, Sa administratrice de la Sa Wfinance Conseil, qui disposent toutes deux d'un siège social situé à la même adresse, [Adresse 2].

Cette situation ne semble pas démentie par le relevé de décision du 1er décembre 2009 dont se prévaut M. [J] et qui rapporte: 'retour sur la réunion QBR - du 30/11/2009 avec le Groupe.....', ni par le document intitulé 'QBR W Finance 30 novembre 2009" produit aux débats, qui ne visent pas la société Wfinance Conseil en particulier. En outre, la cour relève, qu'en sa qualité de directeur général délégué, M. [J] n'aurait pas manqué d'être le destinataire de ces documents concernant la Sa W Finance Conseil s'ils avaient existé.

Il s'ensuit qu'il convient de retenir la fiche établie au nom de M. [J] et dont celui-ci ne conteste pas sérieusement la sincérité pour conclure qu'au titre de l'année 2010, M. [J] n'a droit à d'autre prime que la prime immobilier cpi de 9 000 €, sur laquelle il reconnaît avoir été payé de la somme de 7 200 €, de sorte qu'il lui reste du 1 800 €, à laquelle la Sa W Finance Conseil doit être condamnée.

Sur le remboursement des frais de déménagement

Il s'agit d'une demande nouvelle.

M. [J] fonde, sur son contrat de travail, sa demande de remboursement de ses frais de déménagement, d'un montant de 5 012,47 €, engagés en juillet 2011, à laquelle s'oppose la Sa W Finance Conseil au motif qu'aucun justificatif de la dépense alléguée n'est produit aux débats.

Il convient en premier lieu de noter que les frais de déménagement en cause, engagés à la suite du licenciement de M. [J] , ne sont plus de nature à relever de la catégorie des frais professionnels visés par le contrat de travail de M. [J], auquel il a été mis un terme. En outre, ainsi que le souligne l'employeur, les frais réclamés ne font l'objet d'aucun justificatif.

Il s'ensuit que M. [J] ne peut qu'être débouté de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne sa disposition relatif au solde de la prime immobilier

L'infirme de ce chef. Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la Sa W Finance Conseil à payer à M. [S] [J] la somme de 1 800 € à titre de solde sur la prime immobilier pour l'année 2010, outre les intérêts au taux légal à compter de la convocation de la Sa W Finance Conseil devant le bureau de conciliation du conseil des Prud'Hommes.

Déboute M. [J] de sa demande de remboursement de ses frais de déménagement

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la Sa W Finance Conseil aux dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/02915
Date de la décision : 30/01/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°12/02915 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-30;12.02915 ?
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