RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 1
ARRÊT DU 04 Décembre 2013
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11881
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Novembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement- RG n° 10/09198
APPELANTE
Madame [C] [K] épouse [G]
[Adresse 3]
[Localité 1]
comparante assistée de Me Pauline MORDACQ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0380
INTIMEE
La SOCIETE PRISMA PRESS
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Laurent KASPEREIT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 1701
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Irène CARBONNIER, Président de chambre
Madame Claire MONTPIED, Conseillère
Mme Claude BITTER, Conseillère
qui en ont délibéré
Madame Véronique RAYON, Greffier lors des débats
Le prononcé de la décision initialement prévu le 27 novembre 2013 a été prorogé à cette date, au 04 décembre 2013.
ARRET :
- contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- prononcé publiquement par Madame Irène CARBONNIER, Président de chambre
- signé par Madame Irène CARBONNIER, président et par Madame Véronique RAYON, greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement prononcé le 2 novembre 2011 par le conseil de prudhommes de Paris ayant débouté Mme [C] [K] de l'ensemble de ses demandes tendant à juger que la rupture de son contrat de travail était imputable à son employeur, la société PRISMA PRESSE et à condamner cette dernière à lui payer diverses sommes à titre d'indemnités, ainsi qu'à titre de dommages et intérêts pour nullité de son licenciement et pour harcèlement moral,
Vu l'appel interjeté par Mme [K] et ses conclusions tendant à infirmer le jugement, juger que ses griefs sont démontrés et que la société PRISMA PRESSE a commis des manquements graves et répétés l'ayant contrainte à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, qu'elle s'est rendue coupable de harcèlement moral envers elle, que la prise d'acte doit donc être requalifiée en licenciement sans cause et nul, condamner l'employeur à lui payer les sommes de
12 972,96€ à titre d'indemnité de préavis, outre 1 297,96€ à titre de congés payés afférents,
34 598,56€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
103 783€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
25 000€ de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
4 000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société PRISMA PRESSE qui demande, par confirmation du jugement, de dire que la prise d'acte de Mme [K] devra produire les effets d'une démission, de débouter cette dernière de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2 000€ au titre de ses frais de procédure,
Considérant que Mme [C] [K] a été engagée à compter du 1er avril 1997 par la société PRISMAPRESSE, [Adresse 2], en qualité de chef de produit avec une classification de sous-chef D et un coefficient 230, au salaire moyen mensuel brut de 4 783€ à la date de la rupture ; que le contrat de travail était soumis à la convention collective de la presse magazine et d'information ;
Que la rémunération de Mme [K] a été augmentée par deux fois en janvier 2000 et octobre 2003, des primes exceptionnelles lui étant attribuées en mars et décembre 2007 en raison de son investissement ; qu'à l'occasion de la prise en charge du poste de chef de groupe des trois magazines TV du 1er juillet au 31 décembre 2009, la salariée a bénéficié d'un supplément de fonction de 1000€ brut par mois ;
Que, suivant avenant en date du 1er novembre 2007, elle a été nommée chef de produit web senior, et mutée en cette qualité le 7 avril 2008 au Pôle web TV à [Localité 4] ;
Considérant que, s'appuyant sur PRISMA News, journal interne de PRISMA Presse édité par la direction de la communication du groupe, qui avait annoncé en mai 2008, que, depuis le 31 mars, l'équipe internet du pôle Télé était au complet et regroupée au 2ème étage de [Localité 3], l'ambition étant de développer des services innovants autour de la télévision en cohérence avec les marques Print, et que des nominations avaient été décidées en parallèle, dont celle de M. [E] en qualité de directeur internet du pôle Télé pour étudier la gestion des moyens de production vidéo pour l'ensemble du groupe PRISMA Presse et d'[C] [K] comme responsable marketing et de [B] [X] comme webmaster, l'appelante a commencé à dénoncer la rétrogradation dont elle serait victime de la part de son employeur, M. [E] ayant quitté PRISMA Presse au début de l'année 2009 et M. [Z] [D], directeur internet du pôle web people, prenant en sus la direction internet du pôle TV ;
Que Mme [K], ne supportant pas sa mise à l'écart subséquente, constitutive de harcèlement, a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur par lettre recommandée en date du 25 juin 2010, faisant valoir qu'elle avait en vain réclamé, depuis le début de l'année 2009, la régularisation de sa nomination au poste de responsable marketing qui lui avait été attribué et qui avait été annoncée au sein de l'entreprise en 2008, que non seulement sa nomination n'avait jamais été concrétisée, mais qu'elle s'était retrouvée petit à petit dépouillée de ses fonctions, n'étant occupée que très partiellement, et ignorée de sa hiérarchie malgré l'envoi de mails, d'une lettre recommandée et de la mise en demeure de son avocat, outre la saisine du comité d'entreprise et de l'inspection du travail ;
Que la direction de PRISMA PRESSE a accusé réception de ce courrier le 2 juillet 2010 et réfuté les griefs de Mme [K], rappelant que celle-ci avait signé les avenants des 1er novembre 2007 et 7 avril 2008 reprenant son titre de « Chef de Produit Web Senior » et soulignant que la salariée entretenait depuis lors un litige qui ne reposait nullement sur la méconnaissance des propres obligations de l'employeur ;
Considérant que, lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de manquements suffisamment graves qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, à la date de réception du courrier, les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire ; qu'il appartient au salarié d'établir les manquements qu'il lui a imputés, le doute profitant à ce dernier ;
Considérant, sur le refus de mettre en oeuvre sa nomination en qualité de Responsable Marketing, qu'il ne ressort pas des pièces produites par Mme [K] qu'une décision ait été prise par la direction de PRISMA PRESSE et en particulier par son directeur, M. [E], de nommer leur chef de produit web senior en qualité de Responsable Marketing, la gazette de la direction de la communication de la société, qui ne constitue pas un bulletin officiel, l'aurait-elle annoncée au mois de mai 2008 ; que les nombreux mails communiqués par l'appelante, de même que le justificatif d'une commande de cartes de visites, s'ils démontrent l'ambition, certes légitime, et la volonté de plus en plus exigeante à compter de janvier 2010 de l'intéressée d'accéder à de nouvelles responsabilités, n'établissent cependant pas plus la décision officielle ou même le projet de nomination par M. [E] que la rétrogradation suspectée de la part de son successeur ;
Qu'au sujet du rappel à l'ordre adressé le 22 avril 2010 par M. [Z] [D] à [C] [K], il y a lieu de relever, alors que la salariée était placée sous l'autorité hiérarchique du directeur internet du pôle TV et qu'elle avait cependant cru bon de transmettre directement au président du groupe un projet qu'elle n'avait pas soumis à son supérieur et d'en profiter pour dénoncer son « manque total d'objectif professionnel », que le fait pour ce dernier d'avoir réfuté ses critiques et de lui avoir écrit qu'il n'acceptait pas qu'elle remette en cause ses propos dans des termes insolents à la limite de la provocation et de l'insubordination » et qu'il exigeait d'elle « un comportement loyal et responsable » ne caractérise ni les « attaques et reproches outranciers », ni les reproches et menaces invoqués par l'intéressée dans son mail du 10 mai suivant comme constitutifs de harcèlement ;
Que si l'interview d'[C] [K] dans le « coup de coeur » du numéro de janvier 2009 de PRISMA News démontre à l'évidence que la salariée se qualifiait elle-même de « Responsable Marketing sites Web du pôle TV », il ressort indiscutablement de son contrat de travail complété par les avenants de 2007 et 2008 comme des rappels qui lui ont été donnés le 8 janvier et le 26 mars 2010, que la salariée exerçait les fonctions de chef de produit web senior ; qu'elle ne peut établir sa mise à l'écart et les discriminations dont elle aurait été victime de la part de son employeur par ses propres déclarations reprises dans le mail susvisé du 10 mai 2010, selon lesquelles elle voudrait « simplement remplir (ses)fonctions comme avant », « obtenir des missions substantielles » conformes à son poste avec un traitement identique à celui des agents du « pôle people » et que les engagements de PRISMA PRESSE soient respectés et suivis d'effets », ce qui correspond pour elle à l'exigence de « l'officialisation de (sa) nomination » par un avenant à son contrat de travail ; qu'il résulte au contraire des nombreux courriels échangés entre M. [D] et Mme [K] tant avant qu'après le 3 février 2010, date de la première prise de contact de l'avocat de cette dernière avec PRISMA PRESSE, que la salariée était sollicitée et associée aux travaux du pôle tant par internet qu'au cours de réunions organisées par ses responsables ; que les deux attestations produites, rédigées par deux collègues de l'appelante faisant état du malaise de son équipe dû au fait que son rôle n'était pas clairement défini ou que le responsable n'était jamais là, ne permettent pas d'établir les faits de harcèlement reprochés en particulier à M. [D] ; que l'examen des courriels établit que, s'il arrivait qu'une réunion puisse avoir lieu malgré l'absence de Mme [K], M. [D] prenait le soin de préciser, comme dans un mail du 15 avril 2009, qu'il conviendrait de « faire un point avec elle la semaine suivante pour avoir son retour sur les pistes évoquées » ; que, plus généralement, les messages de Mme [K], tel celui qu'elle adresse le 16 avril 2010 en réponse à celui de son directeur en date du 14 avril est symptomatique de ce que Mme [K] ne se satisfait pas des missions qui lui sont confiées, qu'elle qualifie de « fausses missions » sans en justifier, et de l'organisation mise en place par son supérieur, refusant d'aller plus loin tant qu'il continuera de « refuser de régulariser (sa) nomination » mais refusant tout autant les propositions de mutation qui lui étaient faites, les tenant pour une rétrogradation ;
Considérant qu'en l'état de ces éléments, Mme [C] [K] n'établit pas les faits reprochés à son employeur pour justifier la rupture dont elle a pris acte par courrier du 25 juin 2010 ; que la prise d'acte de la rupture ne peut dès lors avoir pour effet que celui d'une démission ;
Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société PRISMA FRANCE ;
PAR CES MOTIFS
La cour
confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne Mme [C] [K] aux dépens et à payer à la société PRISMA PRESSE la somme de 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT