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21/01/2014 | FRANCE | N°12/04368

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 21 janvier 2014, 12/04368


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 21 JANVIER 2014



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/04368



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 10/12692





APPELANTE



SA CARDIF LUX VIE Cardif Lux Vie S.A., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette quali

té au siège social, vient aux droits de Fortis [Localité 1]-Vie S.A.

[Adresse 1]

[Localité 1] / Luxembourg



Représentée par Me Richard ESQUIER de l'Association Laude...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 21 JANVIER 2014

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/04368

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 10/12692

APPELANTE

SA CARDIF LUX VIE Cardif Lux Vie S.A., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, vient aux droits de Fortis [Localité 1]-Vie S.A.

[Adresse 1]

[Localité 1] / Luxembourg

Représentée par Me Richard ESQUIER de l'Association Laude Esquier Champey, avocat au barreau de PARIS, toque : R144

Représentant légal : M. [C]

INTIMES

Monsieur [L] [S]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Jean-loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106

Assisté par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

LA SOCIETE ADEA PROJECT appelante provoquée

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106

Assisté par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Décembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de:

Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller, entendu en son rapport qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Joëlle BOREL

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, président et par Madame Aouali BENNABI, greffier présent lors du prononcé.

Le 24 septembre 2007, M. [L] [S] a souscrit un contrat d'assurance vie intitulé Liberty 2 Invest auprès de la société de droit luxembourgeois Fortis [Localité 1] Vie, devenue CARDIF LUX VIE (CARDIF), sur lequel il a apporté 15.000 actions de la société Wendel, dont il est le directeur juridique, soit une valeur de 1.840.500 euros ; suite à un rachat partiel, le montant investi a été ramené à la somme de 1.690.000 euros ; ce contrat a été nanti au profit de la banque HSBC.

Le 10 juillet 2007, la société ADEA PROJECT, dont M. [S] est l'associé-gérant, avait souscrit un contrat de capitalisation intitulé Cap Sécure, sur lequel elle avait investi la somme de 11.000.000 euros ; suite à un rachat partiel, la somme restant investie a été ramenée à 2.650.000 euros.

Par lettre recommandée du 14 juin 2010, reçue le 15 juin 2010, M. [S] a exercé sa faculté de renoncer au contrat Liberty 2 et a demandé la restitution des sommes versées.

L'assureur n'ayant pas donné suite à cette demande, M. [S] et la société ADEA PROJECT l'ont assigné devant le tribunal de grande instance de Paris par acte du 27 juillet 2010.

Par jugement du 29 novembre 2011, cette juridiction a condamné la société CARDIF à payer à M. [S] la somme de 1.690.000 euros, avec intérêts au taux majoré prévu à l'article L.132-5-1 du code des assurances, outre celle de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné la capitalisation des intérêts, a débouté la société ADEA PROJECT de ses demandes et l'a condamnée à payer à l'assureur la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 31 janvier 2012, le tribunal a rectifié son jugement en ajoutant que les fonds dus par la société CARDIF seraient versés à la société HSBC à due concurrence des sommes qui lui sont dues, le solde étant versé à M. [S].

La société CARDIF a interjeté appel de ces jugements par déclaration du 7 mars 2012.

Par dernières conclusions signifiées le 30 octobre 2013, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement et ordonner la restitution par M. [S] de l'intégralité des sommes qu'il a perçues au titre de l'exécution provisoire, avec intérêts au taux légal à compter du versement de ces sommes à la CARPA,

- à titre subsidiaire, poser une ou plusieurs questions préjudicielles relatives à l'interprétation du droit de l'Union,

- à titre très subsidiaire, dire qu'elle a bien remis à M. [S] une note d'information, infirmer le jugement et ordonner la restitution par l'intimé de l'intégralité des sommes qu'il a perçues au titre de l'exécution provisoire,

- plus subsidiairement, dire que M. [S] a abusé de sa faculté de renonciation, infirmer le jugement et ordonner la restitution par l'intimé des sommes qu'il a perçues au titre de l'exécution provisoire,

- à titre infiniment subsidiaire, dire qu'elle est bien fondée à exécuter son obligation de restitution en transférant à l'intimé les titres figurant dans le fonds dédié au jour de l'exercice de la faculté de renonciation, dire en conséquence qu'il devra lui restituer l'intégralité des sommes payées au titre de l'exécution provisoire, et qu'elle-même devra lui restituer les titres figurant au contrat au jour de l'exercice de la faculté de renonciation, outre les liquidités disponibles sur son contrat au jour de la décision à intervenir,

- en tout état de cause, condamner M. [S] au paiement de la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- s'agissant du contrat souscrit par la société ADEA PROJECT, confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 8 novembre 2013, M. [S] sollicite la confirmation des jugements dans leurs dispositions qui lui sont favorables et le paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces mêmes conclusions, la société ADEA PROJECT demande à la cour de :

- prendre acte de ce que M. [S] accepte que la somme en principal au titre des restitutions soit fixée à 2.550.000 euros au regard des derniers rachats partiels effectués,

- dire que la prescription biennale ne peut valablement lui être opposée,

- prononcer la nullité du contrat Cap Sécure pour violation des dispositions d'ordre public du code des assurances,

- condamner la société CARDIF à lui restituer la somme totale de 2.650.000 euros correspondant aux montants investis dans ce contrat,

- à titre subsidiaire, prononcer la nullité de ce contrat pour erreur et condamner la société CARDIF au paiement de la même somme,

- à titre très subsidiaire, prononcer la nullité de ce contrat pour réticence dolosive et condamner la société CARDIF au paiement de la même somme,

- à titre encore plus subsidiaire, dire que la société CARDIF n'a pas respecté son obligation précontractuelle d'information lors de la souscription de ce contrat et la condamner au paiement de la même somme à titre de dommages-intérêts,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société CARDIF au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 novembre 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la conformité de la réglementation française au droit de l'Union européenne.

Considérant que la société CARDIF rappelle que l'article 36 de la Directive 2002/83/CE du 5 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie, dite Directive Vie, impose aux assureurs de communiquer au preneur, a minima, les informations énumérées à l'annexe III de ladite Directive, et leur permet de communiquer d'autres informations, à condition qu'elles soient nécessaires à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de son engagement ; elle soutient que les exigences de forme et d'informations supplémentaires contenues dans la réglementation française constituent une entrave à la libre prestation de services, qui lui permet de commercialiser ses produits dans toute la Communauté européenne, que ces exigences ne sont ni nécessaires à l'information du preneur, ni proportionnées à sa protection, et qu'elles ne sont pas justifiées par la comparabilité entre les produits ; elle ajoute qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général ne peut justifier l'entrave à la libre prestation de service ; elle affirme que l'information relative aux valeurs de rachat constitue une information supplémentaire au sens de la Directive Vie, qui n'est pas nécessaire à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement ; elle propose à la cour de céans de poser une question préjudicielle sur ce point à la Cour de Justice de l'Union européenne ;

Considérant que l'intimé répond que les dispositions du code des assurances ne font que préciser le contenu des informations devant être communiquées au preneur avant la conclusion du contrat et figurant dans l'annexe III de la Directive Vie, et répondent à l'intérêt général de protection du consommateur ; il ajoute que les informations supplémentaires exigées par le droit français sont nécessaires à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement ;

Considérant que les dispositions de l'article 36 de la Directive Vie laissent le soin aux Etats membres de définir et fixer tant la forme dans laquelle l'information précontractuelle doit être communiquée au preneur d'assurance que son contenu, et ce dans le cadre et les limites fixées aux paragraphes 1 et 3 du dit article ;

Considérant que la seule information prétendument supplémentaire invoquée par la société CARDIF est celle concernant les valeurs de rachat prévue par l'article L.132-5-2 du code des assurances, dont le contenu est défini à l'article A.132-4-1 du même code, et qui relève des modalités d'application de l'article a.9 de l'annexe III de la Directive ;

Que l'article A.132-4-1 prévoit notamment, lorsque les valeurs de rachat ou de transfert ne peuvent être établies en euros ou devises lors de la remise du projet de contrat, l'indication au travers d'un tableau des valeurs de rachat à partir d'un nombre générique initial de cent unités de compte et, au cas particulier des contrats comprenant des garanties en unités de compte, à titre d'exemple, trois simulations intégrant les frais prélevés pratiqués à partir de trois hypothèses explicites, dont le cas de la stabilité de la valeur des unités de compte, ceux d'une hausse, et symétriquement d'une baisse de même amplitude ;

Que, à supposer même qu'il puisse être considéré que l'information requise excède ce qu'exige a minima la Directive, cette information apparaît néanmoins nécessaire à la compréhension effective par le preneur d'assurance d'un élément essentiel de son engagement, eu égard à la complexité du mode de calcul des valeurs de rachat lorsqu'elles ne peuvent être établies en euros ou devises au stade précontractuel, les simulations des hypothèses de stabilité, de hausse et de baisse étant de nature à attirer concrètement son attention sur l'aléa de l'investissement et les risques de perte encourus ;

Considérant, par ailleurs, que les exigences relatives à la forme et aux informations supplémentaires imposés par le code des assurances ne présentent aucun caractère discriminatoire, puisqu'en vertu de l'article L.363-3 du code des assurances, toutes les entreprises d'assurance communautaires opérant en France, que ce soit en régime d'établissement ou en libre prestation de services, doivent respecter les obligations qui s'imposent à elles en application du code des assurances ;

Que ces exigences ne font pas davantage obstacle à la commercialisation en France des produits d'assurance-vie proposés par la société CARDIF, celle-ci devant simplement adapter l'information précontractuelle due au preneur à la réglementation française ;

Que leur finalité étant de faciliter la compréhension par le preneur des caractéristiques essentielles du contrat proposé, mais également la comparaison avec les contrats proposés par les assureurs concurrents, l'objectif rappelé au considérant n° 52 du préambule de la Directive, à savoir de faire profiter le consommateur de la diversité des contrats et d'une concurrence accrue, est pleinement atteint par la législation française ;

Considérant, enfin, que le droit national étant conforme au droit communautaire, il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel aux fins d'interprétation devant la Cour de Justice de l'Union européenne ;

Sur le caractère proportionné de la sanction prévue par la réglementation française.

Considérant que la société CARDIF soutient que la prorogation du délai de renonciation prévue à l'article L.132-5-2 alinéa 4 du code des assurances est disproportionnée par rapport aux quelques manquements purement formels qui lui sont reprochés, et que M. [S] était une personne avertie ; elle propose à la cour de céans de poser une question préjudicielle sur ce point à la Cour de Justice de l'Union européenne ;

Considérant que l'intimé répond que la sanction prévue est proportionnée à l'absence de communication au preneur des informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins ;

Considérant que, lorsqu'une réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation, ou renvoie sur ce point aux réglementations nationales, ce qui est le cas de l'article 36 de la Directive Vie et de son annexe III, il incombe aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif ;

Considérant que la sanction prévue par l'article L.132-5-2 du code des assurances est proportionnée à l'objectif de la Directive Vie telle qu'il résulte du considérant n° 52 de son préambule rappelé ci-dessus, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le manquement est purement formel ou tient au contenu de l'information qui doit être fournie, ni de subordonner la sanction à la démonstration préalable d'un préjudice subi par le preneur d'assurance ;

Considérant que, là encore, en l'absence de contrariété entre les termes de la loi française et la Directive Vie concernant la sanction applicable au défaut de remise des documents et informations légalement requis, il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice de l'Union européenne ;

Sur la régularité des documents remis à l'intimé.

Considérant que la société CARDIF soutient que la proposition d'assurance, qui contenait l'encadré exigé par l'article L.132-5-2 du code des assurances, était conforme aux prescriptions de la réglementation française, qu'elle contenait l'information sur le point de départ du droit à renonciation, et qu'elle a remis aux intimés, au cours de la phase précontractuelle, un document intitulé 'conditions générales, fiches fiscales et dispositions spécifiques', qui peut être assimilé à la note d'information décrite par l'article A.132-4 du code des assurances ;

Considérant que l'intimé répond que l'encadré figurant au début de la proposition d'assurance n'indiquait pas, en termes très apparents, la nature du contrat, que les frais du contrat n'étaient pas mentionnés conformément aux exigences de l'article A.132-8 du code des assurances, que l'encadré ne respectait pas les exigences de ce texte relatives aux garanties offertes, aux délais en cas de rachat, à la participation aux bénéfices, à la durée du contrat, ni aux modalités de désignation des bénéficiaires ; il ajoute que les conditions générales, qui contiennent une information contractuelle, ne peuvent être assimilées à la note d'information, qui contient l'information précontractuelle ; il affirme encore que la proposition d'assurance ne contenait pas l'indication du point de départ du délai de renonciation, ni les mentions relatives aux valeurs de rachat ;

Considérant que, selon l'article L. 132-5-1 du code des assurances, 'Toute personne physique qui a signé une proposition ou un contrat d'assurance sur la vie.....a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pendant le délai de trente jours calendaires révolus à compter du moment où elle est informée que le contrat est conclu.....La renonciation entraîne la restitution par l'entreprise d'assurance.....de l'intégralité des sommes versées par le contractant, dans le délai maximal de trente jours calendaires à compter de la réception de la lettre recommandée. Au-delà de ce délai, les sommes non restituées produisent de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois, puis, à l'expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal.....';

Que l'article L. 132-5-2 du même code prévoit notamment que 'Avant la conclusion d'un contrat d'assurance sur la vie.....par une personne physique, l'assureur remet à celle-ci, contre récépissé, une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation et sur les dispositions essentielles du contrat. Un arrêté fixe les informations qui doivent figurer dans cette note, notamment en ce qui concerne les garanties exprimées en unités de compte. Toutefois, la proposition d'assurance ou le projet de contrat vaut note d'information, pour les contrats d'assurance comportant une valeur de rachat ou de transfert, lorsqu'un encadré, inséré en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat, indique en caractères très apparents la nature du contrat. L'encadré comporte en particulier le regroupement des frais dans une même rubrique, les garanties offertes et la disponibilité des sommes en cas de rachat, la participation aux bénéfices, ainsi que les modalités de désignation des bénéficiaires. Un arrêté......fixe le format de cet encadré ainsi que, de façon limitative, son contenu......La proposition ou le contrat d'assurance......comprend.....un modèle de lettre destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation' et 'une mention dont les termes sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'économie, précisant les modalités de renonciation.....Le défaut de remise des documents et informations prévus au présent article entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu à l'article L. 132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu......' ;

Que l'article A.132-8 du même code fixe le format de cet encadré et son contenu, en énumérant de façon limitative les informations à fournir, dans l'ordre précisé ;

Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que l'encadré figurant en tête de la proposition d'assurance remise à M. [S] ne respectait pas, tant en la forme que dans leur contenu, les dispositions légales et réglementaires susvisées sur les différents points invoqués par l'intimé ;

Que l'assureur n'était donc pas dispensé de remettre à ce dernier la note d'information prévue à l'article L.132-5-2, laquelle est destinée à l'information précontractuelle du preneur d'assurance et ne doit contenir que les dispositions essentielles du contrat, sur lesquelles il convient d'attirer particulièrement son attention ;

Que cette note d'information ne peut donc pas être confondue avec les conditions générales du contrat, lesquelles contiennent, sur une trentaine de pages, l'ensemble des éléments d'information contractuelle ;

Considérant, en outre, que la proposition d'assurance ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article L.132-5-2 en ce que la mention précisant les modalités de renonciation n'était pas rédigée dans les termes précis exigés par l'article A.132-4-2, laissant planer une incertitude sur le point de départ exact du délai de renonciation au contrat ;

Considérant, enfin, que la société CARDIF a violé les dispositions des articles L.132-5-2 et A.132-4-1 du code des assurances en ne donnant pas, dans la proposition d'assurance ou les conditions générales valant projet de contrat, les informations relatives à la valeur de rachat du contrat, exprimée en unités de compte, au motif inopérant que cette information ne serait pas claire, précise et nécessaire à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement, ce qu'il ne lui appartient pas d'apprécier ;

Sur le caractère abusif de l'exercice de la faculté de renonciation.

Considérant que la société CARDIF reproche à l'intimé d'avoir abusé de son droit à renonciation, car il ne l'aurait fait que dans un but financier et spéculatif ;

Considérant que l'intimé répond que l'exercice de la faculté de renoncer au contrat est un droit discrétionnaire, ce qui exclut la notion d'abus de droit ;

Considérant que la faculté de renonciation prévue à l'article L.132-5-1 du code des assurances est un droit discrétionnaire pour l'assuré dont la bonne foi n'est pas requise, qu'il soit averti ou profane, et ne peut donc dégénérer en abus ;

Qu'en tout état de cause, l'appelante ne démontre pas que l'usage par l'intimé de la faculté de renonciation qui lui est ouverte du fait même des manquements de l'assureur, qui ne lui a pas remis les documents et informations prévus par les dispositions d'ordre public, constitue un détournement de la finalité de la règle de droit issue du code des assurances, même s'il peut ainsi échapper aux conséquences des fluctuations du marché financier ;

Sur les modalités de la restitution.

Considérant que la société CARDIF soutient que la restitution doit être opérée en titres dans la mesure où l'intimé a apporté au contrat des actions de la société Wendel, dont M. [S] était le directeur juridique ;

Considérant que l'intimé répond que cette demande nouvelle est irrecevable, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile ; sur le fond, il soutient que l'assureur ne rapporte pas la preuve d'un apport de titres, et que la restitution doit se faire en numéraire ;

Considérant que la demande de l'appelante, certes présentée pour la première fois devant la cour, ne constitue pas une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, dès lors qu'elle ne vise qu'à faire écarter la prétention adverse tendant à la restitution en numéraire des primes versées sur le contrat et à faire réformer le jugement qui a fait droit à cette demande ;

Considérant qu'il ressort de la proposition d'assurance et des conditions particulières du contrat souscrit par M. [S] que l'investissement initial a été réalisé sous forme d'un apport de 15.000 actions de la société Wendel ;

Mais considérant que l'article L.132-5-1 du code des assurances, d'ordre public, énonce que la renonciation au contrat entraîne la restitution par l'assureur 'de l'intégralité des sommes versées par le contractant' et que les 'sommes non restituées' dans le délai légal 'produisent de plein droit intérêt...', ce dont il se déduit nécessairement que la restitution ne peut être effectuée qu'en numéraire ;

Que la loi française étant seule applicable au contrat souscrit par l'intimé, nonobstant les dispositions de l'article 5.2 des conditions générales qui stipulent que, si le preneur a versé une prime qui était partiellement ou totalement composée de titres, l'assureur 'remboursera partiellement ou totalement la prime par restitution des titres apportés', la société CARDIF n'est pas en droit d'exécuter son obligation de restitution en nature ;

Considérant que le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en ce qu'il a condamné l'appelante à payer à M. [S] la somme de 1.690.000 euros avec intérêts au taux majoré prévus à l'article L.132-5-1 du code des assurances, et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts ;

Sur les demandes formées par la société ADEA PROJECT.

Considérant que l'appelante rappelle que les dispositions de l'article L.132-5-2 du code des assurances sont inapplicables à une personne morale, et que l'intimée, qui n'est pas un consommateur, ne peut bénéficier des dispositions protectrices de la Directive Vie ; elle ajoute que l'intimée s'est vue remettre une note d'information conforme à l'article A.132-4 du code des assurances et un encadré inséré dans le bulletin de souscription, qu'elle a reçu toute l'information utile sur les valeurs de rachat et sur les risques inhérents au contrat Cap Sécure ; enfin, elle affirme que, suite aux rachats partiels opérés, le solde restant dû s'élève à la somme de 2.550.000 euros ;

Considérant que la société ADEA PROJECT soutient qu'elle est en droit d'invoquer la nullité du contrat pour manquement aux dispositions des articles L.132-5-1, L.132-5-2, A.132-4 A.132-8 et A.132-5 du code des assurances, que la Directive Vie ne distingue pas entre les personnes physiques et morales, que la nullité du contrat est justifiée par la violation de règles d'ordre public, par l'erreur liée à l'absence de mention sur les valeurs de rachat, par les réticences dolosives de l'assureur, qui a sciemment omis d'attirer son attention sur les risques inhérents à la souscription de ce type de contrat, et que, subsidiairement, la violation des règles d'ordre public doit être sanctionnée par l'octroi de dommages-intérêts ;

Considérant que le tribunal a, à juste titre, rappelé, d'une part, que les dispositions des articles L.132-5-1 et 2 du code des assurances et de leurs arrêtés d'application étaient expressément réservées aux personnes physiques, et, d'autre part, qu'une personne morale ne pouvait prétendre avoir la qualité de 'consommateur' au sens de la Directive Vie ;

Que les manquements au devoir d'information et de conseil qui sont reprochés à l'assureur par la société ADEA PROJECT doivent donc être examinés au regard du droit commun de la responsabilité ;

Considérant que, lors de la souscription de son contrat Cap Sécure, l'intimée a reçu un bulletin de souscription, les conditions générales et les conditions particulières du contrat, ainsi qu'un document intitulé 'Note d'information à l'attention des résidents français sur les dispositions essentielles du contrat Cap Sécure' ;

Que, à la lecture de ces documents, la société ADEA PROJECT a été clairement informée des caractéristiques essentielles de son contrat, notamment quant à la nature de celui-ci, le montant des frais, l'absence de garantie de rendement des supports en unités de compte, l'absence de participation aux bénéfices, la durée du contrat et la faculté de rachat ;

Que, contrairement à ce qu'elle prétend, la note d'information dont elle a signé le récépissé contenait une rubrique expliquant le mécanisme de calcul de la valeur de rachat, illustré par un exemple de calcul sur huit années ;

Considérant, dès lors, que le consentement de l'intimée n'a été vicié ni par l'erreur, ni par le dol, puisqu'elle a reçu toutes les informations nécessaires à sa compréhension du fonctionnement du contrat et des risques liés au placement en unités de compte ;

Qu'en outre, sa demande de dommages-intérêts ne saurait prospérer, puisqu'elle a été suffisamment avertie de ce que son investissement était soumis aux aléas des marchés financiers ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile.

Considérant que l'équité commande d'allouer à Mr [S] la somme complémentaire de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société ADEA PROJECT à payer à l'appelante la somme complémentaire de 2.000 euros sur le même fondement ;

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant, dit n'y avoir lieu à poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union européenne ;

Condamne la société CARDIF LUX VIE à payer à Mr [S] la somme complémentaire de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société ADEA PROJECT à payer à la société CARDIF LUX VIE la somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement du même texte ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société CARDIF LUX VIE aux dépens de la procédure d'appel, pour ce qui concerne les demandes de M. [S], et la société ADEA PROJECT pour ce qui concerne ses propres prétentions, et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 12/04368
Date de la décision : 21/01/2014

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°12/04368 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-21;12.04368 ?
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