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03/12/2013 | FRANCE | N°12/04453

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 03 décembre 2013, 12/04453


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 03 DECEMBRE 2013



(n° 340, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/04453



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Février 2012 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2007068313.



APPELANTS



Monsieur [D] [T]

[Adresse 3]

[Localité 1].



Madame [Q] [T]

[Adresse 3]

[Loca

lité 1].



Monsieur [C] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2].



La Société ASSUR VOYAGE SA en liquidation amiable dont le siège social est sis à [Adresse 2], domiciliée chez ' EUROPEAN BUSINESS CENTER SA' ...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 03 DECEMBRE 2013

(n° 340, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/04453

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Février 2012 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2007068313.

APPELANTS

Monsieur [D] [T]

[Adresse 3]

[Localité 1].

Madame [Q] [T]

[Adresse 3]

[Localité 1].

Monsieur [C] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2].

La Société ASSUR VOYAGE SA en liquidation amiable dont le siège social est sis à [Adresse 2], domiciliée chez ' EUROPEAN BUSINESS CENTER SA' représentée par Mr [D] [T], liquidateur amiable..

Représentés par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L0020.

INTIMEE

Société VMK ASSUR NV anciennement dénommée ARTAS NV, Société de droit belge, dont le siège social est, [Adresse 4]), ladite société agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Représentée par Me Rémi PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque J142.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, entendue en son rapport

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Joëlle BOREL

ARRET :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Joëlle BOREL, greffière présente lors du prononcé.

La SA ASSUR VOYAGE, fondée en 1995 par Monsieur [D] [T], est une société de courtage d'assurance qui distribue et gère des produits d'assurances spécialisés dans les risques du tourisme et plus généralement dans les garanties liées aux déplacements à l'étranger. Elle a pour clients des agences de voyage et des tours opérateurs.

La SA ARTAS, maintenant dénommée VMK ASSUR NV, est une société de droit belge d'assurances, spécialisée dans les garanties liées aux voyages à l'étranger qui réalise, notamment sur le territoire français, des opérations d'assurances.

Le 29 décembre 1999, la SA ARTAS entre au capital de la SA ASSUR VOYAGE pour 25% , avec option pour 25% supplémentaires. Le même jour, un accord d'actionnaire est signé entre Monsieur [D] [T] et la SA ARTAS.

Le 18 septembre 2002, les sociétés ARTAS et ASSUR VOYAGE signent un accord de coopération fixant les modalités de la vente et de la gestion, par ASSUR VOYAGE, des produits d'assurance ARTAS en France.

Par avenant à l'accord d'actionnaires du 29 septembre 1999, en date du 18 septembre 2002 , la société ARTAS et Monsieur [D] [T] , se portant fort pour ASSUR VOYAGE, conviennent qu'ARTAS fournira à ASSUR VOYAGE une assistance technique en marketing et management moyennant une rémunération annuelle de

40 000 €.

Le 21 octobre 2002, Monsieur [Z] [H] est engagé par ASSUR VOYAGE en qualité de directeur commercial.

Le 4 février 2004 Messieurs [H] et [D] [T] constituent une autre société de courtage d'assurance , la société ASSUR TRAVEL et le 15 février 2004, la société ASSUR VOYAGE représentée par Monsieur [T] signe avec la société ASSUR TRAVEL un protocole destiné à définir les modalités financières des relations entre les deux sociétés dans le cadre de la distribution des produits d'assurances ARTAS.

En 2005, Monsieur [D] [T] cède à Monsieur [Z] [H] 1750 actions d'ASSUR VOYAGE ; Monsieur [T] et sa famille détiennent alors 40% du capital D'ASSUR VOYAGE tandis qu'ARTAS et l'autre société de son groupe , SUN ASSISTANCE INVEST, en détiennent 50 % et monsieur [H] 10%.

Monsieur [T] considère que Monsieur [H] a contracté avec lui un pacte d'actionnaire le 1er septembre 2005 dont Monsieur [H] conteste être le signataire. Il dépose une plainte pour faux qui aboutira à un non lieu.

Le 3 janvier 2006, la société ARTAS confie à la société ASSUR TRAVEL la distribution exclusive en France des produits risque santé des français en France, risques santé expatriés et risques IARD.

En juin 2006 Monsieur [H] qui a démissionné d'ASSUR VOYAGE saisit le conseil des prud'hommes de Lannoy en demandant la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le 30 juin 2006, l'assemblée générale d'ASSUR VOYAGE nomme Monsieur [H] membre de son conseil de surveillance qui le même jour le nomme Président du conseil de surveillance . Monsieur [Y] [O] est nommée président du directoire et Madame [E] [N], membre du directoire avec le titre de directeur général. Monsieur [T] quitte son poste de direction.

Suivant protocole du 6 juin 2007, les sociétés ARTAS et SUN ASSISTANCE INVEST cèdent à Monsieur [D] [T] les 8750 actions leur appartenant dans le capital d'ASSUR VOYAGE.

Se plaignant de ce que la société ARTAS aurait volontairement méconnu les dispositions du contrat dans le cadre d'un détournement systématisé de la clientèle et des commissions et qu'elle aurait engagé sa responsabilité en raison des fautes et négligences commises dans sa gestion de fait à la suite de la prise de pouvoir illicite dans la société ASSUR VOYAGE, celle-ci a assigné la société ARTAS devant le tribunal de commerce de PARIS en paiement d'une somme de 1 191 315 € à titre de dommages et intérêts d'une part et de 456 760 € d'autre part correspondant aux conséquences financières des fautes commises pendant sa gestion de fait d'ASSUR VOYAGE.

Le tribunal de commerce de PARIS s'est déclaré compétent par jugement du 14 avril 2009, confirmé par arrêt de la Cour de PARIS , le pourvoi étant rejeté par arrêt de la Cour de Cassation du 8 juillet 2010.

Par arrêt du 16 février 2011, la Cour d'appel de DOUAI a dit que le tribunal de commerce de LILLE n'était pas compétent pour connaître des demandes formées par la société ARTAS devenue VMK ASSUR NVcontre la société ASSUR VOYAGE et les consorts [T] en leur qualité d'ancien dirigeants de droit et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de PARIS.

Par jugement rendu le 14 février 2012, cette juridiction a débouté la société ASSUR VOYAGE de l'ensemble de ses demandes au titre des responsabilités contractuelle et délictuelle de la société VMK ASSUR NV, anciennement dénommée ARTAS NV et de sa demande d'annulation de l'accord du 18 septembre 2002 concernant l'assistance technique, dit que la société VMK ASSUR était fondée à mettre fin aux accords de gestion par lettre du 20 mars 2008, déboutant la société ASSUR VOYAGE de ses demandes à ce titre, condamné avec exécution provisoire la société ASSUR VOYAGE au paiement de la somme de 271.443,82 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2008, et ce avec anatocisme, débouté la société VMK ASSUR de sa demande de dommages-intérêts et de ses demandes à l'égard des dirigeants de la société ASSUR VOYAGE, condamné cette dernière à payer à la société VMK ASSUR la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration du 8 mars 2012, la société ASSUR VOYAGE représentée par son liquidateur amiable, Monsieur [D] [T] et les consorts [T] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions, signifiées le 9 août 2012, ils poursuivent l'infirmation du jugement entrepris et demandent à la Cour de dire que l'accord de coopération du 18 septembre 2002 comprenait expressément, au profit de la société ASSUR VOYAGE, une exclusivité de distribution des produits de VMK ASSUR NVsur le territoire français, qui se déduit également des dispositions des droits français et européens et des autres documents produits aux débats, et en conséquence, condamner la société VMK ASSUR NV, au titre de la violation de cette obligation d'exclusivité, subsidiairement, des fautes et du manquement à la bonne foi qu'elle aurait commis et très subsidiairement, des manquements à ses obligations légales de droit français et européen sur les modalités de distribution des produits d'assurance sur le territoire français, à lui verser les sommes suivantes :

1.524.946 euros et 1.906.182, 50 euros à titre de dommages-intérêts pour les commissions détournées dans le cadre du contrat SOGEPAM respectivement au titre de l'année 2006 et de la période du 1er janvier 2007au le 31 mars 2008 ;

75.473 euros à titre de dommages-intérêts pour les commissions détournées dans le cadre des contrats « expatriés » au titre de l'année 2006, la même somme au titre de l'année 2007 et celle de 18.868 euros au titre du premier trimestre 2008 ;

220.910 euros à titre de dommages-intérêts pour les salaires, charges et frais somptuaires de Monsieur [H] supportés par ASSUR VOYAGE.

Ils sollicitent, en outre, la condamnation de la société VMK ASSUR NV à verser à la société ASSUR VOYAGE la somme de 1.524.946 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale et fautive de l'accord de coopération du 18 septembre 2002, exercée sans respecter le préavis stipulé au contrat, celle de 250.000 euros correspondant aux sommes versées par la société ASSUR VOYAGE au cours de la période s'étendant de l'année 2002 au 31 mars 2008, au titre du contrat d'assistance technique, dont la nullité est demandée sur le fondement de l'illicéité de la cause, ainsi que le versement de dommages-intérêts correspondant à 10% du total des condamnations qui seront prononcées contre elle dans la décision à intervenir, à l'exception des frais irrépétibles et des dépens, pour attitude dilatoire et abusive.

Sur les demandes de VMK ASSUR dirigées à l'encontre d'ASSUR VOYAGE ils demandent à la Cour de dire et juger qu'il sera déduit de toute créance éventuelle de VMK au titre des comptes de gestion, la somme de 505.185,86 euros.

Sur celles dirigées à l'encontre des consorts [T], ils concluent au débouté de la société VMK ASSUR et à la confirmation du jugement entrepris.

A titre reconventionnel et au titre de l'action sociale ut singuli, les consorts [T], es-qualité d'anciens actionnaires, demandent à la Cour de condamner la société VMK ASSUR, au titre de la prise de pouvoir illicite et violente qu'elle aurait commise lors de l'assemblée générale de la société ASSUR VOYAGE du 30 juin 2006 et des actes subséquents , à verser à cette société, les sommes suivantes :

600.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses agissements préparatoires et concomitants à cette assemblée générale,

115.110 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du coût relatif aux frais de recrutement à l'exécution des contrats de travail de Messieurs [X] et [I],

263.311,63 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des conséquences judiciaires ou transactionnelles du plan social,

85.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les frais et honoraires d'assistance juridique exposés à l'occasion de ces procédures judiciaires et transactionnelles,

128.378 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la condamnation d'ASSUR VOYAGE envers EUROP ASSISTANCE, outre celle de 50.000 de dommages-intérêts relatifs aux dépenses induites pour la défense en justice et la gestion du contentieux avec EUROP ASSISTANCE.

En toutes hypothèses, ils sollicitent que soit ordonnée la compensation entre l'éventuelle créance que détiendrait la société VMK ASSUR et les dommages-intérêts auxquels elle serait condamnée, à l'égard d'ASSUR VOYAGE, ainsi que la condamnation de la société VMK ASSUR à leur verser la somme de 75.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Par dernières conclusions, signifiées le 26 novembre 2012, la société VMK ASSUR NV demande, sous divers constats, de débouter la société ASSUR VOYAGE de sa demande de réparation fondée sur une prétendue violation d'une obligation d'exclusivité, la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour rupture fautive sans préavis de l'accord de coopération, la débouter de sa demande en paiement pour annulation de l'accord portant sur l'assistance technique, la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour attitude dilatoire.

Formant appel incident, elle demande à la Cour de condamner la société ASSUR VOYAGE au paiement en deniers ou quittances de la somme en principal de 703.208,46 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des différentes factures impayées et anatocisme, juger que la société ASSUR VOYAGE a gravement manqué à ses obligations contractuelles, la condamner au paiement de la somme provisionnelle de 1.000.000 euros à titre de dommages-intérêts et de désigner un expert afin de chiffrer l'intégralité du préjudice subi par elle, juger que Messieurs [D] [T], [C] [T] et Madame [S] ont commis des fautes d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de leurs fonctions sociales et qu'ils ont engagé leur responsabilité personnelle, les condamner in solidum au paiement de la somme en principal de 792.902,34 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des différentes factures impayées, sans préjudice des sommes qui seront devenues exigibles à la date du jugement à intervenir, au titre du préjudice subi par elle à raison de la dette impayée par la société ASSUR VOYAGE, outre celle de 1.000.000 euros à titre de dommages-intérêts et de désigner expert afin de chiffrer l'intégralité du préjudice subi par la société ARTAS, ordonner la capitalisation des intérêts.

Sur la demande reconventionnelle des consorts [T] au titre de l'action sociale ut singuli, ils demandent à la Cour de déclarer les consorts [T] irrecevables en leur demande comme nouvelle en cause d'appel, de dire que cette action est prescrite, subsidiairement, juger l'action mal dirigée à l'encontre de la société ARTAS, laquelle n'a pas la qualité de dirigeante de la société ASSUR VOYAGE, et sous divers constats de débouter les consorts [T] de toute demande de ce chef que les consorts [T], en tout état de cause, condamner in solidum la société ASSUR VOYAGE, Messieurs [D] et [C] [T] et Madame [S] au paiement de la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

A - Sur les demandes d' ASSUR VOYAGE à l'encontre de la Société VMK NV

I - Sur les demandes d'ASSUR VOYAGE fondées sur la violation de l'accord de distribution

Considérant que l'article 2 de l'accord de coopération du 18 septembre 2002 stipule que 'Assur Voyage propose en France les produits d'Artas NV stipulé dans l'art.1.point 1.2... La sa Assur Voyage s'engage à n'offrir en France aucun autre produit d'assurance de voyage d'une quelconque compagnie que celles qui sont commercialisés

par Artas s.a en France.' que l'article 2.5 de l'accord précise que 'dans le cas où la s.a Assur Voyage ne respecte pas la clause d'exclusivité et ceci sans l'accord préalable, obtenu comme décrit dans le par.2.4, la s.a. Assur Voyage est tenu à payer une indemnité de 40% de la moyenne annuelle des commissions reçu de la s.a Artas des trois dernières années..'

Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que ces stipulations contractuelles ne conféraient une obligation d'exclusivité qu'à la charge de la société ASSUR VOYAGE à l'égard de la société ARTAS et qu'il n'existait pas dans le contrat de clause permettant de déduire l'existence d'une obligation de réciprocité à la charge de cette dernière, la mention figurant en préalable de la convention selon laquelle 'Artas NV a crée une succursale en France et c'est avec cette succursale qu'Assur Voyage travaillera' , même éclairée par le fait que Monsieur [T] avait été désigné comme dirigeant de la succursale ,ne définissant que les modalités de la relation contractuelle sans y introduire une obligation d'exclusivité à la charge D'ARTAS ;

Considérant qu'il ne peut être déduit du protocole du 15 février 2004 conclu entre ASSUR TRAVEL et ASSUR VOYAGE la preuve d'une exclusivité à la charge d'ARTAS dés lors que la clause figurant dans cet acte ,aux termes de laquelle 'Assur Travel s'engage à apporter à ARTAS via ASSUR VOYAGE, la totalité de sa production, dans les risques qu'ARTAS pratique en France' ne confère d'obligation d'exclusivité qu'à la charge d'ASSUR TRAVEL ;

Considérant qu'outre le fait qu'il n'est pas établi que la société ARTAS ait fait

l'objet de sanctions administratives ou pénales, la société ASSUR VOYAGE ne rapporte pas la preuve que les modalités légales selon lesquelles la société ARTAS devait exercer son activité transfrontalière de prestations d'assurances, étaient de nature à prouver ou à créer à la charge de cette dernière une obligation d'exclusivité à son profit ;

Considérant que c'est par de justes motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont retenu que les arrêts de la Cour d'appel de Paris du 4 juin 2009, de la Cour de cassation du 8 juillet 2010 et de la Cour d'appel de Douai du 22 septembre 2011 ne contenaient pas de dispositions pouvant avoir autorité de la chose jugée sur l'existence d'une obligation réciproque d'exclusivité, alors que le litige tranché dans ces décisions ne portait pas sur l'existence de l'obligation d'exclusivité et que les décisions sur la compétence n'ont pas nécessité que soit tranchée au préalable et dans le dispositif de la décision de la Cour d'appel de PARIS du 4 juin 2009 la question de l'existence d'une obligation réciproque d'exclusivité ;

Considérant en conséquence qu'alors qu'elle ne peut se prévaloir de l'existence d'une exclusivité de distribution à son profit des produits ARTAS en France , la société ASSUR VOYAGE ne peut arguer d'un préjudice du fait de la conclusion directe de contrats entre ARTAS et ASSUR TRAVEL d'une part et ASSUR LINES d'autre part ;

Considérant qu'alors que la société ASSUR VOYAGE n'établit pas plus, qu'en contractant avec ces sociétés, en dehors de toute notion d'exclusivité , ARTAS aurait commis une faute contractuelle à son égard et aurait manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution de l'accord de coopération, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté la société ASSUR VOYAGE de l'ensemble de ses demandes fondées sur la responsabilité contractuelle de la société ARTAS devenue VMK ASSUR NV ;

II - Sur la responsabilité délictuelle de VMK ASSUR NV

Considérant qu'outre le fait qu'il n'est pas démontré que la société VMK ASSUR NV ait fait l'objet de sanctions administratives après mise en demeure ou de poursuites pénales , la société ASSUR VOYAGE ne justifie d'aucun préjudice direct pouvant résulter d'une éventuelle infraction aux règles d'exercice de l'activité transfrontalière des prestations d'assurances alors qu'en l'absence de clause d'exclusivité à sa charge, la société VMK ASSUR NV n'avait pas l'obligation de réserver ses relations contractuelles à ASSUR VOYAGE ;

III - Sur la rupture de l'accord de coopération

Considérant que par lettre du 3 mars 2008 , la société ARTAS a mis en demeure la société ASSUR VOYAGE de régler la somme de 222 429,10 € au titre du solde de sa dette exigible, présenter une garantie bancaire couvrant l'intégralité de l'encours , communiquer le rapport du directoire, le rapport du conseil de surveillance , les comptes annuels de l'exercice clos le 31 décembre 2006, le protocole de cession du portefeuille conclu avec la société TMS, un état certifié des primes recouvertes et primes payées et la justification de son immatriculation au registre des intermédiaires en assurance, que par lettre du 21 mars 2008, la société ASSUR VOYAGE contestait le solde exigible , indiquait que l'actif net inférieur à la moitié du capital avait été publié , que la demande 2008 avait été faite au registre des intermédiaires d'assurance et exposait que pour les documents sollicités, le juge des référé avait rejeté les prétentions à ce sujet ;

Mais considérant qu'alors que la société ASSUR VOYAGE avait l'obligation, en application de l'accord de coopération du 18 septembre 2002, de communiquer tous les mois le montant des primes recouvertes et des primes payées et de verser les primes hors commission, le non paiement des primes, alors qu'avant la mise en demeure elle avait été condamnée par ordonnance de référé exécutoire par provision au paiement d'une somme de plus de 166 000 € , non payée au moment de la mise en demeure et fût ce de manière erronée sur le montant précis de la somme qui correspondait à la participation d'ASSUR VOYAGE au bénéfice d'ARTAS, mais qui sera portée à la somme de 200 000 € au titres des primes impayées par la Cour d'appel de Douai dans son arrêt du 22 septembre 2011 et l'absence de production de l'état des primes recouvertes et des primes payées, après la mise en demeure, constituaient des manquements suffisamment graves aux obligations essentielles du contrat pour constituer un obstacle majeur à la poursuite des relations contractuelles dans des conditions de loyauté suffisante et pour justifier qu'il soit unilatéralement mis fin à l'accord de coopération sans respect du délai de préavis contractuellement prévu, ainsi que la société ARTAS, devenue VMK ASSUR NV, l'a fait par lettre recommandée du 20 mars 2008 ;

Considérant que c'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont débouté la société ASSUR VOYAGE de sa demande de dommages et intérêts en réparation de la rupture du contrat sans préavis alors qu'il n'est nullement établi par ailleurs que la rupture sans préavis procédait d'une intention de nuire ou était susceptible de générer un risque de non couverture des risques des assurés par la société ARTAS , devenue VMK ASSUR NV, qui ne conteste pas que la rupture du contrat de distribution n'affecte pas les droits des assurés;

IV- Sur le contrat d'assistance technique

Considérant que ce contrat a été conclu entre les parties le 18 septembre 2002 ce qui constitue le point de départ de la prescription invoquée par la société VMK ASSUR NV puisqu'il n'est pas contestable que la société ASSUR VOYAGE ait eu connaissance à cette date des causes de nullité qu'elle invoque ;

Considérant que les dispositions de l'article L 110-4 du code de commerce en sa rédaction antérieure à la loi 2008-561 du 17 juin 2008 édictaient une prescription de dix ans, qui n'était pas acquise au jour de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ;

Considérant que l'article 26-II de la loi du 17 juin 2008 dispose que les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent à compter du jour de l'entrée en vigueur de celle-ci, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Considérant en conséquence que la prescription qui expirait le 18 septembre 2012 en application de l'article 26-II sus visé, n'était pas acquise lorsque la société ASSUR VOYAGE a saisi le tribunal de commerce de son action en nullité le 7 septembre 2007 ;

Considérant au fond que le seul fait que l'acte prévoit l'annulation des articles 4 et 6 de l'accord d'actionnaires du 29 décembre 1999 est insuffisant pour établir que la signature de l'accord prévoyant une assistance technique en marketing et management, qu'ASSUR VOYAGE a signé le 18 septembre 2002 et qu'elle a exécuté, aurait été obtenue au moyen d'un chantage , pour contourner la limitation du dividende pouvant être versé à un actionnaire selon la loi française sur les sociétés commerciales et ses statuts de société anonyme à directoire et conseil de surveillance et que le paiement stipulé ne correspondrait pas à l'assistance prévue, qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes à ce titre ;

V - Sur la demande de dommages et intérêts d'ASSUR VOYAGE

Considérant qu'il n'est pas établi que le fait pour la société VMK ASSUR NV d'avoir invoqué le caractère fictif du siège social ou d'avoir sollicité des délais pour conclure dans une procédure complexe dans laquelle son adversaire développait une argumentation riche, ou d'avoir sollicité une expertise, même s'il n'est pas fait droit à celle-ci, ait excédé l'exercice normal du droit d'agir en justice, que la société ASSUR VOYAGE, qui par ailleurs succombe en la quasi totalité de ses demandes, ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive de l'intimée ;

B - Sur les demandes de la société VMK ASSUR NV

1 - Sur la créance contractuelle

Considérant qu'alors que les variations de la créance de la société VMK ASSUR NV s'expliquent par les modalités de facturation et les ajustements tenant aux paiements des primes et des sinistres , il apparaît que le montant de la créance de VMK est justifié par l'attestation du cabinet de Réviseurs d'Entreprise DELOITTE du 9 mars 2010 qui établit que le solde du compte primes- sinistre d'ASSUR VOYAGE envers ARTAS s'élève à la somme de 703 208,46 € qui n'est pas utilement contestée par l'appelante qui fait état de déductions devant être faites ;

Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont déduit de cette somme celle de 258 409,37 € correspondant aux primes que la société TMS devait verser , pour la période d'octobre à décembre 2007 directement à la Société ARTAS, devenue VMK ASSUR NV, qui ne conteste, pas plus devant la cour qu'en première instance, ni le principe de la déduction ni son montant ;

Considérant que la somme de 7032,02 € correspondant à des sinistres postérieurs au 1er octobre 2007 , date d'effet de la cession d'une partie du portefeuille d'ASSUR VOYAGE à la société TMS, et afférents à la gestion de TMS CONTACT , doit également être déduite ;

Considérant que la somme de 166 323,25 € dont il n'est pas contestée qu'elle ait été payée doit également être déduite , que par contre qu'il n'y a pas lieu de procéder aux autres déductions sollicitées par ASSUR VOYAGE du fait du rejet de la demande de nullité du contrat d'assistance technique, l'action ut singuli présentée par voie de demande de reconventionnelle étant examinée ci-après, que c'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont condamné ASSUR VOYAGE au paiement de la somme de 271 443,82 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2008, date de la mise en demeure et capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

2 - Sur la demande de dommages et intérêts de VMK ASSUR VN à l'encontre d' ASSUR VOYAGE

Considérant qu'il n'est pas établi que la société VMK ASSUR VN ait subi du fait de la résolution unilatérale de l'accord de gestion aux torts exclusifs de la société ASSUR VOYAGE un préjudice financier distinct de celui qui sera réparé par l'allocation des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure , que la décision des premiers juges qui l'ont déboutée de sa demande de dommages et intérêts sera confirmée sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise ;

3 - Sur les demandes de la société VMK ASSUR VN à l'encontre des consorts [T], dirigeants de la société ASSUR VOYAGE

Considérant qu'outre le fait que la société VMK ASSUR NV ne peut se prévaloir d'un éventuel transfert fictif du siège social d'ASSUR VOYAGE alors qu'elle n'a pas établi le grief que lui aurait causé cette situation, qu'il est justifié que les comptes sociaux 2008 et 2010 ont été déposés, qu'il n'est pas démontré qu'ASSUR VOYAGE ne pouvait céder une partie de son portefeuille sans consulter au préalable ARTAS qui ne peut en toute hypothèse arguer d'un préjudice puisqu'elle a signé un accord de gestion à effet du 1er octobre 2007 avec TMS contact, que VMK ASSUR NV ne peut reprocher aux consorts [T] un défaut d'immatriculation au registre des intermédiaires d'assurances alors qu'au moment de l'entrée en vigueur de la loi, les consorts [T] n'étaient pas à la tête des organes de direction d'ASSUR VOYAGE , la société VMK ASSUR NV ne démontre pas que les différents manquements qu'elle impute aux consorts [T] en leur qualité de dirigeants d'ASSUR VOYAGE constitueraient des agissements intentionnels d'une particulière gravité et et incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales ;

Considérant qu'alors que le seul fait pour la société VMK ASSUR NV d'avoir été contrainte à procéder à des mesures d'exécution pour recouvrer sa créance provisionnelle n'établit pas que la société ASSUR VOYAGE aurait organisé son insolvabilité puisque la somme de 166 323,25 € a été perçue , qu'il n'est pas établi que la société ASSUR VOYAGE aurait été ou serait en état de cessation des paiements, la société VMK ASSUR NV ne rapporte pas la preuve que les dirigeants de la société ASSUR VOYAGE auraient, à ce titre, commis des agissements intentionnels d'une particulière gravité incompatibles avec l'exercice normal de leurs fonctions sociales ;

Considérant que si la cour a considéré que la société ASSUR VOYAGE a commis des fautes suffisamment graves pour justifier la résolution unilatérale et sans prévis de l'accord de coopération pour ne pas avoir réglé les primes selon les modalités contractuelles, ne pas avoir payé la provision mise à sa charge par une ordonnance de référé exécutoire par provision et ne pas avoir communiqué le montant des primes recouvertes et des primes payées comme elle en avait l'obligation, ces fautes ne peuvent toutefois pas engager la responsabilité personnelle de Monsieur [D] [T], directeur général, Monsieur [C] [T], président du conseil de surveillance et Madame [S], membre du conseil de surveillance de la société ASSUR VOYAGE, sur le fondement des articles L 225-251 et L 225-257 du code de commerce, car elles ne constituent pas, de leur part, des agissements intentionnels d'une particulière gravité incompatibles avec l'exercice normal de leurs fonctions sociales ;

Considérant que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société VMK ASSUR VN de ses demandes à l'égard des consorts [T] -[S];

C - Sur l'action sociale des consorts [T] sur le fondement de l'article 225-252 du code de commerce à l'encontre de VMK NV

Considérant que présentée à titre reconventionnel et présentant un lien suffisant avec les prétentions originaires, l'action sociale des consorts [T] est recevable sur le fondement de l'article 567 du code de procédure civile ;

Considérant par contre qu' alors que l'action sociale se prescrit , selon les dispositions de l'article L 225-254 du code de commerce, par trois ans à compter du fait dommageable et que les faits dommageables dont les consorts [T] font état se sont déroulés entre le 30 juin 2006 et le mois de juin 2007, l'action intentée par conclusions signifiées le 9 août 2012 est irrecevable comme étant prescrite ;

D - Sur les frais irrépétibles

Considérant qu'il y a lieu d'allouer à la société VMK ASSUR NV la somme de 3000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare Monsieur [D] [T], Madame [Q] [S] épouse [T] et Monsieur [C] [T] irrecevables en leurs demandes comme étant prescrites à l'encontre de la société VMK ASSUR NV.

Condamne la SA ASSUR VOYAGE à payer à la société VMK ASSUR NV la somme de 3000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Condamne la SA ASSUR VOYAGE aux entiers dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 12/04453
Date de la décision : 03/12/2013

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°12/04453 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-03;12.04453 ?
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