Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRET DU 03 DECEMBRE 2013
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/19482
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Octobre 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 201138012
APPELANT
Monsieur [D] [B]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 3]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Maître Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
INTIMEE
SA RAMSAY SANTE (anciennement dénommée la société GROUPE PROCLIF)
ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Maître Franck BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168 substituant Maître Emmanuel ESLAMI NODOUCHAN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0459
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente
Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère
Monsieur Joël BOYER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Céline LITTERI
MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au Ministère public.
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Violaine PERRET, greffière présente lors du prononcé.
La société Groupe Proclif, qui a pour objet social la prise de participations dans des cliniques et établissements privés de soins, a été constituée en 2005 sous forme de société par actions simplifiée.
Une décision des associés du 30 septembre 2005 a modifié ses statuts pour la doter d'un conseil de surveillance et d'un directoire, l'article 11.2 des statuts ainsi modifié disposant que les fonctions de membres du directoire prenaient fin, notamment, 'par révocation ad nutum, sans justification, préavis ou indemnité d'aucune sorte, par décision du conseil de surveillance qui aura toutefois la faculté de prévoir des conditions de départ plus favorables au bénéfice d'un ou de plusieurs membres du directoire par dérogation aux dispositions des présents statuts'.
Par décision du même jour, le conseil de surveillance a désigné MM. [Z] [E] et [O] [U] en qualité de premiers membres du directoire pour une durée de trois ans, a fixé leur rémunération annuelle à 180 000 euros jusqu'au 31 décembre 2005 puis 240 000 euros à compter du 1er janvier 2006 et a décidé, en cas de révocation pour des raisons autres qu'une faute lourde ou un départ volontaire, du versement d'une indemnité brute égale à 18 mois de rémunération.
L'assemblée générale mixte du 6 janvier 2006 a substitué la dénomination 'comité de direction' à celle de directoire et les statuts ont été modifiés en conséquence sur ce seul point.
M. [D] [B] a été engagé par la société Groupe Proclif le 3 avril 2006 en qualité de directeur administratif et financier avec un statut de cadre.
Il a été nommé, par décision du conseil de surveillance du 24 avril 2008, membre du comité de direction pour une durée de trois ans expirant le 23 avril 2011, le conseil de surveillance ayant pris acte du maintien de son contrat de travail en tant que directeur salarié 'et de son avenant en date de ce jour' et de ce que l'intéressé n'était pas rémunéré au titre de ses fonctions de membre du comité de direction.
M. [B] sera licencié pour faute grave le 9 avril 2009 et révoqué de ses fonctions de membre du comité de direction par délibération du conseil de surveillance en date du 11 juin 2009, lequel constatera que 'ni les statuts ni les conditions de sa révocation ne justifient le versement d'une quelconque indemnité'.
M. [B] contestera la régularité de son licenciement devant la juridiction prud'homale. Par arrêt du 11 décembre 2012, la cour d'appel de Paris (pôle 6- chambre 3) a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a alloué à l'intéressé la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef, confirmant les autres dispositions du jugement déféré qui avait alloué au demandeur une somme globale de 90 557 euros au titre de diverses indemnités.
Par acte en date du 18 avril 2011, M. [B] a fait assigner la société Ramsay Santé, nouvelle dénomination de la société Groupe Proclif, devant le tribunal de commerce de Paris en sollicitant, d'une part, le versement de l'indemnité de révocation des membres du directoire telle que fixée par la délibération du conseil de surveillance du 30 septembre 2005, soit une somme de 206 992 euros, d'autre part, des dommages-intérêts pour le préjudice distinct résultant de sa révocation sans juste motif, à hauteur de la somme de 200 000 euros.
Par jugement du 19 octobre 2012, le tribunal de commerce de Paris a débouté M. [B] de ses demandes, a débouté la société Ramsay Santé de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [B] aux dépens.
M. [B] a relevé appel de cette décision par déclaration du 30 octobre 2012.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 30 janvier 2013, il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, (1) sur l'indemnité de révocation, de juger que la délibération du conseil de surveillance prévoyant une indemnité de révocation au bénéfice des membres du directoire est de portée générale et de condamner à ce titre Ramsay Santé à lui payer la somme de 206 992 euros bruts, à titre subsidiaire, de la condamner à lui payer cette somme à titre de dommages-intérêts en réparation de la discrimination fautive dont il a été l'objet en sa qualité de seul membre du directoire à n'avoir pas perçu ladite indemnité, de la condamner en outre à lui payer la somme indemnitaire de 20 000 euros au titre de la rétention fautive de l'avenant annoncé lors de sa nomination au directoire, ou subsidiairement, de ce seul chef si les demandes précédentes étaient écartées, la somme de 206 000 euros à titre de dommages-intérêts, (2) sur la révocation sans juste motif, de condamner la société Ramsay Santé à lui payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts, à défaut la même somme au titre de la discrimination dont il a été l'objet, (3) sur le retard de paiement de l'indemnité de révocation, de condamner la société Ramsay Santé à lui payer la somme de 70 000 euros en réparation du préjudice financier résultant de ce retard, (4) sur les circonstances vexatoires de sa révocation, de condamner la société Ramsay Santé à lui payer la somme de 200 000 euros en réparation des préjudices matériels, moraux, professionnels et financiers en résultant, (5) toutes ces sommes avec intérêts à taux légal à compter du 9 avril 2009 et capitalisation, (6) outre une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de débouter l'intimée de ses demandes et de la condamner aux dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 21 mars 2013, la société Ramsay Santé demande à la cour de confirmer le jugement déféré de débouter M. [B] de ses demandes, de le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
SUR CE
M. [B] fait valoir, au soutien de son appel, qu'il a été licencié pour faute grave puis révoqué de ses fonctions de membre du comité de direction, à l'occasion du rachat de la société Groupe Proclif par la société Ramsay Santé, sur des motifs fallacieux, d'ailleurs invalidés s'agissant de son licenciement par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 décembre 2012, résultant d'un stratagème des actionnaires consistant à ne lui verser aucune indemnité de fin de fonctions en dépit des services rendus et de la crédibilité attendue de la présence d'un directeur financier au sein du directoire durant la période de recherche d'un acquéreur, tout en constituant une provision en compte pour litige de plus de 700 000 euros du seul chef des sommes qui lui étaient dues, ce qui a diminué d'autant le prix de cession de la société.
Il sollicite :
- à titre principal le bénéfice de l'indemnité de révocation prévue pour les membres du directoire par une délibération du conseil de surveillance du 30 septembre 2005, soit une somme de 206 992 euros,
- à titre subsidiaire une somme d'un même montant à titre de dommages-intérêts du chef de la discrimination dont il a été victime,
- par ailleurs, diverses indemnités au titre de la révocation sans justes motifs ou dans des circonstances vexatoires.
Sur l'indemnité de révocation
M. [B] revendique l'application à son profit de la délibération adoptée par le conseil de surveillance le 30 septembre 2005 rédigée comme suit :
'Le Conseil décide à l'unanimité que les membres du Directoire percevront chacun pour l'exercice de leurs fonctions une rémunération fixe brute d'un montant de 180.000 euros brut par an jusqu'au 31 décembre 2005, puis, à compter du 1er 3/29 janvier 2006, une rémunération fixe brute d'un montant de 240.000 euros brut par an (la « Rémunération Fixe Brute »).
'[...] Le Conseil décide à l'unanimité qu'en cas de départ volontaire (démission) ou révocation pour faute lourde de leurs fonctions au sein du groupe formé par la Société, Proclif SA et ses filiales (le « Groupe »), les membres du Directoire ne pourront prétendre à aucune indemnité de la part de la Société, ni d'aucune autre société du Groupe ou de leurs actionnaires directs et indirects. Le Conseil décide à l'unanimité qu'en cas de révocation des fonctions de président et/ou membre du directoire de Proclif et de la société pour des raisons autres que pour faute lourde et départ volontaire (démission), la Société versera au membre sortant une indemnité brute égale à dix-huit (18) mois de Rémunération Brute Fixe »
Il fait valoir en particulier que cette délibération est rédigée en des termes généraux, qu'elle n'a jamais été rapportée et qu'elle a bénéficié à tous les membres du directoire qui ont été révoqués.
Mais la société Ramsay Santé souligne à juste titre que par décision collective des associés du même jour les statuts ont été modifiés pour adopter une organisation de la société avec conseil de surveillance et directoire, l'article 11.2 des statuts modifiés disposant que 'les fonctions de membres du directoire prennent fin par l'arrivée du terme de ses fonctions, par l'envoi d'une lettre de démission à la société ou par sa révocation ad nutum, sans justification, préavis ou indemnité d'aucune sorte, par décision du conseil de surveillance qui aura toutefois la faculté de prévoir des conditions de départ plus favorables au bénéfice d'un ou de plusieurs membres du directoire par dérogation aux dispositions des présents statuts », ces dispositions ayant été maintenues lors du changement de dénomination de directoire pour 'comité de direction' qui a conduit à une nouvelle modification statutaire publiée le 21 février 2006.
Il en résulte que la délibération adoptée par le conseil de surveillance portant indemnité de révocation ne pouvait avoir une portée générale, sauf à contrevenir aux règles statutaires adoptées le même jour, et ne constituait qu'une mesure individuelle, conforme à la possibilité de dérogation prévue par les statuts, au bénéfice de MM. [E] et [U], désignés respectivement président et vice-président, ce que confirme au demeurant la présentation formelle de cette délibération qui évoque en son point 2.1 la seule désignation des 'deux premiers membres du directoire' et en point 2.2, leur rémunération, en ce compris l'indemnité de révocation, laquelle ne constituait nullement un principe général, mais était propre aux intéressés.
Aussi cette mesure n'avait-elle pas à être rapportée dès lors que seuls M. [E] et [U] en bénéficiaient.
Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, l'indemnité de révocation qui a été ultérieurement versée à M.[K], directeur général de la société et à ce titre membre de droit du directoire, ne procède pas de la délibération du 30 septembre 2005 mais d'une délibération spéciale du conseil de surveillance en date du 21 mai 2008.
Il sera relevé enfin que lors de sa nomination au comité de direction, nouvelle dénomination du directoire, le conseil de surveillance avait pris soin de 'décider' que 'M. [B] ne sera pas rémunéré pour cette fonction', de sorte que l'indemnité de révocation visée par la délibération du 30 septembre 2005 qui l'indexait sur la rémunération servie aux intéressés au titre de leurs fonctions de membres du comité de direction, ne pouvait s'appliquer à son cas.
Le jugement déféré sera dès lors approuvé en ce qu'il a déclaré M. [B] mal fondé à se prévaloir de la délibération du conseil de surveillance du 30 septembre 2005 qui ne le concernait pas.
Sur la faute tirée de la discrimination
M. [B] souligne qu'il a été le seul membre du comité de direction à ne pas avoir perçu d'indemnité de révocation lors de son départ et invoque la discrimination fautive pour rechercher la responsabilité de la société Ramsay Santé et solliciter réparation sur ce fondement.
Mais il n'y a de discrimination fautive qu'en cas de disparité de traitement entre personnes placées dans une même situation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, M. [B] étant le seul membre du directoire à être, par ailleurs, rémunéré au titre d'un contrat de travail (12 500 euros mensuels) et à bénéficier des garanties et protections qui y était attachées, situation distincte de celles de MM [E] et [U] comme de celle de M.[K], également évoquée, lequel percevait une rémunération en sa qualité de directeur général, sans être lié à la société par un contrat de travail.
M. [B] fait encore valoir qu'une indemnité de révocation a toujours été servie aux intéressés, que ces derniers aient perçu une rémunération au titre de l'exercice de leur mandat au sein du comité de direction ou à un autre titre (présidence, vice-présidence ou direction générale), de sorte qu'une telle indemnité aurait dûe, sauf discrimination, lui être versée sur la base de son salaire.
Mais aux termes des statuts qui ne prévoyaient aucun préavis ni indemnité de révocation, seule une délibération spéciale du conseil de surveillance aurait pu en décider, ce qui n'a pas été le cas de M. [B] lorsqu'il a accepté, à ces conditions, de devenir membre du comité de direction sans rémunération à ce titre ni délibération spéciale du conseil de surveillance, en considération du contrat de travail dont il était seul à bénéficier.
L'appelant sera dès lors débouté des demandes de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la rétention fautive de l'avenant évoqué lors de la désignation de M. [B] en qualité de membre du directoire
M. [B] fait valoir que le conseil de surveillance a pris acte lors de sa nomination du 'maintien de son contrat de travail et de son avenant en date de ce jour', fait grief à la société Ramsay Santé de ne pas verser ledit avenant aux débats, et soutient que cette rétention fautive lui occasionne une préjudice égal au montant de l'indemnité qui aurait dû lui être versée en application de la délibération du 30 septembre 2005.
Mais il été précédemment constaté que ladite délibération, adoptée près de trois ans avant la désignation de M. [B] au comité de direction, ne lui était pas applicable, que seule une délibération spéciale du conseil de surveillance aurait pu, par dérogation aux statuts, lui accorder le bénéfice d'une indemnité individuelle de révocation, laquelle n'a pas été prise, de sorte que la faute reprochée qui ne peut avoir d'incidence qu'au titre de son salaire, est sans influence sur une indemnité de révocation qui ne lui était pas due et se trouve, par conséquent, sans lien direct avec le préjudice invoqué.
Sur le juste motif et le caractère vexatoire de la révocation
M. [B] conteste le motif de sa révocation, tiré de ce que son licenciement venait d'être prononcé ( 'n'occupant plus le poste de directeur administratif et financier, la poursuite de ses fonctions de membre du comité de direction ne se justifie pas') ainsi que les motifs ultérieurement avancés relatifs à de prétendues divergences de vue avec le conseil de surveillance et se prévaut des dispositions de l'article L 225-61 du code de commerce selon lequel 'si la révocation est décidée sans justes motifs, elle peut donner lieu à des dommages-intérêts'.
Mais ce texte est propre aux sociétés anonymes et son application est expressément exclue, par l'article L 227-1 du code de commerce, aux sociétés par actions simplifiées, dont les statuts régissent seuls les conditions dans lesquelles la société est dirigée et, le cas échéant, les conditions de révocation de ses dirigeants ou autres membres de ses instances statutaires.
Or, en l'espèce, l'article 11 des statuts de la société Ramsay Santé dispose que les membres du comité de direction sont révoqués ad nutum, sans justification, indemnité ni préavis, de sorte que les moyens tirés de l'absence de juste motif sont inopérants.
Seule serait fautive une révocation intervenue dans des conditions brutales, au mépris de l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation ou accompagnée de circonstances vexatoires.
M. [B] n'invoque à ce dernier titre aucune circonstance propre à caractériser le caractère brutal ou vexatoire de sa révocation se bornant à souligner les conséquences de la décision elle-même sur son parcours professionnel ou sur sa santé. Il sera en particulier souligné que le grief fait à la société d'avoir sollicité 'beaucoup de monde' à produire des attestations contre lui n'est étayé par aucune pièce, une seule attestation étant versée aux débats, émanant d'un membre du conseil de surveillance indiquant que M. [B] avait refusé de souscrire à une augmentation de capital, laquelle est étrangère aux circonstances de la révocation pour n'avoir été produite par la société Ramsay Santé que lors de l'engagement de l'instance au titre du libre exercice du droit de se défendre et se trouve au demeurant exempte de toute atteinte à l'honneur ou à la considération de l'intéressé.
Aussi, le jugement sera-t-il confirmé en toutes ses dispositions en ce qu'il a débouté M. [B] de ses demandes.
Il le sera encore en ses dispositions sur les demandes d'indemnité au titre des frais irrépétibles, dont l'équité ne commande pas plus de faire application en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré,
Rejette toute autre demande,
Condamne M. [B] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente