Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRET DU 03 DECEMBRE 2013
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/04239
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Février 2013 -Juge de la mise en état de Paris - RG n° 12/05645
APPELANT
Monsieur [P] [W]
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 3]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Maître Fabien PEYREMORTE de la SELARL FPA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0034
Assisté de Maître Sylvain NIORD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMEE
SOCIETE CIVILE DES MOUSQUETAIRES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Marie-Laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936
Assistée de Maître Stéphanie MASKER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0002
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente
Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère
Monsieur Joël BOYER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Céline LITTERI
MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Violaine PERRET, greffière présente lors du prononcé.
La société civile des mousquetaires (SCM), société à capital variable, détient la totalité du capital de la société ITM Entreprises, elle-même titulaire des enseignes du Groupement des mousquetaires (Intermarché, Bricomarché, Ecomarché notamment).
Seuls peuvent être associés de la SCM les adhérents soit, selon le règlement intérieur, les personnes physiques exerçant ou ayant exercé des fonctions de direction à la tête d'une entreprise exploitant un fonds de commerce fonctionnant sous l'une ou l'autre des enseignes appartenant à ITM Entreprises.
Ces mêmes adhérents sont liés à la société ITM Entreprises par un contrat d'enseigne ou de franchise.
Exploitant, par l'intermédiaire de la société Somag dont il est le représentant, un point de vente Intermarché à Chazay Bon (01) en vertu d'un contrat d'enseigne conclu avec ITM Entreprises en date du 18 octobre 1988, M. [W] est devenu en 1994 associé de la SCM dont il a acquis 27 parts.
Ayant cédé les actions de la Somag et ne remplissant plus les conditions statutaires pour demeurer associé de la SCM, par lettre du 7 décembre 1997, M. [W] a notifié son retrait de la SCM dont il a reçu, le 9 février 1999, la somme de 61 696,62 euros en compensation de ses parts.
Contestant cette valorisation, après l'échec de la procédure de conciliation, avec d'autres anciens adhérents dont certains, exclus, poursuivaient leur réintégration, M. [W] a saisi le tribunal de grande instance, aux fins de paiement du prix correspondant à la valeur réelle des parts.
Débouté de sa demande, il a assigné la SCM devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés aux fins de désignation d'un expert au visa de l'article 1843-4 du code civil.
A la suite de plusieurs instances ayant donné lieu à divers recours, par ordonnance du 17 mars 2009, M. [X] a été désigné en qualité d'expert avec mission d'évaluer les 27 parts sociales détenues par M. [W] au sein de la SCM.
Au vu du rapport en date du 21 février 2012, par acte du 20 mars 2012, M. [W] a assigné la société SCM devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir paiement de la somme principale de 1 310 742 euros, pour prix de ses parts.
La SCM a saisi le juge de la mise en état d'un incident tendant à voir déclarer la juridiction étatique incompétente au profit de la juridiction arbitrale en application de l'article 68 du contrat d'enseigne qui stipule que 'pour tous litiges pouvant survenir entre elles dans l'exécution des présentes ou de leurs suites comme pour toutes difficultés d'interprétation, les parties conviennent définitivement de s'en remettre à une procédure d'arbitrage'.
Par ordonnance du 21 février 2013, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance incompétent au profit du tribunal arbitral et a renvoyé les parties aux dispositions du contrat de franchise relatives aux modalités de désignation de l'arbitre.
M. [W] a relevé appel selon déclaration du 1er mars 2013.
Par conclusions récapitulatives n° 4 signifiées le 25 octobre 2013, il demande à la cour, vu les articles 771 et 1448 du code de procédure civile, 1443 (ancien) du même code, d'infirmer l'ordonnance entreprise, de dire que la clause compromissoire est manifestement inapplicable et de renvoyer à la connaissance du tribunal de grande instance au fond pour qu'il soit statué sur l'action en paiement des demandeurs au principal, de dire que cette clause compromissoire n'est pas contenue dans le contrat principal (contrat de société), et de constater qu'il n'est pas renvoyé dans ce même contrat à la clause compromissoire contenue dans le contrat d'enseigne, en conséquence, de la déclarer nulle et de condamner la SCM au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives signifiées le 23 octobre 2013, la SCM sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise outre 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Pour accueillir l'exception d'incompétence, le premier juge a retenu qu'il existe un lien certain entre la rupture du contrat d'enseigne et la valorisation des parts sociales dès lors que le remboursement des parts découle directement de la rupture de ce contrat laquelle a eu pour effet d'entraîner la démission de M. [W] de la SCM et qu'il reviendra donc au tribunal arbitral, juge de sa propre compétence, de déterminer si le lien est suffisant pour justifier que le litige lui soit soumis.
M. [W] critique la décision en faisant valoir pour l'essentiel que par principe, la clause compromissoire est inapplicable dans les rapports entre la SCM et ses associés alors que les parties ont manifesté expressément dans une clause attributive de juridiction leur intention de résoudre leurs litiges devant le juge étatique, que c'est dénaturer leur volonté que d'étendre la clause compromissoire du contrat d'enseigne à un contrat autre, que la clause d'arbitrage a vocation à régir les seuls litiges relatifs à l'exécution du contrat de franchise sans que l'on puisse considérer comme une suite, au sens où l'entend cette clause compromissoire, le remboursement des parts sociales puisque cette situation suppose d'une part la souscription, subordonnée à la cooptation, par le président de la société d'exploitation de parts de la SCM et un vote de l'assemblée générale, que de surcroît, la résiliation du contrat d'enseigne sur laquelle s'est fondée le juge de la mise en état est inexistante dans la mesure où le contrat de franchise conclu avec la société Somag n'a jamais été résilié, le point de vente en question continuant d'être exploité sous enseigne Intermarché après la cession des actions de la société Somag à un ITM Centre Est qui les a revendues à un nouvel adhérent. Il souligne que les nouveaux statuts de la SCM adoptés lors des assemblées générales mixtes du 27 juin 2012 écartent expressément tout lien entre la qualité d'associé au sein de la société SCM et l'exploitant d'un magasin sous enseigne.
Tandis que la SCM invoque à nouveau le lien existant entre les deux contrats dont le principal est, selon elle, le contrat d'enseigne ou de franchise et soutient que la clause attributive de juridiction inscrite dans les statuts de la SCM n'interdit pas par elle-même que la juridiction arbitrale compétente en vertu d'une clause compromissoire stipulée dans un contrat distinct soit compétente dès lors que le litige entre dans le champ d'application de la clause d'arbitrage ce qu'il appartiendra aux arbitres d'apprécier..
Il résulte de l'article 1448 du code de procédure civile que lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.
La clause compromissoire dont se prévaut la SCM est insérée à l'article 68 du contrat de franchise conclu entre ITM Entreprises et la société d'exploitation Somag dont M.[W] est le dirigeant, celui-ci étant, en outre, signataire de l'acte à titre personnel comme 'adhérent', contrat qui confère à la société d'exploitation la qualité de franchisé.
Elle stipule que 'pour tous litiges pouvant survenir entre elles dans l'exécution des présentes ou de leurs suites comme pour toutes difficultés d'interprétation, les parties conviennent définitivement de s'en remettre à une procédure d'arbitrage'.
Cependant, la présente instance n'a pas trait à une contestation relative au contrat de franchise mais tend au paiement du prix des parts sociales que détenait M. [W] dans le capital de la SCM dont il s'est retiré.
Le lien invoqué entre la rupture du contrat de franchise et le retrait de l'adhérent de la SCM ne peut emporter l'application de la clause d'arbitrage aux litiges nés de l'exécution du contrat de société en présence de contrats distincts conclus entre des parties différentes et alors que les statuts et le règlement intérieur de la SCM comportent une clause attributive de compétence à la juridiction étatique .
En effet, l'article 37 des statuts de la SCM, dans sa version mise à jour le 24 juin 1997, que toutes les contestations entre les associés et la société seront portés devant le tribunal de grande instance du siège social.
Et l'article 13 du règlement intérieur prévoit que pour tous litiges entre eux et la société, les associés s'en remettent à une procédure de conciliation et que 'dans le cas où l'une ou l'autre partie ne serait pas satisfaite de la décision des experts ou dans le cas où ceux-ci échoueraient dans leur mission de conciliation, les litiges seront soumis au tribunal de grande instance compétent'.
Il s'ensuit que la clause compromissoire invoquée est manifestement inapplicable au litige opposant M. [W] à la SCM.
L'ordonnance déférée sera donc infirmée et l'exception d'incompétence rejetée.
L'équité ne commande pas, à ce stade de la procédure, l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance entreprise,
Et statuant à nouveau
Rejette l'exception d'incompétence arbitrale,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Renvoie l'affaire devant le tribunal de grande instance pour la poursuite de la procédure,
Condamne la SCM aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente