La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2014 | FRANCE | N°13/04464

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 29 janvier 2014, 13/04464


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 29 JANVIER 2014



(n° 23, 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/04464



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2013 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 11/03212





APPELANT





Monsieur [P] [Q]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 7] (44)

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, postulant

assisté de Me Jérome LETANG, avocat au barreau de LYON, ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 29 JANVIER 2014

(n° 23, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/04464

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2013 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 11/03212

APPELANT

Monsieur [P] [Q]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 7] (44)

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, postulant

assisté de Me Jérome LETANG, avocat au barreau de LYON, toque : 772, plaidant

INTIMÉS

1°) Monsieur [C] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 3]

2°) Monsieur [Y] [O]

[Adresse 3]

[Localité 2]

3°) Monsieur [G] [K]-[I]

[Adresse 5]

[Localité 4]

4°) Monsieur [S] [O]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentés par Me Julie COUTURIER de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0147, postulant

assistés de Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER-SAMMARCELLI, avocat au barreau de BORDEAUX, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 décembre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Dominique REYGNER, président et Madame Nathalie AUROY, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique REYGNER, président

Madame Nathalie AUROY, conseiller

Madame Monique MAUMUS, conseiller

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique REYGNER, président et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* *

*

[E], [N], [A], née le [Date naissance 1] 1932, est décédée le [Date décès 1] 2008 au [Localité 9] (33), sans laisser d'héritier réservataire, et en l'état d'un testament olographe daté du 10 mai 2007, déposé en l'étude de Maître [W], notaire à [Localité 6], instituant M. [P] [Q] légataire universel, à charge pour lui de délivrer les legs particuliers suivants : son appartement situé [Adresse 6] à M. [Y] [O], 150 000 € à Mme [J] [D] et 150 000 € à Mme [G] [K] née [I].

M. [Q] a été envoyé en possession par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris rendue le 19 mai 2008.

Mme [K]-[I] et M. [Y] [O] ont accepté la délivrance de leurs legs particuliers, respectivement les 30 juillet et 12 août 2008.

Par testament olographe daté du 18 février 2004, déposé en l'étude de Maître [U], notaire à [Localité 5], [N] [A] avait précédemment institué comme légataires universels par portions égales entre eux, les quatre personnes qu'elle considérait comme ses filleuls, soit M. [Y] [O], M. [Q], Mme [K]-[I] et M. [C] [Z], à charge pour eux de délivrer des legs particuliers à diverses associations caritatives et à certaines personnes physiques, et nommant M. [S] [O] exécuteur testamentaire.

Par ordonnance de référé du 3 novembre 2008, le président du tribunal de grande instance de Bordeaux, saisi par M. [Y] [O], Mme [K]-[I] et M.[Z] (ci-après les consorts [O]-[K]-[I] et [Z]) et M. [S] [O], a ordonné une expertise médicale, confiée au docteur [B] [X], afin de permettre au tribunal de se prononcer sur la capacité mentale de [N] [A] le 10 mai 2007.

Le docteur [R] [V], médecin expert désigné en remplacement, a déposé son rapport définitif le 28 octobre 2009.

M. [S] [O] et les consorts [O], [K]-[I] et [Z] ont alors, par acte du 8 juillet 2010, saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux d'une action tendant à l'annulation du testament du 10 mai 2007.

Par ordonnance du 17 janvier 2011, le juge de la mise en état a déclaré ce tribunal territorialement incompétent et a ordonné le renvoi de l'affaire devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 29 janvier 2013, le tribunal a, en substance :

- déclaré recevable l'action de M. [S] [O] et des consorts [O], [K]-[I] et [Z],

- prononcé la nullité du testament du 10 mai 2007,

- ordonné le partage judiciaire de la succession de [N] [A],

- désigné le président de la chambre interdépartementale de [Localité 8], avec faculté de délégation, pour y procéder,

- commis un juge pour les surveiller,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rejeté toute autre demande,

- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage,

- dit qu'ils seront supportés par les co-partageants, au prorata de leurs droits.

M. [Q] a interjeté appel de cette décision le 5 mars 2013.

Dans ses dernières conclusions remises le 20 septembre 2013, il demande à la cour de :

- juger irrecevable l'action de M. [S] [O] et des consorts [O], [K]-[I] et [Z] pour défaut de qualité pour agir,

- juger Mme [K]-[I] et M. [Y] [O] irrecevables en leur action

pour y avoir antérieurement renoncé,

- subsidiairement, sur le fond,

- débouter M. [S] [O] et les consorts [O], [K]-[I] et [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- les condamner à lui payer une somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens, avec bénéfice de l'article 699 du même code.

Dans leurs dernières conclusions remises le 16 juillet 2013, M. [S] [O] et les consorts [O], [K]-[I] et [Z] demandent, pour l'essentiel, à la cour de :

- confirmer le jugement déféré,

- y ajoutant,

- condamner M. [Q] à leur payer chacun la somme de 10 000 €, soit au total 40 000 €, en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi du fait de la présente procédure et des allégations diffamatoires qu'elle contient à leur égard,

- le condamner à leur verser une somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, avec bénéfice de l'article 699 du même code.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, selon l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

- sur les fins de non recevoir :

Considérant que l'action en nullité relative du testament du 10 mai 2007 pour insanité d'esprit de [N] [A] est ouverte à M. [Y] [O], Mme [K]-[I] et M. [Z], ceux-ci ayant été institués légataires universels par le testament du 18 février 2004 révoqué par le testament litigieux ;

Considérant que l'exécution volontaire d'un testament ne peut emporter renonciation à opposer sa nullité que si celui qui pouvait s'en prévaloir avait à la fois la connaissance du vice l'affectant et la volonté de le réparer ; qu'il ne peut être considéré qu'en acceptant sans réserve, ni protestation, la délivrance de leurs legs les 30 juillet et 12 août 2008, Mme [K]-[I] et M. [Y] [O] ont renoncé à invoquer la nullité du testament olographe du 10 mai 2007, dès lors, d'une part, que la délivrance est une mesure essentiellement provisoire et, d'autre part, qu'à ces dates, aucune expertise médicale de nature à les éclairer sur l'état mental de [N] [A] au moment de la rédaction de ce testament n'avait été diligentée ;

Considérant que, par ailleurs, la clause contenue dans l'acte de délivrance de legs à M. [O], aux termes de laquelle 'le légataire prendra lesdits biens dans l'état où ils se trouvent actuellement avec toutes leurs aisances, circonstances et dépendances et leurs servitudes actives et passives, sans pouvoir exercer aucun recours contre Monsieur [P] [Q], ni contre la succession de Madame [F] [A] pour quelque cause que se soit' n'emporte renonciation de sa part à exercer tout recours qu'en ce qui concerne l'état des biens légués ;

Considérant qu'en conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. [Y] [O], Mme [K]-[I] et M. [Z] ;

Considérant qu'en revanche, ni la validité, ni l'exécution du testament du 18 février 2004 n'étant discutées à l'occasion de l'action en nullité du testament du 10 mai 2007, M. [S] [O], désigné exécuteur testamentaire par le premier de ces actes, n'a pas, au regard des dispositions de l'article 1028 du code civil, qualité pour exercer cette action ; que, toutefois, dès lors que le partage judiciaire de la succession de [N] [A] est également sollicité par les intimés, il est dans l'intérêt de toutes les parties qu'il reste en la cause afin que l'arrêt puisse, le cas échéant, lui être déclaré commun de ce chef ; qu'il convient donc, infirmant le jugement de ce chef, de le déclarer irrecevable à agir en nullité du testament du 10 mai 2007 mais de dire n'y avoir lieu à ordonner sa mise hors de cause ;

- sur la nullité de l'expertise :

Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a débouté M. [Q] de sa demande en nullité de l'expertise ; qu'il y a seulement lieu d'ajouter que si, à la suite des dires des parties, M. [V] a procédé à l'audition du Docteur [M] et du Docteur [L], sans soumettre aux parties un compte rendu écrit de ses conversations avant le dépôt de son rapport définitif, il apparaît que ces investigations complémentaires n'ont, ni entraîné de modification des conclusions provisoires de l'expert, ni été exploitées par les consorts [O], [K]-[I] et [Z] dans leurs écritures, de sorte qu'il n'en est résulté aucun grief pour M. [Q] ; que le jugement doit donc être confirmé de ce chef ;

Considérant que c'est encore par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal, analysant l'ensemble des pièces produites et en particulier le rapport d'expertise judiciaire du docteur [V], a annulé, pour insanité d'esprit de la testatrice, le testament du 10 mai 2007 ;

Qu'il y a lieu d'ajouter que, s'il ressort du rapport d'expertise judiciaire lui-même, et spécialement de l'audition du Docteur [T], médecin traitant de [N] [A] jusqu'au 29 mai 2007, que, les derniers temps, celle-ci avait demandé à ne donner des nouvelles qu'à M. [Q], 'seul, semble-t-il, à avoir sa confiance', ce contexte, au demeurant diversement interprété par les parties, ne saurait, en lui-même, emporter la conviction de la cour sur la logique des dispositions testamentaires prises par la de cujus et, par voie de conséquences, sur la faculté de discernement de cette dernière ;

Que les attestations produites par M. [Q], dont les auteurs, ancien kinésithérapeute et visiteurs occasionnels, voire d'un jour, de la de cujus, évoquent invariablement, sans autre précision, la vigilance et la lucidité de celle-ci à l'époque de la rédaction du testament litigieux, ne suffisent pas à contredire les témoignages précis et circonstanciés des médecins ayant prodigué des soins à l'intéressée ainsi que des personnes qui l'ont assistée dans son quotidien à cette période, soit Mme [D], sa gouvernante depuis 2004 - dont l'impartialité ne peut être suspectée, compte tenu de son absence d'intérêt personnel à contester un testament qui l'a désignée légataire à titre particulier - et les deux infirmières qui se sont occupées d'elle ; que, tout au plus, permettent-elles de constater - alors que le docteur [T] et son successeur le docteur [M] avaient, pour l'un, observé que [N] [A] ne pouvait alors ni lire, ni suivre une conversation au-delà de 15 mn, avait une concentration de plus en plus aléatoire, posant trois ou quatre fois la même question sur n'importe quel sujet, était de moins en moins en présente, était influençable et vulnérable et ne pouvait réellement comprendre et analyser ce qui se tramait autour d'elle, et présentait de surcroît un état dépressif, pour l'autre, dont la première consultation complète date du 9 mai 2007, envisagé une mesure de protection judiciaire au regard de l'importance des troubles cognitifs de la de cujus, avec de fréquences somnolences, une baisse de la concentration et de l'attention associée à un mauvais état général et de son désintérêt pour ses comptes et les démarches administratives - que, stimulée par ses visiteurs sur des sujets l'ayant toujours passionnée (la vie politique nationale ou locale, le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle, tel souvenir ancien), [N] [A] pouvait faire preuve ponctuellement de sursauts d'intérêt pour la conversation de ses interlocuteurs ; qu'il résulte d'ailleurs de l'ensemble des pièces produites que, tant le personnel soignant que son entourage, s'est toujours efforcé, malgré son état, et dans le souci de ne pas l'aggraver, de continuer formellement à l'associer aux mesures la concernant et à la gestion de ses affaires courantes, en sollicitant son avis et en allant jusqu'à lui soumettre des modèles de lettres qu'elle n'avait plus qu'à recopier ;

Qu'au vu de ces derniers éléments, les circonstances tenant au témoignage de Maître [W] - notaire présenté par M. [Q], venu spécialement de [Localité 6], après une première visite, pour recevoir le testament litigieux -, selon lequel la de cujus était en pleine possession de ses moyens, et au fait que le testament litigieux ait été rédigé de façon cohérente et avec une écriture non tremblée, ne peuvent qu'être reçus avec circonspection ;

Qu'enfin, si aucune étude neuropsychologique n'a été menée de son vivant, il apparaît clairement que le très mauvais état physique dans lequel se trouvait l'intéressée à la date de la rédaction du testament litigieux, associé à une forte asthénie, une perturbation intellectuelle, des troubles cognitifs, se manifestant particulièrement par des pertes de mémoire, la rendant incapable de se rappeler d'une conversation qu'elle avait pu tenir la veille, la rendaient, malgré le traitement anti-dépresseur dont elle bénéficiait, particulièrement vulnérable physiquement et psychiquement et dépendante de son entourage, au point de dérégler sa faculté de discernement ;

Que le jugement doit donc être confirmé de ce chef, ainsi qu'en toutes ses dispositions subséquentes, sans qu'il y ait lieu de préciser plus avant les modalités des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession ordonnées, à défaut de toute précision sur la composition du patrimoine et des actes qui ont pu déjà être effectués, ni d'accueillir la demande de donner acte formulée par les intimés, une telle mesure n'étant pas constitutive de droit ; que les demandes à ces fins doivent être rejetées ;

- sur la demande de dommages et intérêts :

Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts présenté par M. [S] [O] et les consorts [O], [K]-[I] et [Z] ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré l'action de M. [S] [O] recevable ;

L'infirmant et statuant à nouveau de ce dernier chef, et y ajoutant,

Déclare M. [S] [O] irrecevable à agir en nullité du testament du 10 mai 2007,

Dit n'y avoir lieu à sa mise hors de cause et lui déclare le présent arrêt commun,

Rejette toutes autres demandes,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,

Condamne M. [Q] aux dépens d'appel,

Accorde à la SCP Fischer-Tandeau de Marsac le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 13/04464
Date de la décision : 29/01/2014

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°13/04464 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-29;13.04464 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award