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13/12/2013 | FRANCE | N°12/14278

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 13 décembre 2013, 12/14278


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2013



(n° 2013- , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/14278



Décision déférée à la Cour : jugement du 14 mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/09065





APPELANTE



Société INTER-HANNOVER,

agissant en la personne de son représentant légal,

dont le siège soci

al est à [Adresse 6], élisant domicile chez MARSH PARIS, courtier en assurance, [Adresse 8]



représentée par Me Gilles CARIOU de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris,...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2013

(n° 2013- , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/14278

Décision déférée à la Cour : jugement du 14 mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/09065

APPELANTE

Société INTER-HANNOVER,

agissant en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est à [Adresse 6], élisant domicile chez MARSH PARIS, courtier en assurance, [Adresse 8]

représentée par Me Gilles CARIOU de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque P0141

assistée de Me Cléa CAREMOLI, avocat au barreau de Paris, toque P141

INTIMÉS

Monsieur [K] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Madame [D] [R] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Monsieur [Z] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Madame [O] [Q] épouse [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Monsieur [J] [I]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Madame [N] [S] [T] épouse [I]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentés par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de Paris, toque L0046

assistés de Me Valérie BURSTOW plaidant pour le Cabinet Rémy Le Bonnois, avocat au barreau de Paris, toque D0006

Société ALLIANZ IARD, nouvelle dénomination sociale des ASSURANCES GENERALES DE FRANCE IART,

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Ghislain DECHEZLEPRÊTRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de Paris, toque E1155

assistée de Me Eric MARECHAL, avocat au barreau de Paris, toque E1155

Monsieur [C] [A]

[Adresse 5]

[Localité 6]

assigné et défaillant

CPAM DE L'ESSONNE

[Adresse 4]

[Localité 2]

assignée et défaillante

COMPOSITION DE LA COUR

Madame [E] [F] ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Anne VIDAL, présidente de chambre

Françoise MARTINI, conseillère

Marie-Sophie RICHARD, conseillère

Greffier, lors des débats : Khadija MAGHZA

ARRÊT

- réputé contradictoire

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Anne VIDAL, présidente et par Claire VILAÇA, greffier.

******

Le 25 décembre 2000, Mme [I] était admise pour accoucher de son premier enfant au Centre médico chirurgical et obstétrical d'[Localité 2] où exerçait le docteur [G], gynécologue obstétricien ayant suivi sa grossesse. La dilatation étant complète le 26 décembre 2000 à 17h30, des tentatives d'expulsion étaient tentées par la sage femme jusqu'à 18h, avant de faire appel au docteur [A], remplaçant du docteur [G]. Le docteur [A] poursuivait les tentatives d'accouchement par ventouse métallique puis par forceps, avant de décider une césarienne à 19h. L'enfant est né à 19h55 avec un score de vitalité néonatale de 2/10 à 1mn, 4/10 à 3mn, 6/10 à 5mn et à 10mn. Il est décédé le [Date décès 1] 2000.

Par assignation en référé des 19, 24 et 27 août et 8 septembre 2010, les parents et les grands-parents de l'enfant ont sollicité une expertise, confiée le 5 novembre 2010 au professeur [P] et au docteur [Y]. Les experts ont déposé leur rapport le 22 mars 2011, concluant que l'enfant était décédé quelques heures après sa naissance des suites d'une hémorragie non maîtrisable par décollement traumatique du cuir chevelu, que le décollement du cuir chevelu dont il avait été victime était la conséquence de la tentative d'extraction par ventouse puis par forceps effectuée par le docteur [A], et que la tentative d'extraction instrumentale effectuée par le docteur [A] sur une présentation céphalique mal ou pas engagée dans le bassin maternel n'était pas conforme aux recommandations de bonne pratique concernant la sécurité des extractions instrumentales.

Les 31 mai et 1er juin 2011, les consorts [I] ont assigné en responsabilité le docteur [A] avec la société Allianz Iard en tant qu'assureur, en présence de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne. La société Allianz Iard ayant contesté devoir sa garantie, ils ont assigné en intervention forcée la société Inter Hannover le 8 septembre 2011.

Par jugement du 14 mai 2012, le tribunal de grande instance de Paris a condamné le docteur [A] in solidum avec la société Inter Hannover à indemniser les consorts [I] du préjudice subi du fait du décès de l'enfant, en payant à chacun des deux parents la somme de 20 000 euros pour le préjudice moral outre celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aux deux parents celle de 2 100 euros en remboursement des frais d'étude du dossier et d'assistance de leur médecin conseil, et à chacun des quatre grands-parents la somme de 5 000 euros pour le préjudice moral outre celle de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le même jugement a débouté les consorts [I] et la société Inter Hannover de leurs demandes à l'encontre de la société Allianz Iard et a condamné in solidum le docteur [A] et la société Inter Hannover à verser à celle-ci une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens et les frais d'expertise.

La société Inter Hannover a relevé appel de ce jugement et, dans ses dernières conclusions signifiées le 24 octobre 2012, elle demande à titre principal, au visa de l'article L.252-2 du code des assurances, de dire que le docteur [G] avait eu connaissance du dommage grave dont l'enfant a été victime et des circonstances de l'accouchement réalisé par son remplaçant le docteur [A] et qu'il existe en conséquence un passé connu faisant obstacle à la mobilisation de sa garantie, laquelle n'était pas en vigueur au moment de la réclamation, de sorte qu'elle doit être mise hors de cause et les consorts [I] déboutés de leurs prétentions à son encontre. Elle sollicite la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, si la cour ne considérait pas que les garanties de la police d'Allianz sont seules mobilisables, elle demande de retenir un cumul d'assurances et d'ordonner un partage de l'indemnisation allouée à parts égales entre elle-même et la société Allianz, et de ramener l'indemnisation sollicitée à de plus justes proportions, à savoir 15 000 euros pour chacun des parents et 5 000 euros pour chacun des grands-parents.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 21 décembre 2012, la société Allianz Iard demande de constater au visa de l'article L. 113-17 du code des assurances que la société Inter Hannover a pris la direction du procès lors de la procédure de référé où elle est intervenue pour et aux côtés de son assuré, sans formuler une quelconque réserve sur la garantie qu'elle lui devait, de dire en conséquence que la société Inter Hannover a renoncé à toutes les exceptions dont elle avait connaissance quand elle a pris la direction du procès et qu'ainsi elle doit seule sa garantie au remplaçant du docteur [G], le docteur [A]. A titre subsidiaire, elle demande au visa des articles L. 124-1, L. 124-5 et L. 251-2 du code des assurances, au cas où la responsabilité du docteur [A] serait retenue, de dire que la société Inter Hannover ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un passé connu du docteur [G] lors de la souscription auprès d'elle du contrat et qu'elle aura seule à prendre en charge les conséquences dommageables pour les consorts [I] du décès de leur enfant. Dans tous les cas, elle conclut à sa mise hors de cause pure et simple et au débouté des demandes des consorts [I] à son encontre. A titre infiniment subsidiaire elle entend faire juger que l'indemnisation du préjudice moral des parents ne saurait excéder la somme de 20 000 euros et celui des grands parents celle de 7 000 euros. En toutes hypothèses, elle sollicite la condamnation solidaire de toutes parties succombantes à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Estimant que les préjudices moraux n'ont pas été pris en compte à leur juste niveau, les consorts [I] ont formé appel incident. Ils demandent dans leurs dernières conclusions signifiées le 24 décembre 2012 de condamner le docteur [A] in solidum avec la société Allianz Iard et, ou, la société Inter Hannover à payer : à chacun des parents la somme de 30 000 euros pour le préjudice moral outre celles de 2 000 euros au titre de la procédure de première instance et de 2 000 euros au titre de la procédure d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ; aux deux parents ensemble la somme de 2 100 euros en remboursement des frais d'étude du dossier et d'assistance de leur médecin conseil ; à chacun des quatre grands-parents la somme de 15 000 euros pour le préjudice moral outre celles de 500 euros au titre de la procédure de première instance et de 500 euros au titre de la procédure d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Assignés les 25 octobre et 27 décembre 2012 dans les formes de l'article 654 du code de procédure civile, le docteur [A] et la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les dispositions du jugement qui, sur la base des conclusions non discutées des experts, a retenu que le docteur [A] avait commis une faute en lien direct, certain et exclusif avec le décès de l'enfant ne sont pas critiquées. Le tribunal a par ailleurs fait une juste évaluation des indemnités allouées au titre des conséquences dommageables de cette faute en réparation tant du préjudice moral subi par les parents de l'enfant et ses grands-parents, prenant en compte les conditions de l'accouchement, les inquiétudes éprouvées sur l'état de santé de l'enfant et la douleur causée par son décès, que des frais exposés.

Il n'est pas, d'autre part, discuté que la responsabilité du docteur [A] engagée à l'occasion du remplacement du docteur [G] est couverte par les contrats d'assurances ayant bénéficié à celui-ci. Le tribunal a rappelé l'état des polices successivement souscrites par le docteur [G], auprès de la société Assurances générales de France Iart aujourd'hui dénommée Allianz Iard par contrat dont la période de validité s'est étendue du 1er janvier 1987 au 1er janvier 2001 correspondant à la période du fait dommageable survenu le 26 décembre 2000, et auprès de la société Inter Hannover par contrat dont la période de validité s'est étendue du 29 décembre 2004 jusqu'à la cessation le 29 décembre 2007 de l'activité obstétricale du docteur [G] avec une garantie subséquente de dix ans jusqu'au 29 décembre 2017 correspondant à la période durant laquelle est survenue la première réclamation par assignation en référé d'août 2010.

Conformément à l'article L. 251-2 du code des assurances introduit par la l'article 4 de la loi 2002-1577 du 30 décembre 2002 et modifié par la loi 2003-706 du 1er août 2003, la garantie en base réclamation est désormais déclenchée quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation. Ces dispositions qui, selon l'article 5 de la loi 2002-1577 s'appliquent aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la date de sa publication, régissent le contrat souscrit le 22 décembre 2004 en application de l'article L. 1142-2 du code de la santé publique auprès de la société Inter Hannover. Une exception au principe ainsi édicté est énoncée par l'alinéa 6 du même texte, selon lequel le contrat ne garantit pas les sinistres dont le fait générateur était connu de l'assuré à la date de la souscription.

C'est en vain que la société Allianz Iard soutient en application de l'article L 113-17 du code des assurances que la société Inter Hannover n'est plus autorisée à invoquer une telle exception après avoir pris la direction du procès. En effet, au sens de ce texte, l'assureur n'est censé avoir renoncé à se prévaloir des exceptions qu'il pouvait invoquer qu'à la double condition qu'il ait dirigé le procès fait à son assuré en connaissance de ces exceptions et qu'il n'ait émis aucune réserve. Si la société Inter Hannover, assignée en référé expertise en août 2010, a constitué avocat aux côtés de l'assuré, c'est en mentionnant dans ses conclusions du 22 octobre 2010 que le docteur [G] était assuré auprès de la compagnie Allianz au moment des soins de sorte qu'elle signalait déjà la succession dans le temps de deux contrats d'assurance, et en exprimant ses réserves quant à l'application de ses garanties dans ces mêmes conclusions ainsi que dans un courrier adressé à l'assuré le 7 septembre 2010. A ce stade de la procédure, engagée à seule fin d'expertise et avant tout procès en application de l'article 145 du code de procédure civile, il n'est pas démontré que la société Inter Hannover avait connaissance des circonstances qualifiées par elle de passé connu, seulement apparues au cours de l'instruction du dossier puisque tirées d'un récapitulatif rédigé par la mère de l'enfant concernant la fin de sa grossesse et son accouchement et compte-rendu d'hospitalisation de l'hôpital [1] où l'enfant avait été transféré. Dans ces conditions, aucune manifestation d'une renonciation non équivoque de la société Inter Hannover à soutenir que le sinistre devait être exclu de sa garantie n'a été exprimée.

Dans le récapitulatif qu'elle a rédigé, Mme [I] rapporte notamment un entretien ayant eu lieu le 2 janvier 2001 avec le docteur [G], au cours duquel elle a posé avec insistance la question de savoir si une césarienne pratiquée plus tôt aurait changé le cours des événements, à laquelle le médecin a répondu que tout le nécessaire avait été fait. Le compte rendu d'hospitalisation de l'hôpital [1] du 2 janvier 2001 mentionne également un entretien ayant eu lieu entre les parents de l'enfant et le docteur [G]. Mais, il ne résulte pas de ces éléments que le docteur [G], informé de l'accident grave survenu au cours des soins dispensés par son remplaçant, ait eu alors conscience que la responsabilité de celui-ci était susceptible d'être recherchée. La survenance du dommage n'implique pas à elle seule qu'une faute imputable au médecin en soit la cause. En l'espèce, il n'est pas démontré que le fait générateur du sinistre était connu de l'assuré à la date de la souscription de la police, d'autant qu'aucune démarche manifestant l'intention de rechercher la responsabilité du médecin n'a ultérieurement été entreprise avant l'action en référé expertise. Le premier élément susceptible de mettre en jeu la responsabilité du docteur [A] n'est autre que l'assignation délivrée en août 2010, déclenchant la garantie de la société Inter Hannover ainsi que l'a exactement jugé le tribunal.

Il n'y a pas lieu à partage de la contribution à l'indemnisation du dommage entre assureurs comme le sollicite la société Inter Hannover sur le fondement de l'article L. 121-4 du code des assurances, alors que l'article L. 251-2 du même code issu de la loi 2002-1577 du 30 décembre 2002 a eu pour effet de substituer à la notion de fait générateur du dommage celle de réclamation pour la mise en oeuvre de la garantie, instituant ainsi un nouveau régime obligatoire de prise en charge de la responsabilité civile professionnelle du médecin, de sorte que seul le contrat au cours de la période de validité duquel la première réclamation a été formée a vocation à garantir l'assuré.

Le jugement sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions.

Il est équitable de compenser à hauteur de 3 000 euros les frais non compris dans les dépens exposés ensemble par les consorts [I] d'allouer à ce même titre à la société Allianz Iard la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne la société Inter Hannover aux dépens exposés en appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et à verser en application de l'article 700 du même code la somme de 3 000 euros aux consorts [I] et celle de 1 500 euros à la société Allianz Iard,

Déboute les parties de leurs autres demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/14278
Date de la décision : 13/12/2013

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°12/14278 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-13;12.14278 ?
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