Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2013
(n°2013- , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/13235
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/07772
APPELANT
Monsieur [D] [J]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Jacques STORELLI, avocat au barreau de PARIS, toque E1407
assisté de Maître Sandrine BERSAT, avocat au barreau de BRIVE LA GAILLARDE (19)
INTIMÉE
Organisme CAISSE NATIONALE DES BARREAUX FRANÇAIS (CNBF) Caisse privée relevant de l'organisation de la sécurité sociale, régie par les articles L. 723-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale, prise en la personne de ses représentants légaux, élisant domicile audit siège social.
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Laurence LAUTRETTE, avocat au barreau de PARIS, toque L0097
assisté de Me Dominique PIAU, avocat au barreau de PARIS, toque D0324
COMPOSITION DE LA COUR
Madame Marie-Sophie RICHARD ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 septembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Anne VIDAL, Présidente de chambre
Françoise MARTINI, Conseillère
Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Noëlle KLEIN
ARRÊT
- contradictoire
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et par Khadija MAGHZA, greffier placé.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M [D] [J] né le [Date naissance 1] 1924, avoué jusqu'au 16 septembre 1972, puis avocat après l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1971 et du décret du 13 septembre 1972, a cotisé auprès de la Caisse d'Assurance Vieillesse des Officiers Ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires, (la CAVOM), jusqu'au 15 septembre 1972 puis auprès de la Caisse Nationale des Barreaux Français, (CNBF), jusqu'au mois de mars 1996, date à laquelle il a sollicité la liquidation de ses pensions de retraite effectuée à effet au 1er avril 1996 par la CNBF qui a distingué selon les textes en vigueur la retraite de base CNBF et l'allocation vieillesse CAVOM. La bonification pour plus de 45 ans d'exercice sur l'attribution de laquelle il a interrogé la CNBF en 2007 lui a été refusée au motif que cette bonification n'était prévue que pour la profession d'avocat, ce qu'a confirmé la commission de recours amiable saisie par M [J] le 30 mai 2008.
Par jugement en date du 15 mai 2012 le tribunal de grande instance de Paris a débouté M [J] de ses demandes introduites le 23 mars 2010 tendant à titre principal à juger que la CNBF doit liquider sa retraite d'avocat sur la base du régime applicable aux avocats en 1996 sans discrimination selon la Caisse qui a reçu les cotisations sur la base de 184 trimestres, de dire que son droit à agir n'est pas prescrit, subsidiairement de surseoir à statuer dans l'attente des questions préjudicielles qu'il convient de poser au Conseil d'Etat sur la légalité du décret d'application du 13 septembre 1972 et plus particulièrement des articles 4, 5, 6 et 7 qui violent le principe d'égalité résultant de l'unicité de la profession d'avocat ainsi que sur la légalité d'une décision du conseil d'administration de la CNBF du 23 juin 1984, incompétent pour interpréter l'article 5 du décret du 13 septembre 1972.
Le tribunal a retenu que si la loi du 31 décembre 1971 a créé une profession unique d'avocat, l'article 43 de cette loi n'a pas posé de principe d'unicité de carrière interdisant au pouvoir réglementaire de prévoir des modalités de liquidation de retraite différentes selon les années cotisées au sein de la CAVOM et au sein de la CNBF et qu'il résulte des articles 2, 4, 5, 6 et 7 du décret du 13 septembre 1972 que les pensions de retraite CAVOM et CNBF sont déterminées selon leurs règles propres, au prorata d'exercice de chacune des professions.
M [J] a interjeté appel de cette décision et dans ses conclusions signifiées le 12 septembre 2012 demande à la cour de réformer le jugement déféré, de surseoir à statuer en l'attente de l'examen par le conseil d'Etat de la question préjudicielle concernant la légalité des articles 2 à 7 du décret du 13 septembre 1972, de dire et juger que la CNBF doit liquider sa retraite sur la base du régime applicable aux avocats en 1996 sans discrimination selon la Caisse qui a reçu ses cotisations et de condamner la CNBF au paiement des sommes non perçues avec intérêts de droit outre la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il soutient pour l'essentiel que :
- à titre principal, le décret de 1972 et plus particulièrement ses articles 2 à 7, est entaché d'illégalité en ce que contrairement au souhait du législateur qui a institué une profession unique par la loi du 13 décembre 1971 il opère une discrimination entre les anciens avoués et les avocats pour le calcul de leur retraite en refusant aux premiers le bénéfice de la bonification pour ancienneté de 45 ans accordée aux seconds et il convient de surseoir à statuer afin que la juridiction administrative apprécie la légalité de ce décret,
- subsidiairement au fond, le principe d'égalité et de non discrimination se déduit également de l'article 43 de la loi du 31 décembre 1971 qui prévoit la reprise par la CNBF des engagements des anciennes caisses d'avoué ainsi que de l'article L 723-10.3.2° du Code de la sécurité sociale qui indique que sont prises en compte par le régime vieillesse de base des avocats : 'les années civiles ayant donné lieu à affiliation au régime d'assurance vieillesse de base des Avocats à quelque titre que ce soit...'
- en liquidant ses droits à la retraite en une retraite de base proportionnelle pour 24/40èmes correspondant au régime d'Avocat et une allocation vieillesse pour 88/184èmes correspondant à la durée d'exercice de la profession d'avoué, la CNBF a opéré une discrimination contraire au principe d'égalité ci dessus rappelé alors que la durée totale de son exercice professionnel était de 46 ans.
Dans ses conclusions signifiées le 6 novembre 2012 la CNBF sollicite que l'action en paiement des arrérages complémentaires de pensions antérieurement à 2005 soit déclarée prescrite en application des dispositions de l'article 2277 du Code civil. Elle demande la confirmation du jugement et la condamnation de M [J] à lui verser la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure ainsi qu'aux dépens d'appel.
Elle soutient pour l'essentiel que :
- l'exception d'illégalité soulevée par M [J] ne présente aucun caractère sérieux puisque d'une part la loi du 31 décembre 1971 n'a affirmé aucun principe d'égalité entre les deux professions et a renvoyé expressément à la mise en oeuvre de dispositions spécifiques et dérogatoires qui ont été exactement appliquées par la CNBF et d'autre part le régime applicable aux avoués était en réalité plus favorable que celui des avocats puisqu'il permettait de prendre en compte la durée de cotisation de 46 ans prévue dans le régime de la CAVOM au lieu de 40 ans pour la CNBF,
- il ne peut y avoir de discrimination entre deux catégories professionnelles placées dans des situations différentes,
- les dispositions de l'article L 723-10-3 du Code de la sécurité sociale invoquées par M [J] en cause d'appel ne lui sont applicables qu'à compter du 16 septembre 1972 en vertu des dispositions de l'article 2 du décret du 13 septembre 1972 puisqu'antérieurement à cette date M [J] n'était pas affilié au régime d'assurance vieillesse de base des avocats,
- le caractère exécutoire ou non de la délibération du Conseil d'administration de la CNBF contestée par M [J] n'a aucune incidence dès lors que le conseil n'a fait que constater l'état des textes en vigueur sans l'interpréter.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que M [J] prescrit en sa demande présentée le 23 mars 2010 et portant sur le paiement des arriérés de pensions relatifs à la période antérieure au mois de mars 2005 en application des dispositions de l'article 2277 du Code civil n'est recevable à solliciter le paiement d'arriérés de pensions que pour la période postérieure au 23 mars 2005 ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 43 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 les obligations de la caisse d'allocation vieillesse des officiers ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires au titre du régime de base et du régime complémentaire sont prises en charge par la caisse nationale des barreaux français dans des conditions fixées par décret en ce qui concerne les personnes ayant exercé avant cette date la profession d'avoué près les tribunaux de grande instance ;
Que M [J] soutient que les articles 2 à 7 du décret n°72-840 du 13 septembre 1972 pris en application de ce texte seraient contraires à la loi du 31 décembre 1971 qui a substitué la nouvelle profession d'avocat aux professions d'avocat et d'avoué, en opérant une distinction quant à la liquidation des droits à retraite des anciens avoués postérieure à l'entrée en vigueur du décret puisque les pensions de retraite CAVOM et CNBF sont déterminées selon leurs règles propres au prorata d'exercice dans chacune des professions (article 2) ;
Qu'il sollicite qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'examen par la juridiction administrative de la légalité des dispositions susvisées et rappelées dans ses conclusions;
Considérant cependant que si la loi du 31 décembre 1971 a unifié les professions d'avoué et d'avocat et prévu que leurs retraites seraient indifféremment prises en charge par la CNBF, elle a également aux termes de son article 43 renvoyé au pouvoir réglementaire les conditions de cette prise en charge en distinguant les personnes exerçant la profession d'avoué à la date d'entrée en vigueur de la loi ;
Qu'il en résulte, comme l'a justement relevé le tribunal, que si la loi du 31 décembre 1971 a créé une profession unique d'avocat, elle n'a pas défini un principe d'unicité de carrière des avoués et des avocats notamment au regard de leurs droits à retraite acquis antérieurement de sorte que l'exception d'illégalité des articles 2 à 7 du décret du 13 septembre 1972 pris en application de cette loi soulevée par M [J] ne présente pas un caractère sérieux et qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer en application des dispositions des articles 49 et 378 du Code de procédure civile ;
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 2, 3, 4 et 5 du décret précité que les obligations de la CAVOM sont calculées à la date du 16 septembre 1972 suivant les règles applicables à cette caisse à cette date et si la date de liquidation des droits est postérieure il est attribué une fraction de l'allocation vieillesse proportionnelle au rapport existant entre la période d'exercice de la profession d'avoué et le total des périodes d'exercice de cette profession et de celle d'avocat, (article 2), que la liquidation des droits à la retraite des anciens avoués est prise en charge par la CNBF, (article 3), que le montant des droits acquis varie dans la même proportion que le montant de la retraite servie par la CNBF (article 4), les anciens avoués étant soumis à compter du 16 septembre 1972 à l'ensemble des règles applicables à la CNBF sous réserve des dispositions des articles 6 et 7 (article 5) ;
Qu'aux termes de l'article 6 : 'outre la durée d'exercice de la profession d'avocat, la totalité du temps d'exercice de la profession d'avoué (...) sera prise en compte dans le calcul du temps d'exercice professionnel requis pour l'ouverture du droit à la retraite par les textes législatifs et réglementaires applicables à la caisse nationale des barreaux français à la date de la demande de liquidation de la retraite' ;
Qu'en vertu de l'article 7 : 'les droits en cours d'acquisition déterminés conformément aux dispositions des articles 2 et 3 s'ajouteront lors de la liquidation des droits à la retraite des personnes visées à l'article 5 aux droits à la retraite acquis à la caisse nationale des barreaux français' ;
Que ces dispositions ne portent pas atteinte au principe de non discrimination puisqu'elles tiennent seulement compte de la situation différente des professions d'avoué et d'avocat au regard de leurs régimes de retraite avant l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1971 et de son décret d'application et soumettent les anciens avoués au régime de la CNBF à compter du 16 septembre 1972 ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 6 du décret sus-visé la durée d'exercice de la profession d'avoué est prise en compte uniquement pour le calcul du temps d'exercice professionnel requis pour l'ouverture du droit à la retraite ;
Qu'il en résulte que M [J] dont la retraite au titre de ses cotisations à la CAVOM a été calculée en tenant compte de la possibilité de cotiser 46 ans prévue par ce régime et non 40 ans selon le régime moins favorable de la CNBF, ne peut se voir appliquer la bonification prévue par l'assemblée générale de la CNBF pour les avocats justifiant de plus de 45 ans d'exercice de la profession d'avocat applicable à la seule pensions de retraite CNBF et alors même que 46 années de cotisations ont été retenues en application du décret pour le calcul total de sa retraite ;
Qu'il ne peut pas davantage soutenir que lui sont applicables les dispositions de l'article L 723-10.3. 2° du Code de la sécurité sociale selon lesquelles sont prises en compte par le régime vieillesse de base des avocats les années civiles ayant donné lieu à affiliation au régime d'assurance vieillesse de base des Avocats à quelque titre que ce soit dès lors qu'en application de l'article 2 du décret du 13 septembre 1972 sa retraite devait être calculée jusqu'au 16 septembre 1972 suivant les règles applicables à la CAVOM ;
Que M [J] sera débouté de sa demande en paiement d'arriérés de pension pour la période postérieure au 23 mars 2005 ;
Vu l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 699 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déclare prescrite la demande de M [D] [J] au titre des arriérés de pension pour la période courant jusqu'au 23 mars 2005 ;
Condamne M [D] [J] à payer à la C.N.BF la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne M [D] [J] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE