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05/12/2013 | FRANCE | N°12/00884

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 05 décembre 2013, 12/00884


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 05 Décembre 2013

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/00884 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Novembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/09749



APPELANTE

Madame [L] [N]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de Me Jean

GADET, avocat au barreau de TOULON



INTIMEE

SA EFG BANQUE PRIVEE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Blaise DELTOMBE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0943



CO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 05 Décembre 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/00884 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Novembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/09749

APPELANTE

Madame [L] [N]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SA EFG BANQUE PRIVEE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Blaise DELTOMBE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0943

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [N] a été engagée le 18 mars 2009, par la SA EFG Gestion privée devenue ensuite SA EFG Banque Privée, suivant un contrat de travail à durée indéterminée avec reprise d'ancienneté à compter du 1er mars 1989, et ce en qualité de «client relation Ship Officer».

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de la banque.

Mme [N] a été convoquée pour le 8 juin 2010 à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, lequel lui a été notifié pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée du 29 juin 2010.

Contestant son licenciement, Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par un jugement du 25 novembre 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a condamné la SA EFG Banque Privée à verser à Mme [N] une indemnité de 40 200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Appelante de ce jugement, Mme [N] demande à la cour de le confirmer en ce qu'il a jugé le licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse mais de le réformer relativement au quantum des sommes accordées, statuant à nouveau, de condamner la SA EFG Banque Privée à lui verser les sommes suivantes :

- 50 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de sa crédibilité professionnelle,

- 10 000 euros en réparation du préjudice consécutif au caractère brutal et vexatoire du licenciement,

- 324 295 euros en réparation du préjudice financier subséquent à la rupture ou à défaut, cantonner cette dernière condamnation à 93 800 euros,

- 1 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

enfin, de dire que la somme de 40 200 euros porte intérêts au taux légal majoré de 5 % à compter du 1er février 2012.

La SA EFG Banque Privée a relevé appel incident de ce jugement dont elle demande l'infirmation. Elle sollicite la restitution par la salariée de la consignation de la somme de 40 200 euros et le paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement du 22 Juin 2010, qui circonscrit le litige est ainsi rédigée:

«Vous avez été embauchée en contrat à durée indéterminée le 18 mars 2009 en qualité de « client Relationship officer » en charge de la prospection et du développement d'une clientèle privée pour le compte de la société.

Nous avons à plusieurs reprises attiré votre attention sur l'absence de résultats concrets et sur notre manque de visibilité quant aux actions de prospection que vous mettiez en oeuvre dans le cadre de votre mission commerciale.

Depuis votre arrivée dans la société, il y a 15 mois, vous n'avez contribué qu'à l'ouverture de 16 comptes clients.

Seuls six de ces comptes ont enregistré des mouvements, générant toutefois des revenus insignifiants au regard de vos objectifs, les neuf autres quant à eux n'ayant jamais été alimentés.

Par ailleurs, vous ne nous avez, malgré les remarques et les dispositions pourtant claires et précises de votre contrat de travail, à aucun moment apporté d'éléments tangibles qui attesteraient de vos actions en matière de prospection.

Votre attitude nous fait douter tant de votre réel investissement dans vos fonctions que de la teneur réelle de votre activité au sein de la banque. Les quelques comptes ouverts et le peu d'opérations générées par vos clients ne peuvent en aucun cas justifier de votre activité au quotidien au sein de la banque, de votre statut et de votre rémunération.

En comparaison les efforts réalisés et les résultats obtenus par vos collègues exerçant des fonctions identiques sont nettement supérieurs aux vôtres. Il s'avère donc que vous n'êtes pas en mesure d'exécuter votre mission de prospection et de participer au développement commercial de la banque de manière satisfaisante.[....]».

L'insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification constitue une cause légitime de licenciement distincte de la faute.

Alors même que l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur, l'insuffisance alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de celui-ci.

Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.

Après avoir rappelé que Mme [N] a été engagée afin d' « assurer le développement de l'activité de la société et la prospection et le développement d'une clientèle privée pour son compte », la SA EFG Banque Privée considère que Mme [N] a enregistré des résultats insuffisants comparés à ceux des autres gestionnaires de patrimoine ainsi qu' au regard des capacités dont elle avait fait état au moment de son embauche.

Elle soutient par ailleurs que l'insuffisance professionnelle de la salariée est aussi caractérisée par un déficit de prospection, à l'origine de l'insuffisance de ses résultats.

Mme [N] réplique qu'à raison de l'absence d'agrément nécessaire à l'exercice de son activité avant le second semestre de l'année 2009, il lui a fallu mettre en place les outils nécessaires à l'exercice de ses missions et notamment procéder à une signature de convention avec le Crédit Foncier, qu'elle n'a été en mesure d'exercer effectivement ses fonctions que pendant six mois.

Elle estime par ailleurs que les résultats annoncés et qui lui sont attribués ne sont pas significatifs dès lors qu'elle travaillait en équipe avec M. [S], autre ancien salarié de la banque Fortis, engagé en même temps qu'elle.

Si aucune clause contractuelle ne fait état de l'exercice des missions en binôme, et en dépit de la contestation formelle de l'employeur à cet égard, il ressort de l'analyse des encours très élevés attribués à M. [S] dès les premiers mois de la collaboration et des échanges de courriels communiqués que ces deux anciens salariés de la banque Fortis travaillaient de concert.

En effet, plusieurs courriels émanant de Messieurs [Z] [Q] et M. [J] évoquent comme sujets « Ordre RTO équipe [D] et [L] », ce qui corrobore cette affirmation de la salariée, qu'elle formait une équipe avec M. [D] [S] et qu'elle assumait au sein de cette équipe une mission orientée davantage vers la technique bancaire.

Au surplus, il y a lieu de relever que l'un des tableaux comparatifs communiqués par l'employeur intitulé « comparaison de l'évolution des encours entre trois banquiers privés » montre que M. [P] et Mme [N] ont eu des résultats et une progression très similaires jusqu'en février 2010.

L'examen des encours bruts attribués à la seule salariée montre que 7 comptes ont été ouverts entre le 11 février 2010 et 25 mai 2010. Aucune opération n'avait certes encore été enregistrée sur ces comptes lorsque la procédure de licenciement a été initiée.

Toutefois, à défaut pour la banque de justifier une absence totale de mouvement sur ces comptes ultérieurement, la cour n'est pas en mesure de constater que le travail de prospection ainsi réalisé par la salariée était vain et inefficace étant observé que ces nouveaux clients disposaient de possibilités financières avérées.

Dans ces conditions, et au regard des éléments communiqués par les deux parties, de l'intégration de la salariée à une équipe formée avec M. [S], les comparaisons proposées par la banque telles que précédemment évoquées et les frais limités de prospection engagés par la salariée ne sont pas significatifs et n'établissent pas de façon pertinente la prétendue insuffisance professionnelle de celle -ci.

C'est donc à bon escient que les premiers juges ont retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse:

Mme [N] formule plusieurs demandes de dommages et intérêts distinctes.

Sur la demande de dommages-intérêts résultant du caractère brutal et du motif vexatoire du licenciement :

Mme [N] relève qu'elle porte le nom d'une famille qui a créé une des plus anciennes banques privées de la [Adresse 3], qu'elle a ainsi prêté son nom et son expérience pour que la SA EFG Banque Privée obtienne les agréments nécessaires à l'exercice de son activité, qu'en réalité, les choix stratégiques déplorables mis en place par le dirigeant de la société ont amené la banque à décider la cessation de ses activités en France.

Elle estime en conséquence que le motif invoqué à savoir une insuffisance professionnelle est vexatoire et que son licenciement intervenu alors qu'elle n'avait pu exercer ses fonctions que pendant six mois, est brutal.

Toutefois, ce préjudice n'est pas distinct de celui qui résulte du caractère injustifié du licenciement qui sera ultérieurement analysé, dès lors que seront prises en compte les circonstances mêmes de la rupture dans ce contexte particulier du nom porté par la salariée, de son expérience passée, des aptitudes préalablement reconnues.

Il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande de dommages-intérêts distincte.

Sur la demande de dommages et intérêts pour perte de clientèle personnelle et de crédibilité professionnelle :

Mme [N] soutient que la banque l'a engagée en reconnaissant qu'elle disposait d'un carnet d'adresses lui permettant d'apporter plusieurs dizaines de millions d'euros de prospects, que cet avantage doit faire l'objet de l'octroi par l'employeur, qui bénéficie des dépôts, d'un bonus de l'ordre 5 pour 1000 et évalue son préjudice à 50 000 euros.

Toutefois, Mme [N] ne peut, sous couvert d'une demande de dommages et intérêts pour perte d'une clientèle personnelle et de crédibilité professionnelle réclamer un bonus, soit une prime.

Il convient d'observer que la rémunération prévoyait une telle prime aux conditions d'obtention particulières.

Mme [N] ne peut donc voir sa demande prospérer d'autant plus qu'elle écrit elle-même que la SA EFG Banque Privée attendait d'elle qu'elle déplace de son ancien employeur plus de 10 millions de dépôts, ce qui revient à admettre que les clients apportés n'étaient pas les siens propres mais ceux de son ancien employeur.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture en lien avec le nom porté, l'expérience passée et la reconnaissance antérieure de ses apitudes, du montant de la rémunération versée à la salariée (6 700 euros), de son âge, de son ancienneté (21 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard en ce compris la perte de sa crédibilité professionnelle, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à Mme [N], une somme de 100500 euros en application de l'article L.1235-3 du Code du travail.

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

Sur les intérêts :

Les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Dans ces conditions, compte tenu de la mise à néant du jugement en ce qui concerne l'évaluation du préjudice subi par la salariée, la somme allouée portera intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235 -4 du code du travail :

L'article L.1235- 4 du code du travail dispose que dans les cas prévus aux articles L.1235 - 3 et L.1235-11 le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Les dispositions sus évoquées ont vocation à recevoir application, dans la présente espèce.

La société sera condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Mme [N] dans la limite de six mois.

Sur la demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à Mme [N] une indemnité de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 1800 euros sur le même fondement pour les frais exposés par elle en cause d'appel.

La SA EFG Banque Privée, qui succombe dans la présente instance, sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le licenciement ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a accordé à la salariée une indemnité de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SA EFG Banque Privée à verser à Mme [N] les sommes suivantes :

- 100 500 euros à titre d'indemnité en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail,

- 1800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que la somme allouée portera intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt

Déboute Mme [N] de ses demandes de dommages-intérêts en réparation du caractère brutal et vexatoire du licenciement et pour la perte de sa crédibilité professionnelle,

Ordonne le remboursement par la SA EFG Banque Privée aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois,

Déboute la SA EFG Banque Privée de sa demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA EFG Banque Privée aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/00884
Date de la décision : 05/12/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°12/00884 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-05;12.00884 ?
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