Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRET DU 05 NOVEMBRE 2013
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/14409
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 10/082808
APPELANTE
SA GRANDS VINS [H] agissant poursuites et diligences de son représentant légal y domicilié en cette qualité
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Maître Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND - VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Assistée de Maître Ronan LE MOIGNE, avocat au barreau de BORDEAUX.
INTIMEE
SA INITIATIVE ET FINANCE GESTION agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Maître Alain FISSELIER de la SCP SCP FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Assistée de Maître Romuald COHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : J089
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Septembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente
Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère
Monsieur Joël BOYER, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Céline LITTERI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Céline LITTERI, greffière présente lors du prononcé.
La SA Grands Vins [H] est une holding créée en 1974 pour gérer et administrer les participations de la famille [H] dans de nombreuses sociétés ayant pour activité la fabrication et la commercialisation de vins sous diverses appellations et marques déposées.
La société Initiative & Finance, spécialisée dans le financement et la transmission de PME, investit dans celles-ci en prenant des participations afin de les accompagner dans leur développement.
La société Financière Louis Eschenauer (FLE) est une holding qui a pour objet la détention d'une participation à 100 % dans le capital de la société Louis Eschenauer dont l'activité est depuis 1821 la fabrication et le négoce de vins de [Localité 1].
En 1990, la société Initiative & Finance a investi 2,2 millions de francs dans la société FLE et a pris une participation de 28,2 % dans son capital.
A cette date, le capital de la société FLE s'est trouvé réparti entre deux groupes d'associés, le groupe A comprenant les managers de la société (33,3 %) et le groupe B formé de la société Initiative & Finance (28,2 %), de la société Grands Vins [H] (20,5 %) et de la société Coparis (18 %).
Entre 1990 et 1992, la société FLE, confrontée à une stagnation de son chiffre d'affaires et à une baisse de ses marges, a envisagé un rapprochement avec d'autres structures afin de mettre en commun moyens de production et de commercialisation.
Ainsi, au mois de mars 1993, la société Union des Producteurs de Saint-Emilion a proposé d'acquérir 100 % du capital de la société FLE. Les documents suivants ont été établis pour procéder à cette opération :
- un protocole d'accord aux termes duquel les sociétés Coparis, Grands Vins [H] et Initiative & Finance s'engageaient irrévocablement à céder et la société Union des Producteurs de Saint-Emilion s'engageait à acquérir les 44 033 actions du capital de la société FLE pour le prix de 2 720 000 francs (414 661 euros),
- deux contrats de prêt consentis à la société FLE par la société Coparis, d'une part, la société Grands Vins [H], d'autre part, tous deux d'un montant 1 680 000 francs (256.114,40 euros) remboursable en 5 ans et assorti d'intérêts au taux de 11 % l'an à compter du 15 mars 1994,
- deux cautionnements de la société Union des Producteurs de Saint-Emilion au profit des préteurs, les sociétés Grands Vins [H] et Coparis.
Le 22 décembre 1992, la société Grands Vins [H] avait donné à la société Initiative & Finance, un pouvoir aux fins de 'dire et faire ce qu'il vous paraîtra devoir être dit et fait pour défendre au mieux nos intérêts, y compris signer en mon nom tout document relatif à une éventuelle cession de valeurs mobilières : ordres de mouvements, promesse de vente etc'.
Les actes ci-dessus décrits nécessaires à la réalisation de l'opération ont été régularisés entre le 8 et le 30 mars 1993 et exécutés au moment de leur signature.
Le 1er avril 1993, la société Initiative et Finance a adressé un courrier à la société Grands Vins [H] accompagné des chèques devant revenir à cette dernière en exécution des actes ainsi régularisés.
Par jugement du 4 août 1994, le tribunal de commerce de Libourne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société FLE. Cette procédure a été convertie le 7 novembre suivant en liquidation judiciaire. Le 10 octobre 1994, la société Grands Vins [H] a déclaré une créance de 256 114,50 euros au passif de cette procédure collective au titre du prêt par elle consenti à la société FLE.
Le cautionnement émis le 30 mars 1993 par la société Union des Producteurs de Saint-Emilion à la garantie des obligations de la société FLE à l'égard de la société Grands Vins [H] a été déclaré nul par la cour d'appel de Bordeaux aux termes d'un arrêt en date du 2 décembre 2008 au motif de l'absence de pouvoir de son signataire pour engager la caution.
Imputant l'irrégularité de ce cautionnement et son annulation subséquente à la société Initiative & Finance, devenue Initiative & Finance Gestion, la société Grands Vins [H] a, par acte du 15 novembre 2010, assigné l'intéressée devant le tribunal de commerce de Paris en responsabilité et paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de la perte du cautionnement.
Par jugement du 28 juin 2012, le tribunal de commerce de Paris a rejeté 'l'exception d'irrecevabilité' soulevée par la société Initiative & Finance Gestion, a condamné ladite société à payer à la société Grands Vins [H] la somme de un euro à titre de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du mandat à elle confié dans le cadre de l'opération FLE et la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Par déclaration du 27 juillet 2012, la société Grands Vins [H] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses écritures signifiées le 30 août 2013, elle demande à la cour de constater que la société Initiative & Finance Gestion n'a pas apporté le soin nécessaire à l'accomplissement du mandat de négociation et de représentation qu'elle lui avait confié, de dire que l'intéressée s'est abstenue de procéder aux vérifications qui s'imposent en matière d'engagement hors bilan afin de s'assurer que le représentant légal de la société Union des Producteurs de Saint-Emilion avait ou non reçu autorisation de signer l'engagement de caution litigieux en date du 30 mars 1993, de dire que l'intimée agissant comme capital investisseur dans l'opération FLE était directement intéressée aux négociations de sortie du capital de ladite société, de dire que la faute commise par la société Initiative & Finance Gestion lui a causé un préjudice tenant à la perte d'une chance d'exercer son recours contre la caution, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Initiative & Finance Gestion à lui payer la somme de un euro à titre de dommages et intérêts, statuant à nouveau de ce chef, de condamner l'intimée à lui payer la somme de 256 114,40 euros sans préjudice des intérêts au taux conventionnel de 11 % du 15 mars au 10 octobre 1994 et au taux légal au-delà, en réparation de son préjudice, d'ordonner la capitalisation des intérêts, de condamner l'intéressée au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions signifiées le 31 juillet 2013, la société Initiative & Finance Gestion demande à la cour, à titre principal, d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a considéré qu'elle avait commis une faute dans l'exécution de son mandat, statuant à nouveau, de dire les demandes de la société Grands Vins [H] irrecevables comme prescrites et encore comme tardives, de dire qu'elle n'a commis aucune faute dans le cadre de l'exécution de son mandat qui ne couvrait pas l'engagement de caution fourni par la société Union des Producteurs de Saint-Emilion, en conséquence, de débouter l'appelante de toutes ses demandes, de dire que le mandat a elle confié était gratuit et qu'elle a agi en toute bonne foi, en conséquence, de l'exonérer de toute responsabilité à l'égard de l'appelante, de dire que celle-ci a commis elle-même une faute lourde à son encontre, en conséquence, de la débouter de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 256 114,40 euros à titre de dommages et intérêts, à titre subsidiaire, de confirmer la décision déférée, en toute hypothèse, de condamner la société Grands Vins [H] à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Considérant que le cautionnement souscrit par la société Union des Producteurs de Saint-Emilion déclaré nul par la cour d'appel de Bordeaux devait garantir le remboursement du prêt de 256 114,40 euros assorti d'intérêts au taux de 11 % l'an à compter du 15 mars 1994 consenti à la société FLE par la société Grands Vins [H] ; que la société FLE dont la procédure collective a été ouverte dès le mois d'août 1994 n'a pas remboursé ce prêt ;
Considérant que l'acte de cautionnement a été déclaré nul pour avoir été signé par une personne ne disposant pas d'une autorisation exprès pour ce faire de la part du conseil d'administration de la société Union des Producteurs de Saint-Emilion, qui en application des dispositions des articles R 524-6 et suivants du code rural et de l'article 26-12 des statuts, avait seul pouvoir pour accorder la caution de la société, sauf délégation spéciale à l'un de ses membres ;
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription
Considérant que l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en vertu des règles d'application dans le temps de la loi précitée, ce nouveau délai s'applique en étant décompté à partir du 19 juin 2008 sans que la durée totale de la prescription puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure ;
Considérant que la société Initiative et Finance Gestion soutient que l'action en responsabilité engagée à son encontre par la société Grands Vins [H] est prescrite faute d'avoir été formée avant le 12 décembre 2005 ; qu'elle fait plaider que cette action était soumise à la prescription de 10 ans applicable en matière commerciale avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et que ce délai a commencé à courir à compter du 12 décembre 1995, date des conclusions aux termes desquelles la société Union des Producteurs de Saint-Emilion a argué de la nullité de son cautionnement dans le litige l'ayant opposée, devant le tribunal de commerce de Libourne, à la société Grands Vins [H] et a ainsi porté à la connaissance de celle-ci le risque d'annulation du cautionnement ;
Considérant que la société Grands Vins [H] réplique que la société Union des Producteurs de Saint-Emilion n'a invoqué la nullité de son cautionnement pour défaut de pouvoir de son signataire qu'aux termes de conclusions déposées le 3 juillet 2007 devant la cour d'appel de Bordeaux et soutient que seul l'arrêt de cette juridiction en date du 2 décembre 2008, qui a consacré la nullité pour ce motif du cautionnement, constitue le point de départ de la prescription de 5 ans prévue par la loi du 17 juin 2008 applicable en l'espèce ; que son action formée le 15 novembre 2010 n'est donc pas prescrite ;
Considérant que des termes des conclusions déposées le 12 décembre 2005 devant le tribunal de commerce de Libourne par la société Union des Producteurs de Saint-Emilion, il ressort que l'intéressée n'y a invoqué la nullité de son cautionnement qu'à raison du dol, de l'erreur, de l'absence de cause et de la disproportion de son engagement ; que par jugement du 4 mars 2008, le tribunal de commerce de Libourne a rejeté ses moyens et l'a condamnée à exécuter son engagement de caution souscrit au profit de la société Grands Vins [H] ; que ce n'est qu'aux termes de conclusions déposées le 3 juillet 2007 dans le cadre de l'appel interjeté à l'encontre de ce jugement que l'intimée a argué de la nullité de son cautionnement au motif de l'absence de pouvoir de son signataire pour l'engager valablement en qualité de caution ;
Considérant qu'il suit de là que la société Grands Vins [H] n'a eu connaissance du risque d'annulation du cautionnement à raison du défaut de pouvoir de son signataire, dont elle demande ici raison à la société Initiative & Finance Gestion en qualité de mandataire, et seul susceptible de mettre éventuellement en jeu la responsabilité de l'intéressée, que le 3 juillet 2007 ; que la prescription de l'action a donc commencé à courir à compter de cette date et n'était pas acquise le 15 novembre 2010, date de l'assignation introductive d'instance, au regard des dispositions légales ci-dessus rappelées;
Considérant que la fin de non-recevoir tirée de la prescription sera en conséquence rejetée ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action
Considérant que la société Initiative & Finance Gestion soutient que l'action en responsabilité de la société Grands Vins [H] est irrecevable comme tardive au regard des dispositions de l'article 331 du code de procédure civile ; qu'elle fait grief à l'appelante de ne pas l'avoir mise en cause dans l'instance par elle engagée en 1995 à l'encontre de la société Union des Producteurs de Saint-Emilion pour qu'elle puisse faire valoir ses moyens de défense sur la nullité du cautionnement dont il a été ainsi débattu sans elle durant 15 ans et sans même qu'elle en soit informée ;
Considérant que la société Grands Vins [H] réplique justement que les dispositions de l'article 331 du code de procédure civile, selon lesquelles le tiers mis en cause par une partie doit être appelé en temps utile pour faire valoir ses droits, ne mettaient à sa charge aucune obligation légale d'appeler sa mandante dans l'instance l'ayant opposé à compter de 1995 à la caution et que son abstention à cet égard n'affecte en rien la recevabilité de son action en responsabilité ;
Considérant que le moyen tiré de la tardiveté de l'action de l'appelante ne peut donc pas prospérer ;
Sur le fond
Considérant que le pouvoir confié le 22 décembre 1992 par la société Grands Vins [H] à la société Initiative & Finance est ainsi rédigé :
'Dans le cadre des négociations en cours concernant la cession éventuelle des actions et obligations convertibles que nous détenons dans la société Financière Louis Eschenauer, je vous donne par la présente pouvoir pour dire et faire ce qu'il vous apparaîtra devoir être dit et fait pour défendre au mieux nos intérêts, y compris signer en mon nom tout document relatif à une éventuelle cession de valeurs mobilières : ordre de mouvement promesse de vente etc...
En particulier, je vous donne mon accord pour céder la totalité de nos actions à leur valeur nominale, et la totalité de nos obligations à leur valeur nominale majorée des intérêts courus non échus' ;
Considérant que ce pouvoir constitue un mandat général de représentation de la société Grands Vins [H] pour la négociation et la réalisation de la cession des titres détenus par l'intéressée dans le capital de la société FLE et pour la signature de tous les actes nécessaires à cette cession ;
Considérant que l'acte de cession de titres en date du 8 mars 1993 prévoit en son article 3 intitulé 'Engagements du groupe B' : 'Le groupe B s'engage à substituer à l'emprunt obligataire convertible ... un prêt comme défini dans le modèle de contrat de prêt annexé aux présentes' ; que le contrat de prêt comporte un paragraphe intitulé 'Garantie' qui prévoit que 'L'UdeP s'engage à remettre aux Préteurs un engagement de caution selon le modèle annexé aux présentes' ; qu'acte de cession et acte de prêt ont été signés par la société Initiative et Finance pour la société Grands Vins [H]; que l'intimée a encore apposé sa signature, pour le compte de l'appelante et sous la mention manuscrite : 'Bon pour acceptation de caution', sur l'acte de cautionnement émis le 30 mars 1993 par la société Union des Producteurs de Saint-Emilion ; qu'il suit de là que les actes de prêt et de cautionnement ont fait partie intégrante des négociations de l'opération de cession et ont été régularisés et signés pour les besoins de celle-ci ; que la société Initiative & Finance, investie du pouvoir de négocier et de signer tous les actes nécessaires à la cession pour le compte et au nom de la société Grands Vins [H], ne peut donc soutenir que le cautionnement aurait été une prestation non incluse dans le mandat à elle confié ;
Considérant que la société Grands Vins [H] soutient que la société Initiative & Finance devait s'assurer de la valeur juridique de l'acte de cautionnement et lui fait grief d'avoir omis de vérifier que le président du conseil d'administration de la société Union des Producteurs de Saint-Emilion, signataire du dit acte, disposait des autorisations nécessaires pour ce faire, le cautionnement entrant dans la catégorie des engagements hors bilan qui devait être autorisé par le conseil d'administration ;
Considérant que la société Initiative & Finance Gestion conteste avoir commis une quelconque faute ; qu'elle soutient que la société Grands Vins [H], bénéficiaire du cautionnement en cause, devait elle-même vérifier la capacité juridique de son signataire pour engager la caution ; qu'elle ajoute que cet acte a été rédigé par un avocat, non choisi ni mandaté par elle, qui devait assurer sa validité et son efficacité ; qu'elle soutient que le mandat ne mettait pas à sa charge l'obligation de vérifier si le conseil d'administration de la caution avait autorisé son président à signer le cautionnement et estime avoir rempli sa mission en vérifiant que celui-ci était bien signé par le représentant légal de la société Union des Producteurs de Saint-Emilion ;
Considérant que l'article 1991 du code civil dispose que le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages et intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ; que l'article 1992 du même code prévoit que le mandataire répond non seulement de son dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion :
Considérant que le mandataire répond de toutes les défaillances qu'un mandataire prudent et diligent n'aurait pas commises, que ce soit par action ou par omission ; que son obligation est de moyens ;
Considérant que l'on a vu ci-dessus que la négociation et la signature du cautionnement étaient incluses dans le mandat dont la société Initiative & Finance avait été investie par l'appelante ; que ce mandat ne pouvait être de négocier et de recueillir un cautionnement nul et inefficace ; que la prudence et la diligence lui incombant en sa qualité de mandataire devait conduire la société Initiative et Finance à vérifier, dans l'intérêt de sa mandante, que le signataire de cet acte disposait des pouvoirs nécessaires pour engager valablement la société Union des Producteurs de Saint-Emilion ; que mandatée pour agir pour le compte de la société Grands Vins [H] dans la négociation et la régularisation du cautionnement, l'intimée ne peut prétendre que cette vérification incombait à la mandante ; qu'elle ne peut enfin invoquer la responsabilité du rédacteur de l'acte de cautionnement pour échapper à celle qui lui incombe en tant que mandataire ;
Considérant que mandataire non professionnelle, mais spécialiste du financement et de la transmission d'entreprises et de la prise de participation dans des sociétés, la société Initiative & Finance avait une expérience qui lui permettait d'apprécier l'opportunité et la nécessité de la vérification qu'elle a omise et qui ne l'autorise pas à arguer de l'apparence des pouvoirs du signataire du cautionnement ;
Considérant que cette omission est fautive et engage sa responsabilité à l'égard de l'appelante ; que le caractère non onéreux du mandat n'est pas de nature à atténuer cette responsabilité dès lors que la vérification à laquelle la société Initiative & Finance a manqué de procéder était élémentaire et pouvait être opérée aisément et sans frais ;
Considérant que le préjudice subi par la société Grands Vins [H] consiste en la perte de la chance d'exercer son recours contre la caution que devait être l'Union des Producteurs de [Localité 2] à la suite de la défaillance totale de la débitrice principale en liquidation judiciaire ;
Considérant que cette perte de chance s'élève à 256 114,40 euros, outre les intérêts au taux de 11 % du 15 mars au 10 octobre 1994, montant dont l'appelante aurait pu obtenir le paiement, en remboursement du prêt, par la société Union des Producteurs de Saint-Emilion, dont il n'est pas argué de l'insolvabilité, si le cautionnement n'avait pas été jugé nul;
Considérant qu'il convient en conséquence de condamner la société Initiative & Finance Gestion à payer à la société Grands Vins [H] la somme de 256 114,40 euros outre les intérêts au taux de 11 % du 15 mars au 10 octobre 1994 à titre de dommages et intérêts ; que cette condamnation ne sera assortie des intérêts au taux légal qu'à compter du présent arrêt qui fixe le montant de l'indemnisation revenant à l'appelante ; que les intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Considérant que le fait pour la société Grands Vins [H] de ne pas avoir appelé la société Initiative & Finance dans l'instance par elle engagée en 1995 à l'encontre de la société Union des Producteurs de Saint-Emilion aux fins de la voir exécuter son engagement de caution ne saurait constituer une faute lourde ; que force est de constater que l'intimée ne démontre en toute hypothèse pas qu'elle était en mesure de développer, dans le cadre de cette instance, une argumentation susceptible d'éviter le prononcé de la nullité de l'acte de cautionnement et n'établit pas qu'un pourvoi en cassation avait la moindre chance de succès ; que sa demande en paiement de dommages et intérêts ne peut donc pas prospérer et sera rejetée ;
Considérant que l'équité commande de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Initiative & Finance Gestion à payer à la société Grands Vins [H] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile sans qu'il y ait lieu d'y ajouter en cause d'appel ;
Considérant que la société Initiative & Finance Gestion, partie perdante, supportera les dépens et ne peut prétendre à l'indemnisation de ses propres frais non taxables ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués à la société Grands Vins [H],
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société Initiative & Finance Gestion à payer à la société Grands Vins [H] la somme de 256 114,40 euros outre les intérêts au taux de 11 % du 15 mars au 10 octobre 1994, le tout portant intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,
Dit que les intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société Initiative & Finance Gestion aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La GreffièreLa Présidente