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21/11/2013 | FRANCE | N°11/11919

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 21 novembre 2013, 11/11919


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 21 Novembre 2013

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11919 - CM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section encadrement RG n° 10/03076



APPELANT

Monsieur [D] [F] dit [K]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté d

e M. Alban SCAMORRI, délégué syndical



INTIMEE

SA ASSURANCE FRANCE GENERALI

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Antoine SAPPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 21 Novembre 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11919 - CM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section encadrement RG n° 10/03076

APPELANT

Monsieur [D] [F] dit [K]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de M. Alban SCAMORRI, délégué syndical

INTIMEE

SA ASSURANCE FRANCE GENERALI

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Antoine SAPPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substitué par Me Audrey BELMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

[D] [F] dit [K] a été engagé par la société d'assurances Le Continent aux droits de laquelle se trouve désormais la S.A assurance France Generali, en qualité d'aide-comptable, selon un contrat de travail à durée indéterminée.

Après avoir obtenu une licence professionnelle d'assurance et après la fusion entre les sociétés.

Le continent, Generali et Zurich, [D] [F] dit [K] a occupé un poste de chargé d'opération d'assurances, emploi de chargé de sinistres spécifiques, classe 5 statut cadre.

La relation de travail est régie par la convention collective nationale des assurances.

Le 10 avril 2008, [D] [F] dit [K] a sollicité un examen de sa situation sur le fondement de l'accord collectif relatif à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes du 22 décembre 2006, estimant qu'il percevait un salaire inférieur à celui des ses autres collègues occupant la même fonction que lui.

Le 26 mai suivant, l'employeur lui a répondu que sa demande ne relevait pas de cet accord.

Le 1er juin 2008, [D] [F] dit [K] a été affecté au service Transactions Irca par téléphone, puis au cours de la même année, au service déclarations et gestion corporels au sein de la direction de l'indemnisation, fonction qu'il occupe toujours.

Invoquant de nouveau une différence de traitement avec ses collègues de travail, [D] [F] dit [K] a de nouveau saisi l'employeur d'une réclamation.

La direction des ressources humaines après l'avoir reçu l'a informé de ce que la S.A assurance France Generali refusait de faire droit à sa demande.

C'est dans ces conditions que le 3 septembre 2010, [D] [F] dit [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, sollicitant un rappel de salaire sur cinq ans, des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la S.A assurance France Generali concluant à titre principal au débouté du salarié, à sa condamnation au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à titre subsidiaire, à la limitation du montant des rappels de salaires et dommages-intérêts.

Par jugement en date du 29 septembre 2011, le conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté [D] [F] dit [K] de l'ensemble de ses demandes et la S.A assurance France Generali de sa demande relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Appelant de cette décision, [D] [F] dit [K] demande à la cour de :

- dire qu'il y a eu discrimination salariale

- fixer sa rémunération à 35 532 € au 1er janvier 2010

- condamner la S.A assurance France Generali à lui payer les sommes de :

' 25 218,60 € de rappel de salaires (5 années),

' 25 000 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ou discrimination salariale,

' 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A assurance France Generali sollicite à titre principal la confirmation du jugement déféré, le débouté de [D] [F] dit [K] et sa condamnation au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire elle demande à la cour de limiter le rappel de salaires au titre des années 2006 à 2010 à la somme de 17 843 € bruts et les congés payés afférents à 1 784,30 € bruts, de limiter la demande de dommages-intérêts à de plus justes proportions, et en tout état de cause, de rejeter la demande de fixation du salaire de [D] [F] dit [K] à la somme de 35 532 € bruts au 1er janvier 2011.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

MOTIVATION :

Il résulte du principe «à travail égal, salaire égal», dont s'inspirent les articles L. 1242-14, L. 1242-15, L. 2261-22. 9, L.2271-1.8°, et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L. 3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l'article 1315 du Code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe «à travail égal, salaire égal» de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il existe des raisons objectives à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale dont il revient au juge de contrôler la réalité et la pertinence.

[D] [F] dit [K] expose que malgré tous ses efforts de formation, de compétence et de qualité, son ancienneté (33 ans) il constate que sa rémunération n'est pas à la hauteur de ses collègues, voire même de la moyenne de sa catégorie cadre de chargé d'opérations d'assurances.

Pour étayer ses affirmations, il produit notamment :

- les bulletins de salaires du 31 décembre 2006 à 2010 de deux collègues de travail ayant la même fonction, une ancienneté moindre dans la fonction, et percevant une rémunération supérieure à la sienne,

- un tableau établi à partir des données sur les salaires communiquées par l'employeur dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire.

[D] [F] dit [K] établit ainsi l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une inégalité de traitement.

La S.A assurance France Generali fait valoir que la comparaison entre son salaire et le salaire du 1er quartile de la classe n'est pas pertinente comme étant déconnectée de la fonction et du poste occupé et donc de la notion «à travail égal, salaire égal», que la classe V recouvre une grande diversité de fonctions, différentes les unes des autres et ne pouvant être comparées, que [D] [F] dit [K] âgé de 54 ans, ayant une ancienneté de 34 ans, titulaire d'un diplôme de niveau Bas + 3, percevait un salaire théorique de 30 635 €, que :

- dans la direction de l'indemnisation dans laquelle il est affecté : 27 chargés d'opérations d'assurances sont dans la même tranche de rémunération pour un âge, une ancienneté et un niveau de diplôme équivalent, 10 ont une rémunération comparable, un a une rémunération inférieure pour un diplôme supérieur,

- dans l'entreprise : 65 chargés d'opérations d'assurances sont dans la même tranche de rémunération pour un âge, une ancienneté et un niveau de diplôme équivalent, 53 ont une rémunération comparable, un a une rémunération inférieure pour un diplôme supérieur, 4 ont une rémunération inférieure malgré un age, une ancienneté et un diplôme supérieur.

Elle produit à cet effet les données statistiques relatives aux salaires annuels et théoriques moyens par classe et famille métiers des cadres ainsi qu'un tableau comparatif de la situation de [D] [F] dit [K] tenant compte de l'ancienneté, de la tranche d'âge, du diplôme.

Ces pièces établies par référence à des moyennes nationales sans référence à des éléments de comparaison précis et individualisés ne suffisent pas à contredire celles versées aux débats par [D] [F] dit [K] et notamment le tableau suivant, établi selon les bulletins de paie des intéressés :

[D] [F] dit [K]

[L] [B]

[G] [A]

traitement mensuel de base

ancienneté 1/5/1977

ancienneté 1/1/1982

ancienneté 1/4/1975

décembre 2006

2054,02

2506,67

2248,13

décembre 2007

2080,72

2629,33

2277,02

décembre 2008

2120,25

2694,58

2320,28

décembre 2009

2230,62

2749,00

2411,58

décembre 2010

2268,54

2804,06

2452,58

La S.A assurance France Generali n'apporte donc aucun élément permettant de justifier de la différence de traitement entre les trois salariés alors même que les deux collègues de [D] [F] dit [K] attestent tous deux occuper la fonction de chargé d'opérations d'assurances-emploi type-chargé de sinistres spécifiques classe V depuis le 1er juillet 2009 à la direction de l'indemnisation, que ce dernier a, quant à lui, été nommé chargé d'opérations d'assurances, chargé de sinistres spécifiques classe V le 22 juin 2005, après avoir obtenu en 2003 la licence professionnelle d'assurances, et que ses évaluations ne mettent pas en évidence une insuffisance professionnelle.

Il en résulte que la S.A assurance France Generali tenue d'assurer l'égalité de traitement entre les salariés occupant comme en l'espèce un travail de valeur égale, n'établit pas que la différence de rémunération constatée repose sur des critères objectifs.

Il convient donc, infirmant le jugement déféré, de faire droit à la demande de rappel de salaires de [D] [F] dit [K] dus au titre des années 2006 à 2010 et de retenir les modalités de calcul proposées par l'employeur, lui assurant un traitement correspondant à la différence entre son traitement et la moyenne des salaires hommes et femmes confondus du 1er quartile du tel que résultant des études comparatives de salaires en vigueur dans l'entreprise, représentant une somme totale de 17 843 € outre 1 784,30 € de congés payés afférents.

Sur la demande de dommages-intérêts :

La résistance de la S.A assurance France Generali aux justes demandes de [D] [F] dit [K] exprimées depuis plusieurs années lui a nécessairement occasionné un préjudice qui sera justifié par l'allocation de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de [D] [F] dit [K] auquel il sera alloué la somme de 1 500 € sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré

Statuant à nouveau

Condamne la S.A assurance France Generali à payer à [D] [F] dit [K] les sommes de :

- 17 843 € de rappels de salaires au titre des années 2006 à 2010

- 1 784,30 € de congés payés afférents.

- 3 000 € de dommages-intérêts

- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la S.A assurance France Generali aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/11919
Date de la décision : 21/11/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°11/11919 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-21;11.11919 ?
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