RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 14 Novembre 2013
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01853 - MEO
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Janvier 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section activités diverses RG n° 09/03962
APPELANTE
Madame [P] [O] épouse [I]
[Adresse 2]
ESC B
[Localité 2]
représentée par Me Séverine HOUARD-BREDON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392
INTIMEE
FONDATION HOSPITALIERE SAINTE MARIE venant aux droits de l'ARASSOC
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Fabienne NASICA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1887
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
Mme [O] épouse [I] a été embauchée par l'Arassoc aux droits de laquelle vient la Fondation hospitalière Sainte Marie, par contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 1er janvier 2003, en qualité d'aide-soignante. Son contrat est devenu à temps plein en juillet 2003. Sa rémunération brute mensuelle moyenne s'est élevée en dernier lieu à 1 314,32 €.
La Fondation compte plus de 10 salariés.
La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective des établissements privés d'hospitalisation à but non lucratif.
Convoquée le 18 décembre 2008 à un entretien préalable fixé au 29 décembre suivant, Mme [O] épouse [I] a été licenciée pour faute grave par courrier du 7 janvier 2009.
Contestant son licenciement, Mme [O] épouse [I] a saisi le conseil des Prud'Hommes de Bobigny d'une demande tendant en dernier lieu à obtenir le paiement des indemnités de rupture, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile, outre la remise des documents sociaux conformes sous astreinte, l'exécution provisoire. A titre reconventionnel, l'Arassoc a demandé le paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile.
Par décision en date du 20 janvier 2011, le conseil des Prud'Hommes a jugé bien fondé le licenciement de Mme [O] épouse [I] . Il l'a déboutée de toutes ses demandes et condamnée aux dépens. Il a, en outre débouté l'Arrassoc de sa demande reconventionnelle.
Mme [O] épouse [I] a fait appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation. Elle demande à la cour de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la Fondation Hospitalière Sainte-Marie venant aux droits de l'ARASSOC à lui payer les sommes suivantes, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la saisine :
- 3 273,24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 327,32 € au titre des congés payés afférents
- 1 963,95 € à titre d'indemnité légale de licenciement
- 9 819,72 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 2 392 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [O] épouse [I] demande, en outre la remise des documents sociaux conformes sous astreinte et la condamnation de la Fondation Hospitalière Sainte-Marie aux dépens.
L'employeur qui conclut à la confirmation du jugement déféré sollicite, en outre la condamnation de Mme [O] épouse [I] à lui payer la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 2 392 € en application de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 8 octobre 2013, reprises et complétées lors de l'audience.
MOTIVATION
- Sur la rupture
Tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse (art L 1232-1 du code du travail). La faute grave est définie comme un manquement du salarié à ses obligations tel que la rupture immédiate du contrat est justifiée. Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il invoque.
Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables. En outre, en application de l'article L 1232-4 du code du travail , aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuite pénale. Enfin, un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.
En application de l'article L 1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 7 janvier 2009 reproche à Mme [O] épouse [I] son absence injustifiée depuis le 1er décembre 2008 en précisant que ce comportement contrevient à son obligation d'adresser à son employeur tout arrêt de travail dans les 48 heures en application de l'article 16 du règlement intérieur.
En réponse, Mme [O] épouse [I], a, le 22 janvier suivant adressé à son employeur un courrier par lequel, expliquant les raisons de son absence, elle lui a demandé de « modifier votre décision. Dans le cas contraire, je me verrais dans l'obligation de saisir le tribunal compétent pour faire valoir mes droits. ».
Prenant en compte ces contestations, tout en maintenant ses griefs, la Fondation Hospitalière Sainte-Marie a, par courrier du 3 février 2009, annulé le licenciement prononcé et l'a transmué en avertissement. Par ce même courrier l'employeur a mis en demeure la salariée « d'adopter un comportement respectueux des règles et sans ambigüité » en exigeant d'elle que « tous vos arrêts de travail nous soient expressément adressés par courrier en RAR dans les 48 heures».
Il ressort de ce qui précède que la Fondation Hospitalière Sainte-Marie est revenue sur le licenciement prononcé, à la demande de la salariée.
Il s'ensuit que celle-ci ne pouvait plus valablement opposer à son employeur dans son courrier en réponse du 11 février 2009 que le licenciement ne pouvait être annulé sans « l'accord du salarié », précisant qu'elle n'entendait pas donner cet accord.
Il résulte, en revanche, de ce qui précède que l'employeur a pu valablement annuler le licenciement prononcé et le transmuer en avertissement, revenant à Mme [O] épouse [I] de contester le cas échéant cette sanction.
La cour relève qu'au lieu de cela, Mme [O] épouse [I] , dans son courrier précité du 11 février, a réclamé de son employeur qu'il lui fasse « une proposition »« qui devra nécessairement tenir compte de la modification de sanction ainsi que de ses conséquences ».
Rappelant qu'il revient au juge de qualifier les faits dont il est saisi, elle en déduit que le revirement de la salariée, qui après avoir sollicité la modification de la décision de l'employeur, non seulement la refuse, mais encore l'instrumentalise aux fins d'en obtenir un avantage, caractérise de sa part un manque de loyauté et, partant, sa mauvaise foi.
S'agissant plus particulièrement du motif de l'avertissement, il ressort des débats que la Fondation Hospitalière Sainte-Marie fait valoir avoir reçu de la part de la salariée seulement deux arrêts pour maladie l'un pour la période du 30 octobre au 23 novembre 2008 et l'autre pour la période du 18 novembre au 30 novembre 2008.
Et contrairement à ce que soutient Mme [O] épouse [I] , aucun élément produit aux débats n'établit que la Fondation Hospitalière Sainte-Marie a été destinataire de deux autres arrêts pour maladie, l'un pour la période du 23 octobre au 16 novembre 2008 et l'autre, pour la période du 13 novembre au 15 décembre 2008.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'association a reproché à sa salariée de ne pas, lui avoir, dans les 48 heures, justifié de son absence à compter du 1er décembre 2008.
Il s'ensuit que la sanction de l'avertissement prononcé pour ces faits apparaît proportionnée et justifiée au regard de la désorganisation causée dans le service par une absence non annoncée et encore moins justifiée.
Il résulte également de ce qui précède que la salariée a refusé de réintégrer son poste au motif que « vous êtes passé progressivement du doute permis au mensonge flagrant. Vous comprendrez que ces insinuations ne pouvaient qu'avoir une incidence négative sur ma décision de poursuivre avec vous les relations contractuelles ». Il est constant qu'elle n'a jamais repris son travail.
Cette prise de position de la part de la salariée, à défaut d'être exprimée dans des termes clairs et dénués de toute ambigüité, ne peut donc s'analyser en une démission, en application de l'article L1237-1 du code du travail. En revanche, compte-tenu des réserves exprimées à l'encontre de l'employeur elle caractérise une prise d'acte de la rupture.
Et en application de l'article L 1231-1 du code du travail, lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Les faits reprochés à l'employeur doivent être suffisamment graves pour que la prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture ne fixe pas les limites du litige.
En l'espèce, il ressort des débats que la salariée n'étaye en rien les suspicions de « mensonge flagrant » reproché à son employeur dans son courrier du 11 février 2009.
Il s'ensuit que la prise d'acte en cause s'analyse en une démission.
Cette situation prive Mme [O] épouse [I] de tout droit à revendiquer le paiement d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail.
Mme [O] épouse [I] ne peut donc qu'être déboutée de sa demande.
- Sur la demande reconventionnelle de la Fondation Hospitalière Sainte-Marie
Compte-tenu de ce qui précède et, en particulier de la mise en évidence de la mauvaise foi de Mme [O] épouse [I] , il convient de considérer abusive la procédure engagée par celle-ci à l'encontre de son employeur et de la condamner, compte-tenu du préjudice subi par la Fondation Hospitalière Sainte-Marie, selon les pièces produites aux débats, à lui payer la somme de 500 €.
Le jugement déféré est donc confirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la demande reconventionnelle de la Fondation Hospitalière Sainte-Marie.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme en toutes ses dispositons, sauf en ce qui concerne la demande reconventionnelle de la Fondation Hospitaliere Sainte Marie
L'infirme sur ce chef
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne Mme [O] épouse [I] à payer à la Fondation Hospitalière Sainte-Marie la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [O] épouse [I] à payer à la Fondation Hospitalière Sainte-Marie la somme de 1 000 €
La déboute de sa demande de ce chef
Condamne Mme Mme [O] épouse [I] aux dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,