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17/10/2013 | FRANCE | N°11/10645

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 17 octobre 2013, 11/10645


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 17 Octobre 2013

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/10645 - MEO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX section encadrement RG n° 09/01100



APPELANTE

SARL MICRONOR

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Philippe TOUZET, avocat

au barreau de PARIS, toque : L0315, Me David GILBERT-DESVALLONS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0012 substitué par Me Claire BASSALERT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 17 Octobre 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/10645 - MEO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX section encadrement RG n° 09/01100

APPELANTE

SARL MICRONOR

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Philippe TOUZET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0315, Me David GILBERT-DESVALLONS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0012 substitué par Me Claire BASSALERT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0012

INTIME

Monsieur [C] [V]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Isabelle WASSELIN, avocat au barreau de MELUN substitué par Me Florence POIRIER, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [C] [V] a été engagé le 1 er juillet 2003 en qualité de Directeur Technico commercial, par la SA MICRONOR. Le contrat est écrit et conclu pour une durée indéterminée, il prévoit un classement au statut Cadre, Position 2, coefficient 114, une période d'essai de trois mois, une rémunération mensuelle brute de 4.584,00 € pour 169 heures de travail.

En 2008, Monsieur [V] devient directeur général adjoint, son salaire s'élève à 7.001,33 € par mois.

Convoqué le 09 juillet 2009 à un entretien préalable fixé au 17 juillet 2009, mis à pied à titre conservatoire, Monsieur [V] est licencié pour faute lourde par lettre recommandée du 05 août 2009.

L'entreprise compte plus de 11 salariés.

La relation de travail est régie par les dispositions de la Convention Collective Nationale de la Métallurgie.

Par ailleurs, l'employeur a, le 19 octobre 2009, déposé plainte contre son salarié devant le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Meaux.

Contestant son licenciement, M. [V] a saisi le Conseil des prud'Hommes de Meaux d'une demande tendant en dernier lieu à obtenir notamment le paiement des indemnités de rupture, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour préjudice distinct, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, les intérêts au taux légal capitalisés, le tout avec exécution provisoire de droit. A titre reconventionnel, l'employeur a demandé le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale en cours.

Par décision en date du 8 septembre 2011, le conseil des prud'hommes a rejeté la demande de sursis à statuer et, faisant partiellement droit au salarié, a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse et a :

- Condamné la SA MICRONOR, prise en la personne de son représentant légal en exercice au paiement des sommes suivantes :

* 6.337,09 € (six mille trois cent trente sept euros et neuf centimes) au titre du paiement de la mise à pied conservatoire ;

* 633,70 € (six cent trente trois euros et soixante dix centimes) au titre des congés payés afférent à la mise à pied conservatoire ;

* 21,003,99 € (vingt et un mille trois euros et quatre-vingt dix neuf centimes) à titre d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis ;

* 2.100,39 € (deux mille cents euros et trente neuf centimes) au titre des congés payés afférents au préavis ;

* 8.891,37 € (huit mille huit cent quatre vingt onze euros et trente sept centimes) à titre d'indemnité légale de licenciement ;

Ces sommes avec intérêts au taux légal capitalisables, à compter du 31 août 2009, date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation,

* 56.010,64 € (cinquante six mille dix euros et soixante quatre centimes) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 900,00 € (neuf cents euros) en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Ces sommes avec intérêts au taux légal capitalisables, à compter du jour du prononcé du jugement,

Le Conseil a, en outre :

- Dit que le présent jugement bénéficie de l'exécution provisoire par application de l'article R. 1454-28 du Code du travail.

- Ordonné le remboursement par la SA MICRONOR des allocations chômages qui ont éventuellement été servies à Monsieur [C] [V] dans la limite d'un mois d'indemnités.

- Débouté Monsieur [C] [V] du surplus de ses demandes.

- Débouté la SA MICRONOR de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

- Mis les entiers dépens de l'instance ainsi que les éventuels frais d'exécution à la charge de la SA MICRONOR.

L'employeur a fait appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours. Sur le fond, il conclut à l'infirmation du jugement déféré, au débouté du salarié et à sa condamnation à lui rembourser la somme de 33 763,20 € versée au titre de l'exécution provisoire . A titre subsidiaire, il soutient que le licenciement de M. [V] est fondé sur une cause réelle et sérieuse. A titre plus subsidiaire, il demande à voir réduire à 6 mois de salaire, représentant 42 007,98 €, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée à M. [V] . En tout état de cause, l'employeur réclame le paiement de la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Faisant valoir un incident de communication de pièce, soulevant la prescription des faits reprochés, contestant la qualité de la signataire de la lettre de licenciement, M. [V] conclut à l'annulation du licenciement, subsidiairement à l'absence de cause réelle et sérieuse et à l'infirmation du jugement déféré quant aux montants alloués. En conséquence, il sollicite de la cour qu'elle condamne la Sarl Micronor à lui payer les montants suivants, augmentés des intérêts au taux légal capitalisés :

- 6.337,09 € (six mille trois cent trente sept euros et neuf centimes) au titre du paiement de la mise à pied conservatoire ;

- 633,70 € (six cent trente trois euros et soixante dix centimes) au titre des congés payés afférent à la mise à pied conservatoire ;

- 21,003,99 € (vingt et un mille trois euros et quatre-vingt dix neuf centimes) à titre d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis ;

- 2.100,39 € (deux mille cents euros et trente neuf centimes) au titre des congés payés afférents au préavis ;

- 8.891,37 € (huit mille huit cent quatre vingt onze euros et trente sept centimes) à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 170.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral distinct

- 4 500,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

A titre subsidiaire,

- 7 001,33 € à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement.

M. [V] demande, en outre, à ce que la pièce adverse n°77, qui provient de la procédure pénale en cours, soit écartée des débats.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 12 septembre 2013, reprises et complétées à l'audience.

MOTIVATION :

Sur l'incident de communication de pièce et le sursis à statuer :

Compte-tenu des éléments produits aux débats et des explications des parties, il convient de retenir aux débats la transcription, par l'avocat de l'employeur, partie civile, non tenue au secret de l'instruction, du compte-rendu réalisé par l'antenne de la police judiciaire de Meaux en date du 29 juin 2010, comme étant constitutif d'un élément tiré d'une procédure pénale nécessaire au soutien du sursis à statuer sollicité.

Toutefois, ce seul document ne suffit pas à faire échec à l'application du principe selon lequel le pénal ne tient pas le civil en l'état et alors qu'à la date du licenciement l'employeur doit être en mesure d'apporter les éléments de preuve du bien fondé des griefs allégués dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige.

La demande de sursis à statuer est donc rejetée.

Sur la nullité du licenciement :

Il ressort des débats que la lettre de licenciement a été signée par Mme [Q], responsable des ressources humaines de la Sarl Micronor.

Il s'ensuit, alors que la procédure de licenciement a été menée jusqu'à son terme, que l'employeur a validé la procédure litigieuse, mise en oeuvre par la responsable des ressources humaines, laquelle, compte-tenu de la nature de ses fonctions, doit être considérée comme ayant disposé de l'accord tacite de son employeur de rédiger et de signer la lettre litigieuse.

La lettre de licenciement étant valable, la demande de nullité est donc rejetée.

Sur le licenciement :

Tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse. La faute lourde est définie comme un manquement commis par le salarié à ses obligations, dans l'intention de nuire à son employeur, emportant la rupture immédiate du contrat. Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute lourde qu'il invoque.

Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables. En outre, en application de l'article L 1232-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Enfin, un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.

En application de l'article L.1232-6 du code du travail , la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 5 août 2009 énonce les griefs suivants à l'encontre de M. [V] dont l'employeur précise qu'il a découvert les faits incriminés 'depuis le 22 juin 2009" :

- création en mai 2007 avec un de vos collaborateurs, d'une société à Hong Kong dont vous êtes actionnaire «Ceramic-métal seal technology » dite Ceramalste. Le site Internet de cette société « www.ceramalste-hk.com » fait apparaître le logo de Micronor 7D, moult de nos produits, et votre nom apparaît dans la liste des responsables. Vous ne contestez pas le fait d'être actionnaire de cette société. Nos produits apparaissent sur le catalogue de vente de la société Ceramalste sans autorisation de notre part. Nous avons également découvert que nous avions un bureau à SHANGÂI, sans la moindre autorisation.

- disparition d'un four de brasage qui nous avait été à priori cédé par la société PIS, a été installé en nos locaux par notre fournisseur électrique, dont nous avons la facture, ce dernier, avec d'autres matériels a disparu pendant un week-end à la grande surprise du personnel ils ont été déménagés à la sauvette à l'aide de 3 ou 4personnes.

- du 6 au 9 mars 2008, vous êtes parti 2 jours à LOS ANGELES avec un de vos collaborateurs, ce n 'était pas à titre professionnel puisque nous ne vous avons remboursé aucun frais. Vous nous répondez que c'était à titre privé. Nous vous faisons remarquer que vous n'avez déclaré aucun jour de congé pour cette période, ni pour le collaborateur qui vous a accompagné.

- réception de factures pro forma qui ont été validées et signées par vous, et dont l'ordre de virement a été signé par vous-même. Or, nous ne trouvons pas les documents de douane correspondant, ni les bordereaux de livraison, ni les pièces livrées, ce, qui pose un grave problème comptable, et le risque de graves sanctions en cas de contrôle douanier.

Ces faits sont matériellement vérifiables.

En premier lieu, sur la prescription, la cour relève que les faits reprochés en date du mois de mai 2007 et du 6 au 9 mars 2008, sont antérieurs de plus de deux mois à la date du 9 juillet 2009 à laquelle l'employeur a engagé la procédure de licenciement à l'encontre de M. [V] .

Il résulte en outre des pièces produites aux débats, s'agissant des factures pro forma critiquées que celles-ci datées de l'année 2008 et du début de l'année 2009 sont antérieures de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement contre M. [V].

Aucun élément produit aux débats n'établit, comme le soutient l'employeur, que les faits en cause ont été découverts par l'employeur le '22 juin 2009", soit à une date antérieure de moins de deux à l'engagement de la procédure de licenciement.

Il s'ensuit que les faits en cause sont prescrits. Ils ne peuvent donc pas être invoqués seuls à l'appui du licenciement litigieux.

S'agissant du four, l'employeur impute la disparition d'un four de brasage lui appartenant 'a priori', sans le démontrer, alors que par ailleurs, M. [V] verse aux débats la facture d'achat d'un four PCE, émise à son adresse personnelle, que l'employeur ne conteste pas sérieusement, et de laquelle il ressort que M. [V] serait en réalité le propriétaire du four litigieux. Il existe donc au moins un doute quant à l'identité du propriétaire du four litigieux.

En conséquence, la Sarl Micronor ne peut en reprocher à M. [V] la disparition.

Le grief en cause n'est donc pas fondé.

Il ressort de tout ce qui précède que le licenciement de M. [V] n'est pas fondé.

Cette situation donne droit à M. [V] à percevoir une indemnité conventionnelle compensatoire de préavis avec les congés payés afférents, un rappel de salaire sur mise à pied avec les congés payés afférents, une indemnité légale de licenciement, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que compte-tenu des éléments produits aux débats les premiers juges ont exactement évalués. Ils convient donc de les confirmer sur ces chefs.

Par ailleurs, en l'absence d'éléments produits aux débats en ce sens, M. [V] ne rapporte pas la preuve de ce que le préjudice moral qu'il invoque est distinct de celui qu'il a subi du fait de la perte de son emploi que l'indemnité précédemment allouée indemnise.

Enfin, il convient de condamner la Sarl Micronor à rembourser Pôle Emploi des sommes qu'il a versées à M. [V] au titre du chômage dans la limite de 6 mois.

Le jugement déféré est donc confirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité versée à M. [V] par le Pôle Emploi.

Corrélativement, il convient de débouter la Sarl Micronor de sa demande reconventionnelle.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Dit n'y avoir lieu à écarter des débats la transcription du compte rendu des résultats des investigations menées dans le cadre d'une enquête de police à l'encontre de M. [V]

Rejette la demande de sursis à statuer

Rejette la demande de nullité

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité versée à M. [V] par le Pôle Emploi.

Statuant à nouveau sur ce chef et y ajoutant :

Condamne la Sarl Micronor à rembourser Pôle Emploi des sommes qu'il a versées à M. [C] [V] au titre du chômage dans la limite de 6 mois

Déboute la Sarl Micronor de sa demande reconventionnelle

Vu l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la Sarl Micronor à payer à M. [V] la somme de 2 000 €

La déboute de sa demande de ce chef

La condamne aux dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/10645
Date de la décision : 17/10/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°11/10645 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-17;11.10645 ?
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