RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE TREIZE
(n°2013- , 1 pages)
REFUS DE TRANSMISSION
DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
RG n° 13/11513 (QPC)
RG n° 12/04962(Dossier au Fond)
Décision déférée à la Cour sur le fond : Jugement du 28 Février 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/17199
JONCTION DES DOSSIERS RG 13/11513 (QPC) et RG n° 12/04962(Dossier au Fond)
Demandeur à la question prioritaire de constitutionnalité et appelant au fond :
Monsieur [K] [O]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par la SCP TOUBHANS - D'HIEUX-LARDON - CHAPUT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0304 en la personne de Maître Pauline CHAPUT, avocat au barreau de PARIS, toque P 304
assisté de Maître Henri ROUCH de la SCP ROUCH ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0335
Défendeur à la question prioritaire de constitutionnalité et intimé au fond :
POLE EMPLOI
agissant pour le compte de l'UNEDIC
pris en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 1] et faisant élection de domicile à Pôle Emploi DIRECTION REGIONALE PÔLE EMPLOI-Service Contentieux [Adresse 3]
représenté et assisté par Maître Cécile SANDOZ, avocat au barreau de PARIS, toque : E0957
COMPOSITION DE LA COUR :
Madame [U] [Q] ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Anne VIDAL, Présidente de chambre
Françoise MARTINI, Conseillère
Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Guillaume LE FORESTIER
Ministère Public, qui a eu communication du dossier et qui a fait connaître son avis écrit en date du 15 juillet 2013.
ARRÊT :
- contradictoire,
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Anne VIDAL, Présidente et par Guillaume LEFORESTIER, Greffier.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Soutenant que le régime dérogatoire des intermittents du spectacle résultant de l'annexe VIII du règlement annexé à la Convention d'assurance chômage lui avait été appliqué à tort alors que le régime général, qui lui est également applicable, lui était plus favorable, M [K] [O] qui occupe des fonctions de directeur de production dans l'audiovisuel par le biais de contrats à durée déterminée a assigné POLE EMPLOI devant le tribunal de grande instance de Paris pour l'entendre condamner à lui verser la somme de 86 687,75 euros à titre d'allocations chômage restant dues en application du régime général outre la somme de 3 938,53 euros au titre des cotisations sociales salariales indûment retenues.
Par jugement en date du 28 février 2012, le tribunal de grande instance de Paris a débouté M [O] de ses demandes en retenant que seul le régime spécifique des intermittents du spectacle pouvait être appliqué par POLE EMPLOI en raison des spécificités particulières de ces professions et que le caractère plus avantageux d'un régime devait s'apprécier au regard de son économie globale et non d'une situation individuelle.
M [O] a interjeté appel de cette décision et dans ses conclusions signifiées le 13 juin 2012 il demande à la cour d'infirmer le jugement , de dire et juger que POLE EMPLOI aurait du, doit et devra jusqu'à épuisement de ses droits et chaque fois qu'il en remplira les conditions d'application, le faire bénéficier du régime général d'assurance chômage et non du régime dérogatoire de son annexe VIII relative aux intermittents du spectacle, condamner POLE EMPLOI à lui verser la somme de 86 687,75 euros à titre d'allocations chômage et celle de 3 938,53 euros au titre de cotisations sociales salariales indûment retenues outre la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions du 6 juin 2013 et du 5 septembre 2013 M [O] entend voir posée la question prioritaire de constitutionnalité suivante :'Dire et juger que la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article L 5422-21 du code du travail, pour violation des droits et libertés garantis par les articles 2,5,6,12,16 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen est applicable au litige soumis à la juridiction de Céans.'
Il soutient pour l'essentiel qu'en réalité le régime des intermittents du spectacle serait globalement moins protecteur que le régime général selon les études faites par POLE EMPLOI de sorte que la disposition attaquée contreviendrait au principe d'égalité et de façon non contestable pour ce qui le concerne; qu'en outre le régime spécifique ne s'applique que lorsque le salarié ne peut prétendre au bénéfice du régime général ce qui n'est pas son cas puisqu il remplit les conditions. d'application du régime général d'indemnisation.
Dans ses conclusions signifiées le 8 août 2013 POLE EMPLOI sollicite la confirmation du
jugement et formant appel incident la condamnation de [O] à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et celle de 3 000 euros en cause d'appel outre les entiers dépens.
Il soutient que si effectivement dans le cas de M [O] et compte tenu de la franchise ou délai de carence applicable et calculé en fonction du salaire journalier, la durée d'indemnisation est proportionnelle au montant des salaires perçus de sorte que le bénéfice de l'allocation chômage peut être écarté pour les intermittents les mieux rémunérés pendant leur période d'inactivité, il appartient à M [O] d'agir sur le plan individuel en renégociant son statut en contrat à durée indéterminée ou auprès des organisations collectives pour la renégociation des accords collectifs mais POLE EMPLOI ne peut, compte tenu des textes en vigueur, lui appliquer le statut général alors que lui-même ne conteste pas remplir les conditions pour être soumis au régime des intermittents du spectacle lequel ne déroge pas au principe constitutionnel d'égalité puisqu'il est globalement plus protecteur pour les intermittents du spectacle que le statut général.
Dans ses observations du 15 juillet 2013 le parquet général conclut au rejet de la question prioritaire de constitutionnalité en raison de l'absence de caractère sérieux de celle-ci , le principe d'égalité ne faisant pas obstacle à ce que des règles différentes soient appliquées à des personnes se trouvant dans des situations différentes , ce qui est le cas des intermittents du spectacle dont la différence de traitement par la loi a eu pour but d'améliorer de façon globale leur situation par la mise en place d'un régime spécifique résultant d'une convention collective plus favorable puisqu'elle dispense les allocataires de la condition d'antériorité exigée par le régime de droit commun en tenant compte de la nature discontinue et précaire des emplois et du statut spécifique de cette profession.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Considérant qu'il convient en application des dispositions de l'article 367 du code de procédure civile d'ordonner la jonction des affaires enrôlées sous le n° RG 12/04962 relatif à l'appel diligenté par M [O] contre la décision du 28 février 2012 et sous le n° RG 13/11513 relatif à la question prioritaire de constitutionnalité;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité:
Considérant que dans ses conclusions du 4 juin 2013 qui constituent l'écrit distinct et motivé exigé par les articles 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 et 126-2 du code de procédure civile, M [O] sollicite la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité suivante: 'Dire et juger que la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article L 5422-21 du code du travail, pour violation des droits et libertés garantis par les articles 2,5,6,12,16 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen est applicable au litige soumis à la juridiction de Céans.'
que cependant dans ses conclusions M [O] soutient uniquement que les dites dispositions porteraient atteinte au principe d'égalité de sorte que sa demande n'est recevable qu'en ce que la disposition contestée porterait atteinte à ce principe;
Considérant que l'article L 5422-21 du code du travail dispose que : 'l'agrément rend obligatoires les dispositions de l'accord pour tous les employeurs et salariés compris dans le champ d'application professionnel et territorial de cet accord. L'agrément est délivré pour la durée de la validité de l'accord. Les accord présentés à l'agrément de l'autorité administrative sont soumis aux conditions de publicité des arrêts d'extension et d'élargissement des conventions et accords collectifs de travail;'
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L 5422-6 du Code du Travail : 'lorsque du fait de modalités particulières d'exercice d'une profession, les conditions d'activité antérieure pour l'admission à l'allocation d'assurances ne sont pas remplies, des aménagements peuvent être apportés à ces conditions d'activité ainsi qu'à la durée d'indemnisation et aux taux de l'allocation dans des conditions fixées selon le cas par l'accord prévu à l'article L 5422-20 ou par Décret en Conseil d'Etat;'
que l'article L 5422-20 du même code prévoit que : 'les mesures d'application des dispositions du présent chapitre, à l'exception des articles L 5422-14 à L 5422-16, font l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés. Ces accord sont agréés dans les conditions définies par la présente section. En l'absence d'accord ou d'agrément de celui-ci, les mesures d'application sont déterminées par décret en Conseil d'Etat;'
Considérant que l'article L 5422-21 du Code du travail qui n'a pas été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision rendue par le Conseil Constitutionnel, est applicable au litige dans la mesure où cette disposition rend obligatoires les conventions dérogeant au régime général de l'assurance chômage au bénéfice de certaines professions, ce qui est le cas des annexes VIII et X au règlement général annexé à la convention d'indemnisation du chômage relatives aux intermittents du spectacle, signées le 2 mars 2007 et dont l'agrément résulte d'un arrêté du 2 avril 2007;
Considérant que M [O] soutient qu'en soumettant les professions ne satisfaisant pas aux conditions d'activité antérieure pour bénéficier du régime général d'assurance chômage, dont les intermittents du spectacle, à des conventions et accord collectifs spécifiques au lieu du régime général dont ils souhaiteraient bénéficier, les dispositions de l'article L 5422-21 du code du travail seraient contraires aux articles 2,5,6,16 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen en ce qu'elles seraient contraires au principe d'égalité;
Considérant qu'il est constant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit;
qu'ainsi le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que la loi établisse des règles non identiques à l'égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes dès lors que cette différence de traitement est justifiée, compte tenu de l'objet de la loi, par la différence de situation;
qu'il résulte des dispositions de l'article L 5422-6 précitées que le législateur a prévu à l'égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes pour l'admission à l'allocation chômage la possibilité de déroger au régime général par l'intervention d'accords collectifs interprofessionnels mentionnés à l'article L 5422-20 et rendus obligatoires par l'article L 5422-21;
que 'l'inégalité de traitement' ainsi introduite par les dispositions de l'article L 5422-6, dont la constitutionnalité n'est au demeurant pas contestée par M [O], a pour objet de permettre aux professions ne pouvant bénéficier du régime général de percevoir des allocations chômage en vertu d'une convention collective plus favorable;
qu'il sera rappelé que le caractère plus favorable d'un accord collectif s'apprécie globalement avantage par avantage et non de manière individuelle;
que l'annexe VIII du règlement d'assurance chômage dont M [O] ne conteste pas pouvoir relever en sa qualité de directeur de production est globalement plus avantageuse pour les intermittents du spectacle que le régime général de l'assurance chômage puisqu'elle tient compte de la nature discontinue et souvent précaire des emplois de cette catégorie de professions en dispensant notamment les allocataires de remplir les conditions d'antériorité de l'activité exigées par le régime général;
qu'il n'y a donc pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par M [O] qui ne présente pas de caractère sérieux ;
Sur le fond:
Considérant que si dans le cas particulier de M [O] il n'est pas contestable ni contesté par POLE EMPLOI que l'application du régime général d'assurance chômage lui aurait permis de percevoir des indemnités plus importantes, il n'est pas davantage contestable que M [O] était rattaché de par sa profession et les modalités de son exercice au régime spécifique des intermittents du spectacle;
qu'ainsi M [O] a conclu pour la période concernée des contrats à durée déterminée en qualité de directeur de production, a reçu de son employeur les attestations mensuelles et a cotisé au régime d'assurance chômage de l'Annexe VIII dont la loi a rendu l'application obligatoire aux professions concernées, notamment à celle de directeur de production, lorsqu'elle sont exercées selon les modalités propres au régime de l'intermittence;
qu'il ne peut donc être utilement reproché à POLE EMPLOI d'avoir indemnisé M [O] selon le régime applicable aux intermittents du spectacle dont il ne conteste pas remplir les conditions plutôt que selon le régime général dès lors qu'en application de l'article L 5422-21 du code de travail les dispositions de l'accord relatif aux intermittents du spectacle ont été rendues obligatoires pour tous les employeurs et salariés compris dans le champ d'application professionnel et territorial;
que M [O] sera débouté de l'intégralité de ses demandes;
Vu l'article 700 du code de procédure civile;
Vu l'article 699 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement, par décision contradictoire:
-Dit n'y avoir lieu à transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par M [K] [O] et selon laquelle les dispositions de l'article L 5422-21 du code du travail seraient contraires au principe d'égalité;
-Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;
Y ajoutant,
-Condamne M [K] [O] à payer à POLE EMPLOI la somme de 2 000 euros ne application de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne M [K] [O] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT