La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2013 | FRANCE | N°13/04168

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 06 décembre 2013, 13/04168


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 06 DECEMBRE 2013



(n° 292, 9 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 13/04168.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Février 2013 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 2ème Section - RG n° 11/02239.









APPELANTE :



SA FASHION BEL AIR

p

rise en la personne de son Directeur général,

ayant son siège social [Adresse 1],



représentée par la SELARL HOFFMAN en la personne de Maître Emmanuelle HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0610,

assis...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 06 DECEMBRE 2013

(n° 292, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/04168.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Février 2013 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 2ème Section - RG n° 11/02239.

APPELANTE :

SA FASHION BEL AIR

prise en la personne de son Directeur général,

ayant son siège social [Adresse 1],

représentée par la SELARL HOFFMAN en la personne de Maître Emmanuelle HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0610,

assistée de Maître Ingrid ZAFRANI plaidant pour la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 610.

INTIMÉE :

SAS [Y]

prise en la personne de son Président, Monsieur [V] [Y],

ayant son siège social [Adresse 2],

représentée par l'AARPI BMS en la personne de Maître Sylvia SPALTER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0174,

assistée de Maître Sylvia SPALTER plaidant pour l'AARPI BMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0174.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 octobre 2013, en audience publique, devant Madame Sylvie NEROT, Conseillère chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine AIMAR, présidente,

Madame Sylvie NEROT, conseillère,

Madame Véronique RENARD, conseillère.

Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

La société [Y] (ci-après : société [Y]), ayant pour activité le commerce de la fourrure et de la pelleterie en gros, se prévaut de la création et de la mise au point, en 2005, d'une ligne de vêtements parmi lesquels une veste pour femme dénommée 'Army Fur' associant de la fourrure à un vêtement militaire, puis de la production industrielle de ce vêtement :

- en 2006, sous la référence interne AF 78078VLHXX (garniture lapin, intérieur et bordure de capuche lapin /longueur 78 cm),

- en 2006, sous la référence interne AF 78178VLHCY (garniture lapin, intérieur de capuche lapin, bordure de capuche coyote /longueur 78 cm),

- en 2010, sous la référence interne AF 10885COCO (garniture lapin, intérieur de capuche lapin et bordure de capuche coyote / longueur 85 cm),

cette veste étant commercialisée par elle depuis 2006, sous la dénomination 'Army Fur' avec un succès constant et croissant, dans ses propres points de vente ainsi qu'à travers de grandes enseignes.

Ayant découvert, à la fin du mois de décembre 2010, que la société Fashion Bel Air commercialisait sur son site internet, dans ses boutiques et dans lesdites grandes enseignes, sous la dénomination 'Army', une veste pour femme selon elle strictement identique à la veste 'Army Fur', elle a fait procéder, dûment autorisée, à une saisie-contrefaçon au siège social de cette société puis dans une boutique parisienne à l'enseigne 'Bel Air', le 20 janvier 2011, avant de l'assigner en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale et parasitaire, selon acte du 08 février 2011.

Par jugement contradictoire rendu le 15 février 2013, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance et avec exécution provisoire,

- dit que la veste 'Army Fur' AF108 85C9OCOY référencée 78078VLHXX/AF 78178VLHCY commercialisée par la société [Y] ne peut bénéficier de la protection au titre du Livre I du code de la propriété intellectuelle et l'a, en conséquence, déboutée de ses demandes au titre de la contrefaçon,

- dit qu'en commercialisant une veste parka reprenant l'ensemble des caractéristiques de la veste 'Army Fur' AF108 85C9OCOY référencée 78078VLHXX / AF 78178VLHCY, à un prix inférieur sous la même dénomination 'Army' et dans le même réseau de distribution que celui de la société [Y], la société Fashion Bel Air a commis des actes de parasitisme au préjudice de la demanderesse, lui a fait interdiction, sous astreinte, de poursuivre de tels agissements, l'a condamnée à payer à la demanderesse la somme indemnitaire de 20.000 euros à ce titre, a autorisé la publication du dispositif du jugement,

- et condamné la société Fashion Bel Air à payer à la société [Y] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais de saisie-contrefaçon du 20 janvier 2011, ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 15 mai 2013, la société anonyme Fashion Bel Air, appelante, demande pour l'essentiel à la cour, au visa du Livre I du code de la propriété intellectuelle et de l'article 1382 du code civil :

- de confirmer le jugement en ses dispositions relatives au défaut de protection de la veste 'Army Fur' et à l'absence de contrefaçon,, de le réformer pour le surplus et :

- de déclarer la société [Y] irrecevable à agir en contrefaçon,

- de considérer que la société [Y] n'est pas titulaire de droits sur le modèle de veste dénommé 'Army Fur AF 108", qu'elle-même n'a commis aucun acte de reproduction de ce modèle ni aucun acte de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire,

- de débouter en conséquence la société [Y] de l'intégralité de ses demandes en la condamnant à lui verser la somme indemnitaire de 10.000 euros pour procédure abusive et celle de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 15 juillet 2013, la société par actions simplifiée [Y], formant appel incident, demande pour l'essentiel à la cour, au visa de l'article 1382 du code civil et des articles L.111-1, L.112-1, L.112-2-14°, L.122-4, L.331-1-3, L.335-2 et L.335-3 du code de la propriété intellectuelle :

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Fashion Bel Air à ce titre, de le réformer en raison de l'appréciation incomplète de l'étendue des préjudices par elle subis et de condamner l'appelante à lui verser les sommes complémentaires de :

* 222.292 €, sauf à parfaire, au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des agissements concurrentiels déloyaux par confusion,

* 67.966,94 €, sauf à parfaire, au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des agissements concurrentiels parasitaires,

soit un total de 270.258,94 € 'déduction faire' (sic) de la somme de 20.000 € perçue en exécution du jugement de première instance ;

Sur le droit d'auteur

- de constater que la veste parka 'Army Fur' AF 108 85COCOY, créée en 2005 et par elle commercialisée depuis 2006, sous les références AF 78078VLHXX / AF 78178VLHCY est une création originale,

- de considérer que la fabrication et la commercialisation en 2010/2011 par l'appelante de la veste parka « Army », reproduisant à l'identique ladite veste parka, constituent des actes de contrefaçon à son préjudice,

- d' infirmer en conséquence le jugement déféré, en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de protection au titre du Livre I du code de la propriété intellectuelle de son modèle de veste parka « Army Fur »,

- de constater que la société Fashion Bel Air s'est refusée à remettre à l'huissier commis les documents comptables, financiers et douaniers justifiant de la date de première commercialisation et du nombre de produits commercialisés de la veste contrefaisante,

- et de condamner l'appelante à lui verser, à titre de dommages et intérêts, la somme forfaitaire de 43.896 €.,

En outre

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a,

* fait interdiction sous astreinte à la société Fashion Bel Air de poursuivre de tels agissements,

* condamné cette dernière à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,

* autorisé la publication du dispositif du jugement dans deux journaux ou revues au choix de la société [Y] et aux frais de la société Fashion Bel Air, sans que le coût de chaque publication n'excède, à la charge de celle-ci, la somme de 3.500 euros HT,

* débouté la société Fashion Bel Air de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- de condamner l'appelante à lui verser la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens, y compris les frais d'huissier au titre des opérations de saisie-contrefaçon.

SUR CE,

Sur l'action au titre de la contrefaçon de droits d'auteur :

Sur titularité des droits bénéficiant à la société [Y] :

Considérant que l'appelante soutient qu'à tort le tribunal a déclaré la société [Y] recevable en son action en considérant qu'elle pouvait se prévaloir de la présomption de titularié des droits bénéficiant à la personne morale du fait de l'exploitation d'une oeuvre aux motifs qu'en dépit de références successives, la société [Y] revendiquait la même création alors qu'il lui appartient de prouver une divulgation datée sans équivoque, sous son nom, du modèle revendiqué sous les références citées, et la réalité d'une création déterminée à une date certaine et que cette dernière échoue en sa démonstration ; qu'elle soutient, par ailleurs, que le processus créatif n'est pas établi par les pièces versées aux débats par la société [Y] ;

Considérant, ceci rappelé, qu'il est constant que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une 'uvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite oeuvre les droits patrimoniaux de l'auteur ;

Que pour bénéficier de cette présomption simple (qui permet de déduire de la preuve d'un fait la vraisemblance d'un autre fait et qui peut être combattue par tous moyens), il appartient à la personne morale d'identifier précisément l'oeuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; qu'il lui incombe également d'établir que les caractéristiques de l''uvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ;

Qu'enfin, si les actes d'exploitation propres à justifier l'application de cette présomption s'avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l'auteur ;

Qu'en l'espèce, la société [Y] revendique un modèle de Parka dénommé 'Army Fur' en faisant valoir qu'elle le commercialise sous son nom depuis 2006 ;

Que si la présence dans les collections de la société [Y], entre 2006 et 2010, d'une veste de femme de type parka à laquelle est associée de la fourrure ne fait pas l'objet de contestation, pas plus que son exploitation, il n'en va pas de même de l'identification précise du modèle revendiqué ;

Que l'appelante entend, en effet, démontrer que, par delà une modification simple de matière et de taille jugée indifférente par le tribunal, le modèle 'Army Fur AF 108" n'est pas issu des collections 2005/2006 mais daterait de 2010, que les différences entre les modèles successivement référencés (qui pourraient même ressortir d'une gamme 'météo') présentent des caractéristiques qui varient au delà des seules dimensions et matières et que la société [Y] ne peut prétendre que les caractéristiques de l'oeuvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom depuis 2006 ;

Qu'elle en veut pour preuve le fait que la fiche technique du modèle de 2010 ne correspond pas au dessin des modèles 2006/2007 (ces deux modèles ne présentant pas, selon l'appelante, de différences) et que 'les manches sont radicalement différentes (absence de garniture) le lien à la capuche n'apparaît pas ' et conclut, sans plus de débats, qu''il suffit d'examiner les manches pour différencier les modèles qui sont bien des modèles différents' ;

Que, cependant, il convient de considérer que ces affirmations non caractérisées - notamment sur ce qu'il faut entendre par 'garniture' ou en quoi les fiches techniques évoquées diffèrent - qui ne font pas le lien avec les caractéristiques précisément revendiquées, présentées comme des éléments constants du modèle 'Army Fur', et qui, du fait de leur imprécision, ne mettent pas la société [Y] à même d'en débattre efficacement ne peuvent emporter la conviction de la cour, d'autant que cette dernière produit en pièce n° 70 une décomposition des références ne faisant ressortir qu'une différence de tailles et de matières au fil des ans ou encore les différents patrons élaborés qui conduisent à la même conclusion ;

Que par motifs pertinents et circonstanciés que la cour fait siens, le tribunal a considéré que la société [Y] pouvait, dans ces conditions, se prévaloir à l'égard du tiers recherché pour contrefaçon, de la présomption de titularité des droits d'auteur bénéficiant à la personne morale sus-évoquée, ceci sur un modèle précisément identifié commercialisé de façon paisible et sans équivoque depuis 2006, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur sa participation au processus créatif ;

Que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré la société [Y] recevable à agir ;

Sur l'originalité de l'oeuvre revendiquée :

Considérant que pour solliciter la protection conférée par le droit d'auteur, la société [Y], formant appel incident, soutient que le tribunal a porté une appréciation erronée sur le vêtement revendiqué en s'en tenant au genre parka sans examiner les caractéristiques qui le différencient de vêtements issus, comme celui-ci, du fonds commun de la veste parka et que sont, par ailleurs, inopérantes (voire de complaisance pour la pièce n° 7) les pièces que lui oppose la société Fashion Bel Air afin de démontrer que des vestes du type parka doublées de fourrure existaient bien antérieurement, qu'elles appartiennent toutes à l'univers vestimentaire militaire ou que ses caractéristiques sont d'une 'banalité déconcertante' ;

Qu'elle présente comme suit les caractéristiques de ce modèle de veste parka doublé de fourrure :

'1- Le type militaire, en toile de coton épaisse lavable (telle qu'utilisée dans l'univers vestimentaire militaire) déclinée en kaki ou en noir :

- Le volume oversize pour appuyer sur le style décontracté / sportswear.

Le modèle est entièrement monté en coutures rabattues, surpiquées à 0.7 cm, pour accentuer son esprit sport militaire.

- De forme droite, resserré par une coulisse à la taille surpiquée, dont les cordons ronds en coton (style lacet) ressortent de l'intérieur.

- Un cordon de serrage en coton (rond, style lacet) coulisse en bas du vêtement.

- Une large capuche, avec cordon de serrage en coton, identique (rond, style lacet).

- Des emmanchures raglan démarrant de l'encolure, assemblées à une manche raglan, contribuent à l'effet recherché du vêtement confortable et de l'attribut militaire (raglan venant de Lord Raglan, officier qui avait perdu un bras lors de la guerre de Crimée en 1855).

- Les manches sont finies par des poignets avec soufflet, fermées par des boutons.

- Trois pinces nervurées donnent son volume à la capuche.

- Deux pinces nervurées au niveau de l'encolure, viennent agrémenter le modèle pour un effet de style.

- Le modèle est fermé par un zip métal sur le devant, recouvert d'une large sous patte surpiquée sous le bord de laquelle se trouve le système d'attache (boutons et boutonnières) qui est ainsi dissimulé.

- En dessous de la coulisse de taille, de chaque côté, une poche coupée passepoilée, en diagonale, avec rabat (dimensions : 19 cm x 6 cm), fermée par deux pressions métal.

2. L'intérieur est non doublé.

- Vient s'y adapter une doublure en fourrure, amovible ; la doublure est composée

d'un gilet et d'une capuche cousue à même le gilet.

- Le gilet est en lapin éjarré, couleur naturelle, non doublé pour accentuer l'esprit du vêtement, son style brut et moderne.

- Le gilet est maintenu au vêtement par des petits boutons et des boutonnières.

- La capuche est en lapin éjarré, ou en coyote pour accentuer la féminité du modèle.

3. Le modèle est conçu pour être porté en hiver avec sa doublure de fourrure, en mi-saison sans sa doublure ; il peut être ainsi facilement lavé.' .

Considérant, ceci exposé, qu'à juste titre, la société [Y] rappelle liminairement que l'originalité s'apprécie de manière globale en la seule contemplation de la combinaison des caractéristiques revendiquées et non point à l'examen de chacune, prise isolément ;

Que, pour autant et en dépit des motifs du jugement repris par l'appelante, la société [Y] ne caractérise d'aucune manière en quoi la combinaison des éléments qu'elle revendique porte l'empreinte de la personnalité de son créateur ou, selon la terminologie communautaire, qu'il s'agit d'une création propre à son auteur ;

Qu'elle ne fait que citer une styliste et une journaliste de mode qui évoquent 'une combinaison originale', 'un agencement particulier' ou 'l'esprit décalé de l'utilisation de la fourrure traitée en doublure et l'emprunt du style militaire adopté par la rue' pour dire que le créateur a 'fait preuve d'innovation et d'originalité' et se contente, quant à elle, de déclarer, sans plus d'éléments sur la combinaison des caractéristiques précisément revendiquées, qu'elle 'a reconstruit la veste militaire en alliant son savoir-faire de tailleur et de fourreur pour créer un modèle original de veste pour femme, marquant ainsi son effort créatif' ;

Que la société Fashion Bel Air en déduit justement que par delà la simple description du modèle, l'originalité de ce vêtement telle que la revendique société [Y] se résume au mélange de l'univers vestimentaire militaire à la matière noble qu'est la fourrure ;

Qu'elle est, dans ces conditions, fondée à lui opposer des modèles qui, comme le vêtement référencé 'Army Fur' allient vêtement de type militaire et fourrure créés antérieurement à 2006, et en particulier une parka de couleur kaki parue dans le numéro du magazine Elle du 30 septembre 2002 (pièce 14), une photographie qui supporte en son verso la date de juillet 2003 représentant une jeune femme portant un tel vêtement (pièce 7 vainement contestée dès lors que le photographe qui en a réalisé le tirage sur papier en confirme la date), le modèle de la collection 2003/2004 de la société Diesel alliant veste imperméabilisée type militaire avec une doublure et une capuche fourrée ou encore une parka imperméabilisée doublée d'une fourrure du designer [K] [L] en 2003/2004 (pièce 3) ;

Qu'il suit qu'à juste titre le tribunal a considéré que le vêtement 'Army Fur' revendiqué reprenait des éléments connus (une veste de type parka doublée de fourrure) dans une combinaison dont l'originalité n'est pas établie et qu'il n'était donc pas éligible à la protection instaurée par le droit d'auteur ; qu'il mérite confirmation en ce qu'il a conclu que, de ce fait, l'action en contrefaçon ne pouvait prospérer ;

Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme :

Considérant que l'appelante soutient d'abord que le tribunal a commis une erreur d'appréciation en envisageant la demande à ce titre comme une demande à titre subsidiaire alors qu'il s'agissait d'une demande à titre principal ;

Que, rappelant que l'article 1382 du code civil qui fonde l'action à ces divers titres exige la caractérisation d'une faute, elle estime que la société [Y] multiplie vainement les chefs de préjudice à son encontre et que les sommes indemnitaires réclamées, exorbitantes puisqu'elles s'établissent à plus de 270.000 euros, sont dénuées de sérieux, d'autant qu'il apparaît que les commandes relatives à la veste 'Army Fur' ont augmenté sur la période considérée et que les dix vestes 'Army' dont la présence a été constatée par l'huissier n'ont pu être à l'origine de la dévalorisation invoquée ;

Qu'elle approuve le tribunal en ce qu'il a écarté le grief tenant au choix d'un mannequin dont la pose serait semblable à celle du mannequin figurant dans le catalogue de l'intimée mais soutient qu'il ne peut lui être reproché, qui plus est sans preuve, d'avoir commercialisé, en créant un risque de confusion, un vêtement dénommé 'Army' dans un même réseau de distribution aggravé par le choix de sa dénomination, ou d'adopter en créant une confusion dans l'esprit du consommateur une stratégie commerciale pour vendre des vêtements sportswear agrémentés de fourrure, alors qu'il ne s'agit pas de la même gamme de produits, qu'ils n'ont pas le même prix et s'adressent à une clientèle différente ;

Qu'elle ajoute que les faits de parasitisme ne sont, quant à eux, que prétendus puisque la société [Y] n'établit ni une captation de clientèle, ni une notoriété particulière attachée au vêtement 'Army Fur', ni encore les efforts commerciaux et la réalisation d'investissements qui y auraient été dédiés ;

Considérant, ceci exposé, que c'est à tort que la société [Y] affirme que la société Fashion Bel Air dénature le principe de la liberté du commerce et de l'industrie lorsque cette dernière expose qu'il est tout à fait possible, pour un agent économique, de reproduire un produit non protégé par un droit privatif qui est commercialisé par un concurrent dès lors que la société Fashion Bel Air ne fait que répondre aux écritures de la société [Y] qui incrimine d'abord la copie servile de son modèle 'Army Fur' par la veste 'Army' qui ne s'en différencie, selon cette dernière, que par des éléments négligeables et qu'elle n'introduit les autres comportements qu'elle impute à faute à la société Fashion Bel Air que 'de surcroît' en les présentant comme autant de facteurs 'aggravants' (page 13/43 de ses dernières conclusions) ;

Qu'en effet, dans un contexte marqué par la liberté du commerce et de l'industrie et en présence, comme en l'espèce, d'une oeuvre non appropriée, une condamnation pour concurrence déloyale est subordonnée à la démonstration d'un comportement illicite distinct de l'exploitation elle-même si bien que le caractère servile de la reproduction - qui n'est au demeurant pas établie au cas particulier ainsi que le reconnaît elle-même la société [Y] relevant diverses différences dans les caractéristiques des modèles opposés (longueur de la doublure, qualité des matières employées, fentes pour réduire le métrage des tissus, ...) - n'est pas constitutive, en soi, d'une faute ;

Qu'à s'en tenir, par conséquent, aux comportements fautifs incriminés, en ne les considérant pas comme des fautes 'derechef' commises, ainsi que présenté, mais en recherchant s'ils s'analysent en des agissements illicites distincts de la simple reproduction de la parka dénommée 'Army Fur', la société [Y] reproche cumulativement à la société Fashion Bel Air d'avoir, en créant un risque de confusion, choisi la dénomination 'Army' pour son modèle, de l'avoir vendu sur un site internet au prix de 235 euros alors qu'elle vendait le modèle 'Army Fur', dans sa version lapin, au prix public moyen de 900 euros, d'avoir présenté sa veste sur un mannequin adoptant la même pose que celui qu'elle utilise ('veste entrouverte, main de la poche, etc.'), et incrimine, par ailleurs, au titre du parasitisme, la captation de ses efforts commerciaux et la distribution, comme elle-même, de la veste 'Army' dans deux grandes enseignes du [Adresse 3] ;

Qu'il est toutefois constant que la commercialisation d'un produit à un prix inférieur, s'il n'est pas vendu à perte, n'est pas constitutif d'une faute mais procède du libre jeu de la concurrence;

Que la société [Y] ne peut être suivie lorsqu'elle qualifie de fautif le simple fait de revêtir un mannequin d'une veste entrouverte tenant une main dans la poche tant est commune une telle pose pour présenter un produit destiné à lutter contre le froid dont on entend mettre en relief la présence de fourrure intérieure et de poches en donnant au mannequin une allure décontractée;

Qu'il ne peut, non plus, être reproché à la société Fashion Bel Air, contrairement à ce qu'a décidé le tribunal, d'avoir voulu susciter la méprise chez le consommateur français en utilisant le terme 'Army', qu'il comprendra sans difficulté, afin de désigner un produit qui revendique son appartenance à l'univers militaire tant ce terme est peu distinctif et dénué d'arbitraire ;

Que le grief tiré du fait que les produits concurrents sont distribués par deux grandes enseignes parisiennes n'est pas davantage pertinent dans la mesure où ces Grands Magasins ont vocation à offrir à la clientèle, sur un même espace de vente, de nombreux produits commercialisés par un grand nombre de sociétés concurrentes ;

Qu'enfin, sur le terrain du parasitisme, s'il peut être reproché à une société de profiter indûment des efforts humains et financiers qu'une autre société a déployés pour promouvoir un produit afin de lui faire acquérir une valeur économique, il n'est pas démontré en l'espèce que les investissements dont il est fait état aient été précisément dédiés à la parka agrémentée de fourrure sur laquelle se referme l'objet du litige (la société [Y] évoquant 'ses produits Army Fur' ou une 'ligne de produits Army Fur' et non le produit lui-même) et rien ne permettant de considérer que cette parka constitue, comme elle ne fait guère que le prétendre, un 'modèle phare' de ses collections lui procurant un avantage économique particulier ; qu'à cet égard, la société Fashion Bel Air relève, non sans pertinence, qu'en dépit des faits incriminés à la fin de l'année 2010, le nombre de commandes de la veste en lapin éjarré est passé de 879 à 1297 entre 2010 et 2011 et que le chiffre d'affaires de l'intimée a cru d'autant, sans relâchement en 2012;

Qu'il suit que la société [Y] échoue en sa démonstration d'actes fautifs de concurrence déloyale et d'agissements parasitaires préjudiciables, de sorte que le jugement qui en a autrement décidé sur ce point doit être infirmé ;

Sur les autres demandes :

Considérant, sur la demande indemnitaire de l'appelante, qu'en dépit de la solution donnée au présent litige, la société [Y] a pu, sans faute, se méprendre sur la portée de ses droits ou sur l'appréciation des pratiques commerciales de son concurrent et user des voies de droit qui lui étaient offertes par les textes si bien qu'il ne saurait lui être reproché d'en avoir abusivement usé ;

Considérant, sur l'article 700 du code de procédure civile, que le jugement doit être infirmé en ses dispositions de ce chef ; que la société [Y] sera condamnée à verser à la société Fashion Bel Air la somme de 8.000 euros à ce titre ;

Que, déboutée de ce dernier chef de demande, la société [Y] qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement à l'exception de ses dispositions relatives aux faits de concurrence déloyale et de parasitisme, aux frais non répétibles, aux frais afférents à la mesure de saisie et aux dépens et, statuant à nouveau dans cette limite en y ajoutant ;

Déboute la société [Y] SAS de ses prétentions sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme ;

Condamne la société [Y] SAS à verser à la société Fashion Bel Air SA la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel, avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/04168
Date de la décision : 06/12/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°13/04168 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-06;13.04168 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award